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orderline<br />
officiel<br />
Tout nouveaux ou recyclés, officiels ou issus de l’underground, une série de<br />
mots a récemment fait son entrée dans <strong>le</strong> <strong>le</strong>xique musical. b THIBAUT GUILLON<br />
approchez, approchez mesdames et messieurs car aujourd’hui<br />
grande vente aux enchères. Dans quelques<br />
instants, mes deux jeunes apprentis saltimbanques vont<br />
vous présentationner des… mots”, chante La Rue Kétanou<br />
dans son morceau Les mots, en décrivant ainsi des gros, savants,<br />
d’amour ou même tabous. Ce sont plusieurs centaines<br />
de petits nouveaux que <strong>le</strong> Petit Robert 2014 accueil<strong>le</strong> quant à<br />
lui, parmi <strong>le</strong>squels “é<strong>le</strong>ctro”, “mix” et “clasher”. Déjà, l’édition<br />
2013 amenait “borderline”, qui n’avait pas attendu tout ce<br />
temps pour servir de titre à une chanson de Philippe Katerine<br />
sur l’album Robots après tout, en 2005. Au passage, on relève<br />
que la version encore antérieure dudit dictionnaire révisait sa<br />
description du “rock” et intégrait <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> “heavy metal” ainsi<br />
que l’instrument d’Afrique du Sud popularisé par la Coupe du<br />
Monde de football, <strong>le</strong> fameux “vuvuzela”.<br />
Dans ce registre et chaque année, afin de répondre notamment<br />
aux notions qui apparaissent avec <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s technologies,<br />
la Commission généra<strong>le</strong> de terminologie et de néologie<br />
voit ses recherches validées par parution au Journal Officiel.<br />
Ses mises en circulation verba<strong>le</strong>, à l’image de “platinisme”<br />
(francisation de “deejaying”) ou d’”odologie” (étude scientifique<br />
de la voix chantée), viennent ainsi enrichir la langue<br />
française. De façon officieuse, <strong>le</strong> site Internet Le dictionnaire<br />
urbain (dictionnaire-urbain.fr) permet à ses <strong>le</strong>cteurs de proposer<br />
<strong>le</strong>urs propres définitions. On y trouve une série de mots<br />
qui se refi<strong>le</strong>nt sous <strong>le</strong> manteau, à l’image de “daubstep”<br />
(fusion de “daube” et de “dubstep”) ou d’”audiogasme” : “C’est<br />
19 LONGUEUR D’ONDES N°68<br />
abecedaire<br />
savant<br />
frank michael<br />
bakelite<br />
terminologie<br />
gros<br />
odologie<br />
clasher<br />
oulapo<br />
amour<br />
katerine<br />
daubstep<br />
rock<br />
petit robert<br />
heavy metal<br />
tabous<br />
francais<br />
gainsbourg<br />
alcoolade<br />
vian<br />
platinisme<br />
vuvuzela<br />
underground<br />
La démo des mots<br />
e<strong>le</strong>ctroniquer<br />
voix<br />
MIX<br />
nichons<br />
audiogasme<br />
ce qui se passe quand ma grand-mère écoute Frank Michael,<br />
ou quand mon petit cousin néo-punk écoute la bande son<br />
d’American Pie. Un orgasme auditif.”<br />
Un esprit dans <strong>le</strong>quel œuvre l’OuLaPo, ou Ouvroir de Langue<br />
Potentiel<strong>le</strong>, considérant que “malgré <strong>le</strong>s quarante académiciens<br />
de l’Académie à Paris, il faut tout un peup<strong>le</strong> pour<br />
construire, renouve<strong>le</strong>r et faire vivre cette langue !” L’atelier<br />
innove et invite à s’approprier ses termes. On imagine alors<br />
un passage de compte-rendu de concert ainsi remasterisé :<br />
“Tandis que dans la fou<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s festivaliers se donnent l’alcoolade,<br />
<strong>le</strong> groupe sur scène, planté par son ordinateur, constate<br />
avec horreur qu’il s’est fait é<strong>le</strong>ctroniquer.” Bien sûr, ces mots<br />
n’ont que peu de chance de s’instal<strong>le</strong>r durab<strong>le</strong>ment, mais peutêtre<br />
qu’un jour, l’un d’eux sera devenu tel<strong>le</strong>ment courant que<br />
l’on en oubliera même son origine… Ces jours-ci, en entendant<br />
l’indémodab<strong>le</strong> formu<strong>le</strong> du “tube” de l’été, ayez donc une petite<br />
pensée pour Boris Vian, créateur de cette expression dans <strong>le</strong>s<br />
années 50, en écho à une chanson à succès dont <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s<br />
sonnaient creux… comme un tube ! Et comme tout ceci doit<br />
rester léger, il est bienvenu de se reporter au Dictionnaire de<br />
la mauvaise foi musica<strong>le</strong> (Éd. Chif<strong>le</strong>t et Cie) de Josselin Bordat<br />
et Basi<strong>le</strong> Farkas. Cet abécédaire décortique avec humour <strong>le</strong><br />
jargon de l’industrie du disque et des revues spécialisées. On<br />
ne résiste pas à l’envie de lâcher ici un exemp<strong>le</strong> qui surexcite<br />
avec “bakélite” : “1- Lutherie : résine utilisée pour <strong>le</strong>s plaques<br />
et boutons des guitares Fender des années 1950. 2- Serge<br />
Gainsbourg : nichons.”<br />
i<br />
neologie deejaying<br />
tube<br />
neo-punk<br />
sur <strong>le</strong> coup<br />
langue<br />
laisse béton…<br />
Un volcan s’éteint, un être<br />
s’éveil<strong>le</strong>… ou l’inverse !<br />
Si de nouveaux mots<br />
s’instal<strong>le</strong>nt, il faut bien que<br />
d’autres cèdent la place.<br />
Force est de constater que<br />
l’on a un peu avalé <strong>le</strong><br />
“mange-disque” et laissé<br />
à quai nos “baladeurs” et<br />
“walkman”, tandis que<br />
s’est évaporé <strong>le</strong> concept<br />
de la “bonus track”. Côté<br />
expressions, on a laissé<br />
tomber “laisse béton”<br />
et dérouté “en avant la<br />
musique !”. Côté sty<strong>le</strong>s,<br />
on a gobé <strong>le</strong> “gabber”, <strong>le</strong><br />
“big beat” a fondu et <strong>le</strong><br />
panneau exit clignote pour<br />
la “dance”. Mais que <strong>le</strong>s<br />
nostalgiques se rassurent,<br />
tout ceci n’est qu’un éternel<br />
recommencement…<br />
Déjà, <strong>le</strong> “voguing” redevient<br />
en vogue.