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faites autour de <strong>le</strong>ur actualité (souvent un album). Pour autant, programmer<br />
des artistes en tournée peut avoir un effet contre-performant, puisque<br />
<strong>le</strong> public a une probabilité importante d’avoir déjà vu l’artiste récemment.<br />
Pour <strong>le</strong>s programmateurs, Il faut donc chercher à maximiser une dia<strong>le</strong>ctique<br />
entre tendance du moment et singularité.<br />
Le crowdfunding (l’élaboration par <strong>le</strong> public de la programmation,<br />
<strong>le</strong> financement d’un projet en fonction de<br />
son intérêt par des individus, par exemp<strong>le</strong> internautes),<br />
peut-el<strong>le</strong> favoriser la pluralité ?<br />
Tout dépend de quel acteur de la filière on par<strong>le</strong>. Il est certain que, dans un<br />
contexte où l’on recherche des sources de financement et à mieux connaître<br />
<strong>le</strong>s fans d’un artiste, <strong>le</strong> crowfunding a ses avantages. Nous avons même<br />
rencontré des col<strong>le</strong>ctivités qui finançaient des animateurs missionnés pour<br />
aider <strong>le</strong>s artistes à monter des projets de crowdfunding… Conçu au départ<br />
comme un moyen de mettre en relation artiste et public, il intéresse doré-<br />
navant des acteurs intermédiaires comme <strong>le</strong>s sal<strong>le</strong>s de spectac<strong>le</strong>s qui veu<strong>le</strong>nt<br />
bien accueillir des artistes débutants s’ils ont la garantie que <strong>le</strong> public<br />
viendra. Cela attire aussi des producteurs cherchant à monter une tournée.<br />
Le crowdfunding va s’instal<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> paysage, même si <strong>le</strong>s formes de modè<strong>le</strong>s<br />
économiques stabilisés se révé<strong>le</strong>ront peut être différentes.<br />
La collaboration entre monde privé et associatif est-el<strong>le</strong><br />
gagnante pour ces derniers en <strong>le</strong>ur permettant notamment<br />
de programmer certains artistes cotés ou bien<br />
cela ne risque-t-il pas plutôt favoriser <strong>le</strong> formatage<br />
des affiches et priver des artistes moins “bankab<strong>le</strong>s”<br />
d’opportunités de jouer ?<br />
La collaboration entre acteurs privés et monde associatif peut être<br />
gagnante ; par exemp<strong>le</strong>, pour un artiste qui commence dans <strong>le</strong> milieu<br />
associatif avant d’être pris en main lorsque sa notoriété augmente par des<br />
entreprises privées, qui peuvent investir davantage et prendre des risques.<br />
Originaire de Nantes, j’y ai constaté cela pour Hocus Pocus, Jeanne Cherhal<br />
ou Katerine. Par ail<strong>le</strong>urs, l’enquête montre que <strong>le</strong>s associations et <strong>le</strong>s<br />
sociétés à but lucratif ne sont pas réparties éga<strong>le</strong>ment dans la filière. Les<br />
acteurs privés sont plus nombreux du côté de la production, <strong>le</strong>s assos sont<br />
plus présentes en aval, du côté de la diffusion. Cette répartition des rô<strong>le</strong>s<br />
favorise la collaboration. Cependant, la logique n’est souvent pas la même<br />
entre <strong>le</strong>s acteurs privés et <strong>le</strong>s acteurs associatifs qui revendiquent parfois<br />
une utilité socia<strong>le</strong> et une démarche, l’économie comme moyen plutôt que<br />
l’économie comme fin. L’antagonisme entre visions du monde peut amener<br />
de ce fait à des déceptions. On <strong>le</strong> voit par exemp<strong>le</strong> quand des associations<br />
accompagnent des artistes et <strong>le</strong>s aident à se développer (production, résidences)<br />
et que ce sont des structures privées qui en tirent <strong>le</strong>s bénéfices.<br />
37 LONGUEUR D’ONDES N°68<br />
« Plus de 95%<br />
des festivals<br />
sont sous statut<br />
associatif. »<br />
Les petites structures organisatrices de concerts<br />
favorisent l’émergence et <strong>le</strong>s pratiques amateures,<br />
pas forcément en quête de giga succès commercial.<br />
En outre, nombre de ces contributions étant bénévo<strong>le</strong>s,<br />
el<strong>le</strong>s ne sont pas comptabilisées économiquement, mais<br />
participent pourtant indirectement au développement<br />
économique (<strong>le</strong>s externalités positives selon des<br />
économistes) et à l’harmonie sociéta<strong>le</strong>.<br />
Tout dépend des priorités que se donnent un territoire et ses représentants<br />
politiques. Je donnerais deux exemp<strong>le</strong>s. Guy Saez de l’observatoire des politiques<br />
culturel<strong>le</strong>s de Grenob<strong>le</strong> par<strong>le</strong> de “vil<strong>le</strong> créative” vs “vil<strong>le</strong> participative”.<br />
La vil<strong>le</strong> créative, c’est un concept à la mode, issu notamment des<br />
travaux du géographe Richard Florida. Ce dernier estime que ce sont <strong>le</strong>s<br />
activités culturel<strong>le</strong>s, “créatives” qui tirent économiquement un territoire,<br />
notamment parce qu’el<strong>le</strong>s lui donnent une bonne image et attirent alors<br />
des travail<strong>le</strong>urs qualifiés (“vil<strong>le</strong> gagnante”). Mais la vil<strong>le</strong> créative pose aussi<br />
des problèmes de solidarité en favorisant “<strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs créatifs” plutôt<br />
que l’aide socia<strong>le</strong>. Un autre exemp<strong>le</strong> est celui de l’utilité socia<strong>le</strong> par rapport<br />
à l’intérêt général. L’économiste Jean Gadrey montre à quel point ce<br />
concept est protéiforme. L’utilité socia<strong>le</strong> qui cherche à défendre un groupe<br />
ou une communauté minoritaire ou dominée, n’abonde pas toujours dans<br />
<strong>le</strong> sens de l’intérêt général. Il faut donc faire des choix. L’autre élément<br />
concerne l’amateurisme vs <strong>le</strong> professionnalisme, pas bien délimités pour<br />
<strong>le</strong>s activités artistiques.<br />
Quel soutien apporter aux petites structures, dont <strong>le</strong>s<br />
prix bas favorisent l’émergence des artistes, la pluralité<br />
de la culture et des publics ? Beaucoup d’aides financières<br />
ne sont en effet pas accessib<strong>le</strong>s aux micro-structures<br />
car <strong>le</strong>s contraintes sont trop lourdes, notamment<br />
administratives (justificatifs, délais, etc.). Vous appe<strong>le</strong>z à<br />
une redistribution des cartes ?<br />
C’est peut-être l’enseignement du livre. Il faut voir où se situe la structure<br />
dans la filière et aussi son statut. Le récent dispositif adopté à titre expérimental<br />
dans la région Pays de la Loire pour <strong>le</strong>s cafés cultures par exemp<strong>le</strong>,<br />
qui permet une exonération des cotisations patrona<strong>le</strong>s lorsque <strong>le</strong>s<br />
structures embauchent des intermittents du spectac<strong>le</strong>, est une mesure<br />
origina<strong>le</strong> qui peut favoriser la diversité culturel<strong>le</strong>. On n’y pense pourtant<br />
pas a priori en premier lieu car <strong>le</strong>s cafés-concerts sont des structures privées,<br />
bien souvent des TPE, mais el<strong>le</strong>s ont un rô<strong>le</strong> moteur au sein des<br />
scènes loca<strong>le</strong>s.<br />
i<br />
l’intégralité de l’entretien sur<br />
www.longueurdondes.com<br />
“musiques actuel<strong>le</strong>s : ça part en live” (Irma / DEPS)<br />
Cet ouvrage, co-écrit par <strong>le</strong> sociologue Gérôme Guibert et l’écono<br />
miste Dominique Sagot-Duvauroux, est à la fois un état des lieux et<br />
un guide du futur organisateur de concerts. Il analyse <strong>le</strong>s mutations<br />
du spectac<strong>le</strong> vivant après la baisse des retombées financières de l’industrie phonographique.<br />
À lire aussi, <strong>le</strong>s particularités anglo-saxonnes et françaises dans l’organisation de la<br />
filière. “Ça part” aussi sur <strong>le</strong>s notions juridiques, pour tout savoir des différents contrats<br />
liant artistes et organisateurs. Montrant l’interaction entre <strong>le</strong>s différents acteurs de la filière<br />
(petits et grands), <strong>le</strong>s auteurs appel<strong>le</strong>nt à juste titre à une redistribution des cartes, à<br />
une meil<strong>le</strong>ure répartition des aides. Après <strong>le</strong> diagnostic, place aux mesures et propositions<br />
de l’ensemb<strong>le</strong> des acteurs concernés ?