28 LONGUEUR D’ONDES N°68
l’industrie cou<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s fuites se multiplient Leak ? Comme dans WikiLeaks. “Fuite” en anglais, un mot tristement à la mode. Ou comment un artiste voit son album se faire pirater avant sa sortie officiel<strong>le</strong>. U2, Will.i.am, Phoenix, Daft Punk, Booba… Ils sont de plus en plus nombreux à être concernés. Alors, réel<strong>le</strong> menace ou tentative de buzz ? b SAMUEL DEGASNE, YOLAINE MAUDET & JÉRÉMY BIGNON | . FLORENT CHOFFEL la fuite d’un album ? Une réalité devenue banalité et à laquel<strong>le</strong> on ne prête plus trop attention. Presque du comique de répétition. D’autant que la forme est chaque fois différente : problème technique d’iTunes pour <strong>le</strong>s groupes Bon Iver et The Raconteurs (Jack White), mise en vente précoce du dernier U2, transfert de fichiers sur <strong>le</strong>s réseaux sociaux pour Carla Bruni et Christophe Wil<strong>le</strong>m, vol d’ordinateur portab<strong>le</strong> pour Jai Paul (ironie du sort, et face au buzz enthousiaste, <strong>le</strong> chanteur révé<strong>le</strong>ra qu’il ne s’agit que de chansons non terminées…), voire de maquettes pour <strong>le</strong> chanteur des Black Eyed Peas (Will.i.am ira jusqu’à retourner en studio pour tout réenregistrer)… Aucun sty<strong>le</strong> n’est épargné. Cas unique, <strong>le</strong> dernier Daft Punk cumu<strong>le</strong> plusieurs axes : rareté de l’information pour faire monter <strong>le</strong>s enchères, remixes réalisés à partir de samp<strong>le</strong>s, sing<strong>le</strong> (puis fina<strong>le</strong>ment l’album) piraté, explosion des reprises et parodies… La bouc<strong>le</strong> est bouclée pour <strong>le</strong> duo croyant pouvoir maîtriser <strong>le</strong> timing de diffusion. 29 LONGUEUR D’ONDES N°68 mode de consommation La raison est simp<strong>le</strong> : Internet a modifié notre rapport à la musique. Une étude du ministère de la Culture montre d’ail<strong>le</strong>urs que la tranche des 25- 39 ans, qui écoute de la musique tous <strong>le</strong>s jours et hors radio, est passée de 19%, en 1973, à 70% en 2008. En dématérialisant la musique, nous l’avons rendue plus accessib<strong>le</strong>, plus nomade et interactive (vidéo / son), mais c’est éga<strong>le</strong>ment une désacralisation de l’objet qui s’est opérée. Devenus boulimiques de l’actualité, nous réservons <strong>le</strong> même traitement à la musique : une course contre la montre (officiel<strong>le</strong>) qui a nécessité la naissance du blog Has It Leaked ?, histoire de vérifier qui a fuité. Pure vengeance de l’internaute ou nouvel espace de liberté ? Le problème est plus comp<strong>le</strong>xe et même La Quadrature du Net - association de défense des droits et libertés des internautes - semb<strong>le</strong> rejeter la méthode. Même discours chez James dossier Murphy : <strong>le</strong> chanteur de LCD Soundsystem n’a eu aucun problème avec <strong>le</strong> <strong>le</strong>ak qui <strong>le</strong> concernait. Seul <strong>le</strong> choix d’une temporalité imposée par autrui l’a gêné. Tous apprentis pirates ? La faute aux sorties différées suivant <strong>le</strong>s pays, la difficulté à voir émerger une offre globa<strong>le</strong> et claire, accessib<strong>le</strong> dans tous <strong>le</strong>s formats, adaptab<strong>le</strong> aux différents supports, avec un prix attractif et un catalogue exhaustif, une mise en ligne rapide des morceaux… Le parcours du téléchargement payant relève de celui du combattant. Assez, en tout cas, pour que <strong>le</strong> blog J’voulais pas pirater recense <strong>le</strong>s difficultés à choisir la légalité. Et encore, nous ne parlons que d’utilisateurs ayant accès à la technologie. Quid des seniors ou des catégories socia<strong>le</strong>s précaires ? Pour Guillaume Deziel (manager de Misteur Valaire, groupe ayant mis gratuitement son premier album en téléchargement), il faut évidemment distinguer plusieurs profils : “60% veu<strong>le</strong>nt du tout gratuit, que ce soit à travers <strong>le</strong> partage illégal de fichiers sur un serveur (35%), l’écoute en ligne (25%) ou <strong>le</strong> “pay what you want” à 0 €. Ceux qui choisissent de payer représentent 13% des consommateurs, repartis entre iTunes (6,5%) ou l’achat en format physique (20%, dont 1,8% en viny<strong>le</strong>).” Au vu des chiffres, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ak ne contenterait qu’une faib<strong>le</strong> part de consommateurs. David Picard, <strong>le</strong> responsab<strong>le</strong> web d’iWelcom (agence de promotion d’Horace Andy, Pierpoljak, Keny Arkana), estime, lui, que “avant même l’arrivée d’Internet, on pouvait trouver des albums de promotion en vente chez des disquaires parisiens. Le phénomène du piratage a toujours existé, même s’il était moins en amont avec <strong>le</strong>s copies de CD ou cassettes.” Idem pour Arnold, animateur à Ouï FM, qui pense que c’est davantage une attaque contre la forme que sur <strong>le</strong> fond : “S’il y a arrogance de la part de l’internaute, e