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LA MÉMOIRE<br />

Jena assise à quelques mètres du petit groupe d’enfants, donnait<br />

<strong>le</strong> sein à un nouveau-né : son nouveau-né. Bien des années<br />

s’étaient écoulées et el<strong>le</strong> écoutait comme <strong>le</strong>s enfants <strong>le</strong> récit captivant<br />

de la vieil<strong>le</strong> qui rappelait chaque soir comment <strong>le</strong>s femmes<br />

s’étaient sou<strong>le</strong>vées contre <strong>le</strong>s tyrans ; comment el<strong>le</strong>s avaient profité<br />

d’une fête, une nuit, pour s’introduire dans la Cité par <strong>le</strong>s<br />

conduits du cloaque ; comment el<strong>le</strong>s avaient réussi à en bloquer<br />

l’ouverture, permettant à des milliers de rats affamés de se ruer<br />

dans la vil<strong>le</strong>, comment, dans la panique <strong>le</strong> feu s’était déc<strong>le</strong>nché,<br />

dévorant tout jusqu’aux premières lueurs du jour, d’un jour qui<br />

semblait mettre du temps à venir, annonçant des années de labeur<br />

avant <strong>le</strong> bonheur tant attendu.<br />

Lentement, <strong>le</strong>s femmes avaient appris à forger des outils, à<br />

construire des habitations, à creuser et à entretenir des canaux,<br />

à veil<strong>le</strong>r sur <strong>le</strong>ur source, à garder <strong>le</strong>ur précieux puits, à cultiver,<br />

à moissonner, à engranger sans plus se confier à des semeurs de<br />

vent. Bien sûr <strong>le</strong>s femmes n’avaient rien de forgerons, ni de<br />

maçons, ou de charpentiers. Bien sûr, el<strong>le</strong>s s’essuyaient souvent<br />

<strong>le</strong> front à déblayer <strong>le</strong> village des amas de pierre et de ferrail<strong>le</strong> ;<br />

el<strong>le</strong>s s’essoufflaient à marte<strong>le</strong>r <strong>le</strong> fer sorti des braises rougeoyantes ;<br />

el<strong>le</strong>s se couvraient de boue à fabriquer des briques de terre et de<br />

pail<strong>le</strong> ; el<strong>le</strong>s tremblaient en grimpant sur des échel<strong>le</strong>s parfois brinquebalantes<br />

pour achever <strong>le</strong>s toitures ; el<strong>le</strong>s s’acharnaient dans<br />

la poussière à labourer cette terre inculte ; el<strong>le</strong>s s’épuisaient à<br />

semer, planter, arroser ; el<strong>le</strong>s s’impatientaient devant <strong>le</strong>s premiers<br />

germes en rêvant à des récoltes abondantes. Et au coucher du<br />

so<strong>le</strong>il, lorsque <strong>le</strong> ciel déployait son rideau d’étoi<strong>le</strong>s, el<strong>le</strong>s s’écroulaient<br />

de fatigue et s’endormaient <strong>le</strong>s mains craquelées et <strong>le</strong>s reins<br />

chargés de dou<strong>le</strong>ur … El<strong>le</strong>s avaient ainsi nettoyé <strong>le</strong>s plaies de la<br />

communauté, pansé ses b<strong>le</strong>ssures en espérant que <strong>le</strong>s cicatrices<br />

s’estomperaient rapidement.<br />

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