Edition du 8 juillet 2000

SAMEDI 8 JUILLET 2000 SPORTS 26
Cyclisme Agnolutto s’impose
au terme d’une folle échappée
Le Français Christophe
Agnulotto, vainqueur de la
boucle helvétique en 1997,
s’impose en solitaire à Limoges
au terme d’une
échappée de 128 kilomètres.
Le peloton et les
favoris n’ont pas bougé.
De notre envoyé spécial
Christian Michellod/ROC
Il n’est pas star. Les étoiles
brillent dans ses yeux, mais la
parade, le chichi, la forfanterie,
l’exhibitionnisme ne composent
pas son dictionnaire
des sentiments. Au contraire.
Christophe Agnolutto, premier
Français vainqueur
d’une étape du Tour de France
depuis deux ans, succède à
Jacky Durand, qui gagna à
Montauban, à la même septième
étape. Une victoire
belle, parce qu’arrachée au
terme d’une échappée de 128
kilomètres, «en suisse»
comme on dit de quelqu’un
qui boit en solitaire. Solitude.
Ce trentenaire, passé professionnel
sur le tard, en est un
adepte particulier. Un de ces
hommes renfermés comme
une huître, qui se découvre
pourtant perle lorsqu’il s’extraie
de sa carapace et qu’il
échappe au peloton, trop
grande famille pour un être affectionnant
de rouler dans son
coin, hier contre un vent latéral
et des averses giclant son
visage tendu vers l’effort et la
victoire. Son succès ne bouleverse
pas le Tour. Mais il replace
au jour de gloire un coureur
qu’une certaine presse,
même française, avait plus
tendance à prendre pour un tocard
que pour un opiniâtre
chercheur d’éclat. Pan sur la
plume!
Le roi du pied-de-nez
Victoire «en suisse», disaiton.
L’allusion n’est pas inopportune.
Sur les cinq succès de
sa carrière entamée en 1996,
Agnolutto en avait récolté trois
dans notre helvétique pays.
Son nom, accentué d’italien
pour un grand-père né dans le
Patience et volonté
La confiance actuelle de
Christophe Agnolutto correspond
à celle du directeur
sportif d’AG2R. «Depuis une
année, il attaque. Au dernier
Dauphiné libéré, Christophe
fut dans tous les
coups. Sans jamais réussir.
Lourdes approche. Il n’y a
donc pas de miracle sur
les routes de France. Le
surplomb montagneux de
la sainte ville occupe de
plus en plus les esprits.
Tue certainement quelques
fourmis glissant sur
les jambes rasées des coureurs.
Hautacam, programmé
lundi, se transforme
en économiseur d’énergie.
Celle qu’il ne faut
pas dépenser.
Avant l’heure H. Avant le
jour J. Les Telekom ont certes
souvent mené le bal pelotonné
dans les forêts limousines.
Histoire de jouer la carte Zabel,
trente ans hier, au cas où
Agnolutto faiblirait sur le final
et qu’un sprint désignerait le
vainqueur. Il n’en fut donc
rien, avec ce Français têtu
comme une mule toujours en
chaleur. Tant pis. Tant mieux
pour Alberto Elli, un des plus
anciens coureurs du peloton,
qui poursuit son bonhomme
de chemin et son onzième
Tour de France avec un maillot
jaune qui réjouit la caravane.
«C’est vraiment sympa. Quasiment
tous les gars sont venus
me féliciter. Jeudi soir, on a sablé
le champagne. Mais pas
trop. Hier, la journée s’est dé-
Christophe Agnolutto peut savourer sa belle victoire. photo Keystone
Son tour est venu» apprécie
Vincent Lavenu. Ce sont là,
aussi et encore, deux caractéristiques
de la personnalité
du Français: la patience
et la volonté. Il était
une foi...
MIC/ROC
Frioul, apparut sur les tabelles
cyclistes, il y a trois ans, lorsqu’uneinterminable
fugue, identique
à celle de hier,
le projeta à la tête
du Tour de Suisse
qu’il finit par remporter
à la barbe du
favori Camenzind.
Ce jour-là déjà, la
joie naquit d’une longue
échappée solitaire, calque parfait
d’un accouchement dans la
douleur, salaire de la sueur au
bout de l’effort. Le monde du
vélo, cruel parfois, rit de cette
nique, pied-de-nez magistral
d’un inconnu qui s’illustra
pour avoir quitté un peloton
méprisant son culot. «Depuis
là, tout est devenu plus difficile.
On ne me laisse plus partir
facilement. Je me bats toujours
dans ce sens. Je cherche toujours
à attaquer. A partir seul.
Alberto Elli «Je ne ressens
pas de pression particulière»
roulée dans le calme. Sans problèmes.
Je suis étonné: je ne
ressens même pas une pression
particulière.»
L’avantage de l’âge
L’Italien a pour lui l’avantage
de l’âge. Qui signifie
expérience. Un élément important
dans la gestion men-
tale «de la plus belle course du
monde.» Qui reçut un coup de
jeune avec David Millar, les
trois premiers jours, et qui a
un «vieux» dans le coup avec
Alberto Elli, quelques étapes
plus tard. Le Tour a le cœur si
large que chacun peut y trouver
sa place.
MIC/ROC
Leader du classement général du Tour de France, Alberto
Elli a connu une journée calme lors de la septième
étape entre Tours et Limoges. photo Keystone
Pourquoi ? Parce que je ne suis
pas un sprinter. Bien sûr, ça ne
marche pas souvent.
Mais quand je
gagne, mes victoires
sont belles.»
Comme celle qu’il
remporta, à
Genève, au Tour de
Romandie 1998.
Encore chez nous,
encore en Suisse. Enfin en
France!
Il est sain, Christophe
Dans l’ultime kilomètre,
flamme rouge éteinte pour lui,
Agnolutto savoura. Un seul
geste vers le public, puis des
bras levés au ciel de son plaisir.
Mais avant, sur ce bitume
défilant ses lignes blanches et
alternant sécheresse et humidité,
sain Christophe passa
son temps à rouler vite. «Je
pensais à ma famille, à mon
Septième étape, Tours-Limoges,
205,5 km: 1. Agnolutto
(Fr-AG2R Prevoyance) 5 h 11’41’’
(39,55 km/h), bonification 20’’.
2. Wüst (All) à 1’11’’, bon. 12’’.
3. Zabel (All), bon. 8’’. 4. Vainsteins
(Let). 5. Zoran Klemencic
(Sln). 6. Bettini (It). 7. Koerts
(Ho). 8. Zanini (It). 9. Casani (It).
10. Magnusson (Su). 11. Aust
(Est). 12. Mattan (Be). 13. Hinault
(Fr). 14. Mori (It). 15. Mengin
(Fr). 16. Magnien (Fr). 17.
Hamburger (Dan). 18. Bortolami
(It). 19. Chanteur (Fr). 20. Armstrong
(EU). Puis: 22. Pantani
(It). 24. Dufaux (S). 26. L. Jalabert
(Fr). 37. Virenque (Fr). 41.
Ullrich (All). 48. Zülle (S). 59.
Elli (It). 63. Vandenbroucke (Be).
73. Olano (Esp). 96. Escartin
(Esp). 109. Atienza (Esp-S). 110.
R. Meier (S). 123. Montgomery
(S). 132. A. Meier (S). 151. Zberg
(S) tous même temps.
Classement général: 1. Elli (It)
24 h 11’32’’. 2. Gougot (Fr) à 12’’.
3. Wauters (Be) à 17’’. 4. Chanteur
(Fr) à 2’56’’. 5. Arrieta (Esp) à
3’08’’. 6. Durand (Fr) à 3’21’’. 7.
Commesso (It) à 3’52’’. 8. Knaven
(Ho) à 4’31’’. 9. Piziks (Lit) à
4’38’’. 10. L. Jalabert (Fr) à
5’40’’. 11. Canada (Esp) à 5’52’’.
12. Armstrong (EU) à 5’54’’. 13.
Olano (Esp) à 6’13’’. 14. Magnien
(Fr) à 6’17’’. 15. Ekimov (Rus) à
6’23’’. 16. N. Jalabert (Fr) à
6’29’’. 17. Gutierrez (Esp) m.t. 18.
Luttenberger (Aut) à 6’31’’. 19.
Serrano (Esp) à 6’32’’. 20. Pena
(Esp) à 6’34’’. Puis: 22. Ullrich
(All) à 6’37’’. 46. Vandenbroucke
(Be) à 9’06’’. 51. Agnolutto (Fr) à
9’21’’. 58. Zberg (S) à 9’41’’. 62.
R. Meier (S) à 9’51’’. 64. Zülle (S)
à 9’59’’. 80. Pantani (It) à 11’06’’.
89. Virenque (Fr) à 11’26’’. 98. Es-
CLASSEMENTS
père, à ma femme Mélanie et à
ma fille Mélissa. Il faut bien
s’occuper, non ?» Oui. Car la
route fut longue, vallonnée,
ventée pour cet homme de
tous les défis impossibles.
«Deux choses. Je savais que les
Telekom du maillot jaune laisseraient
partir une échappée.
Plus tard, vu la configuration
de la fin du parcours vers Limoges,
je pensais que les
équipes de sprinters ne chercheraient
pas à rouler. A trois
kilomètres de l’arrivée, j’étais
sûr de moi.» MIC/ROC
au Tour de France
avec le soutien de
cartin (Esp) à 11’56’’. 106. Dufaux
(S) à 12’05’’. 121. A. Meier (S) à
12’47’’. 135. Montgomery (S) à
13’17’’. 170. Atienza (Esp-S) à
28’07’’.
Points: 1. Wüst (All) 133
points. 2. Zabel (All) 130. 3. Steels
(Be) 100. 4. Koerts (Ho) 87. 5.
Vainsteins (Let) 82. 6. Magnien
(Fr) 69. Puis: 15. Zberg (S) 45.
Meilleur grimpeur: 1. Bettini
(It) 16. 2. Demarbaix (Be) 10. 3.
Zberg (S) 8. 4. Agnolutto (Fr), Durand
(Fr), Wüst (All) et Virenque
(Fr) 5.
Equipes: 1. Rabobank 72 h
36’31’’). 2. Telekom à 12’06’’. 3.
Crédit Agricole à 13’08’’. 4. Once
à 15’40’’. 5. US Postal à 16’45’’. 6.
AG2R à 20’14’’. 8. Banesto à
21’55’’. 11. Saeco à 25’22’’. /si
LIMOGES - VILLENEUVE-
SUR-LOT (203,5 km)
(Huitième étape)
Un début d’étape relativement
accidenté pourrait bien faire
monter la cote des baroudeurs,
qui trouveront un terrain à leur
convenance avec un béquet de
3e catégorie en ouverture (côte
de Petit Puy-Mathieu, km 11)
suivi de deux côtes de 4e catégorie
(Hautefort, km 70, et La Bachellerie,
km 85). La dernière
difficulté du jour (côte de Monflanquin,
4e catégorie, km 185),
située à 18 km de l’arrivée, ne
sera pas un juge de paix si le peloton
s’en vient groupé lui chatouiller
les pieds. /ptu
LA LÉGENDE DU TOUR
VILLENEUVE-
SUR-LOT
(1996)
L’étape: l’Italien Massimo
Podenzana s’impose à Villeneuve-sur-Lot
(15e étape) à l’occasion
de la première arrivée du
Tour dans cette ville.
Le déroulement du Tour:
leader après sa victoire à Sestrières,
Bjarne Riis gagne définitivement
le Tour à Lourdes/Hautacam.
Richard Virenque décroche
son troisième titre consécutif
de meilleur grimpeur. L’Espagnol
Miguel Indurain est battu
après cinq succès de rang dans
la Grande Boucle.
Le tiercé final: 1. Riis (Dan).
2. Ullrich (All) à 1’41’’. 3. Virenque
(Fr) à 4’37’’.
L’anecdote: en raison de la
neige, la grande étape alpestre
Val-d’Isère - Sestrières est réduite
à 46 km. Départ à Monestier-les-Bains,
suppression de
l’Iseran (2770 m) et du Galibier
(2645 m). PTU/ROC
FOND DE TERROIR
Ville: Villeneuve-sur-Lot
(24.000 habitants, Villeneuvois).
Département: Lot-et-Garonne.
Région: Aquitaine.
L’histoire: capitale de la vallée
du Lot, cette ville typique du Sud-
Ouest jouit d’une situation géographique
privilégiée aux confins
du Périgord et du Gers. A l’image
des cités fortifiées construites
dans cette région durant les
guerres franco-anglaises, elle a
été édifiée selon un plan régulier
autour d’une place à arcades. Villeneuve-sur-Lot
conserve de remarquables
vestiges gallo-romains,
mais aussi de belles maisons
médiévales à colombages.
C’est la capitale de la prune. Le
pruneau dit d’Agen est cultivé autour
de la ville.
A voir: tours jumelles de Paris
et Pujols, vestiges des remparts
qui défendaient la ville au 14e
siècle, Pont-Vieux aux arches inégales,
construit par les Anglais
au 13e siècle.
A boire et à manger: omelettes
aux truffes et aux cèpes,
foies gras, confits de canard,
fraises du Périgord, pruneaux
d’Agen, Monbazillac, Bergerac,
Côtes de Buzet. PTU/ROC
AUJOURD’HUI... ET DEMAIN
AGEN - DAX (181 km)
(Neuvième étape)
Cette étape était soulignée
dans nos agendas (on peut
rire, non?) comme étant le
paillasson de la grande étape
pyrénéennes de lundi. Les
coureurs en profiteront pour
se dégourdir les jambes et s’essuyer
les pieds. Ne les cherchez
pas, les candidats au podium
seront invisibles toute la
journée. Les fesses bien calées
sur leur selle, mais la tête
ailleurs. La côte de Montaut
(4e catégorie, km 143) ne devrait
pas jeter les sprinters
par-dessus bord. /ptu