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Position et production de l'artiste dans un contexte périurbain - Blog

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POSITION ET PRODUCTION DE L’ARTISTE DANS UN CONTEXTE PERIURBAIN<br />

passé y dort, comme <strong>dans</strong> les gestes quotidiens du marcher, du manger, du coucher, où sommeillent<br />

<strong>de</strong>s révolutions anciennes. Le souvenir est seulement <strong>un</strong> prince charmant <strong>de</strong> passage, qui réveille, <strong>un</strong><br />

moment, les Belle-au-bois-dormant <strong>de</strong> nos histoires sans paroles. “Ici, c'était <strong>un</strong>e boulangerie”; “c'est<br />

là qu'habitait la mère Dupuis”. Frappe ici le fait que les lieux vécus sont comme <strong>de</strong>s présences<br />

d'absences. Ce qui se montre désigne ce qui n'est plus: “vous voyez, ici il y avait...”, mais cela ne se<br />

voit plus. Les démonstratifs disent du visible ses invisibles i<strong>de</strong>ntités: c'est la définition même du lieu, en<br />

eff<strong>et</strong>, que d'être ces séries <strong>de</strong> déplacements <strong>et</strong> d'eff<strong>et</strong>s entre les strates morcelées qui le composent <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> jouer sur ces mouvantes épaisseurs. [...] Les lieux sont <strong>de</strong>s histoires fragmentaires <strong>et</strong> repliées, <strong>de</strong>s<br />

passés volés à la lisibilité par autrui, <strong>de</strong>s temps empilés qui peuvent se déplier mais qui sont là plutôt<br />

comme <strong>de</strong>s récits en attente <strong>et</strong> restent à l'état <strong>de</strong> rébus, enfin <strong>de</strong>s symbolisations enkystées <strong>dans</strong> la<br />

douleur ou le plaisir du corps. “Je m'aime bien ici”: c'est <strong>un</strong>e pratique <strong>de</strong> l'espace que ce bien-être en<br />

r<strong>et</strong>rait sur le langage où il se trace, <strong>un</strong> instant, comme <strong>un</strong> éclat. ”<br />

Michel <strong>de</strong> Certeau, L’invention du quotidien, pp. 161-163.<br />

Le récit est lié à <strong>un</strong>e pratique <strong>de</strong> l’espace, <strong>un</strong> déplacement. Il invente <strong>un</strong>e trajectoire, <strong>un</strong> voyage, il m<strong>et</strong><br />

en mouvement <strong>et</strong> celui qui raconte <strong>et</strong> celui qui écoute.<br />

“ Tout récit est <strong>un</strong> récit <strong>de</strong> voyage, – <strong>un</strong>e pratique <strong>de</strong> l'espace. A ce titre, il intéresse les tactiques<br />

quotidiennes, il en fait partie, <strong>de</strong>puis l'abécédaire <strong>de</strong> l'indication spatiale (“c'est à droite” “prenez à<br />

gauche”), amorce d'<strong>un</strong> récit dont les pas écrivent la suite, jusqu'aux “nouvelles” <strong>de</strong> chaque jour<br />

(“Devine qui j'ai rencontré chez le boulanger?”), au “journal” télévisé (“Téhéran: Khomeiny <strong>de</strong> plus en<br />

plus isolé…”), aux légen<strong>de</strong>s (les Cendrillon <strong>dans</strong> les chaumières) <strong>et</strong> aux histoires contées (souvenirs <strong>et</strong><br />

romans <strong>de</strong>s pays étrangers ou <strong>de</strong> passés plus ou moins lointains). Ces aventures narrées, qui tout à la<br />

fois produisent <strong>de</strong>s géographies d'actions <strong>et</strong> dérivent <strong>dans</strong> les lieux comm<strong>un</strong>s d'<strong>un</strong> ordre, ne<br />

constituent pas seulement <strong>un</strong> “supplément” aux énonciations piétonnières <strong>et</strong> aux rhétoriques<br />

cheminatoires. Elles ne se contentent pas <strong>de</strong> les déplacer <strong>et</strong> transposer <strong>dans</strong> le champ du langage. En<br />

fait, elles organisent les marches. Elles font le voyage, avant ou pendant que les pieds l'exécutent ”<br />

Sans le récit, le lieu s’obscurcit, <strong>de</strong>vient opaque, inhabitable :<br />

Michel <strong>de</strong> Certeau, L’invention du quotidien, p. 171.<br />

“ Réciproquement, là où les récits disparaissent (ou bien se dégra<strong>de</strong>nt en obj<strong>et</strong>s muséographiques), il y<br />

a perte d'espace: privé <strong>de</strong> narration (comme on le constate tantôt en ville, tantôt à la campagne), le<br />

groupe ou l'individu régresse vers l'expérience, inquiétante, fataliste, d'<strong>un</strong>e totalité informe, indistincte,<br />

nocturne. A envisager le rôle du récit <strong>dans</strong> la délimitation, on peut y reconnaître tout d'abord la<br />

fonction première d'autoriser l'établissement, le déplacement ou le dépassement <strong>de</strong>s limites, <strong>et</strong>, par<br />

voie <strong>de</strong> conséquence, fonctionnant <strong>dans</strong> le champ clos du discours, l'opposition <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mouvements<br />

qui se croisent (poser <strong>et</strong> passer la limite) <strong>de</strong> manière à faire du récit <strong>un</strong>e sorte <strong>de</strong> grille <strong>de</strong> “mots<br />

croisés” (<strong>un</strong> quadrillage dynamique <strong>de</strong> l'espace) <strong>et</strong> dont la frontière <strong>et</strong> le pont semblent les figures<br />

narratives essentielles. ”<br />

L’anthropologue <strong>et</strong> le récit<br />

Michel <strong>de</strong> Certeau, L’invention du quotidien, p. 182.<br />

Si l’artiste, l’écrivain, l’habitant créent <strong>et</strong> transm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong>s récits sur les lieux, les ren<strong>de</strong>nt habitables par la fable, les<br />

anthropologues eux-aussi, sont <strong>de</strong>s inventeurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s révélateurs d’histoires oubliées :<br />

Proj<strong>et</strong> DORE – ECAV, 2001 28

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