POSITION ET PRODUCTION DE L’ARTISTE DANS UN CONTEXTE PERIURBAIN Claire <strong>de</strong> Ribaupierre, docteur ès L<strong>et</strong>tres, responsable <strong>de</strong> l’Unité <strong>de</strong> recherches contemporaines <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Lausanne Marie Sacconi, artiste, diplômée en arts visuels, professeur <strong>de</strong> Volume, Art & Espace public à l’ECAV, Maximilien Urfer, artiste, diplômé en arts visuels, assistant <strong>de</strong> Néjib Jaouadi Jean-Michel Baconnier, Dolores Borrini-Mas, Carole Da Campo, Sandra Chevalley, Lou-Charlotte Clivaz, Juliane Neiva, étudiants du cours <strong>de</strong> vidéo <strong>de</strong> Néjib Jaouadi 4. Les partenaires Partenaires institutionnels Unité <strong>de</strong> recherches contemporaines <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Lausanne École supérieure d’informatique <strong>de</strong> gestion, HEVs Partenaires <strong>de</strong> terrain Sierre Région, Association pour le développement <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> Sierre Société <strong>de</strong> développement <strong>de</strong> Sierre, Salgesh <strong>et</strong> environs Proj<strong>et</strong> DORE – ECAV, 2001 4
5. Recherche théorique POSITION ET PRODUCTION DE L’ARTISTE DANS UN CONTEXTE PERIURBAIN Le travail <strong>de</strong> recherche <strong>et</strong> l’approche théoriques se sont frayés peu à peu <strong>un</strong> chemin <strong>dans</strong> le vaste chantier auquel nous avions décidé <strong>de</strong> travailler collectivement, sur le thème <strong>de</strong> la périphérie <strong>et</strong> d’<strong>un</strong> <strong>contexte</strong> <strong>périurbain</strong> spécifique, la ville <strong>de</strong> Sierre. La question principale se <strong>de</strong>ssinait ainsi: le lieu est-il <strong>un</strong> vecteur d’i<strong>de</strong>ntité <strong>et</strong> d’i<strong>de</strong>ntification pour l’artiste ? Il s’est agi, pour la partie théorique <strong>de</strong> ce travail, <strong>de</strong> cerner les domaines d’investigation d’<strong>un</strong>e telle étu<strong>de</strong>, sans restreindre l’analyse à <strong>un</strong> certain régionalisme. Trois thèmes se sont rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>ssinés pour la compréhension <strong>de</strong> notre obj<strong>et</strong> : le lieu, l’i<strong>de</strong>ntité, le récit. Dans quels champs trouver les outils qui serviraient à l’analyse <strong>de</strong> ces concepts? Nous avons choisi d’exploiter les domaines que nous (l’<strong>un</strong>ité <strong>de</strong> recherches contemporaines <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Lausanne) explorons habituellement <strong>dans</strong> le cadre <strong>de</strong> nos étu<strong>de</strong>s sur les représentations : soit l’anthropologie (culturelle, sociale <strong>et</strong> visuelle), la littérature (l’étu<strong>de</strong> du récit <strong>et</strong> <strong>de</strong> la narration), la linguistique <strong>et</strong> la psychanalyse. Les recherches sur ces trois obj<strong>et</strong>s ne manquent pas <strong>et</strong> le risque <strong>de</strong> nous y perdre n’était évi<strong>de</strong>mment pas mince. Nous nous sommes penchées sur <strong>un</strong> grand nombre <strong>de</strong> lectures, conservant tous les passages qui pouvaient éclairer notre étu<strong>de</strong>. Un vaste corpus <strong>de</strong> textes a été constitué, saisi sur ordinateur, afin <strong>de</strong> le m<strong>et</strong>tre à disposition <strong>de</strong>s autres. En les classant par fichiers, en subdivisant les thèmes <strong>et</strong> les questions, ces textes sont <strong>de</strong>venus “ matière à penser ”. 5.1. Le lieu (HORS) Les questions sur le lieu se sont centrées sur plusieurs types <strong>de</strong> relation que l’on entr<strong>et</strong>ient avec l’espace : le lieu comm<strong>un</strong>, qui ré<strong>un</strong>it les idées reçues, les clichés sur l’espace valaisan, sur les villages touristiques proches <strong>de</strong> Sierre <strong>et</strong>, <strong>de</strong> manière plus large, le regard stéréotypé posé sur les périphéries <strong>et</strong> leur culture, réduites à <strong>un</strong>e approche folklorique ; le lieu originaire ou lieu utopique qui correspond à <strong>un</strong> lieu aimé mais perdu, lieu d’enfance, sorte d’Age d’or vers lequel on tend sans jamais pouvoir l’atteindre, c’est <strong>un</strong> lieu <strong>de</strong> rêverie <strong>et</strong> <strong>de</strong> nostalgie ; le lieu clos ou l’illusion <strong>de</strong> l’autonomie, <strong>de</strong> l’autarcie, espace privilégié <strong>et</strong> autosuffisant ; le lieu-dit, lieu <strong>de</strong> légen<strong>de</strong>s, lieu littéraire auquel sont attachés <strong>de</strong>s récits <strong>et</strong> qui implique <strong>un</strong>e relation artistique à l’espace ; le non-lieu comme espace intermédiaire <strong>de</strong> l’observateur, ni <strong>de</strong><strong>dans</strong> ni <strong>de</strong>hors, <strong>et</strong> lieu <strong>de</strong> la périphérie. Qu’est-ce que la périphérie ? ce qui entoure le centre, ce qui n’est pas au centre, ce que l’on évite, ce qui s’étend…. Comment le centre regar<strong>de</strong>-t-il la périphérie ? Celui qui affirme être au centre adopte <strong>un</strong> comportement spécifique, <strong>de</strong> domination. Le centre jouit d’<strong>un</strong>e reconnaissance sociale, historique, culturelle. Il est hégémonique, il édicte <strong>de</strong>s normes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s lois, il dirige, il impose. Il regar<strong>de</strong> généralement la périphérie avec <strong>un</strong> bagage d’idées toutes faites, il use d’<strong>un</strong> savoir comm<strong>un</strong> concernant l’altérité, composé <strong>de</strong> lectures, d’ouï-dire, d’interprétations personnelles. Ses apriori culturels l’empêchent d’entrer réellement en contact avec l’étranger. La périphérie, quant à elle, connaît le regard <strong>de</strong> l’autre <strong>et</strong> sait se conformer à ses attentes, elle sait aussi les déjouer. La périphérie est constamment en mouvement <strong>et</strong> en définition d’elle-même, comme le centre. Certains préfèrent croire qu’elle ne bouge pas, qu’elle stagne, qu’elle conserve <strong>un</strong>e sorte d’état primitif, archaïque, qui rassure. C’est <strong>dans</strong> la périphérie que naît le sentiment d’i<strong>de</strong>ntité, par rapport à <strong>un</strong> centre que l’on proj<strong>et</strong>te. Mais les frontières entre centre <strong>et</strong> périphérie, entre lieux <strong>et</strong> non-lieux sont labiles, perméables, <strong>et</strong> la carte est constamment re<strong>de</strong>ssinée. Rien n’est figé entre ici <strong>et</strong> là-bas, c’est <strong>un</strong> mouvement d’aller <strong>et</strong> <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our, <strong>un</strong> passage. 5.2. L’i<strong>de</strong>ntité (HORDE) L’i<strong>de</strong>ntité est au centre <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong>, elle implique <strong>un</strong> jeu <strong>de</strong> relations entre individus originaires d’<strong>un</strong> même lieu ou étrangers l’<strong>un</strong> à l’autre. L’i<strong>de</strong>ntité s’exprime par <strong>un</strong>e série <strong>de</strong> postures d’interlocution : <strong>un</strong> “ je ” parle à <strong>un</strong> “ tu ”, qui à son tour prend la parole. Ces <strong>de</strong>ux interlocuteurs se transforment en <strong>un</strong> “ nous ”, s’adressant à <strong>un</strong> “ vous ”, <strong>et</strong> parlant d’<strong>un</strong>e personne, absente en général, “ il ”, “ elle ”, ou “ ils ”. Proj<strong>et</strong> DORE – ECAV, 2001 5