Maître Puntila et son valet Matti
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éâtre <strong>et</strong> société<br />
Pour Brecht, le théâtre <strong>et</strong> la société étaient constamment en échange <strong>et</strong> interaction. Le théâtre doit reéter la société,<br />
<strong>et</strong> le spectacle théâtral doit inciter le spectateur à rééchir sur la société <strong>et</strong> sa propre position dans la société. Ce<br />
processus de réexion doit, selon Brecht, provoquer des modications politiques <strong>et</strong> sociales, parce que le spectateur<br />
est insatisfait de la situation sociale montrée dans le spectacle, <strong>et</strong> de la situation réelle ressentie, <strong>et</strong> qu'il se rebelle contre<br />
elle. En conséquence, Brecht ne voyait pas le théâtre comme une activité culturelle s'adressant à la couche supérieure<br />
de la société, mais au contraire comme un moyen d'instruction, notamment envers le prolétariat.<br />
P<strong>et</strong>it organon pour le théâtre<br />
En 1948, Brecht édite en 77 paragraphes sa conception du « Nouveau éâtre ». Il écrit ce traité en réaction à La<br />
Poétique d’Aristote.<br />
«Le spectateur désire entrer en possession de sensations bien précises, comme celles qu’un enfant peut désirer avoir<br />
lorsqu’il se m<strong>et</strong> en selle sur un des chevaux de bois d’un manège : la erté de savoir monter <strong>et</strong> d’avoir un cheval ; le<br />
plaisir d’être porté <strong>et</strong> de passer devant d’autres enfants ; le rêve aventureux qu’il est poursuivi ou en poursuit d’autres,<br />
<strong>et</strong>c. Pour que l’enfant vive tout cela, le fait que sa monture de bois ressemble à un cheval ne joue pas un grand rôle,<br />
<strong>et</strong> que sa chevauchée se limite à un cercle étroit n’est pas une gêne. Tout ce qui importe aux spectateurs dans ces<br />
salles, c’est de pouvoir échanger un monde plein de contradictions contre un monde harmonieux, un monde pas<br />
spécialement connu contre un monde rêvable.» (p. 41).<br />
« Nous ne pourrons guère, en e<strong>et</strong>, laisser le théâtre dans l’état où nous le trouvons. Pénétrons dans une de ces salles<br />
<strong>et</strong> observons l’e<strong>et</strong> qu’il exerce sur les spectateurs. Regardant autour de soi, on aperçoit des silhou<strong>et</strong>tes plutôt inertes,<br />
dans un état étrange : elles semblent tendre tous leurs muscles en un eort intense, à moins que ceux-ci n’aient cédé<br />
à un intense épuisement. Elles ne communiquent guère entre elles, on dirait une assemblée de dormeurs mais de ce<br />
genre de dormeurs dont le sommeil est agité parce que, comme le peuple dit de ceux qui font des cauchemars, ils <strong>son</strong>t<br />
couchés sur le dos. Certes, ils ont les yeux ouverts, mais ils ne regardent pas : ils xent, de même qu’ils n’écoutent pas,<br />
mais épient. Ils portent leurs regards sur la scène, comme envoûtés, expression qui vient du Moyen Age, du temps des<br />
sorcières <strong>et</strong> des clercs. Regarder <strong>et</strong> écouter <strong>son</strong>t des activités qui procurent parfois du plaisir, mais ces gens semblent<br />
dégagés de toute activité <strong>et</strong> pareils à des gens dont on fait quelque chose. L’état d’absence dans lequel ils paraissent livrés<br />
à des sensations confuses mais intenses est d’autant plus profond que les comédiens travaillent mieux, de sorte que,<br />
comme c<strong>et</strong> état ne nous plaît pas, nous souhaiterions que ceux-ci fussent aussi mauvais que possible. » (p. 38)<br />
« Lorsqu’il s’agit seulement de se montrer soi-même, la responsabilité n’est pas grande car on ne la porte que vis-àvis<br />
de soi-même. Ton entreprise prend n dans l’expérience aective unique du spectateur, dans la mesure où <strong>son</strong><br />
imagination est éveillée <strong>et</strong> sa sensibilité excitée.<br />
Il en va autrement quand vous participez à une entreprise plus importante, celle qui consiste à présenter le comportement<br />
des hommes aux prises avec d’autres hommes, les actions des individus en tant que membres de la société ; il vous<br />
faut craindre alors de comm<strong>et</strong>tre des erreurs <strong>et</strong> de rendre confuses les idées que vos spectateurs ont de la vie, au point<br />
que, se ant à votre représentation, ils soient amenés à comm<strong>et</strong>tre eux-mêmes des erreurs <strong>et</strong> à subir des préjudices.<br />
Le peintre allemand qui devait faire pour le roi d’Angl<strong>et</strong>erre le portrait d’une jeune lle que celui-ci voulait épouser<br />
<strong>et</strong> n’avait jamais vue, avait une responsabilité bien plus grande qu’un peintre qui représente une descente de croix. »