Maître Puntila et son valet Matti
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Toute la poésie pour lui est dans le fait d'être invité par <strong>Puntila</strong>, sans avoir à payer.<br />
Brecht s'est adressé d'abord au comédien qui a le p<strong>et</strong>it rôle, pour laisser le temps au timide Maurer, pour lui ôter la<br />
crainte (clairement visible) qu'il pourrait avoir aaire à un de ces innombrables despotes qui règnent sur les scènes,<br />
qui sait même à un visionnaire, pour lui indiquer que le travail se déroulera ici de manière décontractée.<br />
Le tout, dit Brecht, est une sorte de poème en prose sur la nuit d'été nnoise, du point de vue du juge. La manière dont<br />
Maurer vient de dire le texte donnait à entendre quelque chose comme une indignation au suj<strong>et</strong> du laisser-aller sexuel<br />
dans le bas peuple. Mais le Juge ne fait pas de morale. Il est irrité par la vanité de ses eorts. Quand il dit « J'ai fort à<br />
faire avec elle », c'est le juge harcelé qui parle. Maurer peut le faire p<strong>et</strong>itement, comme une introduction. Par contre,<br />
les termes « procès de pensions alimentaires », il peut les distiller, les savourer. Le rapport « nuit d'été » - « procès de<br />
pensions alimentaires » est caché au peuple : pour lui.juge, il est limpide. Il y a là une causalité à ne pas dévoiler aux<br />
intéressés. La nuit d’été, forme première des procès de pensions alimentaires.<br />
Maurer, moins tendu, déjà souriant, disposé à marcher, demande s’il faut comprendre que le juge est totalement<br />
indiérent à la nuit d’été, s’il est insensible à <strong>son</strong> érotisme.<br />
Brecht : « Absolument ». Mais il n’en adm<strong>et</strong> pas moins que de faibles sensations <strong>son</strong>t possibles. Toujours sous des<br />
formes juridiques : leur origine n’est pas dans la nuit d’été mais dans la description de ses conséquences. Il s’agit-là<br />
plutôt d’un érotisme administratif, déclenché non tant par les péchés que par les actes y aérents. Si Maurer veut du<br />
sensuel, qu’il pense au babeurre, qu’il déguste les mots comme le babeurre qu’il est en train de boire. De temps en<br />
temps, il peut en garder une gorgée dans la joue. En disant la phrase « Dans la salle d’audience on voit quel délicieux<br />
endroit est un bois de bouleaux », qu’il ajoute pour lui-même un « très n<strong>et</strong>tement », ça rendra la phrase plus coulante<br />
(plastischer) (…)<br />
Brecht quitte la scène, en demandant qu’on attende qu’il soit parvenu en bas. Alors, de la pénombre, il crie aux<br />
comédiens qui attendent : « Vous savez ce que vous êtes, tous les deux, le juge <strong>et</strong> l’avocat ? Des salissures ères de l’être<br />
sur la nuit d’été ! »