L'importance de la lutte anti-sous-marine au 21e siècle - CESM
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Centre<br />
d’Étu<strong>de</strong>s<br />
Supérieures<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> Marine<br />
L’importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>lutte</strong><br />
<strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> <strong>au</strong> XXIe <strong>siècle</strong> :<br />
Le cas du Sud-Est asiatique<br />
Enseigne <strong>de</strong> vaisse<strong>au</strong> <strong>de</strong> première c<strong>la</strong>sse<br />
Windy MARTY<br />
Stagiaire Ecole Navale <strong>au</strong> <strong>CESM</strong><br />
cesm.etu<strong>de</strong>s@<strong>marine</strong>.<strong>de</strong>fense.gouv.fr
L’IMPORTANCE DE LA LUTTE ANTI-SOUS-MARINE AU XXIe SIECLE<br />
LE CAS DU SUD-EST ASIATIQUE<br />
« Les espaces <strong>sous</strong>-marins sont le vase d’expansion <strong>de</strong>s <strong>marine</strong>s ». Ces mots <strong>de</strong> l’Amiral Oudot <strong>de</strong><br />
Dainville, alors Chef d’Etat Major <strong>de</strong> <strong>la</strong> Marine, <strong>au</strong>guraient <strong>de</strong> <strong>la</strong> montée en puissance <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>marina<strong>de</strong>s<br />
à travers le mon<strong>de</strong>. A <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong>, les schémas <strong>de</strong> <strong>la</strong> pensée stratégique<br />
c<strong>la</strong>ssique sont bouleversés. Les armées, les <strong>marine</strong>s, et les forces <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s, voient leurs<br />
doctrines d’emploi interrogées, adaptées, remo<strong>de</strong>lées. A l’ère <strong>de</strong> <strong>la</strong> mondialisation ou plutôt <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
maritimisation, les préoccupations <strong>de</strong>s Etats-Nations, développés ou en développement, se<br />
tournent inéluctablement vers leurs sources et voies d’approvisionnement en matières<br />
premières et en énergie. Ces voies sont majoritairement maritimes : du Canal <strong>de</strong> Suez ou du<br />
détroit d’Ormuz <strong>au</strong> détroit <strong>de</strong> Ma<strong>la</strong>cca ou à celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> Son<strong>de</strong>, les routes maritimes véhiculent<br />
qu<strong>anti</strong>tés <strong>de</strong> biens, <strong>de</strong>s plus rudimentaires <strong>au</strong>x plus sophistiqués, vit<strong>au</strong>x pour <strong>la</strong> croissance <strong>de</strong>s<br />
économies mondiales. Les espaces marins et désormais <strong>sous</strong>-marins qui appartiennent à<br />
ces global commons ayant jusqu’ici échappé à <strong>la</strong> volonté régu<strong>la</strong>trice <strong>de</strong> l’Homme sont<br />
<strong>au</strong>jourd’hui les théâtres privilégiés <strong>de</strong> <strong>la</strong> compétition <strong>de</strong>s Etats-Nations pour l’accès <strong>au</strong>x<br />
ressources halieutiques, énergétiques et minérales qu’ils renferment ou dont ils permettent<br />
l’acheminement.<br />
Cette compétition, a priori économique, possè<strong>de</strong> également <strong>de</strong>s aspects politiques et militaires<br />
car il s’agit là d’assurer <strong>la</strong> prospérité <strong>de</strong> l’Etat et <strong>de</strong> proc<strong>la</strong>mer sa légitimité à l’international.<br />
Tandis que <strong>la</strong> surface expose bâtiments civils et militaires, le milieu <strong>sous</strong>-marin offre <strong>de</strong>s<br />
possibilités multiples, où l’ennemi se fait silencieux, donc inattendu, omniprésent et mortel.<br />
Le <strong>sous</strong>-marin n’est plus <strong>au</strong>jourd’hui tout à fait celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong>. Au moins en partie.<br />
Alors que <strong>la</strong> flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> mondiale s’élevait à plus <strong>de</strong> 900 unités durant l’ère bipo<strong>la</strong>ire,<br />
l’érosion progressive <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>marine</strong> soviétique a démobilisé les flottes <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins<br />
occi<strong>de</strong>ntales. Pour <strong>au</strong>tant, si les chiffres sont tombés à 400 unités <strong>au</strong>jourd’hui, ils dissimulent un<br />
<strong>au</strong>tre phénomène inquiétant : 43 Etats détiennent à présent <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins, contre 10 durant<br />
<strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong>. Cette tendance s’explique par <strong>la</strong> polyvalence <strong>de</strong> tels bâtiments, et leur nature<br />
« multiplicatrice <strong>de</strong> puissance », <strong>de</strong>ux qualités qui les ren<strong>de</strong>nt extrêmement intéressants pour<br />
les jeunes <strong>marine</strong>s enchevêtrées dans <strong>de</strong>s problématiques régionales, en quête <strong>de</strong> puissance et<br />
<strong>de</strong> légitimité.<br />
Le <strong>sous</strong>-marin d’<strong>au</strong>jourd’hui est l’arme par excellence du déni d’accès, pour assurer <strong>la</strong> défense<br />
<strong>de</strong>s approches et éviter toute pression extérieure maritime sur un Etat. Plus <strong>la</strong>rgement, le <strong>sous</strong>marin<br />
est un instrument asymétrique <strong>de</strong> maîtrise <strong>de</strong>s espaces maritimes, avec un double aspect<br />
offensif ou défensif. L’expression «espaces maritimes » inclut ici les côtes d’un Etat souverain, les<br />
voies maritimes et leurs détroits stratégiques, ou plus simplement le théâtre d’opérations d’une<br />
flotte. Le <strong>sous</strong>-marin est un outil militaire et politique adapté <strong>au</strong> contexte <strong>de</strong> crise, grâce à sa<br />
souplesse, sa discrétion et sa létalité. Il peut être employé :<br />
- en défense côtière par <strong>de</strong>s <strong>marine</strong>s régionales pour assurer une manœuvre d’interdiction<br />
<strong>au</strong>x abords <strong>de</strong>s côtes d’un Etat-Nation ou <strong>de</strong> zones qu’il revendique.<br />
- avec un spectre opérationnel be<strong>au</strong>coup plus <strong>la</strong>rge pour les <strong>marine</strong>s à vocation<br />
océanique : on abor<strong>de</strong> là les <strong>sous</strong>-marins à propulsion nucléaire susceptibles d’être<br />
employés sur les théâtres plus lointains, en protection d’une flotte, ou pour attaquer le<br />
trafic maritime voire <strong>de</strong>s instal<strong>la</strong>tions à terre.<br />
Outre leur mission <strong>de</strong> maîtrise <strong>de</strong>s mers, les <strong>sous</strong>-marins ont également un rôle en matière <strong>de</strong><br />
renseignement et d’action c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stine (transport <strong>de</strong> forces spéciales), ils peuvent <strong>au</strong>ssi être<br />
utilisés pour <strong>la</strong> dissuasion, nucléaire ou conventionnelle en raison <strong>de</strong> leur invulnérabilité a une<br />
première frappe.<br />
1
S’il est important <strong>de</strong> s’intéresser <strong>au</strong>x forces <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s, <strong>au</strong>x capacités techniques et à l’ordre<br />
<strong>de</strong> bataille <strong>de</strong>s flottes, il convient également <strong>de</strong> mentionner l’importance du facteur humain.<br />
Ainsi, disposer d’une flotte en état <strong>de</strong> fonctionnement et opérationnelle dont les capacités sont<br />
en adéquation avec les missions qui lui sont confiées requiert <strong>la</strong> formation et l’entraînement<br />
d’équipages compétents et aguerris, l’é<strong>la</strong>boration d’un savoir-faire enserré dans un cadre<br />
doctrinal et enfin <strong>de</strong>s capacités techniques quant <strong>au</strong>x trav<strong>au</strong>x <strong>de</strong> maintenance. Le présent essai<br />
montrera qu’atteindre un nive<strong>au</strong> respectable dans ce triptyque formation-doctrine-technique<br />
n’est pas chose aisée.<br />
Par ailleurs, <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> s’adapte progressivement <strong>au</strong>x évolutions <strong>de</strong> <strong>la</strong> menace.<br />
Tombée en désuétu<strong>de</strong> <strong>au</strong> début <strong>de</strong>s années 1990, elle connaît <strong>de</strong>puis 2005 un regain d’intérêt à<br />
<strong>la</strong> faveur notamment <strong>de</strong> <strong>la</strong> dissémination <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins dans le mon<strong>de</strong>, en particulier en Asie<br />
du Sud-Est. Son objectif : empêcher le <strong>sous</strong>-marin <strong>de</strong> remplir sa mission. Un <strong>sous</strong>-marin a <strong>de</strong>ux<br />
priorités : le renseignement et <strong>la</strong> discrétion. La <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> doit donc entraver <strong>la</strong><br />
capacité du <strong>sous</strong>-marin à acquérir <strong>de</strong> l’information et l’amener à commettre une indiscrétion.<br />
Ses moyens : un éventail <strong>de</strong> systèmes complémentaires tels l’avion <strong>de</strong> patrouille maritime,<br />
l’hélicoptère <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-marin (ASM) avec sonar ou torpilles, « l’escorteur ASM 1 » ou encore le<br />
<strong>sous</strong>-marin lui-même, le plus redouté. Ses tactiques : elles <strong>de</strong>meurent re<strong>la</strong>tivement semb<strong>la</strong>bles,<br />
<strong>la</strong> neutralisation <strong>au</strong> port base ou à proximité est <strong>de</strong> plus en plus évoquée. Ainsi, <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong><strong>sous</strong>-<strong>marine</strong><br />
par grands fonds <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong> a peu à peu <strong>la</strong>issé p<strong>la</strong>ce à un risque<br />
essentiellement côtier, en e<strong>au</strong>x peu profon<strong>de</strong>s.<br />
L’Asie du Sud-Est figure parmi ces théâtres <strong>sous</strong>-marins émergents <strong>au</strong>x caractéristiques bien<br />
particulières dont les acteurs sont pris dans <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> puissance <strong>au</strong> sein <strong>de</strong>squels <strong>la</strong> dimension<br />
navale a un poids considérable. C’est une zone <strong>de</strong> croissance importante qui s’impose comme<br />
une région stratégique sur <strong>la</strong> carte géopolitique, où les nouvelles dynamiques politiques et<br />
économiques ren<strong>de</strong>nt probable un affrontement naval. En témoigne <strong>la</strong> course <strong>au</strong>x <strong>sous</strong>-marins<br />
initiée <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 90 par les Etats <strong>de</strong> l’ASEAN. D’où vient-elle, que signifie-t-elle ? Cet essai<br />
offre <strong>de</strong>s éc<strong>la</strong>ircissements, mais surtout il tente <strong>de</strong> répondre à une question fondamentale pour<br />
les <strong>marine</strong>s occi<strong>de</strong>ntales : <strong>la</strong> multiplication <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins en Asie du Sud-Est doit-elle<br />
provoquer un regain d’intérêt pour <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> dans le mon<strong>de</strong> ?<br />
Quelques éléments <strong>de</strong> réponse seront proposés, après avoir évoqué en premier lieu l’état <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
menace <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> en Asie du Sud-Est puis les capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s en présence,<br />
fussent-elles régionales ou extrarégionales, pour enfin mettre en relief le renouve<strong>au</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>lutte</strong><br />
ASM, préfiguré par les avancées technologiques. Le domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> « guerre <strong>de</strong>s mines », pourtant<br />
étroitement relié à <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> ne sera pas évoqué ici, f<strong>au</strong>te <strong>de</strong> temps.<br />
1 Les bâtiments <strong>de</strong> surface à vocation ASM sont fréquemment nommés « escorteurs » car l’on considère<br />
que leur mission consiste essentiellement à dissua<strong>de</strong>r une attaque <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> sur un convoi.<br />
2
I. La menace <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> en Asie du Sud-Est : quelle réalité ?<br />
Les forces <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s du Sud-Est asiatique ont connu une croissance <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 50% entre<br />
2000 et 2007. 80 à 100 nouve<strong>au</strong>x <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong>vraient entrer en service d’ici 2018 <strong>au</strong> sein <strong>de</strong>s<br />
flottes régionales. Ce tropisme sud-est asiatique est remarquable et témoigne d’un mimétisme<br />
frappant en matière d’armement. Un préa<strong>la</strong>ble nécessaire à <strong>la</strong> bonne appréhension <strong>de</strong> <strong>la</strong> menace<br />
<strong>de</strong>meure bien évi<strong>de</strong>mment d’effectuer une étu<strong>de</strong> politique et géographique <strong>de</strong>s lieux.<br />
1. Etu<strong>de</strong> du théâtre<br />
a. Géopolitique<br />
L’Asie du Sud-Est est un pôle d’intérêt pour les gran<strong>de</strong>s puissances économiques d’<strong>au</strong>jourd’hui<br />
et <strong>de</strong> <strong>de</strong>main comme <strong>la</strong> Chine, le Japon et <strong>la</strong> Corée mais <strong>au</strong>ssi les Etats-Unis et l’Australie. On y<br />
trouve <strong>de</strong>s puissances régionales très actives comme Singapour, <strong>la</strong> Ma<strong>la</strong>isie, <strong>la</strong> Thaï<strong>la</strong>n<strong>de</strong>,<br />
l’Indonésie, le Vietnam, Brunei ou les Philippines. Dans ce triangle se trouve le cœur stratégique<br />
<strong>de</strong> l’Asie du Sud-Est, <strong>la</strong> mer <strong>de</strong> Chine méridionale, théâtre <strong>de</strong> rivalités politiques et économiques<br />
multiples. Bordée par dix <strong>de</strong>s plus grands ports du mon<strong>de</strong>, elle voit transiter notamment 80% du<br />
pétrole <strong>de</strong>stiné <strong>au</strong> Japon et 90% du commerce extérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chine. La richesse <strong>de</strong> ses<br />
ressources halieutiques et <strong>de</strong> ses sols 2 suscite par ailleurs <strong>la</strong> convoitise <strong>de</strong>s pays riverains qui<br />
focalisent leur attention sur les archipels <strong>de</strong>s Paracels et <strong>de</strong>s Spratleys.<br />
De nombreux inci<strong>de</strong>nts ont ainsi émaillé l’Histoire récente <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer <strong>de</strong> Chine méridionale,<br />
opposant <strong>la</strong> <strong>marine</strong> chinoise à ses voisines.<br />
- Les Paracels : cet archipel revendiqué par le Vietnam et Taïwan est situé <strong>au</strong> Sud <strong>de</strong> l’île<br />
<strong>de</strong> Hainan, base <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins nucléaires chinois. Stratégique pour Pékin, qui y est<br />
installé <strong>de</strong>puis janvier 1974 3, cet archipel voit également <strong>la</strong> réaffirmation <strong>de</strong>s<br />
prétentions vietnamiennes <strong>de</strong>puis 1996.<br />
- Les Spratleys : situé plus <strong>au</strong> Sud <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mer <strong>de</strong> Chine Méridionale, cet archipel est l’objet<br />
<strong>de</strong>s convoitises <strong>de</strong>s Philippines, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ma<strong>la</strong>isie, <strong>de</strong> Brunei, du Vietnam, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chine et <strong>de</strong><br />
Taïwan. En plus <strong>de</strong>s ressources en hydrocarbures qu’il abrite, il présente un intérêt pour<br />
consoli<strong>de</strong>r le « sanctuaire chinois » en mer <strong>de</strong> Chine méridionale et gêner l’activité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
flotte américaine dans <strong>la</strong> région. Là encore, <strong>la</strong> puissance navale chinoise s’étend car,<br />
<strong>de</strong>puis 1988, <strong>la</strong> Chine a investi les lieux.<br />
Les tensions régionales vont croissant, malgré <strong>la</strong> signature en 2002 d’un Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> Conduite 4 –<br />
non contraignant – ayant pour vocation d’apaiser <strong>la</strong> situation. La mer <strong>de</strong> Chine méridionale<br />
<strong>de</strong>meure une « garnison flottante » 5, un point <strong>de</strong> rencontre pour tous ces pays <strong>au</strong>x prétentions<br />
souverainistes.<br />
2 Une réserve <strong>de</strong> 20 milliards <strong>de</strong> tonnes d’hydrocarbures selon certaines sources.<br />
3 Pékin y a disposé une garnison militaire, <strong>de</strong>s troupes <strong>de</strong> <strong>marine</strong> et <strong>de</strong>s batteries <strong>de</strong> missiles sol-air (PLAN<br />
spearheads China’s ambitions for a greater regional sphere of influence, Jane’s Navy International,<br />
Novembre 2010)<br />
4 Dec<strong>la</strong>ration on the Conduct of Parties in the South China Sea signée le 4 novembre 2002 à Phnom Penh <strong>au</strong><br />
Cambodge, dans le cadre du 8 ème sommet <strong>de</strong> l’ASEAN.<br />
5 Expression <strong>de</strong> Robert D. Kap<strong>la</strong>n.<br />
3
Tensions en mer <strong>de</strong> Chine méridionale<br />
(Source : Marine & Océans n°232)<br />
Outre ce cœur <strong>au</strong>x multiples tensions, il convient <strong>de</strong> mentionner <strong>la</strong> géopolitique <strong>de</strong>s détroits<br />
dans <strong>la</strong> région : ces points stratégiques d’Asie du Sud-Est voient transiter une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s<br />
approvisionnements pétroliers <strong>de</strong>stinés <strong>au</strong>x économies d’Asie voire du Pacifique. Il f<strong>au</strong>t ainsi<br />
retenir :<br />
le détroit <strong>de</strong> Ma<strong>la</strong>cca : ce bras <strong>de</strong> mer bordé par <strong>la</strong> Ma<strong>la</strong>isie, l’Indonésie et Singapour<br />
représente <strong>la</strong> principale voie d’échanges entre l’océan Indien et le Pacifique. Il relie les<br />
économies émergentes d’Asie du Sud-Est et voit transiter annuellement plus <strong>de</strong> 50 000<br />
navires, soit 25% du commerce maritime mondial. Le trafic pétrolier y est six fois plus<br />
important que dans le Canal <strong>de</strong> Suez et alimente <strong>la</strong> Corée du Sud à 66%, le Japon et<br />
Taïwan à 60%.<br />
le détroit <strong>de</strong> <strong>la</strong> Son<strong>de</strong> : bien souvent négligé, ce détroit situé entre les îles indonésiennes<br />
<strong>de</strong> Sumatra et <strong>de</strong> Java constitue pourtant une voie d’approvisionnement privilégiée en<br />
matières premières vers les pays d’Asie du Sud-Est et vers l’Australie ;<br />
les détroits <strong>de</strong> Lombok et Macassar représentent <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> substitution <strong>au</strong> détroit <strong>de</strong><br />
Ma<strong>la</strong>cca pour les navires d’un tonnage trop important ;<br />
le détroit <strong>de</strong> Taïwan : à trois reprises il fut le théâtre <strong>de</strong> crises entre Taïwan et <strong>la</strong> Chine<br />
(respectivement en 1955, 1958 et 1996) et revêt donc une importance stratégique pour<br />
Pékin.<br />
L’intérêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone est donc multiple, commercial et économique, avec <strong>de</strong>s aspects politiques<br />
liés à <strong>la</strong> légitimité et <strong>la</strong> souveraineté <strong>de</strong>s pays riverains. On notera que l’enjeu majeur rési<strong>de</strong> dans<br />
l’accès à <strong>de</strong>s ressources alimentaires, minérales et énergétiques tout <strong>au</strong>tant qu’à <strong>la</strong> préservation<br />
<strong>de</strong>s voies d’approvisionnement maritimes. La méfiance et <strong>la</strong> rivalité régnant <strong>au</strong> sein <strong>de</strong>s pays <strong>de</strong><br />
l’ASEAN, mises en regard <strong>de</strong> <strong>la</strong> montée en puissance chinoise, ne sont pas en faveur d’un<br />
équilibre régional.<br />
4
. Environnement<br />
La mer <strong>de</strong> Chine méridionale étant éloignée <strong>de</strong>s théâtres d’opérations usuels <strong>de</strong> <strong>la</strong> Marine<br />
Nationale, les caractéristiques environnementales <strong>de</strong> <strong>la</strong> région sont peu connues. Les données<br />
sont essentiellement d’origine américaine et livrent les éléments théoriques suivants :<br />
- Bathymétrie et sédimentologie : on constate une zone importante <strong>de</strong> petits fonds (60%),<br />
suivie d’un talus et d’une cuvette <strong>de</strong> 1500 km <strong>de</strong> <strong>la</strong>rge en diagonale, atteignant une<br />
profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> 3500 à 4500m. Les <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques privilégieront les zones<br />
chahutées (10%) <strong>au</strong>x abords <strong>de</strong>s archipels <strong>de</strong>s Paracels et Spratleys. Les fonds vaseux et<br />
sableux sont par ailleurs favorables à l’exploitation <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s acoustiques. Les <strong>sous</strong>marins<br />
nucléaires rechercheront plutôt les grands fonds.<br />
- Météo : l’état <strong>de</strong> mer et <strong>la</strong> force du vent restent très modérés <strong>au</strong> printemps et en été,<br />
permettant un usage sécurisé et efficace <strong>de</strong>s équipements <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>. En<br />
<strong>au</strong>tomne et en hiver, le vent forcit et <strong>la</strong> mer grossit, rendant les manœuvres plus difficiles<br />
et <strong>la</strong> détection plus aléatoire. Les courants ne sont généralement pas contraignants.<br />
- Profil célérimétrique : le gradient <strong>de</strong> célérité est fortement négatif mais <strong>la</strong>isse <strong>la</strong><br />
possibilité statistique d’un chenal <strong>de</strong> surface exploitable en été, <strong>au</strong>tomne et hiver, ce qui<br />
est favorable à <strong>la</strong> <strong>de</strong>tection.<br />
- Bruit : le bruit ambiant lié <strong>au</strong> trafic et <strong>au</strong>x phénomènes météorologiques est re<strong>la</strong>tivement<br />
faible, comparable <strong>au</strong>x conditions acoustiques <strong>au</strong> <strong>la</strong>rge <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bretagne.<br />
Bathymétrie <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer <strong>de</strong> Chine méridionale<br />
5
(Source : SHOM)<br />
Ces éléments esquissent une zone d’opération comparable <strong>au</strong> Golfe <strong>de</strong> Gascogne, en termes<br />
bathymétriques et bathythermiques. Ces conditions sont favorables à <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong><br />
en été et en <strong>au</strong>tomne.<br />
Il est par ailleurs important <strong>de</strong> souligner l’existence <strong>de</strong> nombreuses zones « chahutées » <strong>au</strong>x<br />
abords <strong>de</strong>s archipels, soit <strong>au</strong>tant d’endroits favorables <strong>au</strong>x <strong>sous</strong>-marins qui peuvent s’y<br />
dissimuler aisément 6 et ainsi tromper tout bâtiment ASM <strong>au</strong>x capacités les plus performantes.<br />
Dans les détroits, <strong>la</strong> faible profon<strong>de</strong>ur, les courants, sont défavorables <strong>au</strong>x gros <strong>sous</strong>-marins dont<br />
<strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> manœuvre est réduite. La détection, si elle <strong>de</strong>meure re<strong>la</strong>tivement difficile dans le<br />
domaine <strong>de</strong> l’actif 7 <strong>la</strong>isse <strong>de</strong>s possibilités dans le passif (attention cependant <strong>au</strong> bruit du trafic<br />
maritime) et les domaines non-acoustiques 8.<br />
Avantages Inconvénients<br />
Sous-marins - conditions <strong>de</strong> propagation<br />
<strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s<br />
- fonds chahutés<br />
- météo (<strong>au</strong>tomne/hiver)<br />
Bâtiments ASM - bruit ambiant faible<br />
- fonds réfléchissants et<br />
absorbants<br />
- profil célérimétrique<br />
(été/<strong>au</strong>tomne)<br />
- faible profon<strong>de</strong>ur (marge <strong>de</strong><br />
manœuvre réduite)<br />
- petits fonds<br />
- météo (<strong>au</strong>tomne/hiver)<br />
Il est vital d’approfondir notre connaissance <strong>de</strong> ces paramètres dans une zone qui <strong>de</strong>viendra<br />
<strong>sous</strong> 10 à 15 ans un théâtre <strong>sous</strong>-marin majeur. En plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> chinoise déjà<br />
conséquente, six pays se verront bientôt dotés <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins, sans compter <strong>la</strong> présence <strong>de</strong><br />
<strong>marine</strong>s extrarégionales.<br />
2. Pékin <strong>sous</strong> les mers<br />
a. L’ambition navale chinoise<br />
C’est en 1985 que l’Amiral Liu Huaqing pose les fondations d’une stratégie navale chinoise,<br />
s’inspirant <strong>de</strong>s écrits <strong>de</strong> l’américain Mahan. La Chine comprend alors le rôle <strong>de</strong> l’instrument<br />
maritime dans son développement économique et sa quête <strong>de</strong> puissance. Se sentant isolée<br />
politiquement, cernée par l’In<strong>de</strong>, le Japon, le rayonnement américain en Asie du Sud-Est, voire<br />
même <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’OTAN en Afghanistan à partir <strong>de</strong> 2001, elle tourne son regard vers les<br />
horizons marins, comme un moyen <strong>de</strong> briser cet encerclement. Dans les années qui suivent,<br />
l’ambition chinoise prend corps et mobilise <strong>de</strong>s moyens considérables – <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnisation<br />
militaire est continue <strong>de</strong>puis 30 ans – ce qui fait faire à <strong>la</strong> PLAN (People’s Liberation Army Navy)<br />
un bond phénoménal en l’espace <strong>de</strong> quelques années.<br />
L’intérêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chine maritime rési<strong>de</strong> dans <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong> ses approvisionnements en<br />
alimentation, en matières premières et énergétiques, <strong>la</strong> protection <strong>de</strong>s voies maritimes par<br />
6 Par exemple, un <strong>sous</strong>-marin pourrait se poser sur le fond dans un endroit stratégique et attendre le<br />
passage d’unités d’intérêt. Cette manœuvre requiert cependant un savoir-faire certain.<br />
7 On songe notamment <strong>au</strong> phénomène <strong>de</strong> réflexion sur le fond et <strong>la</strong> surface empêchant l’exploitation <strong>de</strong>s<br />
on<strong>de</strong>s acoustiques (« effet cathédrale »).<br />
8 On songe notamment à l’emploi <strong>de</strong> l’infrarouge, mais <strong>au</strong>ssi et surtout à <strong>la</strong> veille visuelle et radar. En effet,<br />
dans les petits fonds, les <strong>sous</strong>-marins seront proches <strong>de</strong> l’immersion périscopique.<br />
6
lesquelles s’effectue 90% <strong>de</strong> son commerce extérieur, et enfin <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> contrôle sur son<br />
environnement direct et plus lointain, signal d’un poids politique en croissance sur <strong>la</strong> scène<br />
internationale. La doctrine <strong>de</strong>s cercles concentriques correspond à cette logique : <strong>la</strong> Chine<br />
cherche à maîtriser d’abord son environnement immédiat, à acquérir une position <strong>de</strong> force dans<br />
son différend avec Taïwan, à faire valoir ses prétentions territoriales en mer <strong>de</strong> Chine<br />
méridionale communément nommées « ligne en U » ou « <strong>la</strong>ngue <strong>de</strong> bœuf ». Elle vise à consoli<strong>de</strong>r<br />
sa présence dans ce qu’elle considère être une <strong>de</strong> ses mers intérieures jusqu’à <strong>la</strong> « première<br />
chaîne d’îles », suivant subtilement sa doctrine <strong>de</strong> « défense active ». A plus long terme, il est<br />
concevable d’envisager <strong>la</strong> <strong>marine</strong> chinoise dans les « e<strong>au</strong>x bleues » <strong>de</strong> l’océan Pacifique ou <strong>de</strong><br />
l’océan Indien, témoignage <strong>de</strong> son entrée dans <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s « <strong>marine</strong>s océaniques ».<br />
Quant <strong>au</strong>x <strong>sous</strong>-marins, ils sont érigés pour ces objectifs comme <strong>la</strong> pierre angu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
stratégie navale chinoise.<br />
L’ambition maritime chinoise est matérialisée par <strong>de</strong>ux chaînes d’îles, respectivement <strong>la</strong> “ligne en U” incluant Taïwan<br />
et les îles Ryukyu, et <strong>la</strong> “secon<strong>de</strong> chaîne d’îles” s’éta<strong>la</strong>nt du Japon à Guam.<br />
(Source : Annual Report to Congress - Military and Security Developments Involving the People’s Republic of China 2011 -<br />
Office of the Secretary of Defence)<br />
b. Les forces <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s chinoises<br />
Elles regroupent 63 bâtiments dont 8 à propulsion nucléaire. Malgré <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> qu<strong>anti</strong>té <strong>de</strong><br />
navires vétustes, 31 <strong>de</strong> ces bâtiments sont considérés comme mo<strong>de</strong>rnes et opérationnels.<br />
- La flotte <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques comprend 12 Kilo, 16 Song (Type-039) et 1 Yuan<br />
(Type-041) <strong>au</strong>x capacités éprouvées, ainsi que 18 Ming et 8 Romeo obsolètes. Ces <strong>sous</strong>marins<br />
<strong>au</strong>x capacités océaniques restent bruyants et seraient cantonnés à une mission<br />
<strong>anti</strong>-accès <strong>de</strong>stinée à préserver <strong>la</strong> souveraineté chinoise dans ce qu’elle considère<br />
comme ses mers intérieures. Le barrage <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins est également un signal à<br />
l’encontre <strong>de</strong> toute incursion ou ingérence américaine <strong>au</strong>x abords <strong>de</strong> Taïwan.<br />
- La flotte <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins nucléaires d’attaque : elle est composée <strong>de</strong> 3 Han (Type-091),<br />
<strong>de</strong>stinés à être remp<strong>la</strong>cés par les Shang (Type-093) et son spectre opérationnel s’é<strong>la</strong>rgit<br />
en même temps que son périmètre d’activité. Les SNA chinois <strong>au</strong>raient ainsi vocation à<br />
opérer <strong>au</strong>-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> <strong>la</strong> « première chaîne d’îles ».<br />
7
- La flotte <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins nucléaires <strong>la</strong>nceurs d’engins : dissimulée dans <strong>la</strong> base <strong>de</strong> Sanya<br />
nouvellement construite sur l’île <strong>de</strong> Hainan, elle regroupe le Xia (Type-092), navire<br />
prototype, qui ne serait pas opérationnel, ainsi que les 2 Jin (Type-094) dont le<br />
déploiement opérationnel est prévu fin 2012. Si <strong>la</strong> Chine n’a pas encore <strong>la</strong>ncé <strong>de</strong> missiles<br />
nucléaires en plongée, elle envisage cette capacité à court terme, même si elle en fait<br />
plus une arme <strong>de</strong> prestige qu’une arme stratégique <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> frappe (ces missiles<br />
seraient pourtant <strong>de</strong> nature à menacer le territoire métropolitain <strong>de</strong>s Etats-Unis en<br />
contournant leur défense <strong>anti</strong>-missile).<br />
Il est important <strong>de</strong> noter que <strong>la</strong> technologie chinoise se fon<strong>de</strong> pour le moment essentiellement<br />
sur <strong>de</strong>s équipements achetés <strong>au</strong>près <strong>de</strong> <strong>marine</strong>s étrangères, copiés et modifiés en fonction <strong>de</strong>s<br />
besoins 9. On ne doit cependant pas <strong>sous</strong>-estimer <strong>la</strong> capacité militaro-industrielle <strong>de</strong> Pékin, même<br />
si l’acquisition <strong>de</strong> savoir faire comporte une certaine inertie. En matière <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins, malgré<br />
l’expérience chinoise 10, <strong>la</strong> flotte <strong>de</strong>meure re<strong>la</strong>tivement bruyante, ce qui limite ses capacités.<br />
Pékin fait <strong>au</strong>ssi face à <strong>de</strong>s difficultés logistiques et humaines qui restreignent ses velléités <strong>sous</strong><strong>marine</strong>s.<br />
Toutefois, il ne fait <strong>au</strong>cun doute que d’ici quelques années, les Chinois s<strong>au</strong>ront mettre<br />
en oeuvre <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques et nucléaires opérationnels, dans un cadre doctrinal plus<br />
offensif. La Chine renouvelle progressivement ses <strong>sous</strong>-marins, et l’on constate <strong>de</strong>puis 2008 une<br />
activité croissante : le nombre <strong>de</strong> patrouilles <strong>au</strong>gmente et certains bâtiments s’aventurent<br />
jusque dans le Pacifique central.<br />
c. Des capacités ASM quasi-inexistantes<br />
Alors que <strong>la</strong> flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> chinoise est nombreuse, les capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s <strong>de</strong> Pékin<br />
<strong>de</strong>meurent paradoxalement embryonnaires : <strong>la</strong> PLAN dispose <strong>de</strong> 20 hélicoptères <strong>de</strong> type Z-8<br />
(dérivés du Super Frelon) et 25 hélicoptères Z-9 Haitun (dérivés du D<strong>au</strong>phin), gréés en ASM,<br />
mais d’<strong>au</strong>cun aéronef <strong>de</strong> patrouille maritime à long rayon d’action. Quelques frégates et<br />
corvettes complètent le dispositif, re<strong>la</strong>tivement léger si l’on porte un regard global sur le<br />
dimensionnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>marine</strong> Chinoise. Les capacités <strong>de</strong> détection et <strong>de</strong> « chasse » sont très<br />
faibles, et l’emploi <strong>de</strong>s moyens suit <strong>de</strong>s schémas trop monolithiques, bien éloignés <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
complémentarité nécessaire dans un domaine <strong>au</strong>ssi complexe que <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>.<br />
On constate toutefois que les Chinois manifestent un intérêt en matière <strong>de</strong> surveil<strong>la</strong>nce, comme<br />
en témoigne l’instal<strong>la</strong>tion en mer <strong>de</strong> Bohai d’un système comparable <strong>au</strong> SOSUS américain afin <strong>de</strong><br />
surveiller les approches <strong>de</strong> l’île <strong>de</strong> Hainan, le sanctuaire <strong>de</strong> ses <strong>sous</strong>-marins nucléaires.<br />
d. Le casse-tête chinois (stratégie indirecte, face <strong>au</strong>x gran<strong>de</strong>s puissances,<br />
et <strong>au</strong>x Etats riverains)<br />
La « menace chinoise » telle qu’elle est perçue par l’Occi<strong>de</strong>nt est en partie biaisée par les<br />
manœuvres médiatiques <strong>de</strong> Pékin et <strong>la</strong> réactivité intéressée <strong>de</strong> Washington. Les mouvements<br />
chinois reflètent leur perception <strong>de</strong> <strong>la</strong> menace et se structurent <strong>au</strong>tour d’une stratégie indirecte<br />
mettant en convergence <strong>de</strong>s moyens politiques, économiques, militaires et diplomatiques.<br />
L’influence d’une politique d’affichage <strong>de</strong>s moyens en fait <strong>la</strong>rgement partie. L’objectif est<br />
d’établir <strong>la</strong> domination chinoise dans <strong>la</strong> région sans concurrence frontale :<br />
Repousser <strong>la</strong> ligne rouge : <strong>la</strong> multiplication <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nts en mer <strong>de</strong> Chine méridionale<br />
<strong>au</strong>tour <strong>de</strong>s Paracels et <strong>de</strong>s Spratleys témoigne <strong>de</strong> <strong>la</strong> progression <strong>de</strong> <strong>la</strong> mainmise chinoise<br />
sur ces archipels. La Chine oppose une rhétorique strictement défensive tout en menant<br />
<strong>de</strong>s opérations offensives, <strong>de</strong> pression et d’intimidation, en sus d’une occupation<br />
physique et diplomatique du terrain. Mé<strong>la</strong>nge <strong>de</strong> mesure et <strong>de</strong> provocation, le jeu est<br />
9 Par exemple : <strong>la</strong> torpille Yu-6 est dérivée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mark 48 américaine, les missiles <strong>anti</strong>navires YJ-82/83 <strong>de</strong><br />
l’Exocet français. Les nouve<strong>au</strong>x <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> c<strong>la</strong>sse Yuan seraient inspirés du <strong>de</strong>sign <strong>de</strong>s Kilo russes.<br />
10 Les Chinois ont acquis leurs premiers <strong>sous</strong>-marins en 1953 (cf ZAJEC Olivier, Sous-marins ! Retour sur<br />
un tropisme chinois, Défense et Sécurité Internationale Hors Série n°15, Décembre 2010-Janvier 2011.)<br />
8
subtil, puisque sans arriver à une opposition frontale, <strong>la</strong> Chine s’arroge <strong>de</strong>s droits que ses<br />
voisins ne sont pas en mesure, militairement, <strong>de</strong> contester. Ce comportement est<br />
également observable à proximité du Japon qui voit régulièrement passer <strong>de</strong>s bâtiments<br />
chinois dans ses e<strong>au</strong>x, voire parfois <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins 11 !<br />
le mythe du « collier <strong>de</strong> perles » : <strong>la</strong> littérature regorge <strong>de</strong> spécu<strong>la</strong>tions sur ce rése<strong>au</strong> <strong>de</strong><br />
points d’appui chinois en océan Indien, qui <strong>de</strong>meure <strong>au</strong>jourd’hui embryonnaire. Il s’agit à<br />
l’heure actuelle d’infrastructures civiles développées conjointement avec <strong>la</strong> Chine, à<br />
Marao (Maldives), Coco Is<strong>la</strong>nd (Birmanie), Chittagong (Bang<strong>la</strong><strong>de</strong>sh) et Gwadar<br />
(Pakistan). On ne peut toutefois ignorer qu’à plus long-terme ces coopérations<br />
ponctuelles et a priori anodines pourraient transformer ces ports en nœuds d’influence<br />
voire en véritables points d’appuis militaires pour <strong>la</strong> Chine en Océan Indien.<br />
3. Les capacités SM et ASM régionales : <strong>de</strong>s moyens disséminés et hétérogènes<br />
L’expansionnisme chinois fournit un argument <strong>de</strong> choix pour les <strong>marine</strong>s régionales qui ont<br />
initié acquièrent <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong>puis quelques années. Une telle entreprise est également<br />
motivée, <strong>de</strong> manière <strong>sous</strong>-jacente, par <strong>de</strong>s préoccupations plus locales. Ces flottes <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s<br />
en <strong>de</strong>venir constituent <strong>au</strong>tant <strong>de</strong> leviers d’affirmation régionale pour <strong>de</strong>s pays comme <strong>la</strong><br />
Ma<strong>la</strong>isie ou Singapour mais <strong>au</strong>ssi l’Indonésie qui souhaitent se doter <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> contrôle sur<br />
leurs détroits (Ma<strong>la</strong>cca et La Son<strong>de</strong> particulièrement). Ce mimétisme régional est frappant,<br />
d’<strong>au</strong>tant plus lorsque l’on connaît les difficultés à mettre en œuvre une flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>, et à<br />
développer doctrines et compétences crédibles en <strong>la</strong> matière dans certains pays.<br />
a. Singapour, Taïwan et <strong>la</strong> Ma<strong>la</strong>isie, chefs <strong>de</strong> file…<br />
La Cité-Etat <strong>de</strong> Singapour dispose <strong>de</strong> <strong>la</strong> flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> <strong>la</strong> plus avancée <strong>de</strong> <strong>la</strong> région. Premier<br />
pays <strong>de</strong> l’ASEAN, « Eldorado » <strong>de</strong> l’Orient, Singapour bénéficie en 2011 d’un budget <strong>de</strong> défense<br />
<strong>de</strong> 9,5 milliards <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs, le plus important <strong>de</strong> <strong>la</strong> région, ce qui lui permet <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>ler ses forces<br />
armées en fonction <strong>de</strong> ses besoins. Sa position géographique <strong>au</strong> carrefour <strong>de</strong> détroits<br />
stratégiques se traduit par une activité maritime intense dont le pays tire une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong><br />
sa richesse. Pour surveiller ses approches et assurer <strong>au</strong>-<strong>de</strong>là <strong>la</strong> libre circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s navires,<br />
Singapour s’est dotée <strong>de</strong> forces navales bine équipées comprenant frégates, patrouilleurs, <strong>sous</strong>marins.<br />
Le <strong>sous</strong>-marin joue un rôle important en matière <strong>de</strong> défense côtière: il s’agit là<br />
notamment d’empêcher une puissance navale hostile <strong>de</strong> bloquer les détroits ou d’approcher par<br />
<strong>la</strong> mer.<br />
Ses 4 <strong>sous</strong>-marins suédois <strong>de</strong> type A-12 (C<strong>la</strong>sse Sjöormen) seront remp<strong>la</strong>cés à partir <strong>de</strong> 2011 par<br />
2 <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> type A-17 (C<strong>la</strong>sse Västergöt<strong>la</strong>nd) équipés d’AIP. Par ailleurs, Singapour<br />
participe, <strong>au</strong>x côtés <strong>de</strong> <strong>la</strong> France et <strong>de</strong> l’Allemagne, <strong>au</strong> nouve<strong>au</strong> projet suédois <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marin A-<br />
26. Singapour disposera ainsi à terme <strong>de</strong> <strong>la</strong> flotte <strong>la</strong> plus importante <strong>de</strong> l’Asie du Sud Est après <strong>la</strong><br />
Chine et l’Australie, bénéficiant qui plus est d’une crédibilité opérationnelle fondée sur un<br />
savoir-faire naval certain et l’existence d’un complexe militaro-industriel compétent.<br />
Singapour possè<strong>de</strong> également <strong>de</strong>s moyens performants en matière <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>,<br />
qu’il s’agisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> flotte <strong>de</strong> surface avec 6 frégates <strong>de</strong> type Formidable, chacune équipée d’un<br />
hélicoptère SeaHawk S-70B ASM ou <strong>de</strong> moyens aériens basés a terre. Les moyens déployés<br />
témoignent <strong>de</strong> l’ambition maritime singapourienne et <strong>de</strong> sa volonté <strong>de</strong> jouer un rôle militaire<br />
majeur dans <strong>la</strong> région.<br />
C’est également le cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ma<strong>la</strong>isie, rivale <strong>de</strong> Singapour. L’acquisition <strong>de</strong> 2 <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> type<br />
Scorpene, les plus mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> <strong>la</strong> région en termes <strong>de</strong> discrétion et <strong>de</strong> systèmes <strong>de</strong> combat, lui<br />
confère une importance nouvelle dans <strong>la</strong> région. Le programme <strong>de</strong> coopération franco-ma<strong>la</strong>isien<br />
11 Le 10 novembre 2004, un <strong>sous</strong>-marin Han est repéré et suivi par les PATMAR japonais dans l’archipel<br />
d’Okinawa.<br />
9
couvre tous les domaines <strong>de</strong> l’é<strong>la</strong>boration d’une capacité <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> – matériel, formation,<br />
maintenance – ce qui <strong>la</strong>isse présager l’émergence d’une force <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> crédible à brève<br />
échéance, à <strong>la</strong> seule condition que les Ma<strong>la</strong>isiens définissent un concept d’emploi adapté a ces<br />
<strong>sous</strong>-marins .<br />
De l’<strong>au</strong>tre côté du dioptre, malgré ses 6 hélicoptères Super Lynx ASM, les capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong><strong>marine</strong>s<br />
ma<strong>la</strong>isiennes sont très limitées. Si <strong>la</strong> Ma<strong>la</strong>isie montre une volonté ferme <strong>de</strong> s’imposer<br />
dans <strong>la</strong> zone et acquiert une avance certaine dans le milieu <strong>sous</strong>-marin, <strong>la</strong> construction d’une<br />
compétence réelle dans le combat naval prendra donc encore du temps.<br />
La problématique <strong>de</strong> Taïwan est tout <strong>au</strong>tre. L’île possè<strong>de</strong> 2 <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques <strong>de</strong> c<strong>la</strong>sse Hai<br />
Lung acquis <strong>au</strong>près <strong>de</strong>s Pays-Bas en 1980. Ces <strong>sous</strong>-marins vieillissants sont <strong>de</strong>stinés à être<br />
remp<strong>la</strong>cés par une flotte <strong>de</strong> huit bâtiments à propulsion AIP, mais le programme <strong>de</strong>meure en<br />
suspens, voire dans l’impasse, en raison <strong>de</strong>s problèmes politiques posés par <strong>la</strong> vente d’un<br />
matériel offensif <strong>de</strong> ce type à Taipei. Bénéficiant <strong>de</strong> l’appui américain, les capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong><strong>marine</strong>s<br />
taiwanaises sont conséquentes, notamment dans le domaine aérien : Taïwan dispose <strong>de</strong><br />
21 aéronefs S-2T Tracker, huit hélicoptères Hughes et 21 SeaHawk. Taiwan surveille<br />
attentivement ses approches afin d’éviter une nouvelle crise telle que celle <strong>de</strong> 1996. L’emploi<br />
d’aéronefs <strong>de</strong> patrouille maritime est particulièrement efficace pour <strong>la</strong> chasse <strong>au</strong>x <strong>sous</strong>-marins<br />
en e<strong>au</strong>x peu profon<strong>de</strong>s. Les <strong>sous</strong>-marins Taïwanais sont quant à eux <strong>de</strong>stinés à intercepter une<br />
flotte <strong>de</strong> débarquement chinoise en cas d’invasion.<br />
b. L’Indonésie et le Vietnam peinent à suivre<br />
Derrière <strong>la</strong> Ma<strong>la</strong>isie, Singapour et Taïwan, le Vietnam se dote lui <strong>au</strong>ssi <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins. Sa<br />
proximité géographique avec <strong>la</strong> Chine, et notamment avec l’île <strong>de</strong> Hainan, bastion <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>marins<br />
nucléaires chinois, lui impose <strong>de</strong> renforcer ses forces navales. Les tensions sont vives<br />
entre les <strong>de</strong>ux pays qui se querellent pour <strong>la</strong> souveraineté sur les îles Paracels et Spratleys, les<br />
<strong>de</strong>rnières escarmouches remontent à juin 2011 12. La nécessité <strong>de</strong> protéger les intérêts<br />
maritimes du Vietnam conduit à un rééquilibrage <strong>de</strong>s forces armées, afin d’améliorer une<br />
<strong>marine</strong> <strong>au</strong>jourd’hui désuète. Le Vietnam dispose <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> poche <strong>de</strong> construction<br />
nord coréenne Yugo et a commandé six <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> type Kilo à <strong>la</strong> Russie pour une livraison<br />
entre 2013 et 2016. Les équipages seraient également formés par les Russes. En matière <strong>de</strong> <strong>lutte</strong><br />
<strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>, Hanoi dispose <strong>de</strong> quelques bâtiments <strong>de</strong> surface et <strong>de</strong> trois hydravions, et<br />
compte étoffer ses capacités à brève échéance. Pour <strong>au</strong>tant, les capacités <strong>de</strong> ces forces<br />
<strong>de</strong>meurent très limitées. D’un <strong>au</strong>tre côté, le Vietnam multiplie les liens avec les <strong>marine</strong>s<br />
étrangères, proposant notamment <strong>de</strong>s facilités portuaires <strong>au</strong>x bâtiments américains <strong>au</strong>x portes<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> Chine 13. Hanoi compte bien employer tous les moyens possibles pour ralentir <strong>la</strong><br />
progression chinoise en mer <strong>de</strong> Chine méridionale.<br />
L’Indonésie reste <strong>de</strong>rrière malgré une expérience <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> <strong>de</strong> longue date. Ses <strong>de</strong>ux<br />
bâtiments <strong>de</strong> type U-209 sont vieillissants et peu adaptés <strong>au</strong>x mers régionales. Pourtant, son<br />
poids croissant sur <strong>la</strong> scène internationale suggère un renforcement <strong>de</strong> sa puissance navale, et<br />
c’est à ce titre que le gouvernement indonésien souhaite se doter d’une flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong><br />
mo<strong>de</strong>rne. Un singulier projet annoncé en 2010 prévoyait <strong>la</strong> constitution d’une flotte <strong>de</strong> 40 <strong>sous</strong>marins.<br />
L’ambition indonésienne a été revue à <strong>la</strong> baisse : il s’agirait plutôt <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à trois <strong>sous</strong>marins<br />
<strong>de</strong> type Kilo ou U-209 dont <strong>la</strong> comman<strong>de</strong> est en discussion <strong>de</strong>puis déjà plusieurs années.<br />
12 Le 26 mai et le 8 juin, <strong>de</strong>s navires chinois tentent <strong>de</strong> couper <strong>de</strong>s câbles installés par <strong>la</strong> firme<br />
PetroVietnam dans <strong>de</strong>s e<strong>au</strong>x proc<strong>la</strong>mées vietnamiennes par Hanoï. Le 13 juin, <strong>la</strong> <strong>marine</strong> vietnamienne<br />
effectue un exercice <strong>de</strong> tir réel en mer <strong>de</strong> Chine méridionale, attisant les tensions sino-vietnamiennes<br />
(HARDY James, Tensions rise in South China Sea, Asia Pacific, 22 juin 2011).<br />
13 La base <strong>de</strong> Da Nang (Vietnam) se situe à moins <strong>de</strong> 400 km <strong>de</strong> <strong>la</strong> base <strong>de</strong> Sanya, sanctuaire nucléaire<br />
chinois.<br />
10
Une offre sud-coréenne propose l’échange <strong>de</strong> 2 <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> type U-209 contre huit aéronefs<br />
CN-235 indonésiens.<br />
En matière <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>, l’Indonésie dispose <strong>de</strong> quelques bâtiments <strong>de</strong> surface, mais n’a pas<br />
<strong>de</strong> capacité aérienne spécifique. L’arsenal indonésien présente donc d’importantes <strong>la</strong>cunes dans<br />
ce domaine <strong>de</strong> <strong>lutte</strong>.<br />
c. Les Philippines et <strong>la</strong> Thaï<strong>la</strong>n<strong>de</strong> <strong>de</strong>meurent loin <strong>de</strong>rrière<br />
Les Philippines et <strong>la</strong> Thaï<strong>la</strong>n<strong>de</strong> sont les <strong>de</strong>rniers Etats à être dépourvus <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins en Asie<br />
du Sud-Est.<br />
Du côté philippin, les difficultés financières empêchent d’envisager un programme <strong>sous</strong>-marin<br />
sérieux. L’absence <strong>de</strong> toute capacité <strong>de</strong> détection, <strong>de</strong> contrôle ou d’interdiction rend l’Etat<br />
philippin particulièrement vulnérable tandis que ses voisins s’équipent pour faire face <strong>au</strong>x<br />
tensions en mer <strong>de</strong> Chine méridionale.<br />
La Thaï<strong>la</strong>n<strong>de</strong> manifeste tout <strong>au</strong>tant son inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> montée en puissance chinoise, mais<br />
<strong>au</strong>ssi <strong>de</strong>vant celle du Vietnam. Négociant avec Berlin, elle a passé un contrat pour six <strong>sous</strong>marins<br />
<strong>de</strong> type U-206A dont <strong>la</strong> livraison est prévue entre 2013 et 2014. Ces bâtiments anciens<br />
ne <strong>de</strong>vraient pas naviguer plus <strong>de</strong> 10 ans, et constituent donc une solution temporaire pour<br />
Bangkok. Ils seraient employés dans le cadre <strong>de</strong> missions <strong>de</strong> défense côtière et <strong>de</strong> patrouilles, en<br />
mer d’Andaman et dans le golfe <strong>de</strong> Thaï<strong>la</strong>n<strong>de</strong>. Enfin, les capacités thaï<strong>la</strong>ndaises en matière <strong>anti</strong><strong>sous</strong>-<strong>marine</strong><br />
sont quasi-inexistantes.<br />
d. Des alliances opportunistes : le rése<strong>au</strong> américain en Asie<br />
C’est sur fond <strong>de</strong> méfiance qu’émergent ces nouvelles flottes <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s, bien loin d’être en<br />
mesure <strong>de</strong> rivaliser avec le géant chinois. Malgré l’initiative tri<strong>la</strong>térale ReCAAP initiée en 2006<br />
contre <strong>la</strong> piraterie dans le détroit <strong>de</strong> Ma<strong>la</strong>cca, impliquant notamment <strong>la</strong> création d’un centre <strong>de</strong><br />
partage <strong>de</strong> l’information maritime basé à Singapour 14, il n’existe pas <strong>de</strong> coopération militaire <strong>au</strong><br />
nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> l’ASEAN, uniquement <strong>de</strong>s exercices bi<strong>la</strong>tér<strong>au</strong>x ou multination<strong>au</strong>x souvent avec les<br />
Etat-Unis ou Singapour. C’est ainsi <strong>au</strong>x Etats-Unis que revient le rôle <strong>de</strong> pivot stabilisateur <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
région, et ils utilisent cette p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> choix pour fédérer le sud-est asiatique <strong>au</strong>tour d’une c<strong>au</strong>se<br />
commune : freiner l’expansionnisme chinois.<br />
Malgré <strong>la</strong> fermeture <strong>de</strong> leur base <strong>au</strong>x Philippines, les Etats-Unis continuent à entretenir leur<br />
rése<strong>au</strong> d’alliances <strong>au</strong>tour <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer <strong>de</strong> Chine méridionale, profitant <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nts réguliers entre<br />
<strong>la</strong> <strong>marine</strong> chinoise et ses voisines. Le Vietnam, <strong>la</strong> Thaï<strong>la</strong>n<strong>de</strong> et les Philippines comptent ainsi sur<br />
<strong>la</strong> protection du « grand-frère » américain, lui offrant en contrepartie <strong>de</strong>s facilités dans leurs<br />
ports. Ces arrangements s’ajoutent <strong>au</strong>x traités plus formels établis avec le Japon et <strong>la</strong> Corée du<br />
Sud. Enfin, Singapour étoffe ses liens avec les Etats-Unis tandis que Taïwan ménage Pékin et<br />
Washington.<br />
Les Etats-Unis bénéficient donc d’un vaste éventail <strong>de</strong> points d’ancrage, un rése<strong>au</strong> d’alliances qui<br />
leur permet une présence permanente dans <strong>la</strong> région.<br />
14 (IFC Information Fusion Center),<br />
11
Moyens<br />
Sous-marins<br />
CREDIBILITE SOUS-MARINE<br />
Moyens ASM<br />
<strong>de</strong> surface<br />
Bâtiments<br />
Actif<br />
Patrouille<br />
Moyens ASM maritime<br />
Aériens Hélicoptères<br />
embarqués<br />
CREDIBILITE ASM<br />
SINGAPOUR MALAISIE TAÏWAN INDONESIE VIETNAM PHILIPPINES THAILANDE<br />
- 4 SSK type A-12<br />
Sjöormen vieillissants<br />
- 2 SSK type A-17<br />
Västergöt<strong>la</strong>nd (AIP)<br />
- projet <strong>de</strong> A-26<br />
Equipement mo<strong>de</strong>rne,<br />
réflexion doctrinale et<br />
savoir-faire en<br />
maturation.<br />
- 6 frégates multirôles<br />
<strong>de</strong> c<strong>la</strong>sse<br />
Formidable<br />
ALOFTS 980, Salmon<br />
TSM 2640<br />
- 2 SSK type Scorpene<br />
(ASA 2009)<br />
- 1 SSK Agosta<br />
(Ouessant) datant <strong>de</strong><br />
1978<br />
Equipement mo<strong>de</strong>rne,<br />
absence <strong>de</strong> réflexion<br />
doctrinale,<br />
acculturation/formation<br />
<strong>de</strong>s équipages<br />
- 4 frégates et 6<br />
corvettes dont<br />
l’équipement <strong>de</strong>meure<br />
léger<br />
Spherion, DSQS-21C,<br />
divers<br />
- 2 SS Guppy II (datant <strong>de</strong><br />
1945-1946)<br />
- 2 SSK Hai Lung<br />
- projet <strong>de</strong> 8 SS (?)<br />
Equipements vieillissants et<br />
non opérationnels.<br />
- 4 <strong>de</strong>stroyers type Kidd<br />
- 8 <strong>de</strong>stroyers PFG2<br />
- 6 Kang Ding (Seahawk)<br />
- 8 frégate Knox (Seasprite)<br />
- 2 SSK type<br />
209/1300 datant<br />
<strong>de</strong> 1981<br />
- projet <strong>de</strong> SSK<br />
mo<strong>de</strong>rnes ( ?)<br />
Savoir-faire<br />
historique, mais<br />
<strong>de</strong>s équipements<br />
désuets<br />
s’expliquant par<br />
un manque <strong>de</strong><br />
moyens.<br />
- 6 frégates type<br />
Van Speijk<br />
(hélicoptère ?)<br />
- une vingtaine <strong>de</strong><br />
corvettes <strong>au</strong>x<br />
capacités limitées<br />
Table<strong>au</strong> 1 : Panorama <strong>de</strong>s capacités SM et ASM en Asie du Sud-Est<br />
- 2 SSM <strong>de</strong> type Yugo<br />
- comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> 6<br />
SSK <strong>de</strong> type Kilo<br />
(livraison 2016)<br />
Une capacité à<br />
construire ex-nihilo.<br />
- 5 frégates <strong>de</strong> type<br />
Petya II et III<br />
Néant Néant<br />
Néant Néant<br />
Néant<br />
Spherion B, divers PHS32, Bull Nose Ox Yoque Néant<br />
- 2 frégates Knox<br />
(hélicoptère ?)<br />
- 2 frégates 25T<br />
(hélicoptère ?)<br />
SQS-26, SQR-18A<br />
rremorqué<br />
Passif DSQS-21C Antenne ETBF (américaine) Foal Tail Ox Tail Néant DSQS-21C, SJD-7<br />
Armement A-244/S A-244/S Mk46 Mod5 A-244/S Néant<br />
- 5 Fokker Maritime<br />
Enforcer<br />
- 4 Hawkeye<br />
- 4 Beechcraft B 200 T<br />
King Air<br />
- 1 Lockheed C-130H<br />
- 21 S-2T Tracker (équipés<br />
<strong>de</strong> bouées, torpilles et<br />
grena<strong>de</strong>s)<br />
Néant<br />
- 3 hydravions Be-12<br />
Mail (gréés ASM)<br />
Néant - 3 Fokker F27-200<br />
- 6 S-70 (Seahawk)<br />
équipés <strong>de</strong> sonar<br />
HELRAS<br />
Néant<br />
- 8 Hughes 500 MD<br />
- 21 Thun<strong>de</strong>r/SeaHawk<br />
Néant Néant Néant ???<br />
Equipement existant,<br />
nécessitant <strong>de</strong>s<br />
compétences à étoffer.<br />
La composante<br />
aérienne offre <strong>de</strong>s<br />
possibilités<br />
intéressantes<br />
Absence d’équipement<br />
performant, <strong>de</strong> cadre<br />
doctrinal et <strong>de</strong><br />
compétence tactique.<br />
Les capacités Taïwanaises<br />
sont réelles. Bénéficiant <strong>de</strong><br />
l’appui américain, elles font<br />
front face à <strong>la</strong> présence<br />
<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> chinois.<br />
La <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong><strong>marine</strong><br />
indonésienne est<br />
quasi-inexistante.<br />
Le Vietnam<br />
développe<br />
progressivement ses<br />
compétences. Sa<br />
crédibilité actuelle<br />
est faible.<br />
Inexistante<br />
Les moyens<br />
thaï<strong>la</strong>ndais sont très<br />
réduits, leur savoirfaire<br />
tout <strong>au</strong>tant.<br />
12
II. Des capacités <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> ASM.<br />
1. La suprématie américaine concurrencée<br />
L’Asie du Sud-Est est l’un <strong>de</strong>s théâtres majeurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> flotte américaine. Après un désengagement<br />
temporaire, lié <strong>au</strong>x conflits en Afghanistan et en Irak, les Etats-Unis reviennent en force dans <strong>la</strong><br />
région, constatant les avancées chinoises durant leur absence. Washington conserve <strong>la</strong> première<br />
force <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> dans <strong>la</strong> région, en dépit <strong>de</strong>s remarques acerbes <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chine qui ne supporte<br />
plus les incursions <strong>de</strong> <strong>marine</strong>s étrangères en mer <strong>de</strong> Chine méridionale, incursions qu’elle<br />
considère comme <strong>de</strong>s ingérences dans ses affaires régionales.<br />
a. Une suprématie qu<strong>anti</strong>tative et qualitative<br />
La flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> américaine a naturellement connu une déf<strong>la</strong>tion à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong>,<br />
passant <strong>de</strong> 87 SNA en 1991 à 53 en 2010, avec 41 prévus à l’horizon 2028 15. Malgré cette<br />
décroissance numérique, Washington conserve « <strong>de</strong>ux nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong> puissance » d’écart avec<br />
Pékin et Moscou. L’US Navy totalise en effet :<br />
- 14 SSBN <strong>de</strong> type Ohio (leur successeur étant en projet)<br />
- 4 SSGN <strong>de</strong> type Ohio, équipés <strong>de</strong> missiles <strong>de</strong> croisière <strong>de</strong> type Tomahawk<br />
- 53 SSN dont 44 Los Angeles, 3 Seawolf et 6 Virginia conçus avant tout pour <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> ASM<br />
mais réellement polyvalents.<br />
Les <strong>sous</strong>-marins sont le fer <strong>de</strong> <strong>la</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> américaine. La <strong>marine</strong><br />
américaine dispose par ailleurs d’une impressionnante flotte d’aéronefs ASM avec pas moins <strong>de</strong><br />
220 hélicoptères SH-60 Seahawk, complétés par 174 P3-C Orion (dont le remp<strong>la</strong>çant, le P8<br />
Poseidon est <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> pré – série). La flotte <strong>de</strong> surface disposant <strong>de</strong> capacités ASM compte<br />
22 croiseurs Ticon<strong>de</strong>roga, 34 <strong>de</strong>stroyers <strong>de</strong> type Arleigh Burke, 30 frégates <strong>de</strong> type O.H. Perry,<br />
bâtiments <strong>au</strong>xquels il f<strong>au</strong>t ajouter les 2 <strong>de</strong>stroyers Zumwalt prévus pour 2013, ainsi que le<br />
programme <strong>de</strong>s LCS (cf. infra).<br />
La supériorité est numérique, mais également qualitative. Le fossé technologique entre les Etats-<br />
Unis et le reste du mon<strong>de</strong> en matière <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins et <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>, creusé tout <strong>au</strong><br />
long <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong>, maintenu par <strong>la</strong> suite, lui confère une suprématie certaine même si<br />
Russes, Japonais, Britanniques et Français, ont <strong>au</strong>ssi montré leur savoir faire dans <strong>la</strong><br />
construction <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins océaniques. Considérant <strong>la</strong> continuité <strong>de</strong>s investissements<br />
américains dans ce domaine, il est peu probable que les Etats-Unis voient émerger un rival<br />
sérieux à long terme.<br />
La torpille filoguidée Mark 48 est toujours une référence, malgré l’émergence <strong>de</strong><br />
nouve<strong>au</strong>x concepts tels que <strong>la</strong> torpille-fusée (<strong>la</strong> « Shkval » russe) ou <strong>la</strong> torpille à suivi <strong>de</strong><br />
sil<strong>la</strong>ge. Le programme CBASS (Common Broadband Advanced Sonar System)<br />
d’amélioration <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>todirecteur acoustique <strong>de</strong> <strong>la</strong> torpille, indique un intérêt pour les<br />
milieux côtiers.<br />
L’effort technologique porte également sur l’homogénéisation <strong>de</strong>s systèmes tactiques,<br />
notamment <strong>la</strong> corré<strong>la</strong>tion et <strong>la</strong> bonne transmission <strong>de</strong>s informations entre les senseurs<br />
et les armes, ce qui permet <strong>de</strong>s engagements rapi<strong>de</strong>s.<br />
b. La présence américaine en Asie du Sud-Est<br />
Un recentrage pacifique<br />
L’US Navy a établi un ratio d’<strong>au</strong> moins 60/40 dans <strong>la</strong> répartition <strong>de</strong> sa flotte en faveur du<br />
Pacifique. En ce qui concerne les <strong>sous</strong>-marins, ce<strong>la</strong> signifie que dix Ohio (dont <strong>de</strong>ux gréés<br />
avec <strong>de</strong>s missiles <strong>de</strong> croisière Tomahawk), trois Seawolf, 25 Los Angeles et <strong>de</strong>ux Virginia<br />
15 Seulement une entrée en service <strong>de</strong> SNA Virginia pour <strong>de</strong>ux désarmements <strong>de</strong> SNA Los Angeles.<br />
13
opèrent sur le théâtre Pacifique, basés soit sur les côtes ouest américaines, soit <strong>au</strong> sein<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> VIIe flotte 16.<br />
La base navale <strong>de</strong> Guam abrite en moyenne cinq <strong>sous</strong>-marins nucléaires d’attaque<br />
<strong>de</strong>stinés à opérer jusqu’en mer <strong>de</strong> Chine méridionale.<br />
D’<strong>au</strong>tre part, il importe d’évoquer l’ancrage américain en océan Indien. Diego Garcia,<br />
avant-poste américain dans <strong>la</strong> région, abrite l’USNS Emory S. Land, bâtiment-base <strong>de</strong><br />
<strong>sous</strong>-marins, <strong>de</strong>stiné à appuyer du Sud les déploiements en Asie du Sud-Est.<br />
Enfin, il f<strong>au</strong>t prendre en compte les efforts américains en matière <strong>de</strong> reconnaissance et<br />
<strong>de</strong> surveil<strong>la</strong>nce acoustique dans <strong>la</strong> région. Le programme SURTASS (T-AGOS) déployé<br />
<strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong>s années 1980 permet à Washington d’alimenter régulièrement ses<br />
bases <strong>de</strong> données particulièrement étoffées et uniques <strong>au</strong> mon<strong>de</strong>.<br />
Des points d’appui loc<strong>au</strong>x : Singapour, <strong>la</strong> Thaï<strong>la</strong>n<strong>de</strong>, les Philippines<br />
Outre ses imp<strong>la</strong>ntations nationales a Guam et Hawaii, les Etats-Unis ont disposé en Asie<br />
du Sud-Est un rése<strong>au</strong> <strong>de</strong> points d’appui et <strong>de</strong> facilités portuaires, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Thaï<strong>la</strong>n<strong>de</strong> <strong>au</strong>x<br />
Philippines en passant par Singapour. Washington cherche à développer davantage ses<br />
partenariats avec l’Indonésie et le Vietnam, tandis que ses liens avec <strong>la</strong> Ma<strong>la</strong>isie restent<br />
embryonnaires.<br />
L’US Navy multiplie enfin les exercices <strong>de</strong> coopération avec un vaste éventail <strong>de</strong> <strong>marine</strong>s<br />
alliées : Japon, Taïwan, Corée du Sud, Australie, Singapour. Il est ainsi important <strong>de</strong> noter<br />
que dans le c<strong>la</strong>ssement <strong>de</strong>s 20 premières <strong>marine</strong>s, 18 entretiennent avec l’US Navy <strong>de</strong>s<br />
liens d’amitié ou <strong>de</strong> coopération.<br />
c. L’affrontement <strong>sous</strong>-jacent sino-américain<br />
La présence américaine dans <strong>la</strong> région est particulièrement contestée par <strong>la</strong> Chine qui considère<br />
<strong>la</strong> mer <strong>de</strong> Chine méridionale comme sa mer intérieure et y affirme jalousement sa souveraineté,<br />
al<strong>la</strong>nt jusqu'à interpréter en sa faveur les termes <strong>de</strong> <strong>la</strong> Convention <strong>de</strong>s Nations Unies sur le Droit<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> Mer.<br />
Plusieurs inci<strong>de</strong>nts navals témoignent <strong>de</strong> cet affrontement entre Washington et Pékin. Ils ne<br />
s<strong>au</strong>raient toutefois être considérés individuellement car ils participent, dans <strong>la</strong> stratégie<br />
chinoise, d’un ensemble varié <strong>de</strong> vecteurs et d’actions subtiles, concourant à l’imposition <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
présence chinoise sur <strong>la</strong> scène asiatique :<br />
Inci<strong>de</strong>nt du Kitty Hawk : en novembre 2006, un <strong>sous</strong>-marin chinois <strong>de</strong> type Song (type-<br />
039) fait surface à proximité du groupe aéronaval Kitty Hawk, <strong>au</strong> <strong>la</strong>rge d’Okinawa. La<br />
Chine jubile, l’inci<strong>de</strong>nt fait couler be<strong>au</strong>coup d’encre, et permet accessoirement à l’US<br />
Navy d’appuyer ses <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s d’armement.<br />
En mars 2009, l’Impeccable, un bâtiment <strong>de</strong> surveil<strong>la</strong>nce océanique T-AGOS équipé <strong>de</strong><br />
sonars et <strong>de</strong> systèmes d’écoute, est encerclé par cinq bâtiments chinois alors qu’il<br />
patrouille à 120km <strong>de</strong>s côtes <strong>de</strong> Hainan. La Chine fait ainsi connaître son agacement,<br />
mais les Etats-Unis persistent dans leurs patrouilles ASM.<br />
Les Etats-Unis sont donc bien déterminés à conserver leur poids en Asie du Sud-Est. Au<br />
<strong>de</strong>meurant les <strong>de</strong>ux puissances ne souhaitent pas un affrontement direct en mer <strong>de</strong> Chine<br />
méridionale même si un inci<strong>de</strong>nt local serait susceptible <strong>de</strong> dégénérer et provoquer mort<br />
d’hommes.<br />
Washington perfectionne ses alliances avec les gran<strong>de</strong>s <strong>marine</strong>s d’Asie (In<strong>de</strong>, Japon, Corée du<br />
Sud, Australie) tandis que <strong>la</strong> Chine joue l’approche bi<strong>la</strong>térale avec les Etats d’Asie du Sud Est.<br />
16 La flotte américaine en Asie du Sud-Est, ou VIIe flotte, se répartit sur trois bases navales : Yokosuka et<br />
Sasebo <strong>au</strong> Japon, et Guam dans <strong>la</strong> baie d’Apra. Elle a pour missions principales <strong>de</strong> défendre le Japon, <strong>la</strong><br />
Corée du Sud ou Taïwan en cas d’agression.<br />
14
2. Les <strong>marine</strong>s d’Asie : un gar<strong>de</strong>-fou ou <strong>de</strong> l’huile sur le feu?<br />
a. Le Japon en renfort<br />
Disposant <strong>de</strong>rrière les Américains <strong>de</strong> <strong>la</strong> meilleure capacité <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> et <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> en<br />
Asie, le Japon peut faire figure <strong>de</strong> « premier agent américain » dans <strong>la</strong> région. C’est sans compter<br />
les restrictions imposées par l’Article 9 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Constitution du Japon :<br />
« Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur <strong>la</strong> justice et l’ordre, le peuple<br />
japonais renonce à jamais à <strong>la</strong> guerre en tant que droit souverain <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation, ou à <strong>la</strong><br />
menace, ou à l’usage <strong>de</strong> <strong>la</strong> force comme moyen <strong>de</strong> règlement <strong>de</strong>s conflits internation<strong>au</strong>x<br />
(…) ».<br />
La <strong>marine</strong> japonaise apparaît ainsi cantonnée à <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce le long <strong>de</strong> ses côtes et <strong>au</strong> contrôle<br />
<strong>de</strong>s passages chinois, re<strong>la</strong>tivement fréquents <strong>au</strong>x abords d’Okinawa et <strong>de</strong>s îles Senkaku 17, ces<br />
<strong>de</strong>rnières cristallisant une inimitié historique entre Pékin et Tokyo. Le Japon s’inquiète <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
montée en puissance et <strong>de</strong> l’opacité chinoises et dimensionne sa flotte en conséquence,<br />
renforçant peu à peu ses gar<strong>de</strong>-côtes avec <strong>de</strong>s bâtiments plus imposants et endurants. Loin<br />
d’une simple flotte <strong>de</strong> défense côtière, les forces maritimes d’<strong>au</strong>todéfense ont en fait <strong>la</strong> capacité<br />
d’intervenir loin et longtemps pour protéger les lignes <strong>de</strong> communication du pays, ce qu’elles<br />
font dans le Nord <strong>de</strong> l’océan Indien.<br />
La flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> japonaise est très mo<strong>de</strong>rne, avec <strong>de</strong>s admissions <strong>au</strong> service actif entre<br />
1990 et 2006 pour les 7 Harushio et les 11 Oyashio. Jusqu’alors restreinte à un volume maximal<br />
<strong>de</strong> 16 unités, <strong>la</strong> flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> japonaise compte désormais 22 unités, une première en 36<br />
ans, et un signal fort dans le contexte crisogène <strong>de</strong> l’Asie orientale. La construction <strong>de</strong> <strong>sous</strong>marins<br />
<strong>de</strong> type Soryu <strong>la</strong>isse <strong>au</strong>gurer un renouvellement prometteur et <strong>de</strong> <strong>la</strong> flotte. Selon les<br />
Américains, le savoir-faire nippon est déjà remarquable.<br />
La <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> mobilise <strong>au</strong> Japon un éventail <strong>de</strong> moyens tout <strong>au</strong>ssi impressionnant :<br />
outre les nombreux <strong>de</strong>stroyers et frégates à capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s, polyvalents et très bien<br />
armés, <strong>la</strong> <strong>marine</strong> japonaise compte 83 hélicoptères SeaHawk, 15 SH-60K, 10 MH-53E Sea Dragon<br />
gréés en ASM, et pas moins <strong>de</strong> 92 aéronefs <strong>de</strong> patrouille maritime dérivés <strong>de</strong>s P3C Orion<br />
américains.<br />
Moyens, savoir-faire, doctrine, complexe militaro-industriel, tout y est : le Japon se présente<br />
comme un expert <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-marin et un allié précieux dans <strong>la</strong> région.<br />
b. Une déception <strong>au</strong>stralienne ?<br />
L’Australie cherche elle <strong>au</strong>ssi à se positionner comme un acteur majeur en Asie du Sud Est. La<br />
<strong>de</strong>uxième mise à jour <strong>de</strong> son livre b<strong>la</strong>nc « Defending Australia in the Asia Pacific Century : Force<br />
2030 » met l’accent sur une stratégie en cercles concentriques, il s’agit notamment d’affirmer <strong>la</strong><br />
présence <strong>au</strong>stralienne en Asie du Sud-Est. Le parrainage américain est très prégnant en<br />
Australie, et les Etats-Unis ne désespèrent pas d’en faire un gendarme <strong>de</strong> l’océan Indien à leurs<br />
côtés. Qui plus est, Canberra a pris conscience <strong>de</strong> ses vulnérabilités face à <strong>la</strong> montée en<br />
puissance chinoise et revient vers son allié traditionnel : elle a renouvelé les accords <strong>de</strong> défense<br />
et ouvert Darwin <strong>au</strong>x Américains.<br />
Mais les Australiens doivent procé<strong>de</strong>r à une refonte <strong>de</strong> leur flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>, le cœur <strong>de</strong> leur<br />
stratégie offensive et défensive. En remp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong>s six <strong>sous</strong>-marins Collins <strong>au</strong>straliens, qui<br />
17 En septembre 2010, un patrouilleur <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s côtes japonais entrait en confrontation avec un pêcheur<br />
chinois dans les e<strong>au</strong>x adjacentes.<br />
15
essuient <strong>de</strong>puis leur mise en service (1996 à 2003) <strong>de</strong>s difficultés multiples 18, le programme Sea<br />
1000 prévoit <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> 12 <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques (Future Sub<strong>marine</strong>s FSM) d’environ<br />
3000t à l’échéance 2025. Ils <strong>de</strong>vront surmonter les difficultés techniques, logistiques et<br />
humaines rencontrées sur les Collins. Washington veille. L’essentiel <strong>de</strong>s équipements <strong>au</strong>straliens<br />
provient naturellement <strong>de</strong>s Etats-Unis (torpilles Mark 48, missiles Sub-Harpoon) mais <strong>la</strong> France<br />
figure également parmi les col<strong>la</strong>borateurs <strong>au</strong>straliens, notamment en matière <strong>de</strong> bouées<br />
acoustiques, mais <strong>au</strong>ssi sur le programme <strong>de</strong> torpilles MU90 adopté par Canberra. Les moyens<br />
<strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-marins <strong>au</strong>straliens sont significatifs : l’Australie possè<strong>de</strong> 16 bâtiments <strong>de</strong> surface<br />
équipés d’hélicoptères à capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s, mais également une flotte <strong>de</strong> 18 avions <strong>de</strong><br />
patrouille maritime. Le programme Sea 4000 prévoit le renforcement <strong>de</strong> ces outils.<br />
Les capacités <strong>au</strong>straliennes sont donc réelles, <strong>sous</strong> réserve que Canberra améliore sa<br />
composante <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>.<br />
c. Guerre en Corée<br />
Le 23 mars 2010, <strong>la</strong> frégate sud-coréenne Cheonan est torpillée par un <strong>sous</strong>-marin nordcoréen<br />
19. Cet événement souligne l’affrontement naval entre les <strong>de</strong>ux Corées, et fait ré-émerger<br />
<strong>de</strong>s abysses le spectre <strong>sous</strong>-marin.<br />
Il s’agit en effet d’un instrument privilégié par Pyongyang qui possè<strong>de</strong> en plus <strong>de</strong> ses 23 unités<br />
<strong>de</strong> type Romeo fournies par Pékin toute une flottille <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> poche particulièrement<br />
adaptés <strong>au</strong>x e<strong>au</strong>x peu profon<strong>de</strong>s : 33 Yugo et 32 Sang-0 se partagent les missions d’espionnage<br />
et d’infiltration menées <strong>au</strong> Japon et en Corée du Sud.<br />
En effet <strong>la</strong> Corée du Sud possè<strong>de</strong> <strong>de</strong> son coté neuf <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques <strong>de</strong> c<strong>la</strong>sse Chang Bogo<br />
(type U209-1200) et trois <strong>de</strong> c<strong>la</strong>sse Sohn Won-Il (type U-214 dotés d’AIP). Séoul prévoit<br />
l’acquisition <strong>de</strong> six U-214 supplémentaires et <strong>la</strong> construction locale d’une nouvelle génération <strong>de</strong><br />
<strong>sous</strong>-marins (projet KSS-3) à partir <strong>de</strong> 2018. La technologie, le complexe militaro-industriel et le<br />
savoir-faire sud-coréens en <strong>la</strong> matière sont reconnus. De l’<strong>au</strong>tre côté du dioptre, les capacités<br />
sud-coréennes <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> rassemblent onze <strong>de</strong>stroyers mo<strong>de</strong>rnes et neuf frégates<br />
<strong>de</strong> type Ulsan, ces <strong>de</strong>rnières bientôt remp<strong>la</strong>cées par vingt frégates FFX type Incheon (2300<br />
tonnes). Huit aéronefs <strong>de</strong> patrouille maritime <strong>de</strong> type P-3C Orion et huit S-2E Tracker<br />
complètent ces moyens. Le torpil<strong>la</strong>ge du Cheonan a piqué <strong>au</strong> vif <strong>la</strong> <strong>marine</strong> sud-coréenne.<br />
Les <strong>de</strong>ux Corées sont <strong>de</strong>s acteurs <strong>sous</strong>-marins significatifs en Asie. La Corée du Sud possè<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
réelles capacités <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s et <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s et bénéficie <strong>de</strong> l’appui américain, tandis que<br />
son voisin du nord, soutenu par <strong>la</strong> Chine et <strong>la</strong> Russie, présente <strong>de</strong>s moyens plus mo<strong>de</strong>stes mais<br />
<strong>au</strong>x potentiels <strong>de</strong> nuisance et <strong>de</strong> harcèlement conséquents. Cependant, l’état <strong>de</strong> guerre qui<br />
prév<strong>au</strong>t <strong>au</strong>x frontières <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux pays ne les incite guère a éloigner leurs capacités loin <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
péninsule. La République <strong>de</strong> Corée a ainsi réduit sa participation a <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> contre <strong>la</strong> piraterie en<br />
océan Indien.<br />
d. Des acteurs périphériques : l’In<strong>de</strong> et <strong>la</strong> Russie<br />
La présence indienne est actuellement marginale, elle n’influence que très peu les jeux <strong>sous</strong>marins<br />
en Asie du Sud-Est et représente une menace lointaine pour <strong>la</strong> Chine même si un récent<br />
rapprochement entre le Vietnam et l’In<strong>de</strong> complique les choses en mer <strong>de</strong> Chine. En revanche,<br />
c’est à l’<strong>au</strong>ne <strong>de</strong> <strong>la</strong> montée en puissance chinoise que se mesurent les développements<br />
doctrin<strong>au</strong>x <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>marine</strong> indienne, prenant le pas sur les préoccupations pakistanaises<br />
historiques <strong>de</strong> Bombay. L’In<strong>de</strong> se sent encerclée et vulnérable sur le p<strong>la</strong>n maritime : sa priorité<br />
18 Un seul <strong>de</strong>s six Collins est en mesure <strong>de</strong> naviguer en permanence à l’heure actuelle. En juin <strong>de</strong>rnier, une<br />
avarie technique avait immobilisé le seul bâtiment opérationnel : l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> flotte était donc à quai,<br />
en maintenance ou en réparation, entamant ar<strong>de</strong>mment <strong>la</strong> crédibilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> puissance <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong><br />
<strong>au</strong>stralienne (PITTAWAY Nigel, Six of Australia’s Subs unavai<strong>la</strong>ble at once, Defense News, 20 juin 2011).<br />
19 Selon un rapport américano-sud-coréen.<br />
16
est donc <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> ses voies d’approvisionnement en océan Indien, du détroit d’Ormuz <strong>au</strong><br />
détroit <strong>de</strong> Ma<strong>la</strong>cca.<br />
Disposant actuellement d’une flotte <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> re<strong>la</strong>tivement mo<strong>de</strong>ste (dix <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> type<br />
Kilo et quatre <strong>de</strong> type U-209/1500 en cours <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation), l’In<strong>de</strong> construit 6 <strong>sous</strong>-marins<br />
Scorpene dotés d’AIP. Leur admission <strong>au</strong> service actif est prévue entre 2014 et 2015.<br />
L’acquisition <strong>de</strong> ces <strong>sous</strong>-marins AIP permettra d’é<strong>la</strong>rgir le rayon <strong>de</strong> patrouille indien à l’océan<br />
éponyme. D’<strong>au</strong>tre part, Bombay souhaite acquérir à moyen terme une compétence nucléaire<br />
avec le leasing <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins Aku<strong>la</strong> <strong>au</strong>près <strong>de</strong>s Russes et le développement d’un <strong>sous</strong>-marin<br />
nucléaire <strong>de</strong> production locale, l’ATV (Advanced Technology Vessel) 20. Plus mo<strong>de</strong>ste que <strong>la</strong> flotte<br />
<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> chinoise, <strong>la</strong> flotte indienne totalise donc 14 <strong>sous</strong>-marins, <strong>au</strong> maximum 24 à<br />
l’horizon 2030. Pourtant, Bombay doit encore améliorer ses techniques <strong>de</strong> construction, en<br />
particulier dans le domaine <strong>de</strong>s équipements, et é<strong>la</strong>borer une doctrine d’emploi <strong>de</strong> ses moyens<br />
avant <strong>de</strong> pouvoir prétendre mettre en oeuvre ses <strong>sous</strong>-marins loin et longtemps. Pour <strong>au</strong>tant,<br />
les liens qu’elle tisse avec <strong>la</strong> France, <strong>la</strong> Russie, les Etats-Unis voire même le Vietnam 21, sont<br />
<strong>au</strong>tant d’atouts pour le futur.<br />
Autre acteur d’Asie, <strong>la</strong> Russie est un géant qui se relève péniblement mais qui retrouve un<br />
intérêt pour l’Asie. La dissuasion <strong>de</strong>meure <strong>au</strong> cœur <strong>de</strong> sa doctrine navale, mais Moscou ne<br />
dispose dans le Pacifique que d’une flotte ancienne à <strong>la</strong> disponibilité limitée. La permanence<br />
d’une activité <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> n’est plus assurée, mais on observe <strong>de</strong>puis quelques années un regain<br />
d’activité avec le <strong>la</strong>ncement <strong>de</strong> nombreux projets <strong>de</strong> rénovation ou <strong>de</strong> renouvellement, <strong>au</strong><br />
premier rang avec le <strong>la</strong>ncement du <strong>sous</strong>-marin nucléaire <strong>la</strong>nceur d’engins <strong>de</strong> type Borey. Les<br />
Russes ont également entrepris le renouvellement <strong>de</strong> leurs <strong>sous</strong>-marins nucléaires d’attaque<br />
avec <strong>la</strong> construction <strong>de</strong>s Severodvinsk qui accumulent cependant <strong>de</strong>s retards <strong>de</strong>puis plus d’une<br />
dizaine d’années. Parallèlement Moscou entre dans sa 4 ème génération <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins<br />
conventionnels avec les projets Amur et Sarov, respectivement <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques et à<br />
propulsion hybri<strong>de</strong> 22. Le complexe militaro-industriel russe connaît donc une nouvelle montée<br />
en puissance, comme en témoigne le succès <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> type Kilo à l’export en Asie du<br />
Sud-Est.<br />
Toutefois, <strong>la</strong> Russie n’est pas (encore) un acteur déterminant en Asie du Sud-Est. Sa flotte du<br />
Pacifique qui comprend 4 SSBN, 6 SSGN, 6 SSN, 8 SSK, reste dans le Nord du Pacifique et seuls<br />
les bâtiments qui participent épisodiquement a <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> contre <strong>la</strong> piraterie en océan Indien<br />
passent dans <strong>la</strong> zone.<br />
20 L’INS Arihant, premier <strong>de</strong> <strong>la</strong> liste, a été <strong>la</strong>ncé en juillet 2009, et <strong>de</strong>vrait effectuer sa première patrouille<br />
fin 2012. A terme, il pourrait être équipé du missile balistique à tête nucléaire SLBM K-15 Sagarika.<br />
21 On songe notamment à <strong>la</strong> coopération en matière <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-mariniers, et <strong>de</strong>s facilités<br />
portuaires proposées par le Vietnam.<br />
22 Pour le Sarov, on évoque un <strong>sous</strong>-marin Kilo doté d’une ch<strong>au</strong>dière nucléaire.<br />
17
Moyens<br />
Sous-marins<br />
CREDIBILITE SOUS-<br />
MARINE<br />
Moyens<br />
ASM <strong>de</strong><br />
surface<br />
Moyens<br />
ASM<br />
Aériens<br />
Bâtiments<br />
ETATS-UNIS<br />
(Pacifique)<br />
- 8 SSBN Ohio<br />
- 2 SSGN Ohio<br />
- 3 SSN Seawolf (dont un dédié<br />
<strong>au</strong>x missions d’infiltration)<br />
- 25 SSN Los Angeles<br />
- 2 SSN Virginia<br />
Le déploiement dans <strong>la</strong> zone <strong>de</strong><br />
30 <strong>sous</strong>-marins nucléaires<br />
d’attaque, fer <strong>de</strong> <strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s<br />
capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s<br />
américaines, manifeste l’intérêt<br />
et le poids <strong>de</strong> Washington.<br />
- bâtiment-base pour <strong>sous</strong>-marin<br />
Emory S. Land (basé à Diego<br />
Garcia)<br />
- TF 70<br />
- TF71<br />
- TF72<br />
JAPON AUSTRALIE COREE DU SUD COREE DU NORD INDE<br />
- 11 SSK Oyashio (ASA 1997 à<br />
2006)<br />
- 7 SSK Harushio (ASA 1990 à<br />
1997)<br />
- 5 SSK Soryu équipés AIP (ASA<br />
2009 à 2012)<br />
Les japonais possè<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> flotte<br />
<strong>la</strong> plus jeune du mon<strong>de</strong>. Leur<br />
expertise <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> est<br />
incontestable, et leur doctrine<br />
soli<strong>de</strong>.<br />
Leur valeur opérationnelle en<br />
fait l’un <strong>de</strong>s princip<strong>au</strong>x<br />
remparts <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-marins.<br />
- une cinquantaine <strong>de</strong><br />
bâtiments al<strong>la</strong>nt du <strong>de</strong>stroyer à<br />
<strong>la</strong> frégate, équipés<br />
d’hélicoptères ASM<br />
- 6 SSK <strong>de</strong> type 471, c<strong>la</strong>sse<br />
Collins, ASA entre 1996 et<br />
2003<br />
Le programme Sea 1000<br />
prévoit leur remp<strong>la</strong>cement<br />
par 12 <strong>sous</strong>-marins à<br />
l’horizon 2028.<br />
L’échec du programme<br />
Collins fait émerger<br />
l’impuissance <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong><br />
<strong>au</strong>stralienne.<br />
La technologie et le savoirfaire,<br />
hérités <strong>de</strong>s américains,<br />
existent, mais sont contraints<br />
par <strong>la</strong> disponibilité <strong>de</strong>s<br />
bâtiments.<br />
- 4 <strong>de</strong>stroyers type AWD<br />
- 8 frégates Meko 200 et 4<br />
frégates OH Perry dotées<br />
d’hélicoptères<br />
- 9 SSK type 209/1200,<br />
c<strong>la</strong>sse Chang Bobo<br />
(<strong>de</strong>stinés à être remp<strong>la</strong>cés<br />
par 9 <strong>sous</strong>-marins<br />
océaniques DSX3000,<br />
projet KSS3)<br />
- 3 SSK type 214, c<strong>la</strong>sse<br />
Sohn Won Il<br />
- 2 SSM Tolgorae, 9 SX756<br />
Les capacités sudcoréennes<br />
sont réelles,<br />
<strong>au</strong>tant en termes <strong>de</strong><br />
technologie, <strong>de</strong> savoir-faire<br />
et <strong>de</strong> doctrine.<br />
- 9 <strong>de</strong>stroyers <strong>de</strong> type<br />
KDX1-2-3 équipés<br />
d’hélicoptères<br />
- 24 frégates FFX (Ulsan)<br />
prévues entre 2011 et<br />
2028<br />
- 23 SSK <strong>de</strong> type Romeo<br />
- 32 SSM <strong>de</strong> type Sang-O<br />
(275t, 320t en plongée,<br />
armés <strong>de</strong> 4 torpilles)<br />
- 33 SSM <strong>de</strong> type Yugo (90t,<br />
110t en plongée, sans<br />
armement)<br />
La <strong>sous</strong>-marina<strong>de</strong> nordcoréenne<br />
présente un bon<br />
pouvoir <strong>de</strong> nuisance <strong>de</strong> par<br />
<strong>la</strong> mise en œuvre effective<br />
<strong>de</strong> petites unités en missions<br />
d’infiltration, <strong>de</strong><br />
renseignement ou <strong>de</strong><br />
harcèlement.<br />
- 3 frégates Najin et Soho,<br />
désuètes<br />
- 4 PCE Sariwon équipées <strong>de</strong><br />
sonars<br />
- SSBN : 4 à 5 ATV (INS<br />
Anhirant), opérant le missile<br />
Sagarika (non opérationnel)<br />
- SSN : 1 Aku<strong>la</strong> en leasing<br />
- 10 SSK <strong>de</strong> type Kilo<br />
- 2 SSK <strong>de</strong> type Foxtrot<br />
(entraînement)<br />
- 4 SSK type U-209/1500<br />
- 6 SSK type Scorpene (en<br />
construction, ASA 2012 à<br />
2017)<br />
L’In<strong>de</strong> construit patiemment<br />
ses capacités <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s,<br />
<strong>au</strong>tant en matière<br />
technologique que savoir-faire<br />
et d’acculturation (formation<br />
<strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-mariniers par les<br />
russes). La réflexion doctrinale<br />
en est à ses prémisses.<br />
- 9 <strong>de</strong>stroyers équipés (Delhi,<br />
Shivalik, Kolkata)<br />
- 12 frégates équipées<br />
(Godavari, Brahmaputra,<br />
Krivak)<br />
RUSSIE<br />
(Pacifique)<br />
- SSBN : 4 Typhoon/Delta,<br />
et à terme 2 Borey<br />
- SSGN : 6 Oscar II<br />
- SSN : 6<br />
Aku<strong>la</strong>/Sierra/Victor<br />
- SSK : 8 Kilo/Lada/Tango<br />
Si <strong>la</strong> <strong>sous</strong>-marina<strong>de</strong> russe a<br />
chuté à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre<br />
froi<strong>de</strong>, elle regagne<br />
progressivement en valeur<br />
opérationnelle.<br />
Savoir-faire et doctrine<br />
sont soli<strong>de</strong>s, seuls<br />
manquent <strong>de</strong>s<br />
équipements performants,<br />
actuellement en refonte.<br />
Moscou privilégie par<br />
ailleurs le théâtre Pacifique<br />
pour ses futurs<br />
déploiements.<br />
- 1 croiseur Kirov<br />
- 8 <strong>de</strong>stroyers (Udaloy,<br />
Kashin, Sovremenny)<br />
Actif Divers Matériel américain Matériel américain DSQS23, DSQS21, Kingklip StagHorn HUS-001, HUS-003, HUMSA Sonars MF/HF, bouées<br />
Passif Divers Matériel américain Matériel américain DSQS23, DSQS21, Kingklip Néant<br />
Armement Divers HOS 301C, Mk68 MU-90, Mk46<br />
Patrouille<br />
maritime<br />
Hélicoptères<br />
embarqués<br />
CREDIBILITE ASM<br />
Total :<br />
- 58 S3-B Viking<br />
- 174 P3C Orion<br />
Total :<br />
- 220 SH-60<br />
Seahawk/Oceanhawk<br />
Elle se fon<strong>de</strong> essentiellement sur<br />
les capacités <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s<br />
évoquées supra.<br />
- 94 P-3C Orion - 18 AP-3C Orion<br />
- 83 SeaHawk<br />
- 15 SH-60K<br />
- 10 MH-53E Sea Dragon<br />
Les capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s<br />
japonaises sont remarquables.<br />
Loin d’être cantonnées à<br />
« l’<strong>au</strong>to-défense », elles sont<br />
multi-milieux et flexibles. Elles<br />
bénéficient par ailleurs <strong>de</strong><br />
l’allonge et <strong>de</strong> <strong>la</strong> performance<br />
<strong>de</strong>s aéronefs <strong>de</strong> patrouille<br />
maritime.<br />
Le Japon est un adversaire<br />
redoutable en matière <strong>de</strong> <strong>lutte</strong><br />
<strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>.<br />
- 6 SeaKing<br />
- 16 SeaHawk<br />
La <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong><br />
<strong>au</strong>stralienne est crédible en<br />
ce qu’elle met en œuvre <strong>de</strong>s<br />
équipements performants,<br />
selon un savoir-faire éprouvé<br />
et un réel engagement<br />
doctrinal.<br />
Le seul écueil <strong>de</strong>meure dans<br />
l’indisponibilité <strong>de</strong> son<br />
vecteur <strong>sous</strong>-marin.<br />
Cheongsangeo (Blue Shark,<br />
Mk46 locale), RedShark,<br />
White shark (torpille<br />
lour<strong>de</strong>)<br />
- 8 S-2E Tracker<br />
- 8 P-3C Orion<br />
???<br />
Néant<br />
- 30 Super Lynx Néant<br />
Séoul étoffe ses moyens <strong>de</strong><br />
<strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> <strong>sous</strong><br />
<strong>la</strong> pression nord-coréenne.<br />
Le savoir-faire est là. Leur<br />
caractère multi-milieux<br />
leur confère une valeur<br />
opérationnelle manifeste.<br />
Les capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong><strong>marine</strong>s<br />
nord-coréennes<br />
sont inexistantes.<br />
Pyongyang se fon<strong>de</strong><br />
essentiellement sur <strong>la</strong><br />
capacité <strong>de</strong> nuisance <strong>de</strong> ses<br />
mini-submersibles.<br />
Table<strong>au</strong> 2 : Panorama <strong>de</strong>s capacités SM et ASM <strong>de</strong>s puissances navales régionales et extrarégionale<br />
Antenne ETBF en<br />
développement<br />
Torpille dérivée <strong>de</strong> <strong>la</strong> 224/S,<br />
torpille légère AET, torpille<br />
lour<strong>de</strong> indigène Varunastra<br />
- 8 Tu-142<br />
- 5 Il-38<br />
- 18 SeaKing<br />
- 21 Alouette III<br />
- 12 Helix<br />
Tout comme ses capacités<br />
<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s, Bombay<br />
construit ses compétences<br />
dans ce domaine <strong>de</strong> <strong>lutte</strong>,<br />
souhaitant développer une<br />
technologie indigène, elle se<br />
fon<strong>de</strong> cependant sur<br />
l’expérience russe.<br />
Sa valeur opérationnelle reste<br />
faible à l’heure actuelle.<br />
Matériel indigène, bouées<br />
Production locale <strong>de</strong><br />
missiles et torpilles.<br />
Total :<br />
- 32 Tu-142 Bear<br />
- 26 Il-38 May<br />
Total :<br />
- 121 Helix<br />
Les moyens <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong><strong>sous</strong>-<strong>marine</strong><br />
russe sont<br />
pour l’heure peu déployés<br />
sur le théâtre asiatique.<br />
19
3. La France peu présente en Asie du Sud-Est<br />
a. Une zone en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’arc <strong>de</strong> crise défini par le Livre b<strong>la</strong>nc<br />
Le Livre B<strong>la</strong>nc <strong>de</strong> 2008 fixe <strong>la</strong> limite orientale <strong>de</strong> l’arc <strong>de</strong> crise, zone préférentielle d’activité en<br />
matière <strong>de</strong> défense et <strong>de</strong> sécurité, <strong>au</strong>x abords du détroit <strong>de</strong> Ma<strong>la</strong>cca. Or <strong>la</strong> prise en considération<br />
<strong>de</strong>s nouvelles données économiques et géopolitiques semble imposer un é<strong>la</strong>rgissement <strong>de</strong> cette<br />
zone afin d’englober l’Asie du Sud-Est importante pour l’économie mondiale, en particulier<br />
européenne. Cette zone est fréquentée par les bâtiments basés en océan Indien quand ils ne sont<br />
pas accaparés par <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> contre <strong>la</strong> piraterie ou par <strong>la</strong> frégate <strong>de</strong> surveil<strong>la</strong>nce Vendémiaire, basée<br />
à Nouméa.<br />
b. Des intérêts (économiques, politiques et diplomatiques)<br />
Ces intérêts justifient une <strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> l’activité navale dans une région certes éloignée <strong>de</strong><br />
15 000 km <strong>de</strong> <strong>la</strong> métropole mais où nos compatriotes sont <strong>de</strong> plus en plus nombreux et nos<br />
entreprises <strong>de</strong> plus en plus présentes..<br />
Il s’agit en premier lieu <strong>de</strong> préserver <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> navigation en mer <strong>de</strong> Chine<br />
méridionale enjeu majeur pour notre pays et pour <strong>la</strong> commun<strong>au</strong>té internationale.<br />
L’<strong>au</strong>torité et <strong>la</strong> respectabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> France sur <strong>la</strong> scène internationale ne pourraient que<br />
s’en trouver renforcées.<br />
La France doit donc renforcer ses liens diplomatiques et militaires avec les Etats <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
région, ce qu’elle a déjà commencé à faire avec <strong>la</strong> Ma<strong>la</strong>isie, mais également Singapour et<br />
l’Australie, par <strong>de</strong>s exercices conjoints, ou <strong>de</strong>s coopérations en matière <strong>de</strong><br />
renseignement ou d’armement.<br />
Les enjeux sont <strong>au</strong>ssi économiques : industrie <strong>de</strong> défense (Ma<strong>la</strong>isie, Singapour),<br />
recherche, mais également commerce, transport maritime ou exploitation <strong>de</strong>s ressources<br />
du <strong>sous</strong>-sol <strong>de</strong>s mers peu profon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone. Il convient ainsi <strong>de</strong> rappeler que CMA<br />
CGM, l’un <strong>de</strong>s premiers armateurs à s’installer en Asie du Sud Est, y est présent <strong>de</strong>puis<br />
1992.<br />
La pression économique chinoise s’exerce également sur nos outremers : ce <strong>de</strong>rnier<br />
argument n’est pas le moindre, puisque <strong>la</strong> proximité <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nouvelle Calédonie offre à <strong>la</strong><br />
fois un point d’appui et une ouverture sur <strong>la</strong> région, ainsi que <strong>de</strong>s ressources minérales<br />
considérables. Cet archipel, ceux <strong>de</strong> Wallis et Futuna et <strong>de</strong> Polynésie française font <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
France un pays du Pacifique responsable <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 500 000 citoyens, doté <strong>de</strong> richesses<br />
considérables bien que peu exploitées.<br />
La France est cependant jusqu’à maintenant absente d’Asie du Sud-Est. L’éloignement<br />
géographique et le manque <strong>de</strong> visibilité médiatique <strong>de</strong> cette partie du mon<strong>de</strong> jouent en défaveur<br />
d’un engagement français plus conséquent. Nos intérêts y sont pourtant réels, et suggèrent une<br />
sensibilisation accrue sur les enjeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer <strong>de</strong> Chine méridionale. Plusieurs <strong>marine</strong>s<br />
extrarégionales opèrent déjà sur <strong>la</strong> zone, parfois <strong>au</strong>x côtés <strong>de</strong>s Américains.<br />
En Asie du Sud Est les <strong>sous</strong>-marins sont <strong>de</strong> plus en plus nombreux. Arme <strong>de</strong> déni d’accès ou<br />
arme offensive menaçant les cités côtières, le <strong>sous</strong>-marin est une menace que <strong>la</strong> France sait<br />
exercer ou déjouer, forte <strong>de</strong> son expérience vieille <strong>de</strong> plus d’un <strong>siècle</strong>. C’est un outil d’influence<br />
précieux dans une région du mon<strong>de</strong> dont <strong>la</strong> stabilité nous concerne <strong>au</strong> premier p<strong>la</strong>n.<br />
III. Vers un renouve<strong>au</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> ASM ?<br />
La menace <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> contemporaine a changé <strong>de</strong> forme : elle n’est plus celle <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux super<br />
puissances se défiant <strong>sous</strong> le dioptre, elle est celle d’une pléia<strong>de</strong> d’Etats cherchant à maintenir ou<br />
20
construire leur souveraineté et souhaitant s’affirmer sur une scène régionale ou internationale.<br />
Ce<strong>la</strong> a plusieurs implications sur :<br />
le lieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> menace : <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong>, l’activité <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> s’est<br />
rapprochée <strong>de</strong>s côtes passant du maintien <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> communication entre les Etats-<br />
Unis et l’Europe ou le Japon à l’affirmation <strong>de</strong> stratégies <strong>de</strong> déni d’accès par un nombre<br />
croissant <strong>de</strong> pays dotés <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques, ce qui a modifié les mo<strong>de</strong>s<br />
opératoires en <strong>lutte</strong> ASM. Ce tropisme côtier ne doit pas être restrictif, <strong>la</strong> h<strong>au</strong>te-mer<br />
restant un théâtre <strong>de</strong> choix pour les gran<strong>de</strong>s puissances navales. La <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong><strong>marine</strong><br />
doit désormais s’exercer dans tous les milieux ;<br />
<strong>la</strong> nature <strong>de</strong> <strong>la</strong> menace : l’utilisation d’armes <strong>anti</strong>-navires à changement <strong>de</strong> milieu, le<br />
développement <strong>de</strong>s missiles <strong>de</strong> croisière <strong>la</strong>ncés en plongée font peser une menace plus<br />
lointaine contre les navires, nouvelle pour les villes ou les instal<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s littor<strong>au</strong>x ;<br />
le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> <strong>la</strong> menace : nous ne sommes plus dans le cadre d’une course effrénée <strong>au</strong>x<br />
armements telle qu’elle a pu avoir lieu pendant <strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong>. L’instrument <strong>sous</strong>-marin<br />
est effectivement disséminé, mais seules les gran<strong>de</strong>s puissances conservent actuellement<br />
le cœur <strong>de</strong> métier et le noy<strong>au</strong> technologique nécessaires à <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> flottes <strong>sous</strong><strong>marine</strong>s<br />
réellement puissantes capables d’agir loin et longtemps. Pour <strong>au</strong>tant <strong>de</strong> plus en<br />
plus d’Etats acquièrent peu à peu une compétence dans <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>marins<br />
c<strong>la</strong>ssiques <strong>au</strong>x capacités moindres mais réelles.<br />
La multiplication et <strong>la</strong> montée en puissance <strong>de</strong>s flottes <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s fait ré-émerger un spectre<br />
qui avait semblé disparaitre <strong>de</strong> notre paysage maritime <strong>de</strong>puis une vingtaine d’années. Pour ces<br />
raisons, <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>, connaît un regain d’intérêt dans le mon<strong>de</strong> entier.<br />
1. Des ruptures technologiques <strong>sous</strong> le dioptre<br />
a. L’AIP (Air In<strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nt Propulsion) révolutionne l’emploi <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>marins<br />
c<strong>la</strong>ssiques<br />
Excellent compromis coût/performance pour les jeunes <strong>marine</strong>s, le <strong>sous</strong>-marin doté d’une<br />
propulsion indépendante <strong>de</strong> l’atmosphère ou anaérobie allie à <strong>la</strong> fois discrétion et <strong>au</strong>tonomie en<br />
plongée, celle-ci étant <strong>au</strong>gmentée <strong>de</strong> quelques jours à trois ou quatre semaines 23. Trois<br />
entreprises se partagent ce marché qui modifie sensiblement le concept d’emploi <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>marins<br />
c<strong>la</strong>ssiques :<br />
La firme suédoise Kockums, pionnière en <strong>la</strong> matière, s’inspire du principe <strong>de</strong> combustion<br />
externe <strong>de</strong> Stirling pour développer un moteur testé pour <strong>la</strong> première fois en 1989. Sa<br />
discrétion acoustique est remarquable, et si sa puissance est limitée (2x 75kW), il est<br />
plus endurant que ses concurrents. Il équipe <strong>au</strong>jourd’hui les unités singapouriennes et<br />
les Soryu japonais.<br />
L’allemand HDW/Siemens a opté pour <strong>la</strong> pile à combustible (hydrogène sur l’ano<strong>de</strong>,<br />
oxygène sur <strong>la</strong> catho<strong>de</strong>) produisant <strong>de</strong> l’e<strong>au</strong> distillée, <strong>de</strong> l’énergie calorifique<br />
(re<strong>la</strong>tivement faible, à 80°C) mais motrice. Les U-214 sud-coréens en sont équipés.<br />
le MESMA français (Module d’Energie Sous-Marine Autonome), est une ch<strong>au</strong>dière<br />
alimentée par un dérivé <strong>de</strong> carburant c<strong>la</strong>ssique qui offre <strong>la</strong> plus forte puissance (200<br />
kW), mais <strong>au</strong> prix d’une consommation accrue. Ce système est assemblé <strong>sous</strong> <strong>la</strong> forme<br />
d’un module <strong>de</strong> 305 tonnes aisément intégrable à un <strong>sous</strong>-marin c<strong>la</strong>ssique (par exemple<br />
le Scorpène). Trois <strong>de</strong>s six Scorpènes indiens <strong>de</strong>vraient en être équipés, tandis que <strong>la</strong><br />
Ma<strong>la</strong>isie songe à l’installer sur l’un <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux bâtiments.<br />
Sur <strong>la</strong> cinquantaine <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques en construction à l’heure actuelle, 33 sont<br />
<strong>de</strong>stinés à être équipés d’un module anaérobie. Très discret, l’AIP est toutefois uniquement mis<br />
en œuvre lorsque le bâtiment a rejoint son théâtre d’opération. En effet, les <strong>au</strong>tres mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
23 La vitesse est alors limitée à 4 ou 5 nœuds.<br />
21
propulsion (diesels alternateurs) sont privilégiés pour <strong>la</strong> navigation à l’immersion périscopique<br />
ou en surface, en raison <strong>de</strong> leur puissance spécifique bien plus importante.<br />
A noter : si <strong>la</strong> discrétion <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques est accrue par l’AIP, ils sont encore loin<br />
d’égaler les performances <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins nucléaires : leur vitesse limitée en plongée restreint<br />
leurs capacités manœuvrières, influençant directement leur utilité opérationnelle (é<strong>la</strong>boration<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> situation tactique, mise en œuvre <strong>de</strong>s armements, manœuvres tactiques).<br />
Cette rupture technologique a cependant <strong>au</strong> moins trois conséquences :<br />
elle permet un emploi opérationnel plus <strong>la</strong>rge <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques, qui peuvent<br />
désormais effectuer <strong>de</strong>s patrouilles <strong>de</strong> longue durée en plongée discrète <strong>au</strong>x abords <strong>de</strong>s<br />
zones d’intérêts en ne remontant que pour observer ou communiquer ;<br />
elle dép<strong>la</strong>ce <strong>la</strong> menace <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> vers les littor<strong>au</strong>x, théâtre privilégié <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins<br />
c<strong>la</strong>ssiques anaérobies où leurs faibles dimensions sont un avantage par rapport à celles<br />
<strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins nucléaires ;<br />
elle modifie l’équilibre détection/discrétion : 80% <strong>de</strong> <strong>la</strong> détection <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong><br />
s’effectuant par <strong>de</strong>s moyens radar ou optique lorsque le <strong>sous</strong>-marin est à l’immersion<br />
périscopique, l’<strong>au</strong>gmentation du temps d’immersion réduit les chances <strong>de</strong> détecter un<br />
<strong>sous</strong>-marin dans un théâtre donné. La signature acoustique <strong>de</strong> ces bâtiments est par<br />
ailleurs très réduite, ce qui justifie parallèlement un regain d’intérêt pour les<br />
technologies <strong>de</strong> détection <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>.<br />
b. L’équilibre détection / discrétion<br />
Depuis l’invention du <strong>sous</strong>-marin, cet équilibre entre détection et discrétion, jeu technologique<br />
entre le chasseur et le chassé, régit les lois <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>. La discrétion croissante<br />
<strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins s’oppose ainsi <strong>au</strong> développement progressif <strong>de</strong> capacités d’écoute passive puis<br />
active, dont <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>sous</strong> <strong>la</strong> mer requiert un savant mé<strong>la</strong>nge :<br />
le passif fut d’abord développé afin <strong>de</strong> faire face à <strong>la</strong> menace soviétique re<strong>la</strong>tivement<br />
bruyante durant <strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong>. Les progrès techniques en matière <strong>de</strong> discrétion<br />
acoustique 24 ren<strong>de</strong>nt désormais les <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> plus en plus silencieux et invisibles.<br />
Les Etats-Unis admettent eux-mêmes l’obsolescence <strong>de</strong> leur système SOSUS. L’écoute<br />
très basse fréquence (ETBF) tombe progressivement en désuétu<strong>de</strong>, et ne <strong>de</strong>meure le<br />
moyen <strong>de</strong> veille principal pour les bâtiments <strong>de</strong> surface qu’en h<strong>au</strong>te mer. Des réflexions<br />
sont actuellement menées sur un sonar passif à <strong>la</strong>rge ban<strong>de</strong>, plus discriminant, moyen<br />
privilégié en zones <strong>de</strong> petits fonds. Les <strong>sous</strong>-marins, qui conservent un besoin vital <strong>de</strong><br />
dispositifs passifs, sont <strong>de</strong> plus en plus dotés d’antennes <strong>de</strong> f<strong>la</strong>nc, moins gênantes que les<br />
antennes remorquées, surtout par petits fonds.<br />
l’actif est un domaine dans lequel <strong>la</strong> France fut pionnière dans les années 70 et parvint à<br />
accumuler une avance technologique considérable 25. La France a ainsi développé l’ATBF<br />
(Actif Très Basse Fréquence) : véritable révolution dans <strong>la</strong> gamme <strong>de</strong>s sonars actifs, le<br />
4249 (ou 2087 sur les T-23 britanniques) présente <strong>la</strong> spécificité <strong>de</strong> séparer l’émetteur<br />
(le « poisson ») et le récepteur (l’antenne linéaire remorquée, également utilisée en<br />
écoute passive), ce qui permet une très basse fréquence d’émission, donc une<br />
24 Ils sont passifs (taille et forme <strong>de</strong> <strong>la</strong> coque évitant les « angles miroirs », amortissement <strong>de</strong>s<br />
équipements bruyants, discrétion <strong>de</strong>s organes <strong>de</strong> propulsion) ou actifs, ce que l’on nomme le « clouding »<br />
(revêtement anéchoïque, revêtement avec action en contre-phase, métamatéri<strong>au</strong>x à indice <strong>de</strong> réfraction<br />
négatif).<br />
25 Les capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s américaines se fon<strong>de</strong>nt essentiellement sur les <strong>sous</strong>-marins, dont le<br />
maître mot est <strong>la</strong> discrétion. Or, l’usage <strong>de</strong> sonars actifs est par définition indiscret, d’où <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s sur<br />
<strong>de</strong>s sonars actifs capables <strong>de</strong> détecter en utilisant <strong>de</strong>s sign<strong>au</strong>x actifs d’un nive<strong>au</strong> d’énergie comparable à<br />
celui du bruit <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer. Les <strong>sous</strong>-marins américains emportent <strong>au</strong>jourd’hui <strong>de</strong>s sonars actifs, mais les<br />
dispositifs passifs restent <strong>la</strong>rgement privilégiés.<br />
22
<strong>au</strong>gmentation conséquente <strong>de</strong> <strong>la</strong> portée <strong>de</strong> détection, jusqu’à plusieurs dizaines <strong>de</strong> milles<br />
n<strong>au</strong>tiques. Ce système a également été commandé par les Etats-Unis, qui accusent un<br />
retard important en matière <strong>de</strong> détection active <strong>de</strong> ce type 26.<br />
L’actif est en effet privilégié à l’encontre <strong>de</strong> bâtiments peu bruyants (notamment les<br />
<strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques <strong>au</strong>x électriques), lorsque les moyens passifs sont insuffisants.<br />
Deux tendances suivent ces évolutions technologiques <strong>de</strong>s capacités <strong>de</strong> détection :<br />
<strong>la</strong> première concerne le traitement et <strong>la</strong> c<strong>la</strong>ssification du signal : les <strong>marine</strong>s recherchent<br />
plus <strong>de</strong> précision dans l’analyse <strong>de</strong>s signatures acoustiques, à <strong>de</strong>s fins militaires<br />
(détection, i<strong>de</strong>ntification). Les bruits transitoires, phénomènes acoustiques ponctuels,<br />
constatés par exemple lors d’un changement d’allure, sont particulièrement étudiés.<br />
<strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième est le multi-statisme : cette capacité offre <strong>la</strong> possibilité d’é<strong>la</strong>rgir l’aire <strong>de</strong><br />
détection en disposant plusieurs récepteurs dans l’e<strong>au</strong> et en corré<strong>la</strong>nt les informations<br />
acoustiques reçues. Les avantages sont multiples : atténuation <strong>de</strong> <strong>la</strong> réverbération<br />
fond/surface dans les zones <strong>de</strong> petits fonds ou <strong>de</strong> fonds chahutés, amélioration <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
c<strong>la</strong>ssification et <strong>de</strong> <strong>la</strong> localisation <strong>de</strong>s cibles. Ce système n’est toutefois pas encore <strong>au</strong><br />
point en France.<br />
c. De nouve<strong>au</strong>x armements <strong>sous</strong>-marins<br />
La torpille lour<strong>de</strong> <strong>de</strong>meure l’arme privilégiée <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-mariniers, et <strong>la</strong> Mark 48 américaine est <strong>la</strong><br />
référence <strong>de</strong>puis plusieurs années. On trouve également <strong>la</strong> Yu-6 chinoise, sa copie, et <strong>la</strong> F-21<br />
Artémis, nouvelle torpille <strong>de</strong> DCNS, qui entrera en service à partir <strong>de</strong> 2015.<br />
Par ailleurs, <strong>de</strong>s moyens plus exotiques sont apparus, tels que <strong>la</strong> torpille à suivi <strong>de</strong> sil<strong>la</strong>ge, <strong>de</strong><br />
conception russe, et sa copie chinoise, <strong>la</strong> Yu-5. Aucune contre-mesure n’existe à l’heure actuelle,<br />
mais <strong>la</strong> Corée du Sud s’affaire dans ce domaine. La torpille-fusée, torpille super-cavitante, ou<br />
shkval fait également parler d’elle <strong>de</strong>puis quelques années. Lancée à une vitesse <strong>de</strong> 50 nœuds,<br />
pouvant monter jusqu’à 200 nœuds, sa charge explosive et sa portée sont limitées (jusqu’à 10<br />
km), mais cette torpille reste une arme potentiellement redoutable.<br />
Des missiles complètent l’arsenal <strong>de</strong> torpilles <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins. Les missiles à changement <strong>de</strong><br />
milieu ou missiles <strong>anti</strong>navires ont d’abord été imaginés par les Soviétiques, leur existence fait<br />
peser une menace sur les porte-avions américains <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong>. Leur efficacité en<br />
termes <strong>de</strong> dégâts est peut-être moindre que celle d’une torpille lour<strong>de</strong> mais leur portée plus<br />
importante é<strong>la</strong>rgit le périmètre <strong>de</strong> <strong>la</strong> menace. Depuis, le SM-39 français et le Sub-Harpoon<br />
américain (qui équipe les <strong>sous</strong>-marins <strong>au</strong>straliens, japonais et sud-coréens) se sont ajoutés<br />
comme armes <strong>anti</strong>-navires, suivis par le YJ-82 chinois.<br />
Les flottes d’Asie du Sud-Est restent équipées d’armements c<strong>la</strong>ssiques. Mais <strong>la</strong> véritable<br />
inquiétu<strong>de</strong> vient <strong>de</strong> <strong>la</strong> prolifération <strong>de</strong>s missiles <strong>de</strong> croisière navals qui menacent les littor<strong>au</strong>x.<br />
La Russie entretient cette capacité historique sur ses <strong>sous</strong>-marins nucléaires (un Severodvinsk,<br />
onze Oscar II) tandis que les Etats-Unis ont converti en 2006 quatre <strong>de</strong> leurs <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong><br />
type Ohio, désormais dotés d’un total <strong>de</strong> 154 Tomahawk Block IV. S’inscrivent dans leur sil<strong>la</strong>ge :<br />
<strong>la</strong> Chine qui développe le HN-2C, expérimenté sur les <strong>sous</strong>-marins Song, ainsi qu’une<br />
version du Ying-Ji 62 (C-602) opérable à partir <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins ;<br />
<strong>la</strong> Corée du Sud : cette capacité est intégrée dans le cahier <strong>de</strong>s charges du projet KSS-3 ;<br />
l’In<strong>de</strong> : le SLBM K-4 et le SLBM K-15 Sagarika, respectivement <strong>de</strong> 3500 et 700 km <strong>de</strong><br />
portée, sont évoqués pour équiper l’INS Arihant.<br />
26 A noter que les sonars actifs sont absents <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins français : en effet, l’émission acoustique<br />
brise le meilleur atout du vaisse<strong>au</strong> noir : sa discrétion. Outre-At<strong>la</strong>ntique, les <strong>sous</strong>-marins qui constituent <strong>la</strong><br />
composante principale <strong>de</strong>s forces <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s en sont à présent équipés et <strong>la</strong> France y songe à<br />
nouve<strong>au</strong> pour ses <strong>sous</strong>-marins.<br />
23
Cette forme <strong>de</strong> « banalisation » du missile <strong>de</strong> croisière ou <strong>de</strong> missiles contre terre sur les <strong>sous</strong>marins<br />
est particulièrement inquiétante pour les agglomérations <strong>de</strong>s littor<strong>au</strong>x.<br />
2. Un renouve<strong>au</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> ASM en Asie du Sud-Est ?<br />
Quel effet recherche-t-on en Asie du Sud-Est ? Historiquement, <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> a eu<br />
<strong>de</strong>ux fonctions : contrôler (b<strong>la</strong>nchir) une zone ou protéger <strong>de</strong>s bâtiments y transitant. Seule <strong>la</strong><br />
secon<strong>de</strong> proposition est encore réalisable avec les moyens disponibles actuellement.<br />
a. L’importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce<br />
Une connaissance é<strong>la</strong>borée <strong>de</strong> l’environnement doublée d’une évaluation concrète <strong>de</strong> <strong>la</strong> menace<br />
est un préa<strong>la</strong>ble <strong>au</strong> bon emploi <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> dans un théâtre donné.<br />
Depuis 1984, le programme américain SURTASS déploie une flottille bâtiments <strong>de</strong> surveil<strong>la</strong>nce<br />
océanique (T-AGOS : Tactical Auxiliary General Ocean Surveil<strong>la</strong>nce) ayant pour principale<br />
mission <strong>de</strong> collecter du renseignement acoustique sur les <strong>sous</strong>-marins du mon<strong>de</strong> entier. Ces<br />
bâtiments tractent un dispositif d’antennes linéaires remorquées <strong>de</strong> plusieurs centaines <strong>de</strong><br />
mètres <strong>de</strong> long, <strong>de</strong>stiné à acquérir et à mettre à jour les données acoustiques <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins<br />
d’une zone donnée. L’USNS Impeccable évoqué supra, opère ainsi en Asie du Sud-Est.<br />
Les Etats-Unis développent par ailleurs <strong>de</strong>s rése<strong>au</strong>x <strong>de</strong> capteurs <strong>sous</strong>-marins (PLUS – Persistant<br />
Littoral Un<strong>de</strong>rsea Surveil<strong>la</strong>nce), pour <strong>la</strong> fonction « surveil<strong>la</strong>nce », notamment en mer <strong>de</strong> Chine<br />
méridionale.<br />
Les efforts français portent sur le recueil <strong>de</strong>s données concernant le milieu océánique<br />
(température, salinité).<br />
b. Le programme LCS : une erreur ?<br />
Conçu pour répondre <strong>au</strong>x manœuvres <strong>de</strong> déni d’accès et à <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s zones<br />
économiques exclusives, le programme LCS (Littoral Combat Ship) concentre et concrétise les<br />
évolutions doctrinales et technologiques <strong>de</strong>s Etats-Unis. C’est le choix <strong>de</strong> <strong>la</strong> modu<strong>la</strong>rité qui est<br />
fait : celui <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux séries <strong>de</strong> bâtiments, <strong>de</strong>stinés à être construits <strong>au</strong> total à plus <strong>de</strong> 55<br />
exemp<strong>la</strong>ires. Chaque bâtiment est doté d’un module (ou payload) dans un domaine <strong>de</strong> <strong>lutte</strong><br />
particulier choisi en fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission confiée. Le premier module ASM, délivré en 2008,<br />
comporte un vaste éventail <strong>de</strong> senseurs aérien, <strong>de</strong> surface et <strong>sous</strong>-marins :<br />
un hélicoptère MH-60R SeaHawk équipé d’un sonar FLASH et <strong>de</strong> torpilles,<br />
<strong>de</strong>s drones <strong>sous</strong>-marins (UAV pour Un<strong>de</strong>rwater Autonomous Vehicle) dotés <strong>de</strong> sonars,<br />
opérant <strong>de</strong> concert avec <strong>de</strong>s rése<strong>au</strong>x <strong>de</strong> senseurs et <strong>de</strong> bouées acoustiques (DADS – Deep<br />
Active Detection System).<br />
L’US Navy investit be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong> moyens dans le développement <strong>de</strong> robots <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong><strong>marine</strong>.<br />
Après le développement, peu concluant, d’un drone hélicoptère doté d’un sonar trempé<br />
(DASH), les drones <strong>sous</strong>-marins semblent connaître un succès plus tangible. Ils sont<br />
actuellement cantonnés à une mission <strong>de</strong> détection, et les Américains développent leur<br />
intelligence artificielle. Pour <strong>au</strong>tant, <strong>de</strong>ux écueils <strong>de</strong>meurent : le manque d’endurance et les<br />
difficultés en matière <strong>de</strong> communication <strong>sous</strong> l’e<strong>au</strong>, ce qui limite fortement le spectre<br />
opérationnel <strong>de</strong> ces modules ASM détachés.<br />
Si le concept paraît alléchant, nombreux sont ses détracteurs. Des doutes sont émis sur<br />
l’efficacité <strong>de</strong>s équipements <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>, ainsi que sur <strong>la</strong> capacité d’<strong>au</strong>todéfense<br />
<strong>de</strong>s bâtiments dans un environnement incertain et multirisques, comme <strong>la</strong> mer <strong>de</strong> Chine<br />
méridionale. La portée opérationnelle <strong>de</strong>s LCS est inférieure <strong>au</strong>x objectifs.<br />
Ce sont <strong>de</strong>s bâtiments performants mais contraints d’opérer en groupe afin d’offrir une réponse<br />
à l’ensemble du spectre <strong>de</strong>s menaces navales présentes sur les théâtres maritimes stratégiques.<br />
24
Les capacités <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s <strong>de</strong> surface sont limitées en Asie du Sud Est par les faibles fonds,<br />
<strong>la</strong> <strong>de</strong>nsité du trafic, l’opacité <strong>de</strong>s mers. Toutefois, le rapport <strong>de</strong> force est différent <strong>sous</strong> le dioptre.<br />
c. Les étoiles montantes <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins dans le sud-est asiatique<br />
Les <strong>sous</strong>-marins <strong>de</strong> type Soryu sont l’illustration <strong>de</strong> l’excellence japonaise <strong>sous</strong> le dioptre. C<strong>la</strong>ssés<br />
parmi les Américains parmi les trois meilleurs types <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins c<strong>la</strong>ssiques <strong>au</strong> mon<strong>de</strong>, ils<br />
sont <strong>au</strong>ssi les plus gros avec un dép<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> 4200 tonnes en plongée 27. Capables d’atteindre<br />
une profon<strong>de</strong>ur théorique <strong>de</strong> 650 mètres, ils sont équipés d’une suite sonar particulièrement<br />
étoffée, d’un AIP Kockums et d’une capacité d’emport <strong>de</strong> 20 armes, torpilles type-89 ou missiles<br />
Sub-Harpoon, ce qui en fait <strong>de</strong>s instruments <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> redoutables.<br />
Face à eux, les Shang chinois pourraient avoir atteint, selon <strong>de</strong>s experts américains, un nive<strong>au</strong><br />
comparable à celui <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins nucléaires d’attaque Los Angeles (qui patrouillent également<br />
dans <strong>la</strong> région). Ils possè<strong>de</strong>raient un sonar <strong>de</strong> coque, <strong>de</strong>s antennes sonar passives <strong>de</strong> f<strong>la</strong>nc, et<br />
divers armements : missiles YJ-83 (missiles <strong>anti</strong>navires encore en développement), YJ-82<br />
(équivalent du SM-39) et torpilles lour<strong>de</strong>s.<br />
Etoiles montantes <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>sous</strong> <strong>la</strong> mer en Asie du Sud-Est, ces <strong>sous</strong>-marins pourraient<br />
rivaliser en mer <strong>de</strong> Chine méridionale, dans les grands fonds. Ils <strong>de</strong>vront également composer<br />
avec <strong>la</strong> présence américaine en renouvellement (Los Angeles, Seawolf et Virginia) tandis que les<br />
<strong>sous</strong>-marins conventionnels chinois <strong>au</strong>ront fort à faire avec les multiples <strong>sous</strong>-marins<br />
conventionnels <strong>de</strong>s <strong>marine</strong>s du Sud Est asiatique dans les e<strong>au</strong>x moins profon<strong>de</strong>s du Sud <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
mer <strong>de</strong> Chine méridonale ou <strong>au</strong>x abords <strong>de</strong> l’archipel indonésien.<br />
d. Les aéronefs, outils efficaces <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> ASM… encore pour longtemps ?<br />
Les aéronefs dotés <strong>de</strong> capacités <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> possè<strong>de</strong>nt un pouvoir <strong>de</strong> nuisance<br />
considérable pour les <strong>sous</strong>-marins. Ceci s’explique par :<br />
leur rapidité <strong>de</strong> déploiement et leur flexibilité d’emploi (ils passent rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
détection à l’attaque) ;<br />
<strong>la</strong> variété <strong>de</strong>s moyens déployés : sonar trempé très c<strong>la</strong>ssifiant (pour les hélicoptères<br />
embarqués), barrages <strong>de</strong> bouées acoustiques, actives ou passives, instruments <strong>de</strong><br />
détection infrarouge (FLIR) ou électromagnétique (MAD) ;<br />
<strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> torpilles, et l’impossibilité pour leur cible <strong>de</strong> répliquer,<br />
ce qui leur confère une forme d’invulnérabilité.<br />
Le principal ennemi d’un <strong>sous</strong>-marin c<strong>la</strong>ssique opérant en milieu côtier est donc l’avion <strong>de</strong><br />
patrouille maritime. Les Etats d’Asie du Sud-Est l’ont compris, comme en témoignent les<br />
nombreux appareils dédiés, japonais, taïwanais, sud-coréens et dans une moindre mesure,<br />
singapouriens. L’influence américaine est patente.<br />
PATMAR - 94 P-3C Orion<br />
- 83 SeaHawk<br />
HELICOPTERES<br />
- 15 SH-60K<br />
- 10 MH-53E Sea Dragon<br />
Les dimensions <strong>de</strong><br />
Commentaire l’aéronavale japonaise sont<br />
impressionnantes. Elle<br />
JAPON TAÏWAN COREE DU SUD SINGAPOUR<br />
- 21 S-2T Tracker (équipés<br />
<strong>de</strong> bouées, torpilles et<br />
grena<strong>de</strong>s)<br />
- 8 Hughes 500 MD<br />
- 21 Thun<strong>de</strong>r/SeaHawk<br />
Comparativement à <strong>la</strong><br />
taille <strong>de</strong> l’Etat Taïwanais,<br />
l’équipement aéron<strong>au</strong>tique<br />
- 8 S-2E Tracker<br />
- 8 P-3C Orion<br />
- 30 Super Lynx<br />
La Corée du Sud dispose<br />
<strong>de</strong> quelques moyens<br />
aéron<strong>au</strong>tiques,<br />
- 5 Fokker Maritime<br />
Enforcer<br />
- 4 Hawkeye<br />
- 6 S-70 (Seahawk)<br />
équipés <strong>de</strong> sonar HELRAS<br />
La Cité-Etat s’est équipée<br />
d’un outil aéronaval<br />
mo<strong>de</strong>rne, particulièrement<br />
27 En comparaison, le tonnage moyen d’un <strong>sous</strong>-marin c<strong>la</strong>ssique oscille entre 1800 et 2000 tonnes en<br />
plongée. Les SNA <strong>de</strong> c<strong>la</strong>sse Rubis, plus petits <strong>sous</strong>-marins nucléaires d’attaque <strong>au</strong> mon<strong>de</strong>, totalisent quant<br />
à eux 2670 tonnes en plongée.<br />
25
assure <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s<br />
approches <strong>de</strong> l’Etat<br />
insu<strong>la</strong>ire, et dispose d’une<br />
compétence ASM<br />
manifeste.<br />
est considérable. Il permet<br />
<strong>de</strong> faire face à <strong>la</strong> menace<br />
<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> chinoise.<br />
principalement adaptés et<br />
dirigés à l’encontre <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
menace nord-coréenne.<br />
Table<strong>au</strong> 3 : Aéronavales du Sud-Est Asiatique<br />
adapté à <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong><br />
ses approches, et à<br />
l’étoffement <strong>de</strong> ses<br />
capacités ASM.<br />
Les aéronefs ASM présentent un excellent potentiel en Asie du Sud-Est, dans <strong>la</strong> zone <strong>de</strong>s faibles<br />
fonds et il serait logique que les Etats <strong>de</strong> <strong>la</strong> région songent à se doter <strong>de</strong> tels instruments <strong>de</strong> <strong>lutte</strong><br />
<strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>, dans <strong>la</strong> continuité <strong>de</strong> leurs politiques d’acquisition <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins.<br />
Un bémol toutefois : l’impunité <strong>de</strong> ces aéronefs pourrait être bientôt remise en question par le<br />
développement allemand (Diehl) d’un missile <strong>anti</strong>-aérien tiré à partir <strong>de</strong> <strong>sous</strong>-marins, IDAS-U.<br />
La <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> en Asie du Sud-Est en est donc à ses prémisses, et il f<strong>au</strong>dra bientôt s’y<br />
préoccuper du partage <strong>de</strong> l’e<strong>au</strong> entre toutes ces flottes <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s ou <strong>anti</strong> <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s.<br />
3. Quelle p<strong>la</strong>ce pour <strong>la</strong> France ?<br />
Comme ses voisins, <strong>la</strong> France a quelque peu dé<strong>la</strong>issé <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> à l’<strong>au</strong>be <strong>de</strong>s<br />
années 1990. Les capacités ont diminué, même si le souci d’assurer <strong>la</strong> sûreté <strong>de</strong> <strong>la</strong> force<br />
océanique stratégique a permis d’en éviter <strong>la</strong> perte totale. Il <strong>de</strong>meure :<br />
une flotte <strong>de</strong> six <strong>sous</strong>-marins nucléaires d’attaque, <strong>de</strong>stinés à être remp<strong>la</strong>cés par les<br />
Barracuda entre 2017 et 2027, qui constitue un format minimal pour appuyer le<br />
déploiement <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins nucléaires <strong>la</strong>nceurs d’engins français et participer à <strong>la</strong><br />
protection du groupe aéronaval ou effectuer <strong>de</strong>s patrouilles indépendantes;<br />
<strong>au</strong>-<strong>de</strong>ssus du dioptre, les FREMM vont remp<strong>la</strong>cer les F67 et F70, avec <strong>de</strong>s équipements<br />
<strong>de</strong> détection particulièrement performants 28;<br />
l’hélicoptère Caïman ou NH90, équipé du sonar F<strong>la</strong>sh, offre <strong>de</strong>s possibilités<br />
opérationnelles be<strong>au</strong>coup plus <strong>la</strong>rges que le Lynx actuel, il entre en service en 2011. Les<br />
avions <strong>de</strong> patrouille maritime At<strong>la</strong>ntique sont en cours <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation et conservent<br />
une compétence <strong>de</strong> pointe en matière <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>.<br />
Nos capacités sont crédibles, fondées sur <strong>de</strong>s décennies d’expérience et un ensemble doctrinal<br />
consistant. Pour <strong>au</strong>tant, l’attrition <strong>de</strong>s moyens nous empêche <strong>de</strong> les déployer sur les théâtres<br />
stratégiques <strong>de</strong> <strong>de</strong>main et <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> tels atouts en Asie du Sud Est risque d’être bien rare.<br />
CONCLUSION<br />
La maîtrise du domaine <strong>sous</strong>-marin progresse pour <strong>de</strong> nombreux Etats, nouve<strong>au</strong> levier <strong>de</strong><br />
puissance et d’affirmation sur <strong>la</strong> scène régionale voire internationale. Pour <strong>au</strong>tant, <strong>la</strong> course <strong>au</strong>x<br />
<strong>sous</strong>-marins que nous constatons en Asie du Sud-Est se heurtera tôt ou tard à quelques écueils<br />
qu’il convient <strong>de</strong> souligner :<br />
- <strong>la</strong> précipitation <strong>de</strong>s pays riverains dans l’acquisition d’un outil militaire, certes adapté à<br />
leurs besoins <strong>de</strong> souveraineté car « multiplicateur <strong>de</strong> forces », occulte tout un pan <strong>de</strong><br />
construction technologique, humaine et doctrinale ;<br />
- acquérir une capacité <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> requiert <strong>de</strong>s investissements lourds, qui s’inscrivent<br />
dans <strong>la</strong> durée. La <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> en est le corol<strong>la</strong>ire inévitable, ce que les pays <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> région semblent avoir négligé.<br />
28 Le sonar 4249 ATBF (Actif Très Basse Fréquence) offre une portée <strong>de</strong> détection bien supérieure à nos<br />
équipements actuels.<br />
26
- <strong>la</strong> Chine présente <strong>la</strong> menace majeure, en raison <strong>de</strong> sa puissance, <strong>au</strong> moins numérique et<br />
ses prétentions régionales qui pourraient s’étendre <strong>au</strong>-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> <strong>la</strong> seule mer <strong>de</strong> Chine<br />
méridionale.<br />
Une course est donc <strong>la</strong>ncée, pour Pékin qui accroît sa puissance navale, mais <strong>au</strong>ssi pour les<br />
<strong>au</strong>tres pays d’Asie, en particulier d’Asie du Sud Est, qui accroissent simultanément leurs flottes<br />
et leur maîtrise <strong>de</strong> l’outil <strong>sous</strong>-marin.<br />
Les menaces sur les voies d’approvisionnements et les détroits stratégiques <strong>de</strong> l’Asie du Sud Est,<br />
voire du Pacifique Ouest sont bien réelles et il est important <strong>de</strong> considérer dès <strong>au</strong>jourd’hui <strong>la</strong><br />
zone comme un théâtre <strong>de</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> potentiel. Certes, les schémas <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre<br />
froi<strong>de</strong> n’y ont plus cours, mais <strong>la</strong> multiplication <strong>de</strong>s <strong>sous</strong>-marins <strong>au</strong>gure <strong>de</strong> nouvelles rivalités<br />
<strong>sous</strong> le dioptre. Dès lors, <strong>la</strong> <strong>lutte</strong> <strong>anti</strong>-<strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> <strong>de</strong>vient un enjeu majeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> région. Les<br />
flottes <strong>de</strong>s puissances régionales voisines y maintiennent d’ores et déjà une présence <strong>de</strong> plus en<br />
plus régulière <strong>de</strong> surveil<strong>la</strong>nce et <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong> l’activité <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong> : Etats-Unis, Japon, In<strong>de</strong>.<br />
La France <strong>au</strong>ssi est concernée. Si <strong>la</strong> rareté <strong>de</strong> nos moyens <strong>sous</strong>-marins ou <strong>de</strong> surface et <strong>la</strong><br />
légitime priorité accordée à <strong>la</strong> sûreté <strong>de</strong> <strong>la</strong> force océanique stratégique ren<strong>de</strong>nt notre présence<br />
effective sur ce théâtre très faible, nos intérêts y sont pourtant patents.<br />
En tant que membre permanent du Conseil <strong>de</strong> Sécurité, puissance <strong>de</strong> l’océan Indien et du<br />
Pacifique où sont concentrées nos richesses alimentaires, énergétiques minérales <strong>de</strong> <strong>de</strong>main, <strong>la</strong><br />
France serait bien inspirée <strong>de</strong> suivre <strong>de</strong> près les évolutions <strong>de</strong>s flottes <strong>sous</strong>-<strong>marine</strong>s en Asie. Un<br />
moyen économique <strong>de</strong> le faire consiste à développer les coopérations avec les <strong>marine</strong>s alliées ou<br />
amies <strong>de</strong> <strong>la</strong> région, dont un nombre certain figure déjà parmi les clients <strong>de</strong> notre industrie<br />
nationale <strong>de</strong> défense.<br />
La France a l’avantage énorme <strong>de</strong> disposer actuellement d’un savoir faire technique et<br />
opérationnel unique pour un pays <strong>de</strong> sa dimension. Elles est bien p<strong>la</strong>cée pour le partager<br />
efficacement avec <strong>de</strong>s <strong>marine</strong>s alliées ou amies dans <strong>la</strong> région sans effrayer ces <strong>de</strong>rnières. Elle<br />
participera ainsi a <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> mesures <strong>de</strong> confiance qui pourraient permettre d’éviter un<br />
conflit dans cette zone <strong>de</strong> l’Asie du Sud Est <strong>au</strong> cours du XXIe <strong>siècle</strong>.<br />
27