Le processus disciplinaire en milieu hospitalier - Santé inc.
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JURISPRUDENCE MÉDICALE<br />
TRAITEMENT DES PLAINTES DISCIPLINAIRES<br />
PAR ME CHRISTINE KARK<br />
CKARK@CHRISTINEKARK.COM<br />
AVOCATE ET MÉDIATRICE<br />
LE PROCESSUS<br />
DISCIPLINAIRE EN<br />
MILIEU HOSPITALIER<br />
Aujourd’hui, je vous parlerai du traitem<strong>en</strong>t<br />
des plaintes <strong>disciplinaire</strong>s <strong>en</strong> <strong>milieu</strong> <strong>hospitalier</strong>.<br />
Il y a beaucoup à écrire à ce sujet,<br />
mais je vais t<strong>en</strong>ter de résister à la t<strong>en</strong>tation<br />
de citer <strong>en</strong> long et <strong>en</strong> large les diverses dispositions<br />
législatives et règlem<strong>en</strong>ts applicables<br />
<strong>en</strong> la matière, car je risquerai de<br />
perdre quelques lecteurs qui ne partag<strong>en</strong>t<br />
pas nécessairem<strong>en</strong>t ma passion pour le<br />
domaine juridique! Je me limiterai donc à<br />
vous expliquer ce que vous devez nécessairem<strong>en</strong>t<br />
savoir sur ce sujet, <strong>en</strong> espérant<br />
que cette information vous sera utile si<br />
vous appr<strong>en</strong>ez un jour qu’une plainte a été<br />
logée contre vous au c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong><br />
dans lequel vous œuvrez.<br />
Il faut d’abord savoir qu’il y avait une<br />
volonté législative de faire assumer par vos<br />
pairs le contrôle et la qualité des actes<br />
médicaux disp<strong>en</strong>sés au sein d’un établissem<strong>en</strong>t<br />
<strong>hospitalier</strong>. (Ci-après, « c<strong>en</strong>tre<br />
<strong>hospitalier</strong> ».) Bi<strong>en</strong> que la Loi sur la santé<br />
et les services sociaux (LSSSS) prévoit<br />
spécifiquem<strong>en</strong>t que la décision ultime<br />
quant à la sanction d’une conduite d’un<br />
médecin relève du conseil d’administration<br />
d’un c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong>, il est clair que<br />
le Conseil des médecins, d<strong>en</strong>tistes et<br />
pharmaci<strong>en</strong>s (CMDP) est au cœur du<br />
contrôle des activités des médecins <strong>en</strong><br />
c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong>. En effet, c’est son<br />
comité exécutif qui recommande au dit<br />
conseil d’administration les sanctions appropriées<br />
à imposer à un médecin.<br />
Un régime particulier a été instauré par la<br />
LSSSS et, avec cet <strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t juridique,<br />
le législateur a voulu que le comportem<strong>en</strong>t<br />
d’un médecin soit analysé par ses pairs,<br />
<strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce le comité de discipline,<br />
tout <strong>en</strong> confiant des rôles spécifiques au<br />
médecin examinateur, au comité exécutif<br />
du CMDP et au conseil d’administration de<br />
l’établissem<strong>en</strong>t, qui peuv<strong>en</strong>t aboutir à une<br />
mesure <strong>disciplinaire</strong>.<br />
Pourquoi a-t-on prévu que c’est le conseil<br />
d’administration qui aurait le dernier mot?<br />
Celui-ci dispose tout d’abord d’un pouvoir<br />
général de gestion du c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong>.<br />
<strong>Le</strong> fondem<strong>en</strong>t des dispositions législatives<br />
repose égalem<strong>en</strong>t sur la relation juridique<br />
particulière qui existe <strong>en</strong>tre le médecin et<br />
le c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong>. Par conséqu<strong>en</strong>t, il est<br />
logique qu’il revi<strong>en</strong>ne au conseil d’administration<br />
d’imposer des mesures <strong>disciplinaire</strong>s,<br />
car c’est lui qui déti<strong>en</strong>t l’autorité<br />
quant à l’octroi d’un statut et des privilèges<br />
à un médecin aux termes des articles 237<br />
à 243 de la LSSSS.<br />
Première différ<strong>en</strong>ce avec une plainte <strong>disciplinaire</strong><br />
logée auprès du Collège des<br />
médecins du Québec (le Collège) : même<br />
dans le cas des pires reproches, les<br />
mesures <strong>disciplinaire</strong>s qui peuv<strong>en</strong>t être<br />
prises à l’<strong>en</strong>contre d’un médecin peuv<strong>en</strong>t<br />
aller d’une simple réprimande jusqu’au retrait<br />
du statut et des privilèges. Cela dit, ces<br />
mesures ne peuv<strong>en</strong>t pas affecter le permis<br />
de pratique du médecin émis par le Collège.<br />
Cep<strong>en</strong>dant, vous devez savoir que si<br />
des mesures <strong>disciplinaire</strong>s sont imposées<br />
par le conseil d’administration du c<strong>en</strong>tre<br />
<strong>hospitalier</strong>, celui-ci se doit d’<strong>en</strong> informer le<br />
Collège, lequel pourrait décl<strong>en</strong>cher son<br />
propre <strong>processus</strong> <strong>disciplinaire</strong>.<br />
J’ignore si cela peut vous rassurer, mais si<br />
vous êtes <strong>en</strong> désaccord avec une décision<br />
prise par le conseil d’administration de<br />
votre c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong>, vous demeurez<br />
<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t libre de quitter vos fonctions.<br />
Cela vaut uniquem<strong>en</strong>t dans la mesure où<br />
votre départ ne viole ni l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t que<br />
vous avez pris auprès du c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong><br />
ni les dispositions de la LSSSS, plus<br />
particulièrem<strong>en</strong>t l’article 254 de cette loi<br />
qui exige que vous donniez un préavis de<br />
60 jours au conseil d’administration du<br />
c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong>.<br />
LE RÔLE DU MÉDECIN EXAMINATEUR<br />
Il existe une procédure complète de traitem<strong>en</strong>t<br />
des plaintes, qui a été instaurée par<br />
le législateur au bénéfice de l’usager.<br />
Ainsi, lorsqu’une plainte est déposée par<br />
un usager qui remet <strong>en</strong> question la qualité<br />
des soins ou des services médicaux,<br />
cette plainte est acheminée au médecin<br />
examinateur. Celui-ci possède le pouvoir,<br />
selon les articles 46 et 47 de la LSSSS,<br />
d’examiner lui-même la plainte ou de la<br />
référer au CMDP pour étude à des fins<br />
<strong>disciplinaire</strong>s par un comité constitué à<br />
cette fin. <strong>Le</strong> médecin examinateur peut<br />
égalem<strong>en</strong>t rejeter une plainte lorsqu’il juge<br />
qu’elle est frivole, vexatoire ou faite de<br />
mauvaise foi. Un usager insatisfait de la<br />
décision du médecin examinateur pourrait<br />
<strong>en</strong>suite s’adresser au comité de révision.<br />
Pour toute autre plainte logée contre un<br />
médecin (par exemple, par un collègue, un<br />
membre du personnel ou par l’administration),<br />
il revi<strong>en</strong>dra d’abord au comité exécutif<br />
du CMDP de former un comité de<br />
discipline. Ce comité de discipline est composé<br />
d’au moins trois membres actifs du<br />
CMDP. Son mandat est de faire <strong>en</strong>quête et<br />
de constater les faits. Comme nous l’avons<br />
m<strong>en</strong>tionné plus haut, seul le conseil d’administration<br />
du c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong> est autorisé<br />
par la LSSSS à imposer une mesure<br />
<strong>disciplinaire</strong> à l’<strong>en</strong>contre d’un médecin.<br />
LES FONCTIONS DU COMITÉ DE DISCIPLINE<br />
<strong>Le</strong> gouvernem<strong>en</strong>t a adopté le Règlem<strong>en</strong>t<br />
sur l’organisation et l’administration des<br />
établissem<strong>en</strong>ts 1 (le Règlem<strong>en</strong>t) lequel<br />
détermine la procédure selon laquelle des<br />
mesures <strong>disciplinaire</strong>s peuv<strong>en</strong>t être prises<br />
par le conseil d’administration à l’égard d’un<br />
médecin, d’un d<strong>en</strong>tiste ou d’un pharmaci<strong>en</strong>,<br />
de même qu’à l’égard d’un résid<strong>en</strong>t,<br />
titulaire d’un statut attribué par le conseil.<br />
<strong>Le</strong> Règlem<strong>en</strong>t prévoit, à l’article 107,<br />
qu’un comité de discipline a pour fonction<br />
d’étudier, à la demande du comité exécutif,<br />
une plainte concernant « la qualité des<br />
services fournis par un médecin, un d<strong>en</strong>tiste<br />
ou un pharmaci<strong>en</strong>, sa compét<strong>en</strong>ce,<br />
sa dilig<strong>en</strong>ce, sa conduite ou son observance<br />
du prés<strong>en</strong>t règlem<strong>en</strong>t, des règlem<strong>en</strong>ts<br />
du c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong> ou de ceux du<br />
conseil des médecins et d<strong>en</strong>tistes ». En<br />
d‘autres termes, le comité étudie et évalue<br />
les faits et gestes reprochés au médecin.<br />
LE DROIT DU MÉDECIN DE CONNAÎTRE CE QU’ON<br />
LUI REPROCHE ET SON DROIT D’ÊTRE ENTENDU<br />
Selon la jurisprud<strong>en</strong>ce, la plainte dont fait<br />
l’objet le médecin doit permettre à ce<br />
dernier de savoir ce qui lui est reproché.<br />
<strong>Le</strong>s tribunaux ont affirmé que « la rédaction<br />
et la procédure de plainte d’un usager<br />
[et, par ext<strong>en</strong>sion, je crois, une plainte de<br />
toute autre source] <strong>en</strong> vertu de la loi se<br />
doiv<strong>en</strong>t d’être souples pour des raisons<br />
d’efficacité ». Malgré cette souplesse, une<br />
plainte doit compr<strong>en</strong>dre tous les élém<strong>en</strong>ts<br />
nécessaires permettant à la personne<br />
visée par la plainte de connaître les faits<br />
qui lui sont reprochés. Dans une décision<br />
r<strong>en</strong>due le 14 avril 2004, l’honorable<br />
Jacques Dufresne, juge de la Cour<br />
supérieure du Québec, a déclaré nulle<br />
une plainte formulée par la directrice<br />
générale du c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong> et a mis fin<br />
à toute audition de la plainte <strong>disciplinaire</strong>,<br />
car elle ne permettait pas au médecin de<br />
savoir ce qui lui était généralem<strong>en</strong>t reproché.<br />
L’honorable Dufresne a écrit :<br />
Il est important de compr<strong>en</strong>dre que le<br />
respect des règles de l’équité procédurale<br />
s’applique dans le cas du traitem<strong>en</strong>t<br />
des plaintes <strong>disciplinaire</strong>s.<br />
Compte t<strong>en</strong>u du fait qu’une mesure <strong>disciplinaire</strong><br />
peut aller jusqu’au retrait des<br />
privilèges, il est ess<strong>en</strong>tiel de permettre<br />
au médecin de savoir ce qu’on lui reproche,<br />
afin de lui donner la chance de<br />
prés<strong>en</strong>ter ses moy<strong>en</strong>s de déf<strong>en</strong>se avant<br />
de lui imposer une mesure <strong>disciplinaire</strong>.<br />
Ce droit s’inscrit dans le respect des règles<br />
de justice naturelle.<br />
Dans le cadre de son étude de la plainte,<br />
le comité de discipline pr<strong>en</strong>d connaissance<br />
des docum<strong>en</strong>ts, et le Règlem<strong>en</strong>t<br />
prévoit égalem<strong>en</strong>t qu’il doit donner au<br />
médecin l’occasion de se faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre.<br />
De plus, son avocat est égalem<strong>en</strong>t autorisé<br />
à s’adresser au comité de discipline. En<br />
pratique, le comité de discipline comm<strong>en</strong>ce<br />
généralem<strong>en</strong>t par <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre le<br />
plaignant, mais celui-ci ne témoigne pas<br />
dans tous les cas. Ce témoignage a<br />
généralem<strong>en</strong>t lieu <strong>en</strong> abs<strong>en</strong>ce du<br />
médecin pour ne pas augm<strong>en</strong>ter l’<strong>inc</strong>on- <br />
20 <strong>Santé</strong> <strong>inc</strong>. septembre / octobre 2010 septembre / octobre 2010 <strong>Santé</strong> <strong>inc</strong>. 21
JURISPRUDENCE MÉDICALE<br />
fort du plaignant. Par contre, une transcription<br />
du témoignage, si celle-ci est<br />
disponible, est remise au médecin dans<br />
une période raisonnable, avant qu’il ne<br />
soit invité à témoigner à son tour. <strong>Le</strong><br />
comité de <strong>disciplinaire</strong> peut aussi décider<br />
d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre toute autre personne dont il<br />
juge le témoignage utile.<br />
LE COMITÉ EXÉCUTIF DU CMDP<br />
À la toute fin du <strong>processus</strong>, le comité de<br />
discipline adresse un rapport au comité<br />
exécutif du CMDP et c’est ce dernier qui,<br />
<strong>en</strong> se basant sur ce rapport, recommande<br />
l’application ou non d’une mesure <strong>disciplinaire</strong>.<br />
C’est uniquem<strong>en</strong>t lorsque le<br />
comité exécutif décide de recommander<br />
l’application d’une mesure <strong>disciplinaire</strong> à<br />
un médecin que le dossier est transmis au<br />
conseil d’administration. Dans le cas contraire,<br />
le dossier est fermé.<br />
LE RÔLE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION<br />
DU CENTRE HOSPITALIER<br />
L’article 249 de la LSSSS stipule qu’un<br />
conseil d’administration peut pr<strong>en</strong>dre des<br />
mesures <strong>disciplinaire</strong>s à l’égard d’un<br />
médecin ou d’un d<strong>en</strong>tiste. Dans cet article,<br />
il est prévu que :<br />
« <strong>Le</strong>s mesures <strong>disciplinaire</strong>s qui peuv<strong>en</strong>t<br />
être prises vont de la réprimande, le<br />
changem<strong>en</strong>t de statut, la privation de privilèges,<br />
la susp<strong>en</strong>sion du statut ou des privilèges<br />
pour une période déterminée<br />
jusqu’à la révocation du statut ou des privilèges.<br />
Elles peuv<strong>en</strong>t consister à recommander<br />
au médecin ou au d<strong>en</strong>tiste de faire<br />
un stage, de suivre un cours de perfectionnem<strong>en</strong>t,<br />
ou les deux à la fois, et, s’il y a lieu,<br />
à restreindre ou à susp<strong>en</strong>dre, <strong>en</strong> tout ou <strong>en</strong><br />
partie, les privilèges de celui-ci jusqu’à la<br />
mise à jour de ses connaissances. »<br />
Cela ne veut pas dire que le conseil d’administration<br />
peut sanctionner n’importe<br />
quelle conduite. Au contraire, ce même<br />
article de la LSSSS prévoit que toute<br />
mesure <strong>disciplinaire</strong> prise à l’<strong>en</strong>droit d’un<br />
médecin ou d’un d<strong>en</strong>tiste doit être motivée<br />
et fondée uniquem<strong>en</strong>t sur le défaut<br />
de qualification, l’<strong>inc</strong>ompét<strong>en</strong>ce sci<strong>en</strong>tifique,<br />
la néglig<strong>en</strong>ce, l’<strong>inc</strong>onduite, l’inobservation<br />
des règlem<strong>en</strong>ts de l’établissem<strong>en</strong>t,<br />
eu égard aux exig<strong>en</strong>ces propres<br />
à l’établissem<strong>en</strong>t, ou au non-respect<br />
des termes apparaissant à la résolution<br />
visée à l’article 242.<br />
Enfin, l’article 109 du Règlem<strong>en</strong>t prévoit<br />
22 <strong>Santé</strong> <strong>inc</strong>. septembre / octobre 2010<br />
qu’avant de décider de l’application<br />
d’une mesure <strong>disciplinaire</strong>, le conseil<br />
d’administration doit aviser les personnes<br />
intéressées et leur permettre de se faire<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre. Il est évid<strong>en</strong>t qu’à ce stade, il est<br />
plus difficile (sans être impossible) de<br />
conva<strong>inc</strong>re le conseil d’administration qu’il<br />
doit écarter les recommandations du<br />
comité exécutif du CMDP.<br />
L’APPEL AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF<br />
DU QUÉBEC<br />
Lorsqu’un médecin n’est pas satisfait<br />
d’une décision lui imposant des mesures<br />
<strong>disciplinaire</strong>s, il peut contester cette décision<br />
devant le Tribunal administratif du<br />
Québec (TAQ) dans les 60 jours qui suiv<strong>en</strong>t<br />
la date à laquelle la décision lui a été<br />
notifiée. L’article 252 de la LSSSS prévoit<br />
ce recours devant le TAQ qui exerce une<br />
compét<strong>en</strong>ce exclusive <strong>en</strong> cette matière,<br />
car il dispose du pouvoir de décider toute<br />
question de droit ou de fait nécessaire à<br />
l’exercice de sa compét<strong>en</strong>ce.<br />
<strong>Le</strong> TAQ peut « confirmer, modifier ou infirmer<br />
la décision contestée et, s’il y a lieu,<br />
r<strong>en</strong>dre la décision qui, à son avis, aurait<br />
dû être prise <strong>en</strong> premier 3 ». <strong>Le</strong> TAQ n’est<br />
pas lié par la preuve considérée par le<br />
comité de discipline, car le législateur lui a<br />
confié le pouvoir d’appréciation de la<br />
question <strong>en</strong> litige. <strong>Le</strong>s parties ont l’occasion<br />
de soumettre au TAQ toute la preuve<br />
qu’elles jug<strong>en</strong>t pertin<strong>en</strong>te. <strong>Le</strong> TAQ peut refuser<br />
la prés<strong>en</strong>tation d’une preuve lorsqu’il<br />
la juge non pertin<strong>en</strong>te. Il agit de novo, ce<br />
qui signifie ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t que le TAQ<br />
procède à une nouvelle <strong>en</strong>quête <strong>en</strong> considérant<br />
toute preuve administrée devant<br />
lui et jugée pertin<strong>en</strong>te, sans se fonder<br />
uniquem<strong>en</strong>t sur les motifs ret<strong>en</strong>us par le<br />
comité de discipline ou le conseil d’administration<br />
du c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong>.<br />
QUELQUES EXEMPLES JURISPRUDENTIELS<br />
Un psychiatre a été déclaré coupable d’<strong>inc</strong>onduite<br />
grave après avoir frappé l’un de<br />
ses pati<strong>en</strong>ts, qui lui avait craché au visage.<br />
Ce médecin a alors vu son statut et ses privilèges<br />
susp<strong>en</strong>dus pour trois mois. En<br />
appel, le TAQ a jugé que la décision r<strong>en</strong>due<br />
par le conseil d’administration du c<strong>en</strong>tre<br />
<strong>hospitalier</strong> <strong>en</strong> question était bi<strong>en</strong> fondée 4 .<br />
En 2008, un autre médecin spécialiste a<br />
contesté avec succès une décision de son<br />
c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong> ayant pour effet de lui<br />
imposer une mesure <strong>disciplinaire</strong>, soit une<br />
susp<strong>en</strong>sion de ses privilèges pour 30 jours<br />
au motif d’une <strong>inc</strong>onduite. De plus, dans<br />
cette affaire, le TAQ a déclaré irrecevable<br />
l’une des plaintes au motif que le médecin<br />
examinateur avait disposé de cette plainte<br />
de façon non <strong>disciplinaire</strong>. 5 Cette décision<br />
confirme qu’un comité de discipline ne<br />
peut pas rev<strong>en</strong>ir sur une plainte qui a été<br />
réglée par le médecin examinateur.<br />
CONSEILS PRATIQUES<br />
Comme nous l’avons m<strong>en</strong>tionné<br />
précédemm<strong>en</strong>t, les règles d’équité procédurale<br />
s’appliqu<strong>en</strong>t au <strong>processus</strong> <strong>disciplinaire</strong>.<br />
Il est de coutume qu’un médecin<br />
soit assisté par un avocat lors de son témoignage<br />
devant le comité de discipline.<br />
Si vous avez connaissance d’une plainte<br />
<strong>disciplinaire</strong> à votre <strong>en</strong>droit, il est important<br />
de communiquer immédiatem<strong>en</strong>t<br />
avec votre avocat. Cela lui permettra de<br />
s’assurer que tout témoignage devant le<br />
comité de discipline sera <strong>en</strong>registré et<br />
transmis à vous ou à lui.<br />
<strong>Le</strong> rôle de votre avocat est notamm<strong>en</strong>t de<br />
s’assurer que le <strong>processus</strong> suivi par le<br />
comité de discipline est équitable et respecte<br />
la LSSSS et ses règlem<strong>en</strong>ts. Il vous<br />
aidera à préparer votre dossier et, surtout,<br />
votre témoignage. Cep<strong>en</strong>dant, je suis d’avis<br />
que votre avocat devrait interv<strong>en</strong>ir le moins<br />
possible lors de l’audition devant le comité<br />
de discipline, car c’est le médecin qui est le<br />
mieux placé pour expliquer ses faits et<br />
gestes à ses pairs, d’où la nécessité d’une<br />
bonne préparation avec votre avocat. Je<br />
vous conseille aussi d’informer votre avocat<br />
dès que vous réalisez que l’un des membres<br />
du comité de discipline est inhabile à<br />
agir <strong>en</strong> raison d’un conflit d’intérêts. Tout retard<br />
peut être interprété comme votre acquiescem<strong>en</strong>t<br />
à sa prés<strong>en</strong>ce.<br />
Il faut aussi ret<strong>en</strong>ir que les tribunaux estim<strong>en</strong>t<br />
qu’il est sans importance, dans le<br />
<strong>processus</strong> <strong>disciplinaire</strong>, qu’un usager ait<br />
porté plainte ou non contre le médecin pour<br />
les gestes reprochés 6 . En déf<strong>en</strong>se à une<br />
plainte <strong>disciplinaire</strong>, il est donc dev<strong>en</strong>u inutile<br />
de soulever cet argum<strong>en</strong>t, car la plainte<br />
logée par vos confrères ou le personnel du<br />
c<strong>en</strong>tre <strong>hospitalier</strong> est aussi valable. ⌧<br />
1 D. 1320-84 (1984) 116 G.O. II, 2745 2 Dr M. L. c. Comité<br />
de discipline de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et ses membres,<br />
14 avril 2004, 500-17-015746-038 3 Ogé Daniel c. Tribunal<br />
administratif du Québec et Hôpital Santa Cabrini, C.S.<br />
500-05-045106-984, 5 août 1999, pages 8 et 9 4 A. c. Tribunal<br />
administratif du Québec, 2006 QCCS 5417, requête <strong>en</strong> révision<br />
judiciaire rejetée par la C.S. 5 K.C. c. Hôpital A, 2008<br />
QCTAQ 01459 6 Précité, note 4, par. 34, référ<strong>en</strong>ce à la jurisprud<strong>en</strong>ce<br />
de la Cour d’appel du Québec.