Pleins feux sur le pool de pratique des médecins du CHUS - Santé inc.

EN COUVERTURE
PLEINS FEUX SUR LE POOL DE PRATIQUE DES MÉDECINS DU CHUS
PAR PAUL THERRIEN
PAUL.THERRIEN@GMAIL.COM
MÉDECINS
COMMUNISTES
OU RUSÉS
Unique au Canada, le plan de pratique de la
Faculté de médecine et des sciences de la
santé de l'Université de Sherbrooke célèbre
cette année son 40 e anniversaire. De
quelques dizaines de membres au départ,
la Société des médecins de l'Université de
Sherbrooke (SMUS), qui gère notamment
les revenus de ses membres, compte aujourd'hui
plus de 350 médecins associés
issus d'une cinquantaine de spécialités.
Depuis 1969, les membres de la SMUS
unissent leurs revenus provenant de l'enseignement,
de la recherche et des soins
cliniques. Bref, tous les fruits des activités
professionnelles vont ensuite vers une redistribution
aux membres selon des règles
propres à chaque groupe de partage. Voilà
le plan de pratique. Celui-ci permet de
gérer l'allocation et les tâches des membres
en se basant sur des principes directeurs
qui cherchent à favoriser le travail
d'équipe tout en assurant les progrès
médicaux. Les professeurs cliniciens et
chercheurs oeuvrent principalement dans
le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke
regroupant les hôpitaux Fleurimont
et Hôtel-Dieu. Les autres associés de la
SMUS se trouvent à l'Institut de gériatrie
de Sherbrooke aux hôpitaux Argylle et
Youville, ainsi qu'au CLSC de Sherbrooke,
à l'hôpital Charles-LeMoyne de Longueuil
et dans d'autres centres hospitaliers affiliés
qui reçoivent des étudiants de la Faculté
de médecine, dont ceux du
Saguenay et du Nouveau-Brunswick.
Le protocole d'entente des membres de la
SMUS avec l'Université de Sherbrooke
donne l'occasion à ses membres de profiter
d'avantages sociaux comparables à
ceux offerts aux autres facultés de
médecine du Québec, et ce, sans égard
au poste ou à l’ancienneté. Ce qui distingue
le plan de pratique de la SMUS des
autres systèmes universitaires, c'est aussi
la répartition des tâches et des revenus
qui permettent d'engager un plus grand
nombre de médecins enseignants. Ceuxci
utilisent surtout la méthode d'apprentissage
par problèmes, une innovation
spécifique à l'université de Sherbrooke.
À titre de professeurs à temps plein, les
médecins enseignants contribuent au
régime de retraite de l'Université de Sherbrooke
et en bénéficient. Un modèle particulier
du fait qu'il est hybride, étant à la fois
un régime à prestations déterminées et un
régime à cotisations déterminées. Le professeur
âgé de moins de 40 ans cotise
l'équivalent de 6,5 % de son traitement universitaire
annuel; du côté de l'employeur,
c'est 3 % du salaire annuel. Ce taux s'élève
à 5,5 % lorsque le médecin a plu de 40
ans. En fin de carrière, le montant du fonds
peut aisément atteindre 750 000 $ à un
million de dollars et plus qui s’ajoutent aux
REER et autres placements du médecin.
Les dispositions de l'entente entre l'Université
et les professeurs de la faculté de
médecine prévoient un congé de maternité
de 26 semaines à 100 % du salaire
universitaire, en plus d’un montant de
5 000 $ de la SMUS. Il existe aussi des
possibilités de congés d'éducation continue
avec compensation. En tant que
membre de la SMUS, un médecin peut
faire une demande de congé sabbatique
d'un an, et ce, tous les sept ans. Si le projet
est accepté, il ou elle recevra 75 % de
sa rémunération totale de base (salaire
universitaire et honoraires de base de la
SMUS) durant cette période. L'université
offre un régime d'assurances maladie,
salaire et vie. Le système propre à la
SMUS couvre l'invalidité durant le premier
mois avant que l'assurance personnelle
entre en action. Une bourse de formation
de 60 000 $ est offerte aux nouveaux sociétaires
qui font leur titre universitaire
avant de commencer avec la SMUS à
temps plein. Les médecins enseignants
bénéficient d'un mois de vacances par
année, allant jusqu'à quatre mois aux
deux ans à 100 % du salaire d'enseignant.
Les médecins qui oeuvrent à l'université de
Sherbrooke bénéficient aussi d'une
exonération des droits de scolarité. Le
même privilège s'applique à leurs enfants
et conjoints. Bref, les « avantages sociaux »
du groupe sont nombreux et généreux.
UN BREF HISTORIQUE
La Faculté de médecine existe depuis
1961, mais ce n'est qu'en 1966 qu'elle
accueille ses premiers étudiants. Le Centre
hospitalier universitaire de Sherbrooke
n’ouvre ses portes aux patients qu'en janvier
1969. Dès le départ, il est convenu
que tous les cliniciens occuperont un
poste de professeur à la Faculté. Or, durant
trois ans, l'absence de patients fait en
sorte que les professeurs ne perçoivent
pas d'honoraires professionnels, un net
que désavantage par rapport à leurs col-
Dominique Dorion et Alain Collard
lègues ailleurs dans la province. Pour
remédier à cette carence, ils créént la
Corporation des cliniciens.
La Corporation a convaincu ses 22 premiers
membres de se porter garants d'un
emprunt de 500 000 $ pour soutenir la
Faculté et ses médecins enseignants. Afin
d'éviter une trop forte pression des ministères
du Revenu de l'époque, il a été
admis que le contrat de Société était la
meilleure option pour gérer les entrées d’argent.
Désormais, chaque médecin remettrait
ses revenus à la Société qui les
administrerait selon des règles acceptées
par ses membres, la Faculté et l'Université.
C'était la naissance de la Société des
médecins de l'Université de Sherbrooke
(SMUS) dont les six principes directeurs
s'appliquent toujours : protéger le plan de
carrière universitaire; favoriser la collaboration
intraprofessionnelle; assurer un
partage équitable des tâches et des
revenus; rémunérer les tâches
académiques sans égard à l'ancienneté ou
la spécialité; offrir une qualité de vie professionnelle
et financière enviable; et enfin,
favoriser la transparence et l'esprit de consensus
à l'intérieur des groupes de partage.
CRÉATION DES UNITÉS ACADÉMIQUES
Arrive 1980, année fatidique. L'Université
se voit contrainte de fermer 26 postes de
professeurs à la Faculté de médecine. Par
solidarité, jugeant avoir suffisamment de
boulot à partager, les membres de la
SMUS trouvent alors une façon innovatrice
de conserver les emplois de leurs collègues.
Le système d'unités académiques voit
alors le jour selon le principe de l'égalité
des tâches académiques, de recherche et
d'activités professionnelles. Depuis, ce système
rémunère l'enseignement et la
recherche réellement effectués. Chaque
activité académique reconnue possède
alors une valeur financière qui est versée
dans le groupe de partage au nom du
membre qui a rempli la tâche, sans égard
à l'ancienneté ou à la spécialité.
En 1989, les écarts de revenus cliniques
entre les spécialités promues par les
fédérations provinciales rendaient de
plus en plus difficile le respect du
principe de l'égalitarisme des premières
années de la SMUS. Les spécialités plus
riches n'obtenaient pas un revenu comparable
à leurs collègues du Québec,
car les surplus qu'ils généraient étaient
versés équitablement à l'ensemble des
sociétaires. Les problèmes de recrutement
et de rétention des spécialités
mieux rémunérées ailleurs allaient forcer
l'introduction du principe de la compétitivité
de marché avec la création de la
comptabilité départementale. Du coup,
chaque département ou service est devenu
un groupe de partage autonome.
Par contre, les groupes qui dégageaient
un surplus devaient financer les groupes
de partage déficitaires.
Au milieu des années 1990, la taxe de
45 % prélevée sur les surplus des spécialités
les plus lucratives afin de payer les
avantages sociaux et les déficits des spécialités
plus carencées devient une source
importante de tension au sein de la
SMUS. Un réaménagement du partage
des frais reliés aux avantages sociaux a
lieu, menant à une contribution de tous
les membres à l'effort de financement.
D'autres facteurs ont permis la disparition
de cette taxe sur les surplus. Une
meilleure facturation des actes professionnels,
la fusion de hôpitaux de Sherbrooke,
un nouveau mode de facturation à
la RAMQ convenant mieux aux médecins
en milieu universitaire : tout cela a fait en
sorte que la majorité des spécialistes se
comparent, depuis, avantageusement à
leurs collègues du Québec.
De plus, un processus a été mis en branle
en 2007 afin de permettre l'incorporation
aux médecins qui le désirent, et ce, sans
affecter le plan de pratique. Il est possible
aux membres de la SMUS de s'incorporer
depuis avril 2009.
COMMENT ÇA MARCHE
Les deux partenaires du plan de pratique,
c'est-à-dire la SMUS et la FMSS, transfèrent
leurs sources d'allocation à la
comptabilité départementale. Celle-ce ci
s'occupe de la gestion des «entrées » : ce
que la SMUS facture à la RAMQ et
d'autres revenus professionnels. La FMSS
envoie pour sa part les crédits d'enseignement
venant des postes universitaires, en
plus des crédits de recherche liés aux
bourses des chercheurs et autres subventions.
Ces sommes retournent aux
médecins professeurs sous la forme de
«sorties ». Elles incluent la rémunération
globale de base, les dépenses professionnelles
et les avantages de groupe plus
d'autres frais. Les entrées moins les sorties
donnent alors les surplus, dont 5% vont au
fonds d'équité du doyen qui gère ce montant
à sa discrétion afin de rééquilibrer des
revenus d'individus et 95 % de la somme
retourne aux membres selon la distribution
propre aux groupes de partage. ⌧
ENTREVUE AVEC LE DIRECTEUR
GÉNÉRAL ET LE PRÉSIDENT
DE LA SMUS
Tel un vieux couple, la SMUS et la Faculté
de médecine de l'Université de
Sherbrooke font le bilan de quatre décennies
passées, main dans la main, afin
d'optimiser les conditions propres à l'enseignement,
la pratique clinique et la
recherche médicale. Plusieurs crises et
tempêtes ont menacé les fondements et
l'existence même du plan de pratique
qui, de l'extérieur, traîne sa réputation de
communauté égalitariste inspirée de
valeurs d'une autre époque. L'accalmie
actuelle laisse place à une profonde
réflexion sur les moyens d'améliorer un
système qui a non seulement fait ses
preuves, mais qui a aussi permis à l'Université
de Sherbrooke de connaître un
rayonnement international.
16 Santé inc. septembre / octobre 2009 septembre / octobre 2009 Santé inc. 17

EN COUVERTURE
Le Directeur administratif des 15
dernières années de la SMUS me reçoit
dans son bureau situé à l'hôpital Fleurimont,
au coeur de cette unique et très
complexe aventure d'un système axé sur
le partage des tâches et des revenus entre
médecins chercheurs et enseignants. En
m'expliquant l'historique et les rouages du
plan de pratique, Alain Collard donne l'impression
du gestionnaire désintéressé,
mais pleinement satisfait de l'état actuel
du système qu'il a contribué à naviguer
jusqu'aux eaux tranquilles du présent.
Il rappelle que ce sont les conditions extrêmement
difficiles de départ et la précarité
de la Faculté de médecine qui ont
mené à sa forme actuelle. « Ce n'est pas
l'Université, ni le gouvernement qui ont eu
la bonne idée de former une compagnie »
afin d'assurer la rémunération des
médecins et la survie de la Faculté,
souligne-t-il. Le groupe de 22 médecins
qui s'est réuni en 1969 pour emprunter
une grosse somme à la banque s'inspiraitils
des valeurs communautaires du Peace
and Love de l'époque On serait porté à le
croire en voyant qu'au départ, tout le
monde s'était volontairement placé dans
le même bateau du partage égal des
revenus et des bonus, peu importe les activités
professionnelles.
Les années 1970 sont caractérisées par
une grande centralisation des pouvoirs
avec le contrat de société de la SMUS, le
doyen ayant eu le mot final sur les rémunérations.
Mais avec les crises du
début des années 1980 et l'apparition des
unités académiques et la comptabilité départementale
vint une période de décentralisation,
le doyen étant plutôt appelé à
jouer le rôle d'arbitre. Avec la révision en
profondeur des avantages communs en
1995, une nouvelle règle de distribution
en 1997 et, finalement, la possibilité de
l'incorporation des médecins en 2007, les
14 dernières années ont été qualifiées
d’époque de la «responsabilisation ».
M. Collard est particulièrement fier de l'innovation
des unités académiques. «Mille
neuf cent quatre-vingts est vraiment une
année très importante pour nous. C'est à
ce moment-là que l'on a fait une action qui
a fait de nous une équipe unique. Lorsque
l'Université voulait abolir des postes, mettant
à la porte une quinzaine de professeurs,
la SMUS est intervenue pour les
garder.» Les unités académiques permettaient
aux 85 membres de la SMUS de se
partager la tarte de revenus disponibles
pour 70 médecins seulement. Il a été décidé
que chaque activité d'enseignement
allait avoir une valeur en unité. À la fin de
l'année, en fonction de la somme
disponible, une valeur est donnée à
chaque unité distribuée. « Donc, ici, l'enseignement
n'est pas rémunéré par l'ancienneté,
mais selon les actes accomplis,
explique M. Collard. C'est la beauté de la
chose, en comparaison avec d'autres universités
où les titulaires reçoivent un gros
salaire et les adjoints ramassent ce qui
reste, donc pas grand chose.»
Alain Collard
Aujourd'hui, les 350 professeurs membres
de la SMUS se partagent annuellement
les 15 millions $ disponibles à la
faculté de médecine pour les crédits
académiques (à ne pas confondre avec
les actes cliniques facturés à la RAMQ et
qui sont « poolés » en plus). Ce qui a
forgé le système sherbrookois, c'était la
menace qui planait au cours des 25 premières
années de la fermeture de la faculté
de médecine, ce qui a forcé les
membres à se serrer les coudes et à voir
à leurs intérêts communs. « Ces annéeslà
avaient été déterminantes. Maintenant
que nous avons traversé cette période,
nous pouvons miser sur la qualité de la
formation et de la recherche; prendre les
devants sur les autres universités. Des
choses qui étaient difficiles lorsqu'on était
petit. » Virent ensuite les années où
l'égalitarisme à tout prix s'estompait pour
laisser place à une différenciation des
revenus selon les spécialités, à l'image
des gains négociés par les grandes
fédérations syndicales. « Certains voulaient
voir leurs efforts individuels récompensés,
aussi. Nous avons su évoluer au
niveau des règles de répartition. » Le fond
d'équité du doyen est là, à la fin, pour
veiller à dédommager les médecins qui se
sacrifient à des tâches moins payantes
pour le bien de leur groupe.
Chaque année, à l'assemblée générale de
la SMUS, les médecins décident s'ils se
donnent des avantages supplémentaires
ou non. Par exemple : depuis 1969, les
congés de maternité, comprenant jusqu'à
six mois de compensation et le salaire universitaire
complet, ont été une mesure
très progressiste. Les membres ont aussi
droit à une année sabbatique aux sept ans
à 75% de la rémunération globale. Malgré
de nombreux bénéfices au plan de pratique,
tels que des conditions d'enseignement
et de recherche enviables, l'image
du médecin offrant ses services pour des
revenus inférieurs qu'ailleurs au Québec
persiste. «Le fait de travailler en équipe,
d'assurer une meilleure facturation, des
revenus d'enseignement plus élevés pour
la moyenne et de bonnes ententes pour la
recherche... Le tout donne un net avantage
financier pour nos membres, mais il est vrai
que cela n'a pas toujours été le cas », reconnaît
M. Collard.
Pour ceux qui ne trouvent pas leur
compte au sein de la SMUS, M. Collard
rappelle qu'il est très facile d'en sortir, et ce,
en deux semaines. « Mais depuis une
dizaine d'années, il entre ici beaucoup plus
de médecins qu'il en sort. » La dernière
grande menace d'une fuite de membres a
été la question épineuse de l'incorporation
au cours des 10 dernières années. « Il fallait
trouver dans le contrat social la bonne
façon d'introduire l'incorporation, et, depuis
avril, nous avons trouvé la solution qui convient
à tous », souligne-t-il.
Avec plus de 350 médecins sous son
giron, la SMUS est l’une des plus grandes
agences de facturation à la RAMQ au
Québec. « Une grande proportion de
médecins se fie complètement à nous »,
indique M. Collard. Et avec raison : du
personnel aux archives épluche et révise
les dossiers médicaux quotidiennement;
un système d'analyse est en place à l'urgence
afin de récupérer correctement la
facturation; un bureau permanent situé à
l'entrée principale de Fleurimont est là
pour régler la facturation des patients
n'ayant pas de couvertures médicales,
etc. « L'important, c'est que les médecins
se concentrent sur les soins, l'enseignement
et la recherche, mais certains
médecins vont toutefois analyser notre
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facturation... et à la fin, voient que nous
leur donnons les meilleurs résultats. »
DE L'INCORPORATION, DE LA CLARTÉ
ET UN SUPERVISEUR
Quelqu'un cogne à la porte. Il s'agit du Dr
Dominique Dorion, président de la SMUS
depuis les sept derniers mois. Au milieu
d'une sabbatique de deux mois, le spécialiste
en ORL s'est déplacé pour me parler
avec entrain et passion du plan de pratique
dont il apprécie profondément la capacité
d'adaptation et d'évolution au cours des
années. Présent au sein du SMUS depuis
1993, cela lui tient à coeur. « Mais, très
honnêtement, le dossier qui m'a chatouillé
le plus, c'est l'incorporation, avoue-t-il.
C'est ce qui m'a amené à briguer la présidence.
Je cherchais une nouvelle ouverture
pour les médecins qui voulaient gérer
leurs avoirs, mais, étant dans la SMUS, on
perdait certains avantages... Je le voyais,
personnellement, en ayant cinq enfants...
Heureusement, le gouvernement a su faire
un cadeau fiscal à nos médecins afin que
l'on puisse faire comme tous les autres professionnels,
en quelque sorte. »
Quel défi attend la SMUS et le plan de pratique
à présent « Cela prendrait une entité
qui superviserait les rapports entre la SMUS
et la Faculté, admet le Dr Dorion. Jusqu'à
présent, nous avons vécu en conjoint de
fait, sans contrat de mariage. Et comme
pour les conjoints de fait, les rapports de
force ne sont pas nécessairement égaux,
cela change avec le temps. Un certain flou
existe dans notre relation avec le doyen et la
faculté. Encore, si jamais une crise se
présente entre les deux, nous n'avons pas
un conseiller pour nous guider.»
À la suite de sondages auprès des membres
ces dernières années, la clarté et la
transparence dans la comptabilité ont été
les thèmes récurrents. «C'est un système
extrêmement complexe que nous avons.
Alors, nous avons beau avoir une transparence
la plus limpide qui soit, il demeure
que ça serait comme regarder les
rouages d'une montre suisse... ce sont des
calculs complexes qui permettent de facturer
les unités académiques, les congés,
les frais », explique le Dr Dorion. Les
changements sont venus par époques,
sous différentes pressions et crises, et le
système en place aujourd'hui est le résultats
de greffes et de mutations apparues
suivant les époques, selon le Dr Dorion.
« Nous avons dû réagir souvent dans le
passé en dégageant des sous tout à coup,
en rendant les médecins plus responsables,
à travailler le système de comptabilité...
Nous levons le couvert et
sommes étonnés en nous demandant d'où
ça vient, ça. Mais la capacité d'adaptation,
la croissance et les résultats m'indiquent
que ça fonctionne très bien.» Alain Collard
ajoute être sur le point de mettre en place
un système qui permettra de mieux comprendre
la facturation, soulignant que
« cette année, les trois dossiers que nous
mettons en application sont la clarté, la supervision
clinique et l'incorporation ».
Concernant le recrutement des médecins,
le Dr Dorion avoue en toute franchise que
la SMUS «sélectionne des gens qui ne sont
pas des businessmans, car pour embarquer
dans un système comme le nôtre faut
avoir une certaine confiance, accepter
d'être détaché de la facturation». Mais
comment être certain de recevoir un
revenu juste par rapport à ses efforts au
sein d'un groupe Alain Collard explique
que parmi les 50 groupes de partage, la vision
est partagée. « 50 % vont séparer les
revenus de façon égale, l'autre s'assoit et
regarde si certains individus méritent d'en
avoir un peu plus. C'est de la véritable autogestion.
La beauté du système c'est que les
membres d'un même groupe sont obligés
de s'entendre.» Le Dr Dorion indique que
l'attrait principal du pool demeure la liberté
de partager le temps de la meilleure façon
possible. «Certains adorent la recherche,
d'autres l'enseignement, il y a des tâches
cliniques qui intéressent moins les collègues,
mais si quelqu'un est prêt à se sacrifier
à la fin il ne sera pas perdant.»
Le Dr Dorion rappelle aussi que le plan de
pratique n'est pas un système dépourvu
Le Dre Marie Giroux
d'incitatifs pour la recherche et l'enseignement.
« Avec des promotions professorales,
il est possible d'aller chercher
quelques milliers de dollars de plus par
année. Pour les unités académiques, à la
base c'est un 45 000 $ facile à aller
chercher. Sans le 15 millions $ de la Faculté
dans l'équation, nous n’aurions plus
besoin d'un plan de pratique, nous aurions
tout simplement un pool dans les différentes
spécialités.» ⌧
RENCONTRE AVEC
DES MÉDECINS MEMBRES
Le plan de pratique de la Faculté de
médecine et des sciences de la santé de
l'Université de Sherbrooke n'est évidemment
pas fait pour tout le monde. Les
médecins misant sur une carrière strictement
axée sur des gains financiers par la
pratique clinique n'y trouveront pas leur
compte. Par contre, pour les passionnés
de la recherche et de l'enseignement, le
système de la SMUS offre un environnement
plus qu'enviable... sans toutefois
sacrifier leurs revenus.
« J'ai pris la décision d'aller à Sherbrooke
pour le cadre de vie et j'avais vu le plan de
pratique comme un aspect positif. C'était
vraiment l'enseignement et le travail
d'équipe qui m'intéressaient », affirme le
Dr Pierre Cossette, interniste et directeur
du département de médecine de la faculté
depuis 2004. Le Dr Cossette s'est im-
20 Santé inc. septembre / octobre 2009

EN COUVERTURE
Le Dr Pierre Cossette
Le Dr André Carpentier
Le Dr Vincent Echavé
pliqué en enseignement postdoctoral dès
son arrivée à Sherbrooke, en 1997. Ayant
120 professeurs et douze services sous sa
supervision, il a constaté l'évolution du plan
dans le temps, selon les préférences de
chaque groupe. « Je ne trouve pas ça lourd
à gérer, au contraire, c'est très dynamique
pour régler des problèmes qui peuvent survenir
au sein d'une même une équipe. »
Bien qu'il dise comprendre les rouages du
système maintenant, il avoue que ça ne
doit pas être évident à comprendre pour les
nouveaux médecins professeurs.
Parlant des jeunes médecins, le Dr Cossette
refuserait, à leur place, d'aller dans
un milieu où les tâches académiques sont
mal rémunérées, contrairement à l'Université
de Sherbrooke. Non seulement les
tâches cliniques dans le plan de pratique
suivent les mêmes barèmes qu'ailleurs, les
mécanismes de répartition des tâches et
de l'allocation « permettent d'être payé
pour les activités réelles, un net avantage
au niveau de l'équité », ajoute-t-il. Il demeure
que le plan de pratique, selon le Dr
Cossette, « n'est pas parfait, même s'il y a
eu de grands bouts de chemin de fait, il
manque encore de la transparence ».
« La carrière académique n'est pas toujours
bien rémunérée ailleurs, déplore la
Dre Marie Giroux, professeure agrégée et
directrice du département de médecine de
famille. Le plan de pratique, ce partenariat
entre la SMUS et la FMSS, met en place
des leviers financiers qui permettent d'atteindre
une polyvalence en recherche, en
travail académique et clinique.» Elle insiste
sur la présence forte d'engagement envers
le groupe, une vision collective qui est en
mesure de se réaliser « sans toujours
compter les sous et les dollars; avec une
certitude éclairée que les choses sont faites
de façon équitable dans un objectif commun
». La Dre Giroux dit apprécier aussi
les bénéfices qui vont avec le poste de professeur
universitaire, tels que les congés
d'éducation continue afin de développer
des champs d'intérêts nouveaux.
La Dre Sophie Desindes, vice-présidente
du comité exécutif de la SMUS, affirme
bien vendre le plan de pratique lors des
périodes de recrutement. Les avantages
sociaux en place depuis les débuts de
la SMUS sont tout à fait adaptés à la
« féminisation » de la profession, comme
les six mois de congé de maternité. « Pour
une jeune femme avec un enfant, cet aspect-là
est vraiment bien, se souvient la gynécologue-obstétricienne.
On ne m'a pas
fait payer de frais de bureau et on a pris soin
de mes patients le temps que je revienne.
Durant 24 semaines, j'ai reçu mon salaire
universitaire. » Du côté de la transparence
liée à la comptabilité, elle affirme que la
SMUS a fait un pas de géant l'an dernier.
« La clarté devient extrêmement importante.
Dans mon département, nous prenons un
tournant vers de jeunes professeurs et nous
voyons vraiment une différence. Les nouveaux
sont toujours en train de poser des
questions sur les chiffres. »
Il demeure que le but d'un pool est que
chaque membre de l'équipe trouve sa
place. C'est le cas du Dr André Carpentier,
médecin endocrinologue, dont les trois
quarts de son temps sont protégés pour la
recherche. « Le plan nous force à atteindre
un partage des tâches où tout le monde y
trouve son compte. Dans notre service, il y
a la moitié des membres qui font plus de
recherche, l'autre qui s'engage à plus de
clinique et nous sommes impliqués en enseignement
d'une manière équivalente. »
Du côté des surplus, il a été convenu que
50 % du montant allait revenir à la personne
même qui l'a généré et l'autre moitié
retourne à la cagnotte commune. Et la
possibilité de s'incorporer depuis avril a-telle
changé la donne « Jusqu'à présent,
personne ne l'a fait dans mon service, affirme
le Dr Carpentier. Et même si cela devait
se produire, rien ne changerait dans le
plan de pratique.»
« C'était important pour moi de développer
une carrière internationale, chose
que je n'aurais jamais pu faire en clinique
privée, reconnaît le Dr Vincent
Echavé, chirurgien vasculaire thoracique
au CHUS depuis trois décennies. Nous
sommes capables ici d'accomplir les
tâches universitaires et cliniques sans
grands soucis monétaires. » Les frais de
bureau et de secrétariat étant couverts
par le plan de la SMUS, le Dr Echavé
vante les «conditions enviables et
sécurisantes» de son milieu de travail. À
la veille de sa retraite, il apprécie le fait
que son fond de pension ait été très bien
géré pour assurer son avenir, « malgré
des conditions difficiles » dans le passé.
«Notre éducation médicale s'est illustrée
dans le monde. L'enseignement par petits
groupes est un exemple pour beaucoup
de gens et le corps professoral est très
bien formé, vante le Dr Echavé. Le système
enlève l'aspect compétitif : les tâches
cliniques, académiques, de recherches...
tout s'entremêle. Je n'ai jamais vécu de
friction. Chacun fait sa tâche; pour ma part,
c'est beaucoup de clinique et d'enseignement
et moins de recherche.» Le Dr
Echavé avoue que le plan de pratique est
loin d'être parfait, mais il a créé les conditions
pour une carrière «intéressante à
tous les points de vue ». La SMUS, rajoute-t-il,
est loin de s'être « cassé la
gueule » comme ses détracteurs au
Québec le prédisaient, il y a quelques
dizaines d'années. ⌧
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