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Nanook of the North et le cinéma ethnographique - Film Studies ...

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de réduire toute tentative de représentation à un portrait caricatural, non pas<br />

conforme à la société qui fait l’obj<strong>et</strong> du document <strong>et</strong>hnographique, mais à la<br />

vision déformée qu’en aurait la société qui l’observe.<br />

Nous préférons donc proposer <strong>le</strong> my<strong>the</strong> comme moyen de surmonter <strong>le</strong><br />

piège allégorique. Ce dernier risque de faire de la trame fabulée – cel<strong>le</strong> qui représente<br />

la réalité de l’<strong>et</strong>hnographié dépassé – un miroir déformant, sinon magique,<br />

pour la société avancée qui l’observe saine <strong>et</strong> sauve depuis la sal<strong>le</strong> de <strong>cinéma</strong>.<br />

L’autre reflète pour c<strong>et</strong>te dernière des origines pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s on peut ressentir<br />

de la nostalgie ou bien envers <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s on peut éprouver une arrogance: il s’agirait<br />

d’une version insuffisante de soi; incomplète, dépourvue de progrès <strong>et</strong> donc<br />

vouée à la mort. Mais au delà de c<strong>et</strong>te perspective condescendante qu’on peut<br />

reprocher à certaines approches <strong>et</strong>hnographiques, l’objectif réel de Flaherty était<br />

moins de faire un témoignage anthropologique que de m<strong>et</strong>tre en scène un drame<br />

métaphysique, vraisemblab<strong>le</strong>ment (quoique partiel<strong>le</strong>ment) tiré de son expérience<br />

réel<strong>le</strong>. Une poétique documentaire (dans <strong>le</strong> sens d’une représentation censément<br />

objective <strong>et</strong> donc fidè<strong>le</strong> à la réalité devant laquel<strong>le</strong> on tourne son film) ne<br />

convient tout simp<strong>le</strong>ment pas à son proj<strong>et</strong>.<br />

Certes, <strong>le</strong> réalisme narratif reste valab<strong>le</strong> malgré tout, surtout en regard de<br />

l’époque où <strong>le</strong>s conventions <strong>cinéma</strong>tographiques restaient à inventer. C’est justement<br />

ce film qui a inauguré une phase historique de participation véridique dans<br />

<strong>le</strong> <strong>cinéma</strong> dit documentaire. Toutefois, pour la sensibilité contemporaine – qui<br />

bénéficie de l’expérience d’un sièc<strong>le</strong> de <strong>cinéma</strong> – <strong>le</strong> film demande une indispensab<strong>le</strong><br />

remise en question. Pourtant, malgré <strong>le</strong>s intentions foncièrement douteuses<br />

qu’on peut reprocher à Flaherty en ce qui a trait à l’au<strong>the</strong>nticité du récit, Russell<br />

souligne <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong> film persiste dans la culture inuit en tant qu’artefact de<br />

va<strong>le</strong>ur historique: il s’agit d’une représentation de la mémoire col<strong>le</strong>ctive qui<br />

transcende pour la première fois la tradition ora<strong>le</strong>. Ce n’est pas pour autant dire que<br />

l’on estime son contenu comme un témoignage clair <strong>et</strong> n<strong>et</strong>, sans ambiguïté. Au<br />

contraire, il s’agit tout simp<strong>le</strong>ment d’apprécier la teneur nostalgique <strong>et</strong> utopique<br />

de l’œuvre tout en gardant à l’esprit un jugement critique qui tranche sur <strong>le</strong>s<br />

questions de l’esthétisation <strong>et</strong> du contexte réel de l’histoire empirique. Pour <strong>le</strong><br />

peup<strong>le</strong> itivimuit, <strong>le</strong> film devient ainsi, par <strong>le</strong> re-visionnage, la re<strong>le</strong>cture <strong>et</strong> même la<br />

recréation, un autre moyen de se reconstituer dans la représentation mimétique,<br />

de se raconter en s’appropriant une perspective à la fois étrangère <strong>et</strong> familière. 32<br />

Laissons provisoirement de côté la problématique rhétorico-historicoidéologique<br />

du contenu du film <strong>et</strong> abordons sa forme. À plusieurs reprises,<br />

Flaherty reconnaît qu’il favorise la création du film aux dépens de la représentation<br />

de la réalité inuit. Par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s chasses, sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s nous reviendrons<br />

sous peu, sont abandonnées <strong>et</strong> poursuivies pour des raisons techniques, dans <strong>le</strong><br />

but de <strong>le</strong>s documenter ou de <strong>le</strong>s dramatiser. C’est justement la raison pour<br />

laquel<strong>le</strong> il faut revenir à la possibilité d’une apologie du proj<strong>et</strong>, car au fond, ce<br />

qu’on ignore souvent, c’est que c’était une entreprise de fiction, quoique plutôt<br />

NANOOK OF THE NORTH ET LE CINÉMA ETHNOGRAPHIQUE 69

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