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Nanook of the North et le cinéma ethnographique - Film Studies ...

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Il ne faut pas oublier que l’appareil <strong>cinéma</strong>tographique possède aussi bien<br />

la capacité d’inventer par omission (<strong>et</strong> ainsi, éventuel<strong>le</strong>ment, de mentir) que<br />

cel<strong>le</strong> de représenter la réalité. Il est vrai que <strong>le</strong>s procédés techniques du <strong>cinéma</strong><br />

sont réducteurs <strong>et</strong> ne perm<strong>et</strong>tent que de construire une interprétation <strong>et</strong> non de<br />

documenter la réalité. Mais, il faut aussi tenir compte du contexte <strong>et</strong> des intentions<br />

de Flaherty, ainsi que des contraintes de réalisation, choisies ou imposées,<br />

afin d’apprécier l’envergure du proj<strong>et</strong>. En nous écartant prudemment du concept<br />

postcolonial d’exotisme, c’est selon une comparaison entre <strong>le</strong> récit mythique <strong>et</strong><br />

<strong>le</strong> récit allégorique que nous voulons entreprendre non pas une apologie du proj<strong>et</strong><br />

de Flaherty, mais plutôt une reconnaissance du potentiel transculturel qu’aurait<br />

pu engendrer son œuvre.<br />

En principe, ces deux approches narratives, c’est-à-dire <strong>le</strong> my<strong>the</strong> <strong>et</strong> l’allégorie<br />

– deux concepts qui concernent aussi bien la mise en œuvre de certains récits<br />

en général que la production <strong>et</strong> la réception critique de <strong>Nanook</strong> <strong>of</strong> <strong>the</strong> <strong>North</strong> –,<br />

se distinguent respectivement par la permanence <strong>et</strong> <strong>le</strong> provisoire. Comme <strong>le</strong><br />

remarque Darko Suvin: « <strong>le</strong> my<strong>the</strong> se propose comme l’explication définitive de<br />

l’essence des phénomènes ». 2 L’allégorie, pour sa part, est didactique puisqu’el<strong>le</strong><br />

sert <strong>le</strong> plus souvent de présentation d’idées <strong>et</strong> de trame d’idées analogues à la<br />

réalité empirique de l’audience ciblée. C’est en tenant compte de ces distinctions<br />

terminologiques que nous croyons que la vie itivimuit est présentée comme une<br />

prétendue vérité permanente <strong>et</strong> universel<strong>le</strong> alors qu’el<strong>le</strong> n’est que captée provisoirement<br />

par un médium mystificateur. La caméra fait preuve d’une perspective<br />

limitée qui fige <strong>Nanook</strong> dans un « présent <strong>et</strong>hnographique » dépourvu de toute<br />

notion d’historicité. 3<br />

Le my<strong>the</strong> est un mode de représentation qui se veut universel <strong>et</strong> qui se prétend<br />

véridique. Sa trame narrative est censée re<strong>le</strong>ver – <strong>et</strong> révé<strong>le</strong>r – des va<strong>le</strong>urs <strong>et</strong><br />

des mœurs propres à la communauté pour <strong>et</strong> par laquel<strong>le</strong> il est créé. Le my<strong>the</strong>, que<br />

ce soit dans <strong>le</strong> cadre d’une tradition ora<strong>le</strong> ou écrite, sera tantôt mimétique, tantôt<br />

symbolique. En littérature, il empruntera volontiers <strong>le</strong>s voies de l’imaginaire.<br />

L’allégorie, à la différence du my<strong>the</strong> – spécifions-<strong>le</strong> afin de bien saisir <strong>le</strong><br />

principe du parallélisme fiction/réel qu’el<strong>le</strong> cherche à m<strong>et</strong>tre en œuvre –, exige<br />

toujours de la part du récepteur idéal une appréciation à deux niveaux d’interprétation.<br />

Le premier concerne <strong>le</strong> développement des personnages <strong>et</strong> <strong>le</strong> dérou<strong>le</strong>ment<br />

des événements du récit. Le second demande que l’on constate un rapport direct<br />

entre l’histoire esthétisée <strong>et</strong> la réalité empirique. Bien évidemment, ce rapport change<br />

de va<strong>le</strong>ur selon l’époque dans laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> texte est reçu. Si <strong>le</strong> texte est invariant, <strong>le</strong>s<br />

différents contextes dans <strong>le</strong>squels il peut désormais s’inscrire varient. Ainsi, la<br />

va<strong>le</strong>ur allégorique est provisoire parce que l’interprétation de la signification du<br />

récit est soumise aux transformations historiques. Il y a deux types d’allégorie.<br />

L’allégorie explicite marque clairement, par <strong>le</strong> biais de marqueurs ou d’« embrayeurs<br />

rhétoriques, » 4 <strong>le</strong> lien direct entre <strong>le</strong>s deux registres en jeu (celui de la fiction<br />

<strong>et</strong> celui de la réalité). L’allégorie implicite, pour sa part, rejoint en quelque sorte<br />

60 NICHOLAS SERRUYS

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