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06 L’INVITÉ
PIERRE RABHI
“La croissance infinie
est une violence”
NÉ EN ALGÉRIE D’UN PÈRE FORGERON, musicien et poète, Pierre Rabhi est
une référence en matière d’agroécologie. Il anime une conférence à SortieOuest
à Béziers le 23 septembre, à l’occasion des Chapiteaux du Livre.
Comment peut-on être à la fois
simple paysan et expert internationalement
reconnu ?
— On n’est jamais maître de son
destin ! Lorsque j’étais enfant, j’ai
été confié à un couple de Français
après le décès de ma mère. J’avais
5 ans, et j’ai évolué dans une
double culture, entre tradition et
modernité. J’ai toujours cherché à
comprendre le monde. En France,
j’ai travaillé en usine, puis j’ai choisi
de devenir paysan et de cultiver la
terre en Ardèche.
Quel rapport entre le travail en
usine et le labeur agricole ?
— Dans ces deux mondes j’ai retrouvé
la même aliénation à la productivité,
l’inhumanité du monde
du travail. La violence de la croissance
à tout prix, les effets dévastateurs
des techniques appliquées
à l’organisme vivant qu’est la terre.
J’ai commencé à pratiquer l’agriculture
biologique et écologique.
J’ai mis en théorie ce que je vivais
concrètement. Et on m’a demandé
de transmettre mon expérience.
En Afrique et partout ailleurs où la
terre est aride, on me demandait
conseil. J’ai monté des formations
pour aider les paysans à cultiver
leur terre en adéquation avec leur
environnement. Aujourd’hui, je
participe à des programmes sous
l’égide de l’ONU. On me considère
comme pionnier de l’agroécologie
et expert international pour la sécurité
alimentaire et la lutte contre
la désertification.
Comment en êtes-vous venu
à l’écriture ?
— Je m’intéresse beaucoup à la
philosophie de l’Histoire, à l’humanisme.
Je suis entré tard dans l’écriture,
parce que je menais d’autres
combats qui demandaient toute
mon énergie et mon temps. Mais
la littérature est certainement une
de mes premières vocations. Ce
n’est que dans les années 80 que
j’ai pu commencer à m’y consacrer.
Mon premier ouvrage Du Sahara
aux Cévennes, ou la reconquête
du songe, est une autobiographie
dans laquelle je retrace mon parcours
jusqu’à la création de Terre et
Humanisme, l’association que j’ai
fondée, et qui défend le respect de
l’homme, de la vie et de la nature.
Votre dernier ouvrage, Vers la Sobriété
heureuse *, s’est déjà vendu
à plus de 25 000 exemplaires. C’est
une nouvelle éthique de vie que
vous prônez ?
— Oui, je m’interroge sur ce qu’est
la modernité et sur le devenir de
l’humanité. Il n’y a rien de moins
intelligent que de donner toute
puissance à l’argent sur le destin,
sur la vie et sur l’Histoire. C’est une
défaillance historique majeure. Et
c’est une immense responsabilité
que nous laissons aux générations
futures. Ce que je veux trans-
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