FABLES DU PAYSAGE FLAMAND - Palais des Beaux Arts de Lille
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- les yeux d’Argus semés sur la queue du paon <strong>de</strong> Junon figurent les vanités du mon<strong>de</strong>. Argus, veilleur infatigable,<br />
avait été chargé par Junon <strong>de</strong> surveiller Io courtisée par Jupiter. Mercure, le messager envoyé en « mission »<br />
par Jupiter, l’ensorcelle avant <strong>de</strong> le décapiter. L’épiso<strong>de</strong> a été souvent illustré.<br />
Autre mythe fameux : celui <strong>de</strong> la déchéance qui punit l’orgueil <strong>de</strong> se prendre pour <strong><strong>de</strong>s</strong> dieux, l’hybris. Nous en avons<br />
plusieurs exemples : Phaéton avait obtenu <strong>de</strong> conduire le char du Soleil (le titan Hélios). Malgré les recommandations <strong>de</strong><br />
ce <strong>de</strong>rnier, il s’approche trop près <strong>de</strong> la Terre et Jupiter le foudroie, il tombe dans le fleuve Eridanus (le Po). Il est<br />
assimilé à Lucifer, l’ange déchu. Icare, « l’homme oiseau » n’écoute pas plus les conseils <strong>de</strong> son père Dédale en montant<br />
trop près du soleil, il tombe dans la mer, la cire <strong>de</strong> ses ailes ayant fondu. Fustiger l’orgueil et montrer les difficultés <strong>de</strong><br />
l’ascension spirituelle, tels sont les enseignements <strong>de</strong> la Fable.<br />
Les lettrés humanistes : Pétrarque, Erasme, Marsile Ficin et bien d’autres penseurs, sont persuadés que l’étu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
auteurs grecs et latins (surtout <strong><strong>de</strong>s</strong> historiens, <strong><strong>de</strong>s</strong> poètes et <strong><strong>de</strong>s</strong> moralistes) contribuent largement au bien <strong>de</strong> l’humanité<br />
et à toute sorte <strong>de</strong> sagesse (« ad omnem sapientiam ») par le pouvoir <strong>de</strong> l’amour, <strong>de</strong> l’amitié, <strong>de</strong> la paix (« amore,<br />
concordia » 3 ). Marsile Ficin, Pic <strong>de</strong> la Mirandole diffusent en Italie les idées <strong>de</strong> Platon, en France aussi, à la cour <strong>de</strong><br />
Marguerite <strong>de</strong> Navarre. Ce qu’on exaltait surtout chez Platon, c’était sa théorie <strong>de</strong> l’amour (cf. Rabelais, Montaigne ou du<br />
Bellay). A la lumière du néo-platonisme, nombre d’humanistes découvrent aussi une doctrine religieuse et un<br />
enseignement chrétien : il n’y a pas d’opposition entre les fables sacrées et les fables profanes puisqu’elles sont<br />
porteuses <strong>de</strong> sens.<br />
Astrologie<br />
Déjà aux tympans <strong><strong>de</strong>s</strong> cathédrales, les pères <strong>de</strong> l’Eglise et les saints côtoyaient dieux et héros antiques ; la Sibylle 4 est<br />
mise au même rang que les prophètes. Dans l’art roman, on retrouve es allégories <strong>de</strong> la Terre, <strong>de</strong> l’Océan, du Soleil…<br />
puisque l’homme est soumis aux forces cosmiques. Il cherche une explication aux phénomènes naturels et surnaturels,<br />
elle lui est fournie par l’astrologie : les planètes Saturne, Pluton, Mars portent le nom <strong><strong>de</strong>s</strong> dieux. « Chaque planète,<br />
chaque constellation correspond à une figure <strong>de</strong> la Fable ». Elles influencent notre existence. L’astrologie, en outre,<br />
fournit un système cohérent <strong>de</strong> correspondances : les signes du Zodiaque sont liés aux quatre éléments (Air, Feu, Terre<br />
et Eau) ainsi qu’aux saisons, aux tempéraments, aux humeurs… Les peintres aiment intégrer ces éléments dans leurs<br />
tableaux comme <strong><strong>de</strong>s</strong> symboles. Ils peuvent aussi les traiter séparément (cf. Jan Bruegel I er. ).<br />
Lactance (v 260-325), rhéteur latin, converti au christianisme, précepteur <strong>de</strong> l’empereur Constantin ne peut nier<br />
l’influence <strong><strong>de</strong>s</strong> astres, Saint Augustin (354 - 430) l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> quatre docteurs <strong>de</strong> l’Eglise en reconnaît aussi l’importance.<br />
Cette idée se trouve renforcée par les Arabes qui nous ont transmis l’héritage grec et qui ont établi le rapport avec les<br />
autres sciences.<br />
Les Chrétiens sont pourtant conscients <strong><strong>de</strong>s</strong> dangers que représentent les figures païennes. Beaucoup y voient<br />
l’incarnation du Mal. Pan avec son cortège <strong>de</strong> satyres aux pattes fourchues, aux cornes <strong>de</strong> bouc, <strong>de</strong>vient le Dieu du Mal.<br />
N’ont-ils pas légué leurs attributs à Satan et à ses démons. Diane qui libère les puissances <strong>de</strong> l’instinct est la déesse <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
païens « <strong>de</strong>a paganorum ». Mercure, issu <strong>de</strong> l’Hermès Trimégiste, est l’instigateur <strong>de</strong> sciences occultes.<br />
L’Enfer, une « bouche monstrueuse »<br />
La peur du péché, <strong>de</strong> la chute, <strong><strong>de</strong>s</strong> démons est omniprésente ; les visions infernales sont alimentées par l’angoisse du<br />
Jugement <strong>de</strong>rnier (cf. Apocalypse <strong>de</strong> St Jean. « On verra se lever nation contre nation, royaume contre royaume ; il y<br />
aura <strong>de</strong> grands tremblements <strong>de</strong> terre, <strong><strong>de</strong>s</strong> épouvantements, <strong><strong>de</strong>s</strong> famines, <strong><strong>de</strong>s</strong> pestes <strong>de</strong> tous les côtés et <strong>de</strong> grands<br />
signes dans le ciel. Ce sont là les commencements <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs »).<br />
Au XII e siècle, un anonyme (sans doute un moine irlandais) décrit les visions <strong>de</strong> l’âme d’un chevalier repentant qui, en<br />
Enfer, est accompagné par un ange (cf. La Vision <strong>de</strong> Tondal).<br />
Dante (Florence, 1265 – Ravenne, 1321) exploite la même veine dans son long poème La Divine Comédie surtout connu<br />
à la Renaissance et divisée en trois parties : l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Il revisite l’histoire politique et littéraire<br />
<strong>de</strong> son temps et nous propose un voyage initiatique dans l’au-<strong>de</strong>là, guidé par Virgile « poème sacré auquel ciel et terre<br />
ont mis la main ».<br />
Les Enfers<br />
Nombre d’écrivains ont puisé leur inspiration à la source antique : Proserpine, fille <strong>de</strong> Cérès et <strong>de</strong> Jupiter, a suscité<br />
l’amour <strong>de</strong> Pluton (fils <strong>de</strong> Saturne et <strong>de</strong> Cybèle). Il enlève la jeune fille alors qu’elle cueillait <strong><strong>de</strong>s</strong> fleurs et la conduit aux<br />
Enfers. Plus tard, on y retrouve Eurydice, fille d’une nymphe charmée par la voix et la musique d’Orphée (cf.<br />
Proserpine, Pluton et Orphée, Bruegel). « Les bêtes sauvages quand il jouait venaient se rouler à ses pieds. Les<br />
arbres et les fleurs s’inclinaient sur son passage ». Il peut arrêter les bêtes sauvages, les monstres mais la jeune<br />
nymphe meurt mordue par un serpent. Il obtient <strong>de</strong> l’arracher aux Enfers, il réussit à envoûter Pluton et Proserpine par<br />
sa musique vibrante. Malheureusement… (on connaît la suite). Orphée, modèle <strong><strong>de</strong>s</strong> poètes et <strong><strong>de</strong>s</strong> mages, est, pour<br />
certains démonologues, l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> plus grands magiciens <strong>de</strong> tous les temps capable <strong>de</strong> faire apparaître <strong><strong>de</strong>s</strong> esprits, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
morts, <strong><strong>de</strong>s</strong> démons.<br />
Dans la hiérarchie diabolique, on retrouve parmi les dignitaires Pluton, prince du feu, gouverneur <strong><strong>de</strong>s</strong> pays enflammés,<br />
surintendant <strong><strong>de</strong>s</strong> travaux forcés <strong><strong>de</strong>s</strong> damnés, et Proserpine l’archi-diablesse (cf. Jean Wier (1569) La monarchie<br />
diabolique).<br />
Ceux qui résistent au Mal<br />
En surmontant les épreuves infligées par Dieu, les hommes pieux sont conduits sur les voies <strong>de</strong> la grâce divine.<br />
Exemple : Job dont le nom signifie « persécuté », qui supporte l’adversité. Satan avait eu la permission par Dieu <strong>de</strong> le<br />
mettre à l’épreuve. Lui qui vivait dans l’opulence, avec une famille heureuse et nombreuse, se retrouve ruiné, quitté par<br />
les siens, atteint <strong>de</strong> lèpre maligne, il ne récrimine pas contre Dieu et se soumet à sa volonté. Il s’en trouvera finalement<br />
récompensé (Livre <strong>de</strong> Job).<br />
Autre exemple : Saint Antoine (251-356), qui vit en ascète dans le désert, est en prise à toutes sortes <strong>de</strong> tentations.<br />
Cette iconographie, diffusée en particulier au XV e siècle, est une mythologie <strong>de</strong> cauchemars, <strong>de</strong> visions.<br />
Les débats restent ouverts quant à l’origine et à la nature <strong>de</strong> ces dieux<br />
3 Lorenzo Valla Elegantiae, 1440.<br />
4 Sur le tympan <strong><strong>de</strong>s</strong> églises gothiques, la Sibylle voisine avec les prophètes, elle exerçait une gran<strong>de</strong> fascination<br />
grâce à sa longévité et à son art <strong>de</strong> la divination. Il s’agit en fait <strong>de</strong> la Sibylle <strong>de</strong> Cumes prêtresse d’Apollon (le<br />
nom commun est <strong>de</strong>venu nom propre).