FABLES DU PAYSAGE FLAMAND - Palais des Beaux Arts de Lille
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Fiche 1<br />
La naissance du paysage<br />
CONTEXTE<br />
« Voici que m'a pris un ar<strong>de</strong>nt désir <strong>de</strong> revoir les collines, les grottes, les bois les rochers recouverts <strong>de</strong> mousse<br />
verte et qui résonnent sans cesse près <strong>de</strong> la célèbre fontaine <strong>de</strong> la Sorgue... J'avais pourtant décidé, tu le sais, <strong>de</strong><br />
ne plus jamais y revenir. Mais l'indispensable charme <strong>de</strong> ces lieux m'a gagné peu à peu et a secrètement agi sur<br />
mon esprit que ma raison n'a pu retenir. »<br />
Pétrarque. Séjour à Vaucluse, Colette Lazam (traduction et notes), éd. Petite Bibliothèque Payot. Rivages poche, 2009, p. 93<br />
Il est encore difficile aujourd'hui <strong>de</strong> définir le mot « paysage ». Les débats restent ouverts entre les historiens, les<br />
philosophes, les sociologues, les géologues...<br />
L'hypothèse selon laquelle il serait nait à la fin du moyen âge <strong>de</strong>meure la plus courante bien qu'elle soit sujette à<br />
controverse: La métho<strong>de</strong> d'analyse ne tiendrait pas entièrement compte <strong>de</strong> l'objet lui même, <strong>de</strong> sa transformation<br />
matérielle au fil du temps. La définition est basée essentiellement sur le rapport entre la culture et l'émergence du<br />
paysage, elle met « l'accent sur le registre <strong><strong>de</strong>s</strong> représentations subjectives ». Toutefois dans cette approche<br />
« culturaliste », <strong><strong>de</strong>s</strong> auteurs comme Michel Baridon ont tenté <strong>de</strong> remonter à l'antiquité : le paysage tel que nous le<br />
connaissons est apparu à la renaissance et qui dit « renaissance » dit « sources antiques ». La définition s'élargit : « Un<br />
paysage est une partie <strong>de</strong> l'espace que l'observateur embrasse du regard en lui conférant une signification globale et un<br />
pouvoir sur les émotions » ¹<br />
MOUVEMENT<br />
Le « paysage » ou le « protopaysage » dans l'Antiquité<br />
La notion <strong>de</strong> paysage aurait été inconnue <strong><strong>de</strong>s</strong> Grecs ? La nature y est alors secondaire et ordonnatrice, elle ne s'exprime<br />
qu'en termes d'économie. Va naître plus précisément le jardin, composition domestiquée et lieu privilégié qui suggère<br />
une vision plus sensible. Mais la nature n'est pas encore un tableau, lorsqu'elle est représentée, les intentions restent<br />
décoratives et les techniques ne permettent pas une approche réaliste. Ce serait avec la redéfinition byzantine du statut<br />
<strong>de</strong> l'image que le paysage pourrait apparaître : la représentation <strong>de</strong> Dieu est impossible, elle implique une imitation <strong>de</strong><br />
son œuvre, symbole <strong>de</strong> sa puissance². On peut donc penser que sous l'Antiquité, la nature n'est que l'illustration d'un<br />
récit ou d'un mythe, le paysage n'est que le lieu <strong>de</strong> l'action. Le concept <strong>de</strong> beauté du paysage n'existe pas.<br />
Il est toutefois possible <strong>de</strong> chercher cette perception à travers les écrits et les images. Dans l'Antiquité et dans les<br />
civilisations du Moyen-Orient il existe une appréhension diversifiée <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> spatiale à travers « la contemplation du<br />
cosmos, la <strong><strong>de</strong>s</strong>cription d'un site et l'évocation d'un lieu où l'on s'attache par <strong><strong>de</strong>s</strong> liens affectifs anciens et puissants »³.<br />
Ces représentations primordiales du paysage, au <strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong> sources à caractère religieux, naissent aussi avec les batailles,<br />
lieux appréhendés dans leur réalité géographique: ils donnent aux hommes le sens du paysage. Dans la civilisation<br />
hellénistique, la représentation est plus consistante en raison <strong><strong>de</strong>s</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> conquêtes (Alexandre le Grand), et la poésie<br />
comme la peinture accor<strong>de</strong>nt une valeur expressive à la nature. La Rome impériale puise dans cet imaginaire. Les<br />
évocations exotiques, les envolées cosmiques (Cicéron, Lucrèce) ou les notations géologiques (Virgile) en témoignent.<br />
Puis la rupture se fait avec la chute <strong>de</strong> Rome et le brassage <strong><strong>de</strong>s</strong> cultures qu'elle entraîne, impliquant une transformation<br />
progressive. Plaisir et contemplation <strong>de</strong>meurent chez les élites païennes mais les règles monastiques chrétiennes (Saint<br />
Antoine) interdisent le spectacle du mon<strong>de</strong> en faveur <strong>de</strong> la solitu<strong>de</strong> ascétique du désert ; la nature porte ainsi la<br />
symbolique d'enseignements moraux. L'étu<strong>de</strong> scientifique est repoussée puisqu'elle s'oppose à la foi.<br />
Le Moyen-Age et l'intérêt pour la nature<br />
Si l'on s'accor<strong>de</strong> à penser que le paysage naît ou renaît au XVIe siècle, on note cependant une renaissance <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
la nature au Moyen-Age avec un intérêt pour la science <strong>de</strong> l'observation. Cette « refondation » d'une culture scientifique<br />
préparera à l'avènement <strong>de</strong> la perspective <strong>de</strong> Brunelleschi au XIVe siècle. On observe un rapport symbolique à la nature<br />
au Moyen-Age, qui offre ainsi <strong><strong>de</strong>s</strong> objets naturels éloignés <strong>de</strong> leur apparence réelle, exprimant une philosophie chrétienne<br />
où le mon<strong>de</strong> sensible n'est rien d'autre que l'image du péché. L'idée se substitue alors à l'objet et ce mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> symboles<br />
conduira progressivement au paysage symbolique.<br />
Le XVe siècle et le paysage symbolique<br />
On s'accor<strong>de</strong> à dire que Pétrarque constitue le trait d'union entre le Moyen-Age et la mo<strong>de</strong>rnité. Il est « l'un <strong><strong>de</strong>s</strong> premiers<br />
hommes à exprimer cette émotion, dont l'existence même du paysage dépend dans une si large mesure; le désir<br />
d'oublier dans la paix <strong>de</strong> la campagne le tumulte <strong><strong>de</strong>s</strong> villes »⁵. Mais ce sentiment est encore freiné par le monachisme<br />
chrétien pour lequel la nature <strong>de</strong>meure le domaine du désordre, du vi<strong>de</strong> et <strong>de</strong> la peur. Un siècle plus tard apparait avec<br />
Jérôme Bosch, le jardin céleste et le paysage terrifiant qui traduit une critique acerbe <strong>de</strong> la condition humaine en ces<br />
pério<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> guerres <strong>de</strong> religions et <strong>de</strong> conquêtes territoriales. Jérôme Bosch introduit ainsi en peinture la figuration <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
sentiments et <strong><strong>de</strong>s</strong> passions à travers la symbolique du paysage. La nature y est organisée, articulée pour faire sens et<br />
cheminer vers la réflexion. Mais les fantasmes qui en découlent reposent essentiellement sur un sentiment <strong>de</strong> nature.<br />
Ses scènes flamboyantes en sont un exemple prégnant qui fera longtemps école dans les tableaux dits d'incendie,<br />
références aux récits mythologiques souvent prétexte au traitement esthétique <strong>de</strong> la lumière. L'invention, la poésie, le<br />
fantastique s'accor<strong>de</strong>nt à l'image d'une nature observée, traversée et interprétée. L' « ut pictura poesis » d'Horace<br />
<strong>de</strong>vient l' « ut poesis pictura », la peinture est comme une poésie...Nous sommes entré dans le mon<strong>de</strong> sensible <strong>de</strong> la<br />
perception.<br />
Le XVIe siècle et l'humanisme<br />
Le paysage symboliste se transforme ainsi progressivement au profit d'un paysage <strong>de</strong> plus en plus réaliste. Le rapport à<br />
l'espace change, la perception évolue en parallèle avec les grands voyages, les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> découvertes <strong><strong>de</strong>s</strong> mon<strong><strong>de</strong>s</strong><br />
sauvages qui ne cessent <strong>de</strong> s'étendre et ouvrent la voie à tous les fantasmes, aux pays imaginaires <strong><strong>de</strong>s</strong> panoramas à