Magazine pour la clientèle de Sanitas Troesch: casanova «Le ...

sanitas troesch Mai 2013 casanova 25
«Le bonheur, c’est quand je cueille quelques
pommes lors de ma promenade matinale, que je les mets
dans le presse-fruits et en bois le jus. Ou quand je mange
dans le jardin à une grande table avec mes amis et
ma famille, dans un bon climat!»
(Enzo Enea)
Le collectionneur d’arbres
Photo: Martin Rütschi
Dans le temps et aujourd’hui
Dès que l’on pénètre dans le royaume d’Enzo Enea à Jona, on se sent un peu comme Alice au pays
des merveilles ou comme si on avait ouvert une porte enchantée. Tout semble avoir des proportions
différentes de ce que l’on connaît. L’étang dans lequel se reflètent les nuages, la pelouse, les arbres
au loin... Même le secrétariat du cabinet d’architecture Enea, qui abrite une exposition de meubles
de jardin choisis, frappe par ses hauts plafonds et ses immenses baies vitrées. Enzo Enea n’est pas
encore là. C’est un homme passionné, très occupé, avec des yeux étincelants et un esprit vif. «Avoir
un jardin ou un parc, c’est comme une bibliothèque», dit-il en arrivant. «Naturellement, les surfaces
Les aristocrates aimaient sont plus restreintes que dans le temps, mais tout comme avant rien n’est plus délassant que de
déjà flâner dans leurs jardins. flâner dans un parc par une belle journée et de se débarrasser pour un instant de tous les tracas.
Un lieu où des affaires Éteindre le téléphone et laisser vaquer ses pensées: un véritable luxe.»
amoureuses ont trouvé leur
Plus que des arbres, plus que de l’eau
épanouissement et des poètes
Enzo Enea qualifie les espaces extérieurs d’«espaces étendus». «Ma tâche d’architecte paysagiste
l’inspiration, où des amitiés
est de créer pour les gens qui vivent là un bon microclimat avec un air pur et des températures
se sont nouées et des
agréables. Car les arbres ne sont pas seulement beaux, ils sont aussi utiles. Ils permettent même
affaires conclues. À notre
d’influencer le climat. Certains arbres aspirent par exemple l’eau du sol et rendent l’humidité par
époque fébrile, peut-être
leurs feuilles. Ils sont en outre d’exceptionnels fournisseurs d’oxygène et d’ombre. En aménageant
devrions-nous plus souvent les espaces extérieurs, mon équipe et moi-même créons toujours une plus-value ou, plus
ralentir et flâner dans un exactement, une qualité de vie pour les habitants», explique Enzo Enea. Et fournit immédiatement un
parc pour nous ressourcer? exemple parlant: «En été, n’est-il pas plus agréable de dîner à l’ombre d’un platane que sous un
Enzo Enea, l’un des plus parasol?» L’eau joue également un rôle important dans l’aménagement du paysage. Un étang ne
célèbres architectes reflète pas seulement le ciel et la nature environnante, mais sert également aux hommes et aux
paysagistes de Suisse,
animaux de lieu de détente et d’espace de vie.
approuverait immédiatement.
Un jeu avec les proportions, les formes et les couleurs
Pour réussir l’aménagement d’un jardin, il est essentiel de tenir compte du lieu où il se trouve. Car
c’est le lieu qui définit quelles plantes y trouveront leur cadre naturel et pousseront bien compte tenu
du climat. Par ailleurs, le lieu a une influence sur le style du jardin, car celui-ci doit s’accorder à la
maison et aux environs. Mais Enzo Enea ne serait pas Enzo Enea s’il ne voulait
pas aussi savoir quelle histoire a ce lieu et comment les habitants vivent.
L’architecte paysagiste passionné, dont le regard est infaillible pour marier les
espaces extérieurs et intérieurs, veut d’abord «lire» le lieu et les habitants. Ce
n’est qu’ensuite qu’il commence à intégrer et à interpréter, et non pas à
décorer comme bien des représentants de son métier. Enzo Enea se considère
en premier lieu comme un prestataire de services, et non pas comme un
artiste qui vise son épanouissement personnel. «Il s’agit d’exploiter au mieux
la surface disponible et de créer une bonne qualité de vie», déclare-t-il
résolument. «L’aménagement d’un site est un jeu avec les proportions, les
formes, les matériaux et les textures. Tout doit s’associer harmonieusement
tout en conservant un certain antagonisme. Cela commence par les gros
éléments comme les arbres, les murs ou les rochers et se poursuit jusque dans
la forme et la couleur des feuilles et des fleurs des haies, des espaliers et des
plantes. Et les axes de vision jouent un rôle déterminant, car ils attirent le
regard sur les éléments marquants du paysage.»
Chercheur, scientifique et alchimiste
Chaque nouveau mandat commence par des recherches: concernant le lieu,
mais aussi par des investigations d’ordre historique et psychologique. «Quelquefois,
malgré une planification soigneuse, mon travail est un tâtonnement»,
dit-il d’un air rêveur. Par exemple lorsqu’il doit aménager un jardin de plantes
aromatiques pour un grand cuisinier et satisfaire à des désirs extraordinaires.
Alors, il essaie infatigablement de trouver le meilleur endroit pour planter
une espèce précise de tomate ou de piment ou pour faire pousser des
ananas, c’est-à-dire définir où le soleil est le plus favorable. «C’est une affaire
très compliquée. Et puis, il y a les odeurs des plantes, elles sont également
importantes. Dans mon métier d’architecte paysagiste, je suis parfois
chercheur, scientifique et alchimiste!», dit-il en riant.
Hommage à l’arbre
Enzo Enea est connu dans le monde entier pour son style incomparable et son
sens des lignes claires, mais il y a chez lui d’autres choses à découvrir: par
exemple, sa passion pour les arbres autochtones. Il est même allé jusqu’à
créer un «musée de l’arbre». Inauguré en 2010, le musée de l’entreprise
Enea couvre 7,5 hectares et comporte plus de 50 espèces différentes, généralement
de la région. Les plus vieux ont plus de cent ans. Sa collection se veut
être un hommage à l’arbre en tant qu’élément
structurant l’espace et en tant que fournisseur vital
d’oxygène. À son initiative, nous faisons un tour dans
le parc. Le gravier crisse sous les pas et, entre les
géants verts, se dressent des murailles d’apparence
archaïque. Lorsque le visiteur déambule entre les
pans de murs, les arbres s’offrent à son regard sous
des angles toujours nouveaux. «Je suis sans doute le
seul homme à se donner tant de mal pour déterrer
des arbres, les replanter ici et les tailler!», dit-il
ironiquement.
Un parc réussi
«Un parc réussi est un lieu où les enfants et les personnes
âgées passent leur temps ensemble. Où ils
peuvent voir et sentir comme les arbres sont beaux,
variés et utiles.» La Suisse aurait tant de capacité
pour aménager de beaux parcs publics dans les villes.
Ceci est synonyme de qualité de vie pour tout le
monde! «Nous sommes un pays riche, mais avez-vous
déjà vu les parcs de Barcelone? L’économie s’est
peut-être momentanément écroulée, mais les habitants
ont de magnifiques parcs où se promener.» Une
dernière question: Pourquoi y a-t-il si peu d’allées
d’arbres en Suisse? «Ceci est dû à l’histoire: les
grands monarques européens ont tout simplement
eu trop peu d’influence en Suisse.» Et de nouveau, la
passion envahit le Suisse aux racines italiennes, et
avec les allées royales se referme la boucle avec
les aristocrates.