Nieuwsbrief 39 (pdf) - Sophia
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dossier 38 dossier<br />
sophia | n° <strong>39</strong> | 2004<br />
Analyse<br />
Etudes sur les migrations : l’intérêt d’une approche<br />
en terme de genre<br />
Nouria Ouali<br />
L’analyse des phénomènes liés à la migration<br />
en termes de genre est relativement<br />
récente dans les travaux universitaires<br />
francophones de Belgique. Ces deux<br />
champs de recherches ont acquis une<br />
reconnaissance scientifique en France à<br />
partir du milieu des années 90, et depuis<br />
près de 20 ans en Grande-Bretagne et aux<br />
États-Unis.<br />
Féminisme et ethnicité<br />
Dans les pays anglo-saxons, l’apport du<br />
" Black feminism " a été déterminant<br />
dans la redéfinition des paradigmes du<br />
féminisme contemporain surtout en<br />
Grande-Bretagne (Lloyd, 2000). Les féministes<br />
noires ont démontré que l’expérience<br />
du racisme et du sexisme sont indissociables<br />
car le racisme opère de façon<br />
spécifique que l’on soit homme ou femme.<br />
De même que la construction du<br />
genre des femmes noires s’élabore différemment<br />
de celui des femmes blanches<br />
car il s’effectue dans un contexte de relations<br />
raciales (où par ailleurs des femmes<br />
blanches peuvent dominer ou discriminer<br />
les femmes noires).<br />
En Angleterre, les Gender Studies ont été<br />
enrichies par les apports théoriques des<br />
féministes noires qui ont développé une<br />
critique radicale du féminisme blanc qualifié<br />
de bourgeois et de prétendument<br />
universel. Elles dénonçaient un féminisme<br />
ethnocentré frappé de cécité face<br />
aux autres formes d’oppression et d’inégalité<br />
telle que l’expérience du racisme<br />
vécu par les femmes noires et les migrantes.<br />
Elles récusaient également le fondement<br />
universel de l’oppression patriarcale<br />
au regard notamment des modes<br />
d’organisation et de fonctionnement des<br />
structures familiales (répartition des rôles<br />
masculins-féminins) et des modèles<br />
migratoires des groupes de femmes minoritaires<br />
(les Antillaises ou les Cap Verdiennes<br />
par exemple) qui, pour la plupart,<br />
migrent seules.<br />
La volonté de combattre cette domination<br />
" blanche " dans le mouvement féministe<br />
a amené les militantes noires à singulariser<br />
la condition des Blacks Women, ce<br />
qui, poussé à l’extrême, a conduit au relativisme,<br />
et à une approche fragmentée<br />
du féminisme (Lloyd, 2000). Mais sans<br />
doute fallait-il passer par là pour que les<br />
minorités ethniques fassent entendre leur<br />
voix et signaler que la lutte contre l’oppression<br />
patriarcale n’épuisait pas l’ensemble<br />
des dominations et des inégalités<br />
subies par les femmes. Les féministes des<br />
groupes minoritaires estimaient que l’examen<br />
de la condition des femmes exige<br />
une analyse qui articule les trois dimensions<br />
de leur oppression : le genre, la race<br />
et la classe. Sans cette approche combinée,<br />
la condition des femmes des minorités<br />
n’est prise en compte nulle part : " en<br />
termes de racisme, elles sont soumises à<br />
un discours racial dans lequel le sujet est<br />
mâle et, en termes de genre, elles sont<br />
éclipsées par un discours dont le sujet est<br />
la femme blanche ". (Christian, 1994 cité<br />
par Lloyd)<br />
En France, les chercheuses françaises ont<br />
bien analysé les rapports sociaux de sexe<br />
et de classe, mais elles ont longtemps<br />
occulté les relations de pouvoir entre<br />
autochtones et migrants des deux sexes<br />
(Goldberg1996). Ce qui a contribué à<br />
méconnaître à la fois l’altérité incarnée<br />
par les femmes migrantes ou issues de<br />
l’immigration, et les transformations que<br />
leur présence entraînait sur la société française<br />
et qu’elles impliquaient sur les luttes<br />
féministes.<br />
L’attention du mouvement des femmes<br />
portée à la condition des femmes issues<br />
des minorités ethniques est assez récente<br />
en Belgique, où l’on assiste de manière<br />
récurrente à leur instrumentalisation au<br />
profit des logiques politiques. L’exemple<br />
de la politique éducative " catégorielle "<br />
de la Flandre présente un cas de figure<br />
intéressant de ce point de vue. La politique<br />
scolaire de discrimination positive<br />
attribue, depuis quelques années, un<br />
financement supplémentaire sur base de<br />
la répartition équilibrée dans les écoles<br />
des élèves appartenants aux minorités<br />
ethniques (quotas de 30 à 50%) . Le<br />
public-cible est identifié à partir du niveau<br />
de formation de la mère et de la nationalité<br />
et du lieu de naissance de la grandmère,<br />
qui témoignent ainsi de l’origine<br />
ethnique de l’élève, peu importe que celle-ci<br />
ou celui-ci n’ait jamais vécu ou connu<br />
cette personne. L’origine socio-économique<br />
n’est-elle pas un critère objectif<br />
suffisant pour fonder une politique spécifique<br />
destinée à soutenir les publics<br />
défavorisés confrontés aux difficultés scolaires.<br />
Quel rôle joue la demande et la<br />
transcription dans les fichiers scolaires de<br />
l’origine nationale ou ethnique de la<br />
grand-mère si ce n’est celui de raviver,<br />
consciemment ou inconsciemment, les<br />
velléités nationalistes dont la propriété<br />
des femmes constitue un des ressorts ?<br />
Genre et ethnicité<br />
L’approche des migrations et des minorités<br />
ethniques dans une perspective de<br />
genre permet de relever les effets différenciés<br />
de la domination tant sur les femmes<br />
que sur les hommes. Les affaires du<br />
foulard ont montré, à souhait, comment<br />
leur exclusion de l’école ou de l’emploi