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dossier 40 dossier sophia | n° <strong>39</strong> | 2004 cherche au contraire à modifier, sachant que les désignations ont non seulement des retombées concrètes dans la vie quotidienne mais contribuent à construire et/ou à perpétuer les réalités sociales et personnelles. " (Varro,2000, 295-296). C’est surtout vrai pour l’expression " femme immigrée " dont elle fait une analyse lexicale et montre les sens et les nonsens de cette désignation, signalant, au passage, la variabilité des sens des mots selon le moment historique. Souhaitant tenir compte de la diversité des situations et singulariser l’expérience migratoire des femmes par rapport à celle des hommes, Anette Goldberg-Salinas (1996) propose d’utiliser l’expression " femmes en migrations " pour rendre la complexité des processus et des dynamiques migratoires, par opposition aux catégories qui associent les femmes à leur mari (" femmes d’immigrés ", " femmes de travailleurs immigrés ", " femmes travailleuses immigrées ", " femmes immigrées " et " femmes migrantes "). L’expression " Femmes en migration " cherche à refléter aussi bien la situation des femmes qui ont effectué un déplacement géographique que celles qui n’ont pas migré mais qui sont " affectées " par les déplacements de leurs familiers ou leurs compatriotes. Cette définition trop large reste totalement insatisfaisante car elle continue à évoquer la mobilité des personnes et n’indique aucun élément explicite sur la situation des générations installées de longue date dans les pays d’accueil. Sur un plan plus politique et à la lumière des débats virulents qui se sont tenus en France entre les chercheurs universitaires et ceux de l’institut national d’études démographiques quant à la définition des critères pertinents pour identifier les personnes d’origine étrangère, n’y a-til pas d’abord lieu de s’interroger sur les objectifs de telles démarches. Si les uns s’intéressent à mettre au point des indicateurs de mesure de la discrimination dans les différents domaines de la vie quotidienne (scolarité, emploi, logement etc.), d’autres en revanche ont des visées plus politiques ou idéologiques et cherchent notamment à évaluer le niveau d’intégration (ou d’assimilation) en particulier des populations " réputées non-intégrables ". Au-delà de la loi qui impose certaines obligations administratives aux étrangers, et des chercheurs répondant à la nécessité de développer des indicateurs objectifs de la discrimination, rien ne justifie dans la vie quotidienne de rappeler, de se référer ou de se soucier continuellement de l’origine étrangère des femmes et d’hommes de plus en plus naturalisés, autrement dit citoyen-nes belges. N’estil pas temps de perdre l’habitude de naturaliser l’origine nationale ou ethnique et de faire ainsi fi du choix qu’ont posé ces personnes de construire leur vie dans ce pays. Bibliographie Christian B. (1994), " Diminishing Returns : Can Black Feminism(s) survive the Academy ", in Goldberg D. (Ed.), Multiculturalism : A Critical Reader, Oxford, Blackwell (cité par Lloyd 2000). Goldberg-Salinas A. (1996), " Femmes en migrations. Une réflexion sur l’état de la question en France ", Migrants Formation, 105, juin 1996, 31-44. Knocke W. (1991), " Women Immigrants – What is the ‘Problem’ ? ", Economic and Industrial Democracy, Vol 12, (4), 469-486. Knocke W. (1994), " Gender, Ethnicity and Technical change ", Economic and Industrial Democracy, Vol 15, (1), 11- 34. Lloyd C. (2000), " Genre, migration et ethnicité : perspective féministe en Grande-Bretagne ", Cahiers du CEDREF, 8/9, Paris 7, 17-42. Moro M-R. (1995), " Transformation du statut homme/femme dans la migration: éléments d'analyse ethnopsychanalytique ", EPHESIA, La place des femmes, Paris, La Découverte, 251-254. Ouali N. (2000), “ Affirmation de soi et sécularisation des identités musulmanes ”, Manço U. (Ed.) Voix et voies musulmanes de Belgique, Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 189-194. Ouali N. (2004), " La catégorisation statistique des étrangers, des personnes d’origine étrangère et de leurs descendants " in P. Desmarez, P. Van der Hallen, N. Ouali, V. Degraef, K. Tratsaert, Minorités ethniques en Belgique : migration et marché du travail, Gand, Academia-Press, 181-231. Sayad A. (1991), " Qu’est-ce qu’un immigré ", in Sayad, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, Bruxelles, De Boeck Université. Varro G. (2000), " ‘Femmes immigrées’ et autres désignations problématiques, ou comment parler des ‘immigré(e)s’ sans pérenniser un statut transitoire ?, Cahiers du CEDREF, 8/9, Paris 7, 295-318. Contact Nouria Ouali , ULB, Institut de Sociologie Groupe Genre et Migration Avenue Jeanne 44 1050 Bruxelles tel 02 650 33 62 fax 02 650 33 35 nouali@ulb.ac.be www.ulb.ac.be/is/gem
2004 | n° <strong>39</strong> | sophia dossier 41 dossier association Respect des droits des femmes: le travail de la Commission des Femmes Maghrébines (CFM) Ouardia Derriche, Août 2004 CREATION ET RAISON D’ETRE Mise sur pied en mai 2001 au sein du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB), la commission avait pour but la prise en charge des problèmes spécifiques qui se posaient aux femmes de l’immigration dite arabo-musulmane en Belgique. Elle fédère des associations (cf. liste en annexe)et des personnalités du monde associatif social et juridique qui travaillent toutes en direction des femmes issues de l’immigration marocaine. En effet, dans la mesure où les étrangers sont soumis à la loi nationale de leur pays d’origine pour ce qui concerne leur statut personnel (relations familiales, mariage, divorce, filiation,…), les Marocaines (largement majoritaires) mais aussi les Algériennes sont renvoyées à des codes de statut personnel qui consacrent l’inégalité des sexes et sont à l’origine d’une série de dénis de droit dont souffrent au quotidien un grand nombre de femmes de l’immigration, quelle que soit leur génération. Après quarante ans de présence marocaine en Belgique, l’application de ce droit traditionnel continue de provoquer des effets singuliers et est à la source de difficultés spécifiques que vivent les familles et singulièrement les femmes du fait de leur émigration-immigration. Outre la répudiation (acte unilatéral et prérogative du seul époux) désormais bien connue, d’autres difficultés spécifiques émergent peu à peu, qu’il s’agisse par exemple de la confiscation des papiers d’identité des femmes et des jeunes filles qui provoque des retours forcés, des mariages imposés ou de l’éviction des femmes à l’accession d’une part des biens acquis au Maroc grâce à leur activité en émigration-immigration… C’est pour toutes ces raisons que la décision a été prise de cibler, dans un premier temps, les travaux de la commission sur les femmes maghrébines, à la fois majoritaires et seules concernées par la problématique d’un droit familial en rupture avec la notion d’égalité telle qu’elle existe dans l’espace juridique belge. L’AXE DE TRAVAIL Il a été pensé en direction des associations de terrain. La commission a souhaité, dans l’esprit de la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin, contribuer à l’émancipation des femmes qui composent le public de ses associations membres en offrant, d’abord aux animatrices puis à un public plus large, sous des formes à déterminer, de l’information sur les questions de droit des personnes (mariage, répudiation,…), de l’information sur les institutions compétentes en la matière en Belgique mais aussi de la formation dans des domaines où des lacunes importantes et dommageables à la qualité de leur travail en direction des personnes auraient été identifiées. LE FONDEMENT DE LA REFLEXION : L’ARTICULATION DU DROIT ET DE LA VIE FAMI- LIALE Le droit de la famille a en effet un impact majeur sur la vie des familles dans le pays d’origine mais aussi dans le pays d’établissement. Dans ce cadre, la commission s’est donné pour but de répertorier les problèmes récurrents de déni de droits des femmes et de réfléchir à des propositions de pistes de solution. Pour ce faire, la commission s’est engagée à travailler en collaboration avec les associations de terrain sans faire double emploi avec elles. Elle a souhaité également organiser rapidement des échanges avec des associations en Belgique francophone mais aussi au Maroc, notamment, et dans un second temps, en Algérie. Le but ultime est de tisser des réseaux de collaboration et de solidarité ici et dans les pays d’origine pour échanger des savoirs et des pratiques et pour peser ensemble de tout notre poids sur la décision en Belgique et dans les pays d’origine. La commission souhaitait enfin jouer un rôle de relais et d’interface entre associations de terrain et autorités belges et consulaires des pays d’origine. ORGANISATION D’UN COLLOQUE SUR LE REGROUPEMENT FAMILIAL ET SES EFFETS SUR LES FEMMES Réalisé en collaboration avec le Vrouwenraad, ce colloque a permis d’entendre des spécialistes et de confronter les points de vue de toutes les parties concernées par la mise en œuvre de cette politique (Office des étrangers, ministère des Affaires étrangères, Consulat du Maroc,…) mais aussi de nombreux témoignages de femmes. Il a surtout permis de jeter des ponts et d’organiser une collaboration fructueuse entre des représentants de ces diverses institutions et la commission.
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