Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
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• 4 • <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> <strong>de</strong> <strong>liaison</strong> <strong>et</strong> d’information n° 257 • août 2006<br />
affirme que son équipe a trouvé<br />
une preuve <strong>de</strong> la culpabilité <strong>de</strong><br />
Saddam. « Parmi les documents,<br />
figure un émanant du comman<strong>de</strong>ment<br />
général <strong>de</strong>s forces armées<br />
adressé au général commandant<br />
l’opération. Il porte le nom <strong>de</strong> la<br />
totalité <strong>de</strong>s chefs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s membres du<br />
parti qui y étaient impliqués »,<br />
assure-t-il.<br />
Le directeur du Centre Anfal à<br />
Dohouk dans le Kurdistan irakien,<br />
Ali Bandi, estime que Saddam<br />
Hussein voulait « détruire le<br />
peuple kur<strong>de</strong> », mais rappelle<br />
aussi que <strong>de</strong> nombreux pays<br />
occi<strong>de</strong>ntaux avaient « <strong>de</strong>s sympathies<br />
» avec le dictateur déchu.<br />
Le centre Anfal cherche à la fois<br />
à rassembler <strong>de</strong>s informations <strong>et</strong><br />
documents sur les campagnes <strong>de</strong><br />
répression au Kurdistan <strong>et</strong> à<br />
ai<strong>de</strong>r les victimes <strong>et</strong> leurs<br />
familles.<br />
« Nous disons que Saddam Hussein<br />
est coupable mais que ce n’est pas le<br />
seul coupable. La communauté<br />
internationale aussi est coupable.<br />
Saddam Hussein avait les sympathies<br />
<strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> pays. L’Allemagne<br />
notamment l’a aidé à rester<br />
au pouvoir. Des entreprises néerlandaises<br />
ont participé, elles ont<br />
d’ailleurs été condamnées par la justice<br />
néerlandaise <strong>et</strong> nous la remercions.<br />
Les Irakiens ont utilisé <strong>de</strong>s<br />
armes chimiques contre nous, mais<br />
beaucoup <strong>de</strong> grands Etats, comme<br />
les Etats-Unis, ont préféré gar<strong>de</strong>r le<br />
silence. Nous avons fait les frais <strong>de</strong><br />
la guerre froi<strong>de</strong>. Les Français ont<br />
vendu <strong>de</strong>s armes à l’Irak. Ils ont été<br />
coopératifs avec l’Irak. Ils avaient <strong>de</strong><br />
la sympathie pour Saddam Hussein.<br />
Des entreprises françaises travaillaient<br />
beaucoup avec le régime<br />
irakien. Mais, nous nous souviendrons<br />
toujours <strong>de</strong> Danielle Mitterrand<br />
qui a défendu les Kur<strong>de</strong>s. Il y a<br />
une rue ici à Dohouk qui porte son<br />
nom <strong>et</strong> chaque Kur<strong>de</strong> a un peu <strong>de</strong><br />
Danielle Mitterrand dans son<br />
cœur».<br />
Il existe aussi le problème <strong>de</strong>s<br />
déplacés. Il y a <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong><br />
déplacés, ceux dont le village a<br />
été « arabisé » par le régime irakien<br />
<strong>et</strong> ceux dont le village a été<br />
rasé pendant la campagne Anfal.<br />
Moussa Ali Bakir, chef du<br />
bureau <strong>de</strong>s déplacés intérieurs <strong>et</strong><br />
réfugiés (IDP) pour Dohouk <strong>et</strong><br />
Mossoul, affirme que « le problème<br />
<strong>de</strong>s déplacés dépasse leur simple<br />
nombre…Saddam a déplacé les<br />
populations <strong>et</strong> rasé <strong>de</strong>s villages,<br />
détruisant le tissu économique mais<br />
aussi les cellules familiales <strong>et</strong> les<br />
conditions <strong>de</strong> possible r<strong>et</strong>our ». «<br />
Les bailleurs internationaux ne comprennent<br />
qu’en partie le problème.<br />
Nous <strong>de</strong>vons réinstaller dans leurs<br />
villages les déplacés mais ce n’est<br />
pas facile. Il faut garantir la sécurité:<br />
arrêter les combats, y compris<br />
entre Kur<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> déminer (20 millions<br />
<strong>de</strong> mines seraient dispersées<br />
à travers le Kurdistan, ndlr).<br />
Il faut aussi rendre ces anciens villages<br />
accessibles avec <strong>de</strong>s routes <strong>et</strong><br />
reconstruire <strong>de</strong>s maisons dignes <strong>de</strong><br />
ce nom », détaille Moussa Ali.<br />
Selon <strong>de</strong>s analystes, les preuves<br />
du massacre <strong>de</strong>s Kur<strong>de</strong>s à l’instigation<br />
du dictateur déchu Saddam<br />
Hussein sont soli<strong>de</strong>s, mais<br />
le tribunal spécial qui le juge est<br />
mal armé pour un procès sur une<br />
question aussi complexe que le<br />
génoci<strong>de</strong>. « Les preuves contre<br />
l’ancien régime sont soli<strong>de</strong>s, mais vu<br />
le déroulement du procès du massacre<br />
<strong>de</strong> Doujaïl, le tribunal ne nous<br />
semble pas armé pour mener une<br />
procédure d’une telle importance<br />
contre un chef d’Etat », a déclaré<br />
Nehal Bhuta, <strong>de</strong> l’organisation<br />
<strong>de</strong> défense <strong>de</strong>s Droits <strong>de</strong><br />
l’homme Human Rights Watch<br />
(HRW), basée à New York. « La<br />
preuve d’un génoci<strong>de</strong> rési<strong>de</strong> dans la<br />
création <strong>de</strong> zones déclarée interdites<br />
par le gouvernement irakien <strong>et</strong> dont<br />
tous les habitants <strong>de</strong>vaient être exécutés<br />
», souligne Nehal Bhuta. «<br />
L’argument selon lequel les victimes<br />
étaient <strong>de</strong>s rebelles n’est pas crédible,<br />
<strong>de</strong>s enfants figuraient parmi<br />
les dizaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> morts <strong>de</strong><br />
c<strong>et</strong>te opération », relève-t-il.<br />
Cependant, l’accusation semble<br />
avoir gagné en maturité <strong>et</strong> en<br />
transparence: en particulier, les<br />
six témoins à charge qui se sont<br />
présentés à la barre lors <strong>de</strong> la<br />
troisième audience, l’ont fait à<br />
visage découvert. Plusieurs organisations<br />
<strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme<br />
avaient dénoncé l’usage excessif<br />
<strong>de</strong> témoins anonymes, dissimulés<br />
<strong>de</strong>rrière un ri<strong>de</strong>au <strong>et</strong> dont la<br />
voix était déformée artificiellement,<br />
lors du procès <strong>de</strong> Doujaïl.<br />
Vers 1986, <strong>de</strong> larges secteurs <strong>de</strong><br />
la région kur<strong>de</strong> avaient été libérés<br />
du contrôle du gouvernement<br />
central, soumis à <strong>de</strong>s pressions<br />
croissantes en raison <strong>de</strong> la<br />
guerre avec l’Iran. Début 1987,<br />
Saddam Hussein chargea son<br />
cousin, Ali Hassan al-Majid, <strong>de</strong><br />
ramener la région kur<strong>de</strong> sous le<br />
contrôle du gouvernement central.<br />
Ce <strong>de</strong>rnier institua alors <strong>de</strong>s<br />
« zones interdites » dans la<br />
région <strong>et</strong> considéra tous leurs<br />
habitants comme <strong>de</strong>s « insurgés<br />
». Les villageois furent transférés<br />
vers <strong>de</strong>s zones pouvant être facilement<br />
contrôlées par Bagdad,<br />
alors que les « zones interdites »<br />
furent bombardées, puis envahies.<br />
Selon l’organisation <strong>de</strong><br />
défense <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’Homme<br />
Human Rights Watch (HRW),<br />
ces campagnes étaient <strong>de</strong>stinées<br />
à exterminer le peuple kur<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />
ne constituaient seulement pas<br />
<strong>de</strong> simples opérations <strong>de</strong> contreinsurrection<br />
comme le prétendait<br />
l’ancien régime. « Il faut souligner<br />
que les meurtres n’ont pas été com-