COUR SUPÉRIEURE
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Comme nous l’avons vu, ces cas peuvent se présenter lorsque, en dépit du fait<br />
qu’il est improbable que l’accusé s’esquivera ou qu’il commettra d’autres<br />
infractions en attendant de subir son procès, sa présence dans la collectivité<br />
compromettra la confiance du public dans l’administration de la justice. Pour<br />
décider si on est en présence d’une telle situation, il faut tenir compte de toutes<br />
les circonstances, mais particulièrement des quatre facteurs énoncés par le<br />
législateur à l’al. 515(10) c) — le fait que l’accusation paraît fondée, la gravité de<br />
l’infraction, les circonstances entourant sa perpétration et le fait que le prévenu<br />
encourt, en cas de condamnation, une longue peine d’emprisonnement. Dans le<br />
cas où, comme en l’espèce, le crime commis est horrible, inexplicable et<br />
fortement lié à l’accusé, un système de justice qui ne permet pas d’ordonner la<br />
détention de l’accusé risque de perdre la confiance du public qui est à la base du<br />
système de mise en liberté sous caution et de l’ensemble du système de justice.<br />
41. Tel est donc l’objectif du législateur : maintenir la confiance du public dans le<br />
système de mise en liberté sous caution et l’ensemble du système de justice. La<br />
question est de savoir si les moyens qu’il a choisis vont au-delà de ce qui est<br />
nécessaire pour atteindre cet objectif. À mon avis, la réponse est non. Le<br />
législateur a assorti d’importantes garanties la présente disposition en matière de<br />
mise en liberté sous caution. Le juge doit être persuadé que la détention est non<br />
seulement souhaitable, mais encore nécessaire. De plus, il doit être convaincu<br />
que cette mesure n’est pas seulement nécessaire pour atteindre un objectif<br />
quelconque, mais qu’elle s’impose pour ne pas miner la confiance du public dans<br />
l’administration de la justice. Qui plus est, le juge procède à cette évaluation<br />
objectivement à la lumière des quatre facteurs énoncés par le législateur. Il ne<br />
peut pas évoquer ses propres raisons pour refuser d’accorder la mise en liberté<br />
sous caution. Bien qu’il doive tenir compte de toutes les circonstances, le juge<br />
doit prêter une attention particulière aux facteurs énoncés par le législateur. En<br />
définitive, le juge peut refuser d’accorder la mise en liberté sous caution<br />
uniquement s’il est persuadé, à la lumière de ces facteurs et des circonstances<br />
connexes, qu’un membre raisonnable de la collectivité serait convaincu que ce<br />
refus est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public dans<br />
l’administration de la justice. En outre, comme l’a souligné le juge en chef<br />
McEachern de la Colombie-Britannique (en chambre) dans l’arrêt R. c. Nguyen<br />
(1997), 119 C.C.C. (3d) 269, la personne raisonnable qui procède à cette<br />
évaluation doit être bien informée [TRADUCTION] « de la philosophie des<br />
dispositions législatives, des valeurs consacrées par la Charte et des<br />
circonstances réelles de l’affaire » (p. 274). C’est pourquoi la disposition en<br />
cause ne laisse pas une « large place à l’arbitraire » et ne confère pas non plus<br />
aux juges un pouvoir discrétionnaire illimité. Au contraire, elle établit un juste<br />
équilibre entre les droits de l’accusé et la nécessité de veiller à ce que la justice<br />
règne dans la collectivité.<br />
[68] Le juge Doyon, dans J.V. c. R. 7 définit ansi le public dans cette notion de<br />
confiance dans l’administration de la justice :<br />
7 2008 QCCA 2157