n° 128 - Université Paul Valéry

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Éclairage
L’ascèse en question…
Les études présentées dans cet
ouvrage, à la suite du colloque
international qui a eu lieu les
18, 19 et 20 novembre 2009 à
l’UPV, se proposent d’explorer
les « dialectiques » de l’ascèse de
l’Antiquité au XX e siècle.
“EXERCICE”, “ENTRAÎNEMENT
SPORTIF” dans son sens originel
hérité du grec askèsis, l’ascèse a tôt
pris le sens de “discipline morale” ou
de “pratique philosophique”. Le terme
renvoie aussi à la notion d’exercice
spirituel, dont Pierre Hadot a souligné
l’importance pour toute la philosophie
antique. Le mot ne se trouve pas dans
le Nouveau Testament mais le concept
n’est pas étranger au judaïsme hellénistique
et il est recueilli ensuite par
les Pères apostoliques, qui l’appliquent
notamment au martyre. Dans sa rencontre
avec la théologie chrétienne,
l’ascèse signifiera l’entraînement de
l’âme à la pratique des vertus, la lutte
contre les tentations, la vie de renoncement,
inspirant notamment les mille
variétés du mode de vie monastique,
avant de donner lieu aux controverses
mystiques des siècles classiques et aux
débats théologiques et politiques de
l’époque contemporaine.
Les différentes contributions, dont
plusieurs sont dues aux collègues de
l’UPV, font appel à des champs disciplinaires
complémentaires, linguistique,
théologique, philosophique, littéraire,
historique, psychanalytique. Dans le
système de l’ascèse, les représentations
du monde et du sujet s’inscrivent dans
le corps, ce corps qui est devenu ces
dernières années chez les philosophes,
les juristes, les artistes, dans la relation
entre droit, médecine et politique, une
entrée incontournable pour penser la
culture, le droit, le pouvoir, la pensée.
La reviviscence de la question ascétique
au cœur d’une époque essentiellement
hédoniste, qui fait quasiment
du plaisir un devoir, trouve
très certainement sa source
dans le questionnement
nietzschéen. La figure de
l’ascète permet de comprendre
les fondements
moraux d’une civilisation marquée
par les monothéismes.
Nietzsche, dans son combat
contre la subordination de
la philosophie à la théologie,
s’est interrogé sur la signification
de ce qu’il appelle “les
idéaux ascétiques”. La démystification
nietzschéenne de
l’ascèse, qui tente de penser
les jeux de pouvoir occultes
derrière des valeurs évidentes,
ne présente que le
versant noir de l’ascèse, cette
volonté de puissance qui faute
de pouvoir exercer son pouvoir
sur le monde se retourne
sur elle-même. Mais l’ascèse
n’est pas nécessairement
doloriste, comme le montre au moins
la position de l’épicurisme.
Entre ascèse philosophique
et ascèse théologique
Du reste, dès les premiers siècles
de notre ère, deux conceptions de
l’ascèse se distinguent, que Michel
Foucault opposait en soulignant leurs
liens avec l’herméneutique du sujet.
Dans l’ascèse philosophique de l’époque
hellénistique, il s’agissait « de se
rejoindre soi-même avec, comme
moment essentiel, la subjectivation
d’un discours vrai dans une pratique
et un exercice de soi sur soi ». L’ascèse
chrétienn, quant à elle, correspondrait
en revanche à « un mouvement de
renonciation à soi, passant, comme
moment essentiel, par l’objectivation
de soi dans un discours vrai ».
On a pu considérer qu’il en subsiste
des traces chez les philosophes
modernes, tels Descartes, Spinoza ou
Leibniz, qui ont conservé un rapport
vivant avec la philosophie antique. Par
ailleurs, en ce début du XXI e siècle, la
crise écologique confère une actualité
inattendue à notre question. La topographie
de l’ascèse, ou plutôt des
ascèses, est donc fort complexe. De
nouvelles dialectiques apparaissent
dans les diverses réflexions de ce
colloque : ascèse et solitude ; ascèse
et discours intérieur ; ascèse et dévotion
(prière, pénitence, renoncement, sacrifice,
mortification…) ; ascèse et anorexie
sainte, et narcissisme, et nihilisme
; ascèse et (divine) jouissance ;
ascèse et mysticisme ; ascèse et politique…
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Les dialectiques de l’ascèse
Études réunies par B. Pérez-Jean,
M. Fourcade, P.-Y. Kirschleger,
S. Luciani (éd.), Paris, Classiques
Garnier, coll. Rencontres, 2011,
425 pages, 47 €
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FÉVRIER 2012 – LE DIT DE L’UPV