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Changer de comportement? Enquête sur nos façons de faire avec ...

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halshs-00193116, version 1 - 30 Nov 2007<br />

et <strong>de</strong> ce qu’on fait, que tous les prescripteurs aimeraient bien obtenir, et qu’ils ont tendance à<br />

supposer tellement elle faciliterait leur tâche. Ah, qu’ils obéissent ou qu’ils désobéissent, cela<br />

ne fait rien, mais au moins si les gens étaient ce qu’ils étaient, leur action serait autrement<br />

facile à prévoir et à orienter ! Si les événements étaient <strong>de</strong>scriptibles d’une seule façon, et<br />

leurs effets repérables <strong>de</strong> façon suffisamment ferme, que les me<strong>sur</strong>es à prendre seraient faciles<br />

à définir !<br />

De même, d’ailleurs, du côté <strong>de</strong>s chercheurs en quête <strong>de</strong> théories et <strong>de</strong> modèles, non plus<br />

pour <strong>faire</strong> agir, mais pour interpréter ou expliquer : une régularité <strong>de</strong>s causes, une stabilité <strong>de</strong>s<br />

<strong>façons</strong> <strong>de</strong> <strong>faire</strong>, voilà qui peut se rapporter à <strong>de</strong>s déterminismes, à <strong>de</strong>s structures, à <strong>de</strong>s<br />

variables, voilà qui permet <strong>de</strong> comprendre ou <strong>de</strong> décrire. Si l’on ne peut s’appuyer au moins<br />

<strong>sur</strong> cela, que dire ?<br />

Mais voilà qui éloigne du moment <strong>de</strong> l’action, précisément celui qu’on vise ici. Tiens, moi<br />

qui conduis en général si tranquillement, aujourd’hui je suis énervé et j’appuie <strong>sur</strong> le<br />

champignon, sans me soucier ni <strong>de</strong>s radars, ni <strong>de</strong> ce que je dis d’habitu<strong>de</strong> à mes amis moins<br />

sages. Ou moi qui ne me suis jamais inquiété <strong>de</strong> prendre le volant après un dîner - je suis un<br />

bon vivant mais je ne dépasse pas les limites, je sais me tenir et <strong>de</strong> toute façon c’est à moi<br />

d’en juger… - voilà que cette fois, je dis non à mon hôte qui me propose ce <strong>de</strong>rnier verre, en<br />

pensant explicitement que je vais conduire. Qu’est-ce qui m’arrive, je vieillis, sans doute… ?<br />

L’idée n’est pas <strong>de</strong> verser dans une autre forme commo<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription, ironique ou<br />

cynique au lieu d’être sérieuse et responsable : celle <strong>de</strong> l’aléatoire et <strong>de</strong> l’imprévisibilité totale<br />

<strong>de</strong>s <strong>comportement</strong>s, celle d’un mon<strong>de</strong> sans pesanteur où tout pourrait arriver en toute<br />

circonstance et pour n’importe qui. Les <strong>comportement</strong>s sont au contraire résistants, ils ont une<br />

certaine inertie et une certaine continuité ; ils peuvent aussi changer lentement ; parfois, plus<br />

rarement, ils basculent soudainement, et ce qui paraissait inenvisageable hier <strong>de</strong>vient la norme<br />

aujourd’hui (le bien meilleur respect <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> vitesse en 2005 a ressemblé à cela) ; enfin,<br />

si l’acte isolé, peu conforme à ce qu’on fait d’habitu<strong>de</strong>, arrive lui aussi, il n’y a pas plus <strong>de</strong><br />

raison d’en <strong>faire</strong> la règle que d’instaurer le <strong>comportement</strong> prévisible en <strong>comportement</strong> réel,<br />

simplement contrarié <strong>de</strong> temps en temps par <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts. Bien au contraire, une analyse<br />

complète doit intégrer ces fractures <strong>de</strong> la raison qu’on suit d’ordinaire, <strong>sur</strong>tout dans <strong>de</strong>s<br />

domaines où il y a prise <strong>de</strong> risque, condamnation sociale, délinquance, répression : comme le<br />

mot infraction le suggère bien, c’est peut-être, au moins autant que la réciproque, cet aspect<br />

interdit, condamnable, réprouvé, qui impose à celui qui commet ladite infraction <strong>de</strong> lui donner<br />

la forme d’un acte coupé du reste <strong>de</strong> sa vie. « Je ne sais ce qui m’a pris », cela veut aussi dire<br />

que celui qui a fait ça n’est pas celui qui parle <strong>de</strong> lui, là, <strong>de</strong>vant vous, et <strong>de</strong>vant lui-même, <strong>de</strong><br />

façon responsable, discutable, raisonnable - ou <strong>de</strong> façon provocatrice, ironique ou indignée,<br />

cela revient au même : <strong>de</strong> façon « parlable » (le mot n’existe pas, dommage, il renverrait<br />

beaucoup mieux à quelque chose qui se situe bien en amont <strong>de</strong> ce que suggère « dicible », par<br />

exemple).<br />

Le monstre qui sommeille en nous<br />

Hélas pour les prescripteurs, qui aiment mieux viser un acteur rationnel, ou pavlovien, ou<br />

émotif, cela ne veut nullement dire que cet autre soi-même, en quelque sorte interrompu par<br />

rapport à lui-même, qui ne « se » parle pas, n’existe pas. Le cas extrême, <strong>de</strong> <strong>nos</strong> jours, comme<br />

par hasard celui <strong>sur</strong> lequel pèse aussi l’opprobre la plus forte, est sans doute celui du<br />

pédophile : même si elle est compréhensible et justifiée, il y a tout à parier que la<br />

<strong>sur</strong>condamnation collective <strong>de</strong> ce personnage, redoublée d’une intense psychologisation <strong>de</strong><br />

son <strong>comportement</strong>, en instaurant la quasi obligation où il se trouve <strong>de</strong> se « présenter » aux<br />

autres et à lui-même comme un monstre, participe activement à donner à ses désirs une forme<br />

monstrueuse et donc aussi, hélas, même si c’est paradoxal, à ce que les actes qu’il commet en<br />

monstre soient en effet monstrueux - c’est bien ce qu’on dit en parlant <strong>de</strong> « diabolisation »

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