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Changer de comportement? Enquête sur nos façons de faire avec ...

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halshs-00193116, version 1 - 30 Nov 2007<br />

lorsque nous faisons, pensons ou ressentons quelque chose : mais justement, au lieu <strong>de</strong> tenir<br />

cela comme acquis, et cette détermination comme une explication, ne faut-il pas mieux se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si tel est bien le cas – et comment, <strong>avec</strong> quelle marge <strong>de</strong> déterminisme, quelles<br />

mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> composition d’influences souvent tout à fait contradictoires ? Au <strong>de</strong>là, et <strong>de</strong> façon<br />

plus radicale, peut-on réduire l’action à <strong>de</strong>s déterminants, comme s’il appartenait au chercheur<br />

<strong>de</strong> l’expliquer <strong>de</strong> l’extérieur ?<br />

Sur le plan théorique, d’abord, c’est <strong>faire</strong> bien peu <strong>de</strong> cas <strong>de</strong> sa nature intentionnelle, du<br />

fait qu’elle passe par une mobilisation <strong>de</strong> soi qui fait elle-même appel, <strong>de</strong> façon réflexe ou <strong>de</strong><br />

façon réflexive, à ce à quoi l’on tient : autrement dit, les <strong>façons</strong> <strong>de</strong> se déterminer sont un objet<br />

<strong>de</strong> la recherche, elles font partie d’une analyse <strong>de</strong> l’action, elles n’en sont pas un facteur<br />

explicatif, une ressource <strong>de</strong> l’analyse.<br />

Et plus concrètement, une analyse sérieuse <strong>de</strong> l’action peut-elle se contenter <strong>de</strong> <strong>faire</strong> ellemême<br />

le départ entre <strong>de</strong>s facteurs déterminants, culturels et sociaux, et <strong>de</strong>s facteurs<br />

contingents, laissés aux aléas <strong>de</strong> la vie ? Au nom <strong>de</strong> quoi se dispenserait-elle d’envisager,<br />

dans les <strong>comportement</strong>s, non seulement les facteurs déterminant les personnes, issus <strong>de</strong> leur<br />

milieu, <strong>de</strong> leur passé, <strong>de</strong> leurs habitus, mais aussi ce qui tient à la situation - aux interactions<br />

<strong>avec</strong> les autres, <strong>avec</strong> les objets et les dispositifs présents, aux événements qui se déroulent,<br />

etc. ? Surtout, poser ainsi le problème, c’est aussitôt le décaler vers le problème plus large <strong>de</strong>s<br />

appuis du <strong>comportement</strong>, ou encore <strong>de</strong>s <strong>façons</strong> <strong>de</strong> <strong>faire</strong> <strong>avec</strong> soi. C’est comprendre qu’il faut<br />

s’interroger non pas <strong>sur</strong> tel ou tel <strong>de</strong> ces facteurs, mais bien <strong>sur</strong> leur mobilisation sélective ou<br />

leur exclusion, <strong>sur</strong> leur composition, ou encore <strong>sur</strong> les passages entre eux, il faut soumettre à<br />

la question la variété infinie <strong>de</strong>s modalités selon lesquelles, dans tel ou tel cas, ils sont ou non<br />

pris en compte, combinés, réfléchis ou négligés – et ainsi, chaque fois, écartés ou réintégrés<br />

<strong>de</strong> façon spécifique à l’action elle-même.<br />

Dépasser ainsi l’opposition entre représentations et action, cela suppose peut-être d’abord<br />

<strong>de</strong> se dé<strong>faire</strong> <strong>de</strong> cette curieuse obsession <strong>de</strong>s sciences humaines pour les représentations : c’est<br />

elle qui fait glisser l’intérêt du chercheur, qui le détourne <strong>de</strong> l’action elle-même, <strong>de</strong>s<br />

<strong>comportement</strong>s effectifs en situation, pour le <strong>faire</strong> unilatéralement s’intéresser à <strong>de</strong>s variantes<br />

infinies <strong>de</strong> la justification et <strong>de</strong>s décalages <strong>de</strong> soi-même à un idéal supposé (même minimal,<br />

comme paraître humain et respectable). L’image <strong>de</strong> soi <strong>de</strong> la psychanalyse a fait <strong>de</strong>s petits :<br />

l’action ensemble n’est par exemple plus, pour les interactionnistes, qu’un guet perpétuel du<br />

regard <strong>de</strong> l’autre et un souci <strong>de</strong> ne pas perdre la face – mais, sous une apparence opposée, elle<br />

obéit aussi à une variante <strong>de</strong> ce modèle, lorsqu’elle se réduit à une quête indéfinie <strong>de</strong><br />

légitimité, pour la sociologie critique. Notre pari est simple : si on remet les choses à l’endroit<br />

en se <strong>de</strong>mandant comment on se représente (soi, les autres, la situation), mais entre autres<br />

choses, et pour <strong>faire</strong> quelque chose (au sens large : se conduire, choisir ceci ou cela, déci<strong>de</strong>r,<br />

se laisser aller, prendre une me<strong>sur</strong>e radicale, se renseigner, etc.), on n’escamote nullement<br />

l’importance <strong>de</strong>s représentations et leur rôle décisif dans l’action. Au contraire, on les<br />

comprend à nouveaux frais, mais comme <strong>de</strong>s <strong>façons</strong> <strong>de</strong> <strong>faire</strong> - et non <strong>de</strong>s <strong>façons</strong> <strong>de</strong> se voir et<br />

d’être vu, ce qu’elles sont aussi… mais notamment et <strong>sur</strong>tout si cela ai<strong>de</strong> à se comporter !<br />

Aspect méthodologique<br />

Sur le plan <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong>, cette posture a <strong>de</strong>s conséquences immédiates, tout<br />

particulièrement <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s sujets délicats comme l’alcool ou la conduite dangereuse. Au lieu <strong>de</strong><br />

n’interroger la relation enquêté-enquêteur que <strong>sur</strong> le registre <strong>de</strong> la suspicion, comme effort<br />

pour paraître conforme, pour le premier, et biais à contrôler et danger d’imposer <strong>de</strong>s<br />

catégories, pour le second, on peut la centrer <strong>sur</strong> la mise à plat <strong>de</strong>s appuis qui font que les<br />

gens se comportent comme ils le font : <strong>de</strong>s raisons bonnes ou mauvaises, certes, mais aussi<br />

<strong>de</strong>s « tenants » et <strong>de</strong>s aboutissants, comme on dit joliment, c’est-à-dire un jeu, plus ou moins<br />

actif ou passif selon les cas, <strong>avec</strong> ce qu’on se sait être - en bien ou en mal - et <strong>avec</strong> ce qu’on

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