marqueurs discursifs et scène énonciative - Laboratoire de ...

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Denis PAILLARD
Cette désignation est empruntée à la thèse de E. Khatchaturian
(2006) qui décrit quatre MD du français et du russe formés avec le
verbe dire (skazat’ en russe) : pour ainsi dire, disons, tak skazat’ (litt.
‘ainsi + dire’) et skažem (« disons »).
Nous proposons d’utiliser cette étiquette pour désigner un
ensemble plus vaste de MD. L’élément commun est la mise en jeu
d’un « hiatus » entre la séquence p et ce que nous avons désigné cidessus
comme un « vouloir dire » qui possède un mode de présence
autonome (il n’est pas le vouloir dire associé à p 33 , ce qui donne un
dire « clivé »). Selon la nature et le statut de ce vouloir dire, il est
possible de distinguer différents cas :
- pour ainsi dire, tak skazat : certains mots formant l’énoncé (la
portée de ces marqueurs est locale) sont présentés comme
autonomisés par rapport au vouloir dire subjectif qui fonde le dire : le
« vouloir dire » de ces mots est présenté comme n’étant pas
pleinement adéquat (les effets de sens vont de l’utilisation
métaphorique du mot à différents effets rhétoriques : atténuation ou,
au contraire, exagération).
(23) Deux nouveaux nés dans la presse. Et pour ainsi dire
jumeaux.
(24) J’ai, pour ainsi dire, une âme littéraire
(25) Vy čto – dejstvitel’no p‘jany ? – My rezvilis’, Igor’
Dimitrievič. Šutili drug s drugom, tak skazat’
Vous êtes effectivement ivres ? – On faisait les fous, Igor
Dmitrievic, On plaisantait entre nous, tak skazat’ 34
- disons, skažem : une partie des mots formant l’énoncé (comme
dans le cas précédent, la portée de ces marqueurs est locale) est
présentée comme un dire de compromis / dire sous toute réserve / dire
en suspens / dire à partager ; dans le prolongement du fait que ces
marqueurs correspondent à l’impératif 1 ère personne du pluriel des
verbes dire et skazat’, le fragment de p correspondant à la portée du
marqueur est mis en relation avec deux positions subjectives de la
33 Cf ci-dessus la définition du dire comme association d’un énoncé et d’un vouloir +
dire.
34 Ces exemples sont tirés de la thèse de E. Khatchaturian (2006). Précisons que pour
ainsi dire est surtout utilisé à l’écrit, alors que tak skazat’ est extrêmement fréquent à
l’oral. Selon Khatchaturian cette différence de registre mais aussi d’interprétation
s’explique par une différence sémantique entre dire et skazat’.