Magazine_UC_N_3_juillet 2014
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Nos enseignants s’expriment<br />
Les stupéfiants en droit tunisien<br />
par M.Ben Jaafar Mustapha*<br />
Tout produit,<br />
toute<br />
substance<br />
de nature à<br />
altérer les<br />
facultés<br />
mentales,<br />
à créer une certaine dépendance,<br />
doivent être interdits,<br />
mais d’un autre côté certains<br />
appuient la thèse selon<br />
laquelle l’individu est libre<br />
de disposer de son corps à<br />
condition de ne pas porter<br />
atteinte à la société.<br />
Deux thèses en présence<br />
et la contradiction est<br />
flagrante, laquelle doit-on<br />
soutenir ?<br />
- En Tunisie, la consommation<br />
du « takrouri » n’était<br />
pas interdite du temps du<br />
protectorat, sa distribution<br />
se faisait dans les débits de<br />
tabac et était le monopole<br />
de l’état et ce jusqu’au 31<br />
décembre 1953 ( voir décret<br />
du 23 avril 1953) mais à partir<br />
du 1 janvier 1954, la distribution<br />
du «takrouri» devient<br />
interdite et la consommation<br />
est plus ou moins tolérée.<br />
- Après l’indépendance,<br />
la loi n° 47/1964 du 3 novembre<br />
1964 interdit la<br />
consommation, la distribution,<br />
le transport de cette<br />
plante maléfique et la peine<br />
encourue devient lourde(de<br />
un à cinq ans d’emprisonnement<br />
et une amende de 100<br />
à 10000 dinars), la culture<br />
de cette plante est interdite<br />
et même le refus de détruire<br />
les plants qui ont poussé naturellement<br />
est sanctionné.<br />
- Puis vient la loi n° 54/1969<br />
du 28 <strong>juillet</strong> 1969 portant<br />
réglementation des substances<br />
veneineuses et qui<br />
classe ces substances en<br />
trois catégories à savoir<br />
celles du tableau « A » relatif<br />
aux substances toxiques,<br />
celles du tableau « B » relatif<br />
aux stupéfiants et celles<br />
du tableau « C » relatif aux<br />
substances dangereuses. La<br />
vente de tels produits obéit<br />
alors à certaines conditions<br />
strictes et leur prescription<br />
par les médecins, est réglementée<br />
ainsi que la création<br />
d’un bureau national de lutte<br />
contre les stupéfiants.<br />
- Mais l’esprit des hommes<br />
est agile et le détournement<br />
de certains produits des tableaux<br />
A et C voit le jour, en<br />
l’absence de sanction pénale<br />
de la consommation,<br />
seuls les réseaux de trafic<br />
de ces produits dangereux<br />
sont poursuivis.<br />
- Les produits du tableau B<br />
sont interdits et réprimés sur<br />
la base de la loi n°47/1964<br />
mais le législateur a institué<br />
une commission médicale<br />
de lutte contre l'accoutumance<br />
ainsi que l’institution<br />
« de l’injonction curative ».<br />
- Mais la Tunisie est devenue<br />
une plaque tournante,<br />
dans le trafic international<br />
des stupéfiants et le législateur<br />
doit intervenir pour lutter<br />
contre ce fléau qui menace<br />
aussi bien les jeunes et<br />
l’ordre public interne qu’international.<br />
- La loi de 1964 sur les stupéfiants<br />
fut abrogée et remplacée<br />
par la loi n° 52/1992<br />
du 18mai 1992 mais est-ce<br />
les mesures prises sont efficaces<br />
et de nature à éradiquer<br />
ce fléau ?<br />
- La nouvelle loi étend la répression<br />
à tout acte en rapport<br />
avec les stupéfiants à<br />
savoir la consommation, la<br />
détention pour consommation,<br />
la culture, le transport,<br />
l'importation ou l’exportation……<br />
de tout produit dont<br />
la composition renferme des<br />
produits stupéfiants faisant<br />
partie du tableau B précité.<br />
- Les sanctions sont lourdes<br />
et peuvent atteindre l’emprisonnement<br />
à perpétuité et à<br />
ne citer que le minimum :<br />
- La peine est de 1an à<br />
5 ans et une amende de<br />
1000 à 3000 dinars pour le<br />
consommation ou détention<br />
pour consommation de tout<br />
produit stupéfiant.<br />
-La peine est de 6 à 10 ans<br />
et une amende de 5000 à<br />
10000 dinars pour détention,<br />
plantation, fabrication… de<br />
tout produit stupéfiant.<br />
- La peine est de 10 à 20<br />
ans et une amende de 20 à<br />
100milles dinars pour importation<br />
ou exportation de tout<br />
produit stupéfiant.<br />
- La peine est de 20ans à<br />
perpétuité et une amende<br />
de 100 à un million de dinars<br />
pour toute appartenance à<br />
une association nationale ou<br />
internationale et ce, même<br />
sans contre -partie.<br />
- La peine est de 10 à 20<br />
ans et une amende de 20<br />
à 100.000dinars pour toute<br />
complicité de trafic ou recel<br />
de tout produit stupéfiant ou<br />
pour la mise à disposition de<br />
locaux appropriés et réservés<br />
à la consommation ou<br />
le trafic.<br />
- La peine est de 6 mois à 3<br />
ans et une amende de 1000<br />
à 5000 dinars pour fréquentation<br />
des lieux aménagés<br />
pour la consommation des<br />
stupéfiants.<br />
- D’un autre côté, le législateur<br />
a prorogé des délais de<br />
prescription de l’action publique<br />
en matière délictuelle<br />
en les portant à 5 ans alors<br />
que la peine ne se prescrit<br />
que par 10 ans.<br />
- Interdiction est faite aux<br />
juges d’appliquer l’article 53<br />
du code pénal dans toutes<br />
les infractions relatives aux<br />
stupéfiants c'est-à-dire que<br />
le juge ne peut en aucun cas<br />
descendre la peine au deçà<br />
du minimum requis qui est<br />
de 1 an d’emprisonnement<br />
et de 1000 dinars d’amende.<br />
- En cas de récidive spéciale,<br />
le maximum de la<br />
peine est encouru.<br />
- Toutes ces interdictions<br />
font que le juge se trouve lié<br />
et ne peut individualiser la<br />
peine, pourtant de ses attributions.<br />
- L’interdiction faite au juge<br />
de recourir à l’article 53 du<br />
code pénal semble s’imposer,<br />
la première condamnation<br />
doit tenir compte de la<br />
personnalité du consommateur<br />
et des circonstances de<br />
fait, la seconde, et en cas<br />
d’échec, doit permettre au<br />
juge de descendre au minimum<br />
requis et en cas de récidive,<br />
c’est le maximum de<br />
la peine qui est prononcé.<br />
- L’injonction curative doit<br />
être instaurée mais la lutte<br />
contre les trafiquants doit<br />
continuer.<br />
A la prochaine<br />
*Président de la chambre à la<br />
cour de cassation et enseigant à la<br />
Centrale DG<br />
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