Sélection de textes ZESO 04/14
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commentaire<br />
Les bonnes solutions sont le fruit du dialogue,<br />
<strong>de</strong> l’objectivité et <strong>de</strong> la solidarité<br />
Les nombreuses <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> coupes et<br />
les requêtes politiques qui prônent <strong>de</strong><br />
sortir <strong>de</strong> la CSIAS n’augurent rien <strong>de</strong> bon<br />
pour l’avenir <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> sociale. Une existence<br />
mo<strong>de</strong>ste et la participation à la<br />
société ne sont plus garantis si on limite,<br />
comme l‘exige l’UDC, les besoins <strong>de</strong> base à<br />
600 francs. Je pense surtout aux nombreux<br />
enfants et jeunes, qui représentent<br />
un tiers <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s bénéficiaires<br />
<strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> sociale. A qui cela profite-t-il qu’ils<br />
entrent plus tard dans la vie adulte avec<br />
une formation déficiente, un manque <strong>de</strong><br />
confiance en soi et en étant stigmatisés?<br />
Qui est gagnant si la paupérisation et<br />
l’exclusion sociale augmentent en Suisse?<br />
Personne!<br />
La recette du succès <strong>de</strong> la structure<br />
fédéraliste suisse a <strong>de</strong> tout temps été<br />
l’équilibre entre villes et cantons, entre<br />
jeunes et vieux ou entre industrie et<br />
agriculture. Il y a actuellement, en Suisse,<br />
250 000 bénéficiaires <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> sociale<br />
et 330 000 millionnaires. L’ai<strong>de</strong> sociale<br />
représente 0,4 % du PIB et<br />
1,6 % <strong>de</strong> l‘ensemble <strong>de</strong>s<br />
charges sociales,<br />
dans notre pays.<br />
Nous pouvons<br />
nous le permettre et<br />
nous <strong>de</strong>vons le faire.<br />
Ces <strong>de</strong>rnières années, les coûts <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong><br />
sociale ont augmenté. Les raisons ne sont<br />
pas à chercher du côté <strong>de</strong> la CSIAS, puisque<br />
la fourchette <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong> base et <strong>de</strong>s<br />
directives, acceptée en 2005 par la plupart<br />
<strong>de</strong>s cantons à l’attention <strong>de</strong>s communes,<br />
est restée i<strong>de</strong>ntique. La hausse <strong>de</strong>s coûts<br />
est causée par <strong>de</strong>s changements sociétaux:<br />
davantage <strong>de</strong> divorces et <strong>de</strong> ménages<br />
monoparentaux, mesures d’économies<br />
en amont dans le système <strong>de</strong> sécurité<br />
sociale <strong>de</strong> l’AI et <strong>de</strong> l’assurance-chômage,<br />
exigences grandissantes sur un marché<br />
du travail ne se satisfaisant plus <strong>de</strong>s<br />
nombreuses personnes sans formation<br />
professionnelle, et <strong>de</strong> plus en plus, aussi,<br />
à cause d’une hausse <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong><br />
l’ai<strong>de</strong> sociale pour les personnes du domaine<br />
<strong>de</strong> l’asile.<br />
Il est juste que l’ai<strong>de</strong> sociale, comme ultime<br />
filet <strong>de</strong> sécurité, soit remise en question,<br />
largement discutée et adaptée. En<br />
novembre, la CSIAS a lancé une enquête auprès<br />
<strong>de</strong> ses membres sur leurs prestations.<br />
Au début <strong>de</strong> l’année débute une consultation<br />
sur les résultats <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> sur les<br />
besoins <strong>de</strong> base et les mesures incitatives.<br />
Le but est que la Conférence <strong>de</strong>s directrices<br />
et directeurs cantonaux <strong>de</strong>s affaires<br />
sociales (CDAS) déclare contraignantes les<br />
directives révisées.<br />
Le profit économique et une ai<strong>de</strong> sociale<br />
humaine et efficace ne sont pas en<br />
contradiction. Les bonnes solutions sont<br />
le fruit du dialogue, <strong>de</strong> l’objectivité et <strong>de</strong> la<br />
solidarité. La mise en scène d’une chasse<br />
aux pauvres – année électorale ou non<br />
– nous ramènerait au Moyen-Age. Il est<br />
inscrit dans la Constitution fédérale que<br />
la force <strong>de</strong> la communauté se mesure au<br />
bien-être du plus faible <strong>de</strong> ses membres. La<br />
CSIAS était et reste soumise à ce principe<br />
fondamental.<br />
Therese Frösch<br />
Coprési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> la CSIAS<br />
aCtuel 4/<strong>14</strong> ZeSo<br />
5
Comment prendre en compte une<br />
garantie <strong>de</strong> loyer remboursée?<br />
Un bénéficiaire <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale se voit rembourser la garantie <strong>de</strong> loyer qu'il avait déposée pour<br />
son ancien appartement. Pour l'ai<strong>de</strong> sociale, celle-ci représente, dès le moment du versement, une<br />
recette à prendre intégralement en compte dans le calcul du soutien.<br />
Question<br />
Monsieur L, spécialiste en informatique,<br />
avait gagné un salaire très élevé et mené un<br />
train <strong>de</strong> vie correspondant. Quand il a perdu<br />
son emploi, il s'est inscrit à l'assurance<br />
chômage. Du fait <strong>de</strong> sa haute spécialisation<br />
et <strong>de</strong> son âge avancé, il n'a pas retrouvé <strong>de</strong><br />
travail. Tant qu'il touchait <strong>de</strong>s in<strong>de</strong>mnités<br />
<strong>de</strong> l'assurance chômage, il a maintenu son<br />
niveau <strong>de</strong> vie. Mais lorsqu'il est arrivé en fin<br />
<strong>de</strong> droit et qu'il a épuisé ses réserves, il a dû<br />
s'adresser à l'ai<strong>de</strong> sociale. Il a constaté que<br />
le loyer <strong>de</strong> son appartement dépassait largement<br />
la limite <strong>de</strong> loyer et il s'est vu impartir<br />
un délai pour quitter son appartement.<br />
N'ayant toujours pas d'emploi en<br />
vue, il a fini par déménager dans un appartement<br />
1 pièce. Monsieur L avait vécu pendant<br />
20 ans dans son ancien appartement<br />
pour lequel il avait déposé une garantie <strong>de</strong><br />
5000 francs. Après dissolution du compte,<br />
il est entré en possession <strong>de</strong> 6000 francs,<br />
intérêts cumulés compris. La garantie<br />
remboursée est-elle pris en compte dans le<br />
budget à titre <strong>de</strong> recette ou <strong>de</strong> fortune?<br />
PRACTIQUE<br />
Dans cette rubrique, la <strong>ZESO</strong> publie <strong>de</strong>s questions<br />
exemplaires <strong>de</strong> la pratique <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale qui<br />
ont été adressées à la «CSIAS-Line», une offre<br />
<strong>de</strong> conseil en ligne que la CSIAS propose à ses<br />
membres. L'accès pour vos questions se fait dans<br />
l'espace membres sur le site internet: www.csias.ch<br />
espace membres se connecter CSIAS-Line.<br />
Bases<br />
L'ai<strong>de</strong> sociale soutient financièrement les<br />
personnes qui ne sont pas en mesure <strong>de</strong><br />
subvenir, par leurs propres moyens, à leur<br />
entretien d'une manière suffisante ou à<br />
temps (art. 2 LAS). Le revenu et la fortune<br />
passent avant l'assistance publique. Ainsi,<br />
en calculant l'ai<strong>de</strong> matérielle, il s'agit <strong>de</strong><br />
prendre en compte les revenus et <strong>de</strong> réaliser<br />
les éléments <strong>de</strong> fortune (voir normes<br />
CSIAS E.1 et E.2). Du point <strong>de</strong> vue du<br />
droit d'ai<strong>de</strong> sociale, on considère comme<br />
fortune à prendre en compte l'ensemble <strong>de</strong><br />
l'argent liqui<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s avoirs, <strong>de</strong>s titres, <strong>de</strong>s<br />
véhicules privés et <strong>de</strong>s biens sur lesquels<br />
une personne <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> à un<br />
droit <strong>de</strong> propriété. Au début <strong>de</strong> l'assistance<br />
ou lorsqu'une assistance en cours peut être<br />
supprimée, on laisse un montant <strong>de</strong> fortune<br />
à la libre disposition <strong>de</strong> la personne<br />
qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ou qui reçoit <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong>. Ceci<br />
dans le souci <strong>de</strong> renforcer la responsabilité<br />
individuelle et d'encourager les efforts personnels<br />
(E.2.1). En revanche, les recettes, à<br />
l'exception <strong>de</strong>s revenus provenant d'une<br />
activité lucrative, sont à prendre en compte<br />
dans leur totalité dans le calcul <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong><br />
financière (E.1.1).<br />
Le compte <strong>de</strong> garantie <strong>de</strong> loyer était établi<br />
au nom du client (art. 257e, al. e CO)<br />
et il existait déjà au moment <strong>de</strong> l'entrée à<br />
l'ai<strong>de</strong> sociale. Vu sous cet angle, il s'agit<br />
d'un élément <strong>de</strong> fortune qui <strong>de</strong>vient désormais<br />
disponible. Il faudrait accor<strong>de</strong>r<br />
au client un montant <strong>de</strong> fortune laissé à sa<br />
libre disposition, à condition que celui-ci<br />
n'ait été épuisé dès le début du soutien<br />
déjà. Cela dit, tant que le bail était en vigueur,<br />
le client n'avait pas accès au compte<br />
sans le consentement du bailleur. Dès lors,<br />
l'argent n'était pas disponible pour le client<br />
et il ne <strong>de</strong>vait pas être pris en compte pour<br />
évaluer l'indigence (E.2.1).<br />
Du fait que la garantie <strong>de</strong> loyer sert<br />
en premier lieu à assurer les prétentions<br />
financières du bailleur, il s'agissait, au début<br />
<strong>de</strong> l'assistance, d'une créance conditionnelle,<br />
voire incertaine du locataire.<br />
Pour l'ai<strong>de</strong> sociale, la garantie <strong>de</strong> loyer<br />
n'entre en ligne <strong>de</strong> compte qu'à partir du<br />
moment où elle est versée. Selon la jurispru<strong>de</strong>nce<br />
du Tribunal fédéral, sont considérés<br />
comme recettes les entrées d'argent<br />
ou les prestations ayant valeur d'argent<br />
qu'une personne reçoit pendant la durée<br />
<strong>de</strong> l'assistance (ATF 8C_79/2012). La<br />
garantie <strong>de</strong> loyer n'a <strong>de</strong> valeur réelle, pour<br />
le locataire, que lorsque le bailleur ne la<br />
réclame pas et que le délai <strong>de</strong> blocage est<br />
supprimé. Ainsi, ce n'est qu'à partir du moment<br />
<strong>de</strong> son remboursement au locataire<br />
que la garantie <strong>de</strong> loyer correspond à une<br />
prestation ayant valeur d'argent et qu'elle<br />
doit être qualifiée <strong>de</strong> recette.<br />
Réponse<br />
La prétention auparavant conditionnelle à<br />
l'avoir ne se réalise qu'avec la dissolution du<br />
compte. Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale, le<br />
remboursement <strong>de</strong> la garantie <strong>de</strong> loyer<br />
constitue une recette librement disponible<br />
qui doit dès lors être intégralement prise en<br />
compte dans le calcul <strong>de</strong> la prestation <strong>de</strong><br />
soutien. Il s'agit toutefois <strong>de</strong> donner au<br />
client la possibilité d'utiliser cet argent tout<br />
d'abord pour financer une éventuelle<br />
garantie pour un nouvel appartement, que<br />
ce soit directement ou en remboursant une<br />
garantie <strong>de</strong> loyer préfinancée par une autorité<br />
sociale. <br />
•<br />
Birgitta Zimmermann<br />
Commission Normes et ai<strong>de</strong> à la pratique<br />
8 ZeSo 4/<strong>14</strong> praTIQUE
Des manuels cantonaux pour<br />
mieux appliquer l'ai<strong>de</strong> sociale<br />
Afin <strong>de</strong> combler le manque <strong>de</strong> directives et les lacunes en matière d'exécution dans leurs législations<br />
sur l'ai<strong>de</strong> sociale, <strong>de</strong> nombreux cantons ont élaboré un manuel <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale. La CSIAS a analysé<br />
ces ouvrages dans une étu<strong>de</strong> consacrée à la mise en œuvre concrète <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale en Suisse.<br />
Les législations cantonales sur l’ai<strong>de</strong> sociale<br />
offrent une gran<strong>de</strong> marge d’interprétation<br />
et d’appréciation dont l’application<br />
diverge en fonction du canton, <strong>de</strong> la commune,<br />
du service social, <strong>de</strong> l’autorité en<br />
charge <strong>de</strong>s affaires sociales ou <strong>de</strong>s travailleurs<br />
sociaux. Une situation qui engendre<br />
<strong>de</strong> fortes inégalités <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>s bénéficiaires<br />
<strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> sociale et <strong>de</strong>s pertes d’efficacité.<br />
En effet, à défaut <strong>de</strong> recommandations<br />
claires, les responsables <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> sociale<br />
sont contraints d’imaginer une «nouvelle»<br />
solution pour chaque cas. Pour <strong>de</strong><br />
nombreuses questions pratiques, les<br />
normes CSIAS offrent certes <strong>de</strong>s recommandations<br />
d’action, elles n’ont toutefois<br />
aucun caractère contraignant pour les cantons<br />
et ne règlent que rarement les problèmes<br />
qui se posent.<br />
Afin <strong>de</strong> combler les lacunes en matière<br />
<strong>de</strong> législation et d’exécution, vingt cantons<br />
ont élaboré un manuel <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> sociale ou<br />
ils ont constitué un recueil thématique <strong>de</strong>s<br />
actes législatifs ad hoc. Bon nombre <strong>de</strong> ces<br />
cantons ont saisi l’occasion <strong>de</strong> régler <strong>de</strong>s<br />
questions pratiques, dans leurs manuels,<br />
à l’ai<strong>de</strong> d’informations détaillées à l’intention<br />
<strong>de</strong>s travailleurs sociaux et <strong>de</strong>s autorités<br />
chargées <strong>de</strong>s affaires sociales. Le manuel<br />
du canton du Jura constitue, à ce titre, un<br />
parfait exemple. D’autres gui<strong>de</strong>s, tels que<br />
l’ouvrage grison «Manuel d’ai<strong>de</strong> sociale à<br />
l’attention <strong>de</strong>s communes» s’intéressent à<br />
d’autres aspects et se concentrent sur <strong>de</strong>s<br />
questions organisationnelles et financières.<br />
«Monitoring <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong><br />
sociale»<br />
En Suisse, l’ai<strong>de</strong> sociale relève <strong>de</strong> la compétence<br />
<strong>de</strong>s cantons et <strong>de</strong>s communes. La<br />
détermination <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> matérielle concrètement<br />
nécessaire à la garantie du minimum<br />
vital, <strong>de</strong>s efforts d’intégration réalisés ou du<br />
futur remboursement <strong>de</strong>s prestations d’ai<strong>de</strong><br />
sociale perçues varie d’un canton à l’autre,<br />
et même parfois d’une commune à l’autre.<br />
Aucun aperçu exhaustif n’existait à ce jour.<br />
La CSIAS a donc chargé son secteur d’étu<strong>de</strong>s<br />
d’élaborer un monitoring <strong>de</strong> la mise en œuvre<br />
concrète <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> sociale en Suisse. En mai<br />
20<strong>14</strong>, une première série d’entrevues a été<br />
réalisée avec les services sociaux cantonaux.<br />
Dans plusieurs articles, la revue <strong>ZESO</strong><br />
présente une sélection <strong>de</strong> résultats afin <strong>de</strong><br />
donner un aperçu <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong><br />
sociale en Suisse.<br />
Une liste présentant les liens <strong>de</strong>s manuels<br />
cantonaux officiels est publiée sur le site <strong>de</strong><br />
la CSIAS dans l’espace membres sous «CSIAS<br />
interne».<br />
Concepts divergents<br />
Six <strong>de</strong> ces gui<strong>de</strong>s exposent les objectifs<br />
dans leur préface: les gui<strong>de</strong>s doivent servir<br />
d’ai<strong>de</strong> à la décision pour l’appréciation individuelle<br />
et permettre <strong>de</strong> la simplifier et<br />
<strong>de</strong> l’uniformiser. La quête d’égalité <strong>de</strong>vant<br />
la loi et la concrétisation <strong>de</strong>s normes CSIAS<br />
liée à l’application pratique <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> sociale<br />
sous-ten<strong>de</strong>nt toute la démarche. Certains<br />
gui<strong>de</strong>s, tel celui du canton d’Uri, sont<br />
conçus <strong>de</strong> manière généraliste. Ils offrent<br />
un bon aperçu <strong>de</strong>s différentes situations <strong>de</strong><br />
l’ai<strong>de</strong> sociale et présentent les meilleures<br />
solutions. D’autres ouvrages proposent une<br />
liste <strong>de</strong> recommandations librement inspirées<br />
<strong>de</strong> cas pratiques, à l’image <strong>de</strong> celui du<br />
canton <strong>de</strong> Fribourg. Le niveau <strong>de</strong> détail <strong>de</strong>s<br />
différents gui<strong>de</strong>s diverge par ailleurs fortement.<br />
Le manuel du canton <strong>de</strong> Schwyz<br />
donne, par exemple, <strong>de</strong>s recommandations<br />
<strong>de</strong> mise en œuvre courtes et concises.<br />
D’autres ouvrages, tel le gui<strong>de</strong> zurichois,<br />
proposent pour chaque mot-clé une brève<br />
fiche, assortie d’une <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s voies<br />
<strong>de</strong> droit et d’exemples issus <strong>de</strong> la jurispru<strong>de</strong>nce.<br />
Le gui<strong>de</strong> zougois est fortement empreint<br />
d’une vision et d’une terminologie<br />
juridiques, tandis que l’exemplaire bernois<br />
a été rédigé <strong>de</strong> sorte à être accessible à un<br />
large public. Finalement, les gui<strong>de</strong>s cantonaux<br />
se distinguent également quant à leur<br />
facilité d’emploi. Certains sont conçus<br />
pour une utilisation en ligne et permettent<br />
d’accé<strong>de</strong>r directement aux informations<br />
souhaitées par simple clic sur <strong>de</strong>s motsclés.<br />
D’autres gui<strong>de</strong>s sont plutôt <strong>de</strong>stinés à<br />
une utilisation papier.<br />
Quatorze <strong>de</strong>s vingt manuels sont accessibles<br />
en ligne et sont donc très utiles<br />
au personnel <strong>de</strong>s services sociaux, aux bénéficiaires<br />
<strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> sociale et aux autres<br />
personnes intéressées. Six <strong>de</strong>s gui<strong>de</strong>s en<br />
ligne sont toutefois protégés par un mot <strong>de</strong><br />
passe. Dans douze <strong>de</strong>s vingt cantons, le manuel<br />
sert à l’orientation; dans huit cantons,<br />
les dispositions ont force obligatoire. Le<br />
Valais et Fribourg ne disposent certes pas<br />
d’un gui<strong>de</strong> au sens propre, mais d’un recueil<br />
d’instructions détaillées. Six cantons<br />
ne possè<strong>de</strong>nt pas <strong>de</strong> manuel sur le plan<br />
cantonal.<br />
Best Practice<br />
Le manuel <strong>de</strong> la «Conférence bernoise<br />
d’ai<strong>de</strong> sociale» est un exemple particulièrement<br />
réussi. Il comprend 107 mots-clés<br />
concrets et dispense <strong>de</strong>s conseils pratiques<br />
à l’intention <strong>de</strong>s travailleurs sociaux, après<br />
une brève présentation <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> droit.<br />
L’interconnexion <strong>de</strong>s mots-clés offre une<br />
utilisation en ligne optimale. Il est par ailleurs<br />
formulé <strong>de</strong> manière compréhensible<br />
pour tout un chacun. A titre d’exemple:<br />
sous le mot-clé «Lunettes et lentilles <strong>de</strong><br />
contact», le manuel définit les conditions et<br />
le montant <strong>de</strong> prise en charge <strong>de</strong>s lunettes<br />
ou, dans <strong>de</strong>s cas exceptionnels, <strong>de</strong>s lentilles<br />
<strong>de</strong> contact par le service social. •<br />
Christin Kehrli<br />
Secteurs étu<strong>de</strong>s CSIAS<br />
Monitoring <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale 4/<strong>14</strong> ZeSo<br />
9
Les personnes vivant seules sous<br />
l'angle statistique<br />
Les personnes vivant seules à l'ai<strong>de</strong> sociale sont plus fréquemment <strong>de</strong> sexe masculin et d'origine<br />
suisse et plus souvent âgées entre 46 et 64 ans. Par ailleurs, elles sont plus nombreuses que<br />
d'autres groupes <strong>de</strong> personnes à bénéficier d'une formation professionnelle. Néanmoins, leurs<br />
chances sur le marché du travail sont moins bonnes et leur sortie <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale est moins<br />
souvent due à une activité lucrative ou à un revenu plus élevé.<br />
Des analyses menées sur la base <strong>de</strong> la statistique suisse <strong>de</strong>s bénéficiaires<br />
<strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale <strong>de</strong> 2012 font ressortir que les personnes vivant<br />
seules se distinguent <strong>de</strong>s autres bénéficiaires <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale<br />
et qu'elles présentent <strong>de</strong>s caractéristiques différentes <strong>de</strong> celles<br />
i<strong>de</strong>ntifiées jusque-là comme <strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> risque <strong>de</strong> pauvreté et<br />
d'ai<strong>de</strong> sociale. La statistique <strong>de</strong>s bénéficiaires <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale fournit<br />
<strong>de</strong>s informations sur l'ai<strong>de</strong> sociale en Suisse et permet d'examiner<br />
les modifications structurelles au sein du groupe <strong>de</strong>s bénéficiaires.<br />
Une comparaison <strong>de</strong>s statistiques <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale et <strong>de</strong> la<br />
pauvreté (OFS 2009) a montré que la statistique <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale,<br />
qui représente la pauvreté combattue, est un bon indicateur <strong>de</strong> la<br />
question <strong>de</strong> la pauvreté en général. Dès lors, la statistique <strong>de</strong>s bénéficiaires<br />
<strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale fournit une contribution importante au<br />
rapport sur les caractéristiques et les problématiques <strong>de</strong>s groupes<br />
présentant un risque <strong>de</strong> pauvreté ou d'ai<strong>de</strong> sociale en Suisse. Publiés<br />
à un rythme annuel <strong>de</strong>puis 20<strong>04</strong>, les rapports statistiques ont<br />
mis au jour les caractéristiques <strong>de</strong> risque d'obtention <strong>de</strong> prestations<br />
d'ai<strong>de</strong> sociale et ainsi <strong>de</strong> pauvreté: à l'ai<strong>de</strong> sociale, les personnes<br />
entre 18 et 29 ans, les personnes d'origine étrangère, les<br />
personnes divorcées ou vivant séparées et les personnes sans formation<br />
post-obligatoire sont surreprésentées.<br />
Jeter un «coup d'œil statistique» <strong>de</strong>rrière les coulisses. Image: Keystone<br />
Davantage <strong>de</strong> cas d'une seule personne<br />
En ce qui concerne la structure du ménage, les ménages d'une<br />
seule personne et les foyers monoparentaux sont surreprésentés à<br />
l'ai<strong>de</strong> sociale. Depuis 2005, la proportion <strong>de</strong>s cas d'une seule personne<br />
à l'ai<strong>de</strong> sociale augmente continuellement. En parallèle, le<br />
nombre moyen <strong>de</strong> personnes par cas diminue <strong>de</strong> manière tout aussi<br />
régulière (graphique 1). Les cas d'une seule personne peuvent<br />
être répartis en <strong>de</strong>ux groupes: les personnes vivant seules et les personnes<br />
ne vivant pas seules. Cette répartition résulte du fait que<br />
plusieurs cas d'une seule personne peuvent vivre dans le même ménage<br />
et qu'un ménage peut comprendre d'autres membres non bénéficiaires<br />
<strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale. Les analyses suivantes sont concentrées<br />
sur le groupe <strong>de</strong>s personnes vivant seules. Il s'agit là d'individus bénéficiaires<br />
<strong>de</strong> prestations d'ai<strong>de</strong> sociale qui vivent seuls dans un<br />
ménage. En 2012, les personnes vivant seules représentent la majorité<br />
<strong>de</strong>s cas d'une seule personne, à savoir 59%.<br />
La <strong>de</strong>scription du groupe <strong>de</strong>s bénéficiaires <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale vivant<br />
seuls se fait à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s caractéristiques sociodémographiques<br />
recensées dans le cadre <strong>de</strong> la statistique <strong>de</strong>s bénéficiaires <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong><br />
sociale. Une comparaison <strong>de</strong>s caractéristiques <strong>de</strong>s personnes vivant<br />
seules et celles <strong>de</strong>s personnes ne vivant pas seules ou <strong>de</strong> la totalité<br />
<strong>de</strong>s bénéficiaires peut révéler <strong>de</strong>s répartitions différentes <strong>de</strong>s<br />
facteurs <strong>de</strong> risque <strong>de</strong> pauvreté ou d'ai<strong>de</strong> sociale. En ce qui concerne<br />
la proportion <strong>de</strong>s sexes, on constate une différence significative:<br />
le groupe <strong>de</strong>s personnes vivant seules comprend en majorité <strong>de</strong>s<br />
hommes – 62% – alors que la proportion <strong>de</strong> ceux-ci <strong>de</strong>scend à<br />
46% dans les ménages à plusieurs personnes. En considérant<br />
la répartition selon la nationalité, on constate que les personnes<br />
vivant seules sont plus souvent <strong>de</strong> nationalité suisse que les personnes<br />
ne vivant pas seules. Avec 65%, les ressortissants suisses<br />
sont surreprésentés dans le groupe <strong>de</strong>s personnes vivant seules.<br />
Dans les ménages à plusieurs personnes, la proportion respective<br />
se monte à 52%.<br />
Des différences intéressantes apparaissent également dans la<br />
répartition selon l'âge <strong>de</strong>s bénéficiaires <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale au-<strong>de</strong>ssus<br />
<strong>de</strong> 18 ans. Alors que dans les ménages <strong>de</strong> plusieurs personnes, les<br />
20 ZeSo 4/<strong>14</strong> ACCENT
personnes vivant seules<br />
catégories d'âge jusqu'à 35 ans sont plus fortement représentées,<br />
chez les bénéficiaires <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale vivant seuls, les 46 à 55<br />
ans et les 56 à 64 ans sont nettement surreprésentés. En ce qui<br />
concerne l'état civil <strong>de</strong>s bénéficiaires <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 18<br />
ans, on constate sans surprise que quatre personnes vivant seules<br />
sur cinq sont célibataires ou divorcées, alors que près <strong>de</strong> la moitié<br />
<strong>de</strong>s personnes ne vivant pas seules sont mariées.<br />
Malgré une formation professionnelle, plus facilement au<br />
chômage<br />
En considérant les formations <strong>de</strong>s niveaux les plus élevés <strong>de</strong>s personnes<br />
<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 18 ans, on constate qu'avec 54%, la proportion<br />
<strong>de</strong>s personnes vivant seules bénéficiant d'une formation professionnelle<br />
ou universitaire est supérieure à la moyenne, alors que<br />
dans les ménages <strong>de</strong> plusieurs personnes, celles sans formation<br />
professionnelle sont surreprésentées (graphique 2). Il se pose la<br />
question <strong>de</strong>s répercussions <strong>de</strong> cet état <strong>de</strong> fait sur les chances sur le<br />
marché du travail.<br />
Pour la statistique suisse <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale, on recense les données<br />
concernant la situation en matière d'activité lucrative, saisissant<br />
ainsi le nombre <strong>de</strong> personnes exerçant une activité lucrative.<br />
Sont considérées comme actives les personnes qui exercent une<br />
activité lucrative pendant au moins une heure par semaine. Les<br />
personnes qui ne sont pas disponibles pour le marché du travail,<br />
par exemple en raison d'obligations <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> d'enfants, <strong>de</strong> formation<br />
(sans les apprentis) ou d'une incapacité <strong>de</strong> travail temporaire,<br />
sont considérées comme <strong>de</strong>s personnes sans activité lucrative. Le<br />
terme <strong>de</strong> chômeurs désigne les personnes à la recherche d'un emploi<br />
ou actives dans un programme d'intégration professionnelle<br />
ou d'occupation.<br />
Dès lors, une activité lucrative ne suffit pas toujours à assurer<br />
l'entretien sans ai<strong>de</strong> financière. Il s'avère que les personnes vivant<br />
dans <strong>de</strong>s ménages <strong>de</strong> plusieurs personnes exercent plus souvent<br />
une activité lucrative que celles vivant seules, bien que ces <strong>de</strong>rnières<br />
bénéficient tendanciellement d'une meilleure formation.<br />
Pour les ménages <strong>de</strong> plusieurs personnes, un bas revenu d'une<br />
activité lucrative ne suffit toutefois pas à couvrir les besoins accrus.<br />
De même, les personnes sans activité lucrative sont plus<br />
fréquentes dans les ménages <strong>de</strong> plusieurs personnes que dans les<br />
ménages d'une seule personne. Ceci est lié au fait que le non-exercice<br />
d'une activité lucrative est souvent motivé par <strong>de</strong>s obligations<br />
<strong>de</strong> prise en charge <strong>de</strong>s enfants. Chez les personnes vivant seules,<br />
les chômeurs sont nettement surreprésentés: avec 45%, ils constituent<br />
le groupe le plus important. Cela signifie qu'une gran<strong>de</strong><br />
partie <strong>de</strong>s bénéficiaires <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale est à la recherche d'une<br />
activité lucrative.<br />
En examinant d'un peu plus près les groupes d'âge, on obtient<br />
une image plus nuancée. Il s'avère que chez les personnes vivant<br />
seules, le nombre <strong>de</strong> chômeurs est supérieur à la moyenne, notamment<br />
dans les groupes d'âge <strong>de</strong>s 26 à 45 ans, alors que chez<br />
les plus <strong>de</strong> 56 ans, la proportion <strong>de</strong>s personnes sans activité lucrative<br />
augmente. Dans le groupe <strong>de</strong>s 18 à 25 ans, les personnes<br />
avec activité lucrative sont surreprésentées. Chez les personnes ne<br />
vivant pas seules, les personnes avec activité lucrative se trouvent<br />
principalement dans le groupe d'âge <strong>de</strong>s 36 à 45 ans. Associée<br />
aux observations faites ci-<strong>de</strong>ssus, cette constatation fait supposer<br />
que dans le groupe <strong>de</strong>s personnes vivant seules, il s'agit <strong>de</strong> personnes<br />
qui, dès leur âge moyen, ont <strong>de</strong>s problèmes sur le marché<br />
Part <strong>de</strong>s dossiers concernant<br />
une personne<br />
70%<br />
65%<br />
60%<br />
55%<br />
50%<br />
Nombre <strong>de</strong> personnes par<br />
dossier<br />
2,0<br />
2005 2007 2009 2011 2005 2007 2009 2011<br />
Graphique 1: Evolution <strong>de</strong> la structure/<strong>de</strong> la taille <strong>de</strong>s cas. La proportion<br />
<strong>de</strong>s cas d'une personne à l'ai<strong>de</strong> sociale augmente continuellement, le<br />
nombre <strong>de</strong> personnes par cas diminue.<br />
source: OFS<br />
Bénéficiaires d’ai<strong>de</strong> sociale<br />
– selon la formation la plus élevée<br />
Aucune formation professionnelle<br />
Formation professionnelle ou<br />
professionnelle supérieure<br />
– selon la situation d'activité<br />
A<br />
actifs occupés<br />
Personnes sans emploi<br />
Graphique 2: Situation en matière <strong>de</strong> formation et d'activité lucrative.<br />
Une proportion nettement supérieure à la moyenne <strong>de</strong>s bénéficiaires<br />
<strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale vivant seuls dispose d'une formation professionnelle<br />
ou universitaire et est au chômage, c'est-à-dire à la recherche d'une<br />
activité lucrative.<br />
source: OFS<br />
du travail et pour lesquelles une réinsertion dans le marché du<br />
travail est difficile.<br />
Cette supposition est confirmée par une comparaison <strong>de</strong>s<br />
causes <strong>de</strong> la sortie <strong>de</strong>s cas clos en 2012. Alors que les sorties dues<br />
à une amélioration <strong>de</strong> la situation économique (prise d'une activité<br />
lucrative ou augmentation du revenu provenant d'une activité lucrative)<br />
sont moins fréquentes chez les personnes vivant seules que<br />
chez celles ne vivant pas seules, la fin <strong>de</strong> la dépendance <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong><br />
sociale <strong>de</strong>s personnes vivant seules est plus souvent due à la couverture<br />
du minimum vital par d'autres prestations sociales. Chez<br />
les personnes vivant seules, la raison la plus fréquente <strong>de</strong> la sortie<br />
est la fin <strong>de</strong> la compétence, dont un changement <strong>de</strong> domicile ou<br />
les ruptures <strong>de</strong> contact, alors que chez les personnes ne vivant pas<br />
seules, c'est l'amélioration <strong>de</strong>s conditions économiques. •<br />
1,9<br />
1,8<br />
1,7<br />
1,6<br />
1,5<br />
Non actifs ne recherchant<br />
pas d'emploi<br />
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%<br />
Bénéficiaires<br />
vivant seuls<br />
Bénéficiaires ne<br />
vivant pas seuls<br />
Marc Dubach, responsable <strong>de</strong> la Section Ai<strong>de</strong> sociale<br />
Tom Priester, responsable <strong>de</strong> la Section Analyses sociales<br />
Office fédéral <strong>de</strong> la statistique<br />
ACCENT 4/<strong>14</strong> ZeSo<br />
Total<br />
«L'organisation fragmentée <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong><br />
sociale constitue un problème»<br />
Une plus forte centralisation <strong>de</strong>s tâches pourrait contribuer au développement <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale<br />
et ainsi à la solution <strong>de</strong>s problèmes, estime Giuliano Bonoli, professeur <strong>de</strong> politique sociale à<br />
l'IDHEAP, à Lausanne. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une stratégie qui mette véritablement l'accent sur la réinsertion<br />
professionnelle.<br />
Monsieur Bonoli, <strong>de</strong>s villes telles que<br />
Bienne ou Lausanne présentent <strong>de</strong>s<br />
taux d'ai<strong>de</strong> sociale très élevés, et dans<br />
<strong>de</strong>s communes plus petites, obligées<br />
<strong>de</strong> financer <strong>de</strong>s cas individuels<br />
coûteux, le budget est rapi<strong>de</strong>ment<br />
dépassé. Pour certaines communes,<br />
les cas d'ai<strong>de</strong> sociale représentent une<br />
charge beaucoup plus lour<strong>de</strong> que pour<br />
d'autres. Que pensez-vous <strong>de</strong> cette<br />
problématique?<br />
A cet égard, la forte décentralisation et<br />
fragmentation du système suisse d'ai<strong>de</strong><br />
sociale a <strong>de</strong>s effets négatifs. Les communes<br />
ont une gran<strong>de</strong> responsabilité, mais les<br />
communes plus petites, notamment, ne<br />
disposent pas <strong>de</strong>s moyens financiers nécessaires<br />
pour répondre à toutes les exigences<br />
qui y sont liées. En outre, elles manquent<br />
souvent <strong>de</strong> la masse critique ou <strong>de</strong> l'expertise<br />
indispensables, par exemple, à un travail<br />
<strong>de</strong> réinsertion efficace et durable.<br />
La charge inégale que les coûts d'ai<strong>de</strong><br />
sociale représentent pour les communes<br />
<strong>de</strong>vient-elle un risque pour<br />
l'ai<strong>de</strong> sociale?<br />
Pour moi, le risque rési<strong>de</strong> plutôt dans<br />
l'organisation morcelée. Le système décentralisé<br />
présente certes l'avantage <strong>de</strong> la proximité<br />
<strong>de</strong>s gens et <strong>de</strong> la connaissance <strong>de</strong> leur<br />
situation. Et il a bien fonctionné tant que<br />
seule une petite minorité vivant à la marge<br />
<strong>de</strong> la société recourait à l'ai<strong>de</strong> sociale.<br />
Aujourd'hui, la situation est différente:<br />
pour <strong>de</strong> nombreuses personnes, le contact<br />
avec l'ai<strong>de</strong> sociale fait partie <strong>de</strong> leur quotidien.<br />
Dans cette situation, les inconvénients<br />
du système actuel l'emportent. Une<br />
plus forte centralisation <strong>de</strong>s tâches pourrait<br />
contribuer à résoudre les problèmes.<br />
Le seul moyen permettant <strong>de</strong> maîtriser<br />
les coûts <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale, à long terme,<br />
consiste à accompagner ces personnes vers<br />
l'autonomie et le marché du travail. Si la<br />
Confédération participait aux coûts, elle<br />
pourrait poser <strong>de</strong>s exigences axées sur <strong>de</strong>s<br />
solutions – par exemple dans le domaine<br />
<strong>de</strong> la réinsertion professionnelle qui, pour<br />
moi, est l'un <strong>de</strong>s critères clés.<br />
L'UDC réclame pratiquement l'inverse.<br />
Plus d'autonomie pour les<br />
communes, et en même temps, les<br />
prestations <strong>de</strong>vraient être réduites<br />
massivement. Quel est l'aspect positif<br />
<strong>de</strong> cette proposition, quel est l'aspect<br />
négatif?<br />
Je comprends qu'on avance <strong>de</strong> telles<br />
propositions. Les statistiques montrent que<br />
les dépenses <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale ont augmenté<br />
continuellement <strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong>s années<br />
1990. Je pense que la revendication<br />
<strong>de</strong> réduire les prestations d'ai<strong>de</strong> sociale est<br />
fortement liée à ce fait. Pour exercer une<br />
pression afin qu'une personne intensifie<br />
ses efforts d'intégration, je n'exclurais pas<br />
systématiquement <strong>de</strong>s réductions. Mais<br />
une réduction <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale dans le seul<br />
but <strong>de</strong> diminuer les frais ne résoudrait<br />
pas la véritable problématique. Car les<br />
pauvres, les chômeurs et les personnes qui<br />
ne travaillent pas existeront toujours, et en<br />
réduisant les prestations, on crée surtout<br />
<strong>de</strong> nouveaux problèmes.<br />
«Dans les pays<br />
scandinaves, les<br />
prestations sont<br />
liées à un système<br />
global d'activation.»<br />
Lesquels?<br />
Par exemple la pauvreté croissante <strong>de</strong>s<br />
familles: un enfant qui grandit dans un<br />
environnement <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s privations présente<br />
un risque important que ses possibilités<br />
<strong>de</strong> développement soient restreintes<br />
et que ce handicap continue à agir toute sa<br />
vie. Il faudrait dès lors très bien réfléchir à<br />
la question <strong>de</strong> savoir si une diminution <strong>de</strong>s<br />
prestations d'ai<strong>de</strong> sociale aboutit au but<br />
recherché. Personnellement, je considère<br />
les coûts accrus dans l'ai<strong>de</strong> sociale plutôt<br />
comme une sorte <strong>de</strong> frais annexes <strong>de</strong> la<br />
compétition croissante et d'autres mouvements<br />
compensatoires <strong>de</strong> l'économie globalisée.<br />
Une solution satisfaisante nécessite<br />
donc <strong>de</strong>s visions bien plus globales que<br />
<strong>de</strong> simples réductions <strong>de</strong>s prestations.<br />
Dans le cadre <strong>de</strong> vos recherches, vous<br />
observez les systèmes sociaux d'autres<br />
pays européens. Quelles approches<br />
seraient intéressantes également pour<br />
l'ai<strong>de</strong> sociale suisse?<br />
Dans les pays scandinaves, les prestations<br />
sont liées à un système global d'activation.<br />
Ceci minimise le risque qu'une personne<br />
ne s'installe confortablement dans<br />
le réseau <strong>de</strong> l'Etat social. Au Danemark, où<br />
les prestations <strong>de</strong> l'assurance chômage sont<br />
octroyées bien plus longtemps, les sans-emploi<br />
bénéficient, dès le <strong>de</strong>uxième ou le<br />
troisième mois, d'un accompagnement au<br />
cours duquel les conseillers exercent aussi<br />
une pression à l'encontre <strong>de</strong>s clients. A<br />
mon avis, une réforme dans ce sens serait<br />
préférable, bien qu'à première vue, elle soit<br />
plus coûteuse.<br />
Quels sont les arguments avec lesquels<br />
vous espérez gagner les détracteurs <strong>de</strong><br />
l'ai<strong>de</strong> sociale à ce modèle?<br />
En Gran<strong>de</strong>-Bretagne ou aux Etats-Unis,<br />
c'est une voie «moins onéreuse» qui a été<br />
10 ZeSo 4/<strong>14</strong> Interview
Giuliano Bonoli<br />
Originaire du Tessin, Giuliano Bonoli (né en<br />
1968) a fait <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s aux universités <strong>de</strong><br />
Genève, <strong>de</strong> Leeds et <strong>de</strong> Kent où il a obtenu<br />
un doctorat en «Social Policy and Administration».<br />
Depuis 2005, il travaille comme<br />
professeur <strong>de</strong> politique sociale à l'Institut <strong>de</strong>s<br />
hautes étu<strong>de</strong>s en administration publique<br />
(IDHEAP) <strong>de</strong> l'Université <strong>de</strong> Lausanne. Ses<br />
accents thématiques portent sur la politique<br />
familiale, les politiques du marché du travail<br />
ainsi que <strong>de</strong> la vieillesse et <strong>de</strong>s rentes.<br />
choisie: elle consiste dans <strong>de</strong>s réductions<br />
<strong>de</strong>s montants, voire <strong>de</strong> la durée <strong>de</strong>s prestations.<br />
Mais cette voie a provoqué <strong>de</strong>s dégâts<br />
collatéraux au plan social: la pauvreté<br />
ne réduit pas uniquement les chances <strong>de</strong><br />
succès. Les enfants dont les parents ne travaillent<br />
pas manquent également <strong>de</strong> vision<br />
d'une propre carrière professionnelle, par<br />
ex. Et lorsqu'on considère la situation en<br />
Gran<strong>de</strong>-Bretagne ou aux Etats-Unis, on<br />
ne doit jamais perdre <strong>de</strong> vue la criminalité.<br />
Aux Etats-Unis, les tensions sociales et<br />
un taux élevé <strong>de</strong> criminalité constituent<br />
un problème nettement plus grand qu'en<br />
Europe. Il ne faut pas croire que la diminution<br />
<strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale telle qu'elle est revendiquée<br />
n'ait pas d'inci<strong>de</strong>nces négatives.<br />
Il suffit <strong>de</strong> se promener dans un quartier<br />
pauvre d'une ville anglaise pour voir les <br />
Interview 4/<strong>14</strong> ZeSo<br />
11
Images: Béatrice Devènes<br />
<br />
différences. Sur les vêtements, sur l'expression<br />
<strong>de</strong>s visages <strong>de</strong>s gens, sur l'état <strong>de</strong>s<br />
bâtiments... A terme, l'Etat <strong>de</strong>vra faire face<br />
à <strong>de</strong> nouveaux coûts supplémentaires, par<br />
exemple pour la police ou les prisons. Je<br />
suis persuadé que les Suisses ne sont pas<br />
prêts à mettre la cohésion sociale en jeu.<br />
Les solutions scandinaves fonctionnent<br />
dans <strong>de</strong>s pays gouvernés <strong>de</strong><br />
manière centralisée. La Suisse a <strong>de</strong>s<br />
structures beaucoup plus fédéralistes.<br />
Il est évi<strong>de</strong>nt que la solution <strong>de</strong>vrait<br />
être adaptée aux conditions suisses.<br />
L'Allemagne fonctionne aussi <strong>de</strong> manière<br />
fédéraliste, les communes sont compétentes<br />
en matière d'ai<strong>de</strong> sociale, alors que<br />
l'assurance chômage est l'affaire du gouvernement<br />
national. La réforme Hartz IV a<br />
obligé les communes et l'agence fédérale <strong>de</strong><br />
l'emploi à se rencontrer et à créer ensemble<br />
<strong>de</strong> nouvelles offres. Cette collaboration a<br />
abouti aux «Jobcentres» qui sont autant au<br />
service <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale que <strong>de</strong> l'assurance<br />
chômage. Les compétences ainsi regroupées<br />
sont exploitées <strong>de</strong> manière efficace.<br />
Hartz IV a un problème d'image.<br />
Quelles sont les raisons <strong>de</strong> la réputation<br />
désastreuse <strong>de</strong> Hartz IV?<br />
La réputation négative <strong>de</strong> Hartz IV n'a<br />
rien à voir avec le modèle <strong>de</strong>s Jobcentres.<br />
Elle est due au fait qu'avec la réforme,<br />
l'ai<strong>de</strong> aux chômeurs (Arbeitslosenhilfe) a<br />
été supprimée et remplacée par <strong>de</strong>s prestations<br />
d'ai<strong>de</strong> sociale – une rupture <strong>de</strong> taille.<br />
La Suisse ne connaît pas d'ai<strong>de</strong> au chômage<br />
telle qu'elle existait en Allemagne.<br />
En Suisse, un modèle Hartz IV ne serait<br />
donc pas lié à un démantèlement<br />
<strong>de</strong>s prestations d'ai<strong>de</strong> sociale ?<br />
Les prestations d'ai<strong>de</strong> sociale n'en seraient<br />
pas remises en cause. Le modèle <strong>de</strong>s<br />
Jobcentres a l'avantage <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s structures<br />
qui regroupent les compétences, <strong>de</strong><br />
telle sorte que toutes les instances concernées<br />
œuvrent ensemble en vue <strong>de</strong> la réinsertion<br />
définie comme objectif principal.<br />
Les efforts accrus <strong>de</strong> réinsertion sont<br />
l'un <strong>de</strong>s aspects. Mais où trouver les<br />
emplois nécessaires à une réinsertion<br />
intensifiée <strong>de</strong>s personnes au chômage?<br />
En matière <strong>de</strong> réinsertion, le <strong>de</strong>uxième<br />
marché du travail joue un rôle important.<br />
On pourrait mettre en place <strong>de</strong>s éléments<br />
incitant les entreprises sociales à travailler<br />
dans le but <strong>de</strong> transférer les personnes qui<br />
en sont capables dans le premier marché<br />
<strong>de</strong> l'emploi. Mais il serait illusoire <strong>de</strong> croire<br />
que l'on puisse proposer une situation <strong>de</strong><br />
travail stable à tout le mon<strong>de</strong>. Les meilleurs<br />
programmes d'intégration pour <strong>de</strong>s publics<br />
désavantagés présentent <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong><br />
placement <strong>de</strong> 40 à 45%.<br />
Que fait-on <strong>de</strong>s personnes qui ne sont<br />
pas ou plus en mesure <strong>de</strong> travailler?<br />
Pour les personnes peu avant la retraite,<br />
les possibilités d'une réinsertion sont fortement<br />
limitées – pour <strong>de</strong> tels cas, il y a <strong>de</strong>s<br />
programmes <strong>de</strong> transition. Pourtant, l'objectif<br />
fondamental doit rester la réinsertion<br />
<strong>de</strong> toutes et <strong>de</strong> tous. Ceci également du fait<br />
qu'il faut éviter les prophéties auto-réalisatrices<br />
qui imposent à une personne un<br />
«comportement attendu». Ceux qui sont<br />
plus lents ou qui ont plus <strong>de</strong> peine doivent<br />
également avoir leur chance. Dans un Jobcentre<br />
<strong>de</strong> Berlin, j'ai pu voir comment cela<br />
peut fonctionner: en développant <strong>de</strong>s programmes<br />
d'insertion différents pour <strong>de</strong>s<br />
groupes différents.<br />
Quel est le rôle du premier marché du<br />
travail? L'Etat doit-il soutenir financièrement<br />
les employeurs qui engagent<br />
<strong>de</strong>s bénéficiaires <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale ou<br />
<strong>de</strong>s chômeurs en fin <strong>de</strong> droit?<br />
C'est une pratique que certains cantons<br />
ont déjà adoptée et qui fonctionne<br />
assez bien. L'Etat verse <strong>de</strong>s paiements <strong>de</strong><br />
compensation pendant une phase <strong>de</strong> démarrage<br />
<strong>de</strong> six ou douze mois. Peut-être<br />
12 ZeSo 4/<strong>14</strong> Interview
case départ pour développer un tout nouveau<br />
système est également lié à <strong>de</strong>s coûts<br />
et à <strong>de</strong>s risques inconnus.<br />
«Il ne suffit pas d'avoir une élite<br />
bien qualifiée.»<br />
<strong>de</strong>vrait-on pouvoir prolonger ces délais en<br />
fonction <strong>de</strong> la situation, en veillant toutefois<br />
à empêcher <strong>de</strong>s abus <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s<br />
employeurs.<br />
nous <strong>de</strong>vons investir dans les enfants, dans<br />
<strong>de</strong>s formations et perfectionnements professionnels<br />
largement appuyés et dans la<br />
réinsertion.<br />
Où sont les limites <strong>de</strong> l'Etat social?<br />
Récemment, la presse gratuite a rapporté<br />
le cas d'un bénéficiaire <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale,<br />
à Fribourg, qui s'est vu payer un conseil<br />
en relooking. Je porte un regard pragmatique<br />
sur les choses. Si cela permet à cette<br />
personne qui avait négligé son apparence<br />
d'avoir <strong>de</strong> meilleures chances <strong>de</strong> trouver<br />
un emploi – pourquoi pas? Selon le cas,<br />
c'est donc justifié. D'autre part, l'Etat n'a<br />
pas pour tâche d'assurer qu'une personne<br />
mène une vie heureuse, par exemple, en renonçant<br />
à lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r tout sacrifice.<br />
L'un <strong>de</strong>s accents <strong>de</strong> votre recherche<br />
porte sur les «nouveaux risques sociaux».<br />
Où voit-on apparaître ceux-ci?<br />
Autrefois, le plus grand risque social<br />
était qu'un père <strong>de</strong> famille ne trouve pas <strong>de</strong><br />
travail pendant un certain temps ou qu'il<br />
tombe mala<strong>de</strong> et ne puisse plus travailler.<br />
Aujourd'hui, la situation est complètement<br />
différente: nous avons <strong>de</strong> nombreuses familles<br />
monoparentales, nous avons le problème<br />
<strong>de</strong> la conciliation entre travail et famille<br />
et nous avons davantage <strong>de</strong> chômeurs<br />
<strong>de</strong> longue durée, davantage <strong>de</strong> familles<br />
working poor, etc. Les assurances sociales<br />
n'intègrent pas suffisamment ces risques.<br />
Il faut <strong>de</strong> nouveaux instruments.<br />
Quelles <strong>de</strong>vraient être les cibles <strong>de</strong> ces<br />
nouveaux instruments?<br />
En tenant compte <strong>de</strong>s évolutions sociales,<br />
dont entre autres le nombre croissant<br />
<strong>de</strong> bénéficiaires d'une rente qui<br />
représente une charge pour l'assurance<br />
vieillesse, nous <strong>de</strong>vons investir dans la productivité<br />
et dans le capital humain existant.<br />
Il ne suffit pas d'avoir une élite bien qualifiée.<br />
Pour maintenir la société en forme,<br />
Voyez-vous un potentiel d'amélioration<br />
directement dans le système <strong>de</strong>s<br />
assurances sociales?<br />
Le système est bien développé, mais<br />
la coordination doit impérativement être<br />
améliorée. La collaboration interinstitutionnelle<br />
ne fonctionne que <strong>de</strong> manière<br />
restreinte. Je vois beaucoup <strong>de</strong> bonne volonté<br />
<strong>de</strong> coopérer, mais quand il s'agit <strong>de</strong><br />
la question du financement d'une mesure,<br />
la réaction est évi<strong>de</strong>nte: si c'est l'autre institution<br />
qui paie, c'est préférable pour moi!<br />
Les conditions cadre actuelles font que<br />
les institutions accor<strong>de</strong>nt une importance<br />
plus gran<strong>de</strong> à leurs intérêts propres qu'à la<br />
solution la plus adéquate pour les clients<br />
respectifs.<br />
Est-ce un argument supplémentaire en<br />
faveur <strong>de</strong> structures plus centralisées<br />
dans les assurances sociales?<br />
Peut-être. En tout cas, les ressources<br />
et l'énergie gaspillées en trimballant les<br />
clients entre l'AC, l'AI et l'ai<strong>de</strong> sociale pourraient<br />
être mieux utilisées. De là à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />
tout <strong>de</strong> suite <strong>de</strong>s réformes fondamentales,<br />
je n'irais pas aussi loin. Le retour à la<br />
Que signifient les évolutions évoquées<br />
pour l'ai<strong>de</strong> sociale?<br />
Beaucoup <strong>de</strong> choses sont déjà une réalité.<br />
Les familles monoparentales, les<br />
working poor... Si l'on veut résoudre ces<br />
problèmes par la seule distribution <strong>de</strong><br />
prestations, on ne réussira jamais. Dans<br />
le contexte politique et compte tenu <strong>de</strong>s<br />
attaques contre l'ai<strong>de</strong> sociale, un discours<br />
réclamant exclusivement les droits <strong>de</strong>s bénéficiaires<br />
<strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale est peu prometteur.<br />
Il faut plutôt une stratégie qui mette<br />
l'accent sur la réinsertion professionnelle.<br />
On doit tout mettre en œuvre pour que les<br />
personnes aient la possibilité <strong>de</strong> travailler,<br />
et accepter que la réalisation <strong>de</strong> cet objectif<br />
a son prix. Et finalement, il ne faudrait<br />
pas chercher toutes les solutions auprès <strong>de</strong><br />
l'ai<strong>de</strong> sociale dans le sens étroit du terme.<br />
On pourrait miser davantage sur les prestations<br />
complémentaires pour familles. On<br />
pourrait aussi modifier le système fiscal<br />
ou envisager davantage <strong>de</strong> solutions sur le<br />
plan fédéral.<br />
•<br />
Propos recueillis par<br />
Michael Fritschi<br />
Interview 4/<strong>14</strong> ZeSo<br />
13
Ai<strong>de</strong>r les personnes souffrant <strong>de</strong> maladies<br />
psychiques à s’ai<strong>de</strong>r elles-mêmes<br />
En Suisse, une personne sur <strong>de</strong>ux est atteinte d’un trouble psychique au cours <strong>de</strong> sa vie. La Fondation<br />
Pro Mente Sana s’engage en faveur <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>s personnes souffrant <strong>de</strong> problèmes psychiques et<br />
d’une meilleure compréhension <strong>de</strong> celles-ci.<br />
La thématique <strong>de</strong> la santé psychique a pris<br />
<strong>de</strong> plus en plus d’importance au cours <strong>de</strong><br />
ces <strong>de</strong>rnières années. Ceci peut tout<br />
d’abord être considéré dans la perspective<br />
<strong>de</strong> la maladie et <strong>de</strong>s coûts. Aujourd’hui,<br />
49% <strong>de</strong>s nouvelles rentes AI sont octroyées<br />
en raison d’une atteinte psychique. Cette<br />
évolution ne cesse <strong>de</strong> s’intensifier. Entre<br />
1995 et 2012, le taux a triplé, bien que le<br />
nombre total <strong>de</strong> nouvelles rentes ait baissé.<br />
L’octroi d’une rente pour raisons psychiques<br />
est souvent précédé d’un long<br />
processus <strong>de</strong> désintégration professionnelle<br />
et <strong>de</strong> longues phases d’examens. Les<br />
personnes bénéficiant d’une formation<br />
supérieure et ayant une bonne position<br />
professionnelle en sont, elles aussi, concernées<br />
<strong>de</strong> plus en plus souvent. 11% <strong>de</strong>s<br />
nouveaux bénéficiaires d’une rente ont un<br />
revenu annuel <strong>de</strong> 130 000 francs ou plus.<br />
L’importance générale <strong>de</strong>s problèmes psychiques<br />
est confirmée par les faits suivants:<br />
un Suisse sur <strong>de</strong>ux est atteint, une fois dans<br />
sa vie, d’un trouble psychique nécessitant<br />
un traitement. Et pratiquement chaque<br />
habitant <strong>de</strong> notre pays est confronté directement<br />
à <strong>de</strong>s troubles psychiques dans sa<br />
famille, dans son entourage professionnel<br />
ou dans ses loisirs.<br />
Ce qui rend particulièrement difficile<br />
une prise en charge adéquate <strong>de</strong>s personnes<br />
concernées, c’est le fait que les<br />
maladies <strong>de</strong> la psyché font l’objet d’un<br />
fort tabou. En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’auto-stigmatisation<br />
par l’auto-dévalorisation, on observe<br />
également une stigmatisation par <strong>de</strong>s<br />
plate-forme<br />
La <strong>ZESO</strong> offre cette page à <strong>de</strong>s organisations<br />
partenaires pour presenter leur travail et leur<br />
organisation. Dans cette édition, à la fondation<br />
Pro Mente Sana.<br />
professionnels. Des étu<strong>de</strong>s montrent que<br />
même <strong>de</strong>s professionnels prennent leurs<br />
distances sociales vis-à-vis <strong>de</strong>s maladies<br />
psychiques. Cette stigmatisation apparaît<br />
dans les dimensions <strong>de</strong> la culpabilisation<br />
(attribuer la responsabilité à quelqu’un),<br />
<strong>de</strong> l’imprévisibilité et <strong>de</strong> la dangerosité<br />
(ne pas pouvoir prévoir le comportement<br />
<strong>de</strong> l’autre et développer ainsi <strong>de</strong>s peurs) et<br />
<strong>de</strong> l’incurabilité (supposer qu’être psychiquement<br />
mala<strong>de</strong> une fois revient à être psychiquement<br />
mala<strong>de</strong> pour toujours).<br />
Sous l’angle <strong>de</strong> l’économie nationale, il<br />
est choquant <strong>de</strong> constater la faible utilisation<br />
du potentiel <strong>de</strong> travail <strong>de</strong>s personnes<br />
souffrant d’une maladie psychique. Ainsi,<br />
il n’est pas étonnant que les modèles <strong>de</strong><br />
réinsertion, dans le processus <strong>de</strong> travail<br />
après une crise psychique, n’existent pratiquement<br />
plus. Et ceci, bien que le travail<br />
soit considéré comme la mesure la plus<br />
efficace pour participer à nouveau à la vie<br />
sociale. Par ailleurs, une prise en charge<br />
systématique <strong>de</strong>s risques réels, tels que la<br />
dépendance d’une rente, le suici<strong>de</strong> ou le<br />
salaire en cas <strong>de</strong> maladie est encore peu<br />
développée. La nécessité, pour la Suisse, <strong>de</strong><br />
faire <strong>de</strong>s pas importants dans le domaine<br />
du travail et <strong>de</strong> la réinsertion est également<br />
soulignée par un rapport <strong>de</strong> l’OCDE<br />
publié au printemps 20<strong>14</strong>.<br />
Maladies guérissables<br />
A l’opposé du regard centré sur la maladie,<br />
on peut adopter la perspective <strong>de</strong> la guérison.<br />
Dans les sciences sociales, ces réflexions<br />
ont leurs sources dans les étu<strong>de</strong>s<br />
du psychologue Aaron Antonovsky, qui a<br />
étudié les raisons pour lesquelles certaines<br />
personnes réussissent, en dépit <strong>de</strong> circonstances<br />
les plus défavorables, à rester en<br />
bonne santé, voire à développer leurs<br />
forces. Il a regroupé les travaux sur cette<br />
question sous la désignation <strong>de</strong> recherche<br />
sur la résilience. Alors que dans le domaine<br />
Encore et toujours un tabou: il faudrait parler<br />
davantage <strong>de</strong>s maladies psychiques.<br />
somatique, la guérison est largement considérée<br />
comme une évi<strong>de</strong>nce, cette hypothèse<br />
n’est pas aussi facilement admise<br />
dans celui <strong>de</strong> la psyché. Des approches récentes<br />
en matière <strong>de</strong> santé ou <strong>de</strong> rétablissement<br />
s’appuient sur la possibilité <strong>de</strong> guérir<br />
les maladies psychiques. A cet égard, il est<br />
essentiel que les personnes concernées<br />
s’engagent elles-mêmes dans un processus<br />
<strong>de</strong> guérison. Elles doivent apprendre à reconnaître<br />
que la maladie fasse partie <strong>de</strong><br />
leur personne sans pour autant s’i<strong>de</strong>ntifier<br />
avec celle-ci.<br />
Conseiller les personnes concernées<br />
C’est dans cette problématique que Pro<br />
Mente Sana s’investit. La fondation s’engage<br />
en faveur <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong>s personnes<br />
psychiquement mala<strong>de</strong>s et elle combat les<br />
préjugés et les discriminations. Elle œuvre<br />
32 ZeSo 4/<strong>14</strong> plate-forme
Créée en 1978, la fondation Pro Mente Sana<br />
s‘engage en faveur <strong>de</strong>s personnes psychiquement<br />
atteintes en Suisse. Ses services<br />
comprennent un conseil téléphonique gratuit en<br />
cas <strong>de</strong> problèmes psychosociaux et, dès mars<br />
2015, un conseil par e-mail. Pro Mente Sana<br />
publie <strong>de</strong>s gui<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s brochures d‘information<br />
sur les maladies psychiques et informe sur les<br />
évolutions en psychiatrie ainsi que sur les signes<br />
cliniques <strong>de</strong> la maladie et le traitement <strong>de</strong> celleci.<br />
En <strong>de</strong>hors du Secrétariat général à Zurich,<br />
la fondation gère une filiale à Genève et une<br />
«antenne» à Mendrisio. Elle est financée par<br />
<strong>de</strong>s contributions publiques <strong>de</strong> la Confédération,<br />
<strong>de</strong>s cantons et <strong>de</strong>s communes, par <strong>de</strong>s dons,<br />
ainsi que par le produit du capital <strong>de</strong> fondation et<br />
<strong>de</strong>s services.<br />
dans l’opinion publique afin d’améliorer la<br />
compréhension <strong>de</strong>s personnes souffrant <strong>de</strong><br />
maladies psychiques, elle encourage les personnes<br />
concernées à s’ai<strong>de</strong>r elles-mêmes et<br />
elle s’engage en faveur <strong>de</strong> l’empowerment<br />
(autonomisation) ainsi que <strong>de</strong>s traitements<br />
visant le rétablissement. Pro Mente Sana se<br />
bat pour les droits ainsi que pour l’intégration<br />
sociale et professionnelle <strong>de</strong>s personnes<br />
concernées en encourageant et en soutenant<br />
les projets et services axés sur le droit à<br />
l’autodétermination.<br />
En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> son activité clé – le conseil<br />
social et juridique aux personnes ayant<br />
bénéficié d’une rente ces <strong>de</strong>rnières années –<br />
Pro Mente Sana s’est désormais engagée<br />
notamment dans les projets «Information<br />
aux écoles», «Offres visant le rétablissement»<br />
et «Directives anticipées <strong>de</strong>s patients<br />
psychiatriques». Sur invitation, Pro Mente<br />
Sana mène <strong>de</strong>s campagnes d’information<br />
dans <strong>de</strong>s classes d’école sur les maladies<br />
Image: Keystone<br />
psychiques et réalise, avec elles, <strong>de</strong>s formations<br />
<strong>de</strong> type trialogique. Trialogique<br />
signifie qu’à chaque fois, une personne<br />
concernée, un ou une proche ainsi qu’une<br />
personne experte informent et discutent sur<br />
<strong>de</strong>s questions relatives à un type <strong>de</strong> maladie<br />
donné, à la manière <strong>de</strong> vivre avec cette maladie<br />
et à la perspective professionnelle. Ce<br />
qui est important, dans cette approche, c’est<br />
que chaque point <strong>de</strong> vue a sa propre vérité.<br />
En admettant, dans l’attitu<strong>de</strong> recovery,<br />
que la guérison est en principe possible,<br />
Pro Mente Sana a par ailleurs mis en place<br />
une série <strong>de</strong> cours <strong>de</strong>stinés aux personnes<br />
concernées. Ces cours s’inscrivent dans<br />
la tradition <strong>de</strong> l’«Ex-In-Weiterbildung»,<br />
née en Allemagne, dans laquelle <strong>de</strong>s personnes<br />
ayant <strong>de</strong> l’expérience en matière <strong>de</strong><br />
psychiatrie sont associées. Dans le modèle<br />
<strong>de</strong> base, il s’agit <strong>de</strong> créer une plate-forme<br />
permettant aux personnes concernées une<br />
gestion soli<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur propre maladie. Dans<br />
www.promentesana.ch<br />
les modules suivants, les participants sont<br />
préparés au travail <strong>de</strong> pair (expert par expérience).<br />
Ainsi, Pro Mente Sana peut recourir<br />
dans son travail, <strong>de</strong> plus en plus souvent, à<br />
<strong>de</strong>s pairs qui, au travers d’une grave crise,<br />
ont développé une force considérable et qui<br />
sont volontiers prêts à partager leur expérience<br />
avec d’autres personnes concernées.<br />
En outre, Pro Mente Sana a commencé, en<br />
2013, en collaboration avec trois cliniques,<br />
à remanier un projet existant <strong>de</strong> directives<br />
anticipées <strong>de</strong> patients psychiatriques. Dans<br />
ce projet, le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> travail est également<br />
trialogique, c’est-à-dire qu’il inclut <strong>de</strong>s<br />
proches, <strong>de</strong>s personnes concernées et <strong>de</strong>s<br />
professionnels. Les documents peuvent<br />
être consultés sur le site web. Une équipe<br />
juridique et psychosociale répond aux questions<br />
et fournit un conseil.<br />
•<br />
Sabine Schläppi<br />
Secrétaire générale Pro Mente Sana<br />
plate-forme 4/<strong>14</strong> ZeSo<br />
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