Fr-20-07-2013 - Algérie news quotidien national d'information
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2 > A L A U N E<br />
LE LIEN<br />
Yacine Chabi<br />
L'illusion<br />
de l'import<br />
Qui contrôle les marchés et les<br />
prix en <strong>Algérie</strong>? A cette<br />
question, même les ministres<br />
du gouvernement Sellal et ceux<br />
d'avant n'ont pas réussi à y<br />
répondre. A l'approche de<br />
chaque ramadhan, on évoque le<br />
même refrain. Pour éviter que<br />
les prix ne flambent, il faut<br />
éradiquer les intermédiaires et<br />
les spéculateurs. Pas une fois<br />
nous avons pu voir à quoi<br />
pouvait ressembler un<br />
spéculateur. Pas une seule fois<br />
nous avons entendu parler d'un<br />
procès en justice impliquant des<br />
spéculateurs, des grossistes en<br />
fruits et légumes, des<br />
mandataires en viandes<br />
blanches, accusés<br />
d'enrichissement illégal ou<br />
encore entrave au code du<br />
commerce. D'ailleurs, la loi<br />
algérienne ne condamne pas ce<br />
genre de délit. La spéculation<br />
est immorale certes mais pas<br />
illégale. Trois ministres en<br />
charge directe du bien-être de<br />
l'estomac des <strong>Algérie</strong>ns durant<br />
le mois de jeûne ont déclaré<br />
presque en simultané que tout<br />
sera fait pour maintenir les prix.<br />
Les mêmes ministres ont par la<br />
suite précisé que les prix<br />
allaient connaître une hausse<br />
durant la première semaine<br />
pour ensuite se stabiliser. Les<br />
mêmes trois responsables<br />
visionnaires ont appelé presque<br />
en même temps les citoyens à<br />
faire preuve de retenue. Mais<br />
aucun des trois ministres n'a<br />
annoncé que certains<br />
opérateurs allaient être<br />
autorisés à importer de la<br />
viande fraîche sous vide<br />
d'origine espagnole. Une telle<br />
annonce aurait pu avoir des<br />
répercussions sur le prix de la<br />
viande locale, mais nos trois<br />
experts ont jugé inutile de le<br />
faire !<br />
Ainsi, le problème de la viande<br />
est réglé. Celui des fruits et<br />
légumes le sera aussi puisque<br />
nous commençons à importer<br />
certains légumes. Nous<br />
étalerons cela à d'autres<br />
produits, à mesure que nos<br />
responsables comprennent qu'il<br />
est plus facile d'importer que<br />
de faire baisser les prix des<br />
produits locaux ou d'améliorer<br />
la production et la productivité<br />
locale. La solution facile est<br />
celle qui donne l'impression<br />
que tout va bien alors que tout<br />
va très très mal. Un produit<br />
agricole importé est un produit<br />
que l'on ne pourra plus<br />
produire chez nous. Ce sont des<br />
postes d'emploi en plus à créer,<br />
un savoir-faire disparu à jamais.<br />
Concurrencés par la viande fraîche importée<br />
Le blues des bouchers<br />
A chaque mois de ramadhan, cette catégorie de commerçants est élevée au rang de rois des<br />
marchés. On s'y bouscule et on y laisse des plumes. Mais cette année marque un tournant.<br />
Nous sommes déjà à dix jours du mois<br />
sacré de ramadhan. Chez les bouchers<br />
que nous avons abordés à<br />
Alger, c'est plutôt le calme plat. Les<br />
prix affichent 1 480 DA/le kilo. Pour le foie,<br />
très prisé en cette période de jeûne, il faut<br />
compter 2 400 DA/le kilo et ne pas oublier de<br />
passer commande trois jours à l'avance. «Les<br />
gens sont venus en nombre deux ou trois jours<br />
avant le début de ramadhan. Certains ont fait<br />
des achats pour la semaine. Il est vrai que les<br />
prix sont très élevés, mais nous n'y sommes<br />
pour rien », nous affirme Hamid, bouchers de<br />
père en fils. Pour notre interlocuteur, qui<br />
exerce depuis plus de vingt-cinq ans, ce qui se<br />
passe cette année signe le début d'une nouvelle<br />
ère. « On nous reproche souvent d'être des<br />
profiteurs. Cette année, les profiteurs ce n'est<br />
pas nous. Les années précédentes, à cette<br />
heure-ci de la journée (15h00 ndlr), il ne me<br />
reste rien à vendre, tout est liquidé.<br />
Maintenant, constatez cela par vous-même, le<br />
frigo est toujours plein. Les gens n'achètent<br />
plus ou bien ils ont trouvé leur bonheur ailleurs.<br />
»<br />
En effet, l'année <strong>20</strong>13 a vu pour la première<br />
fois l'importation de viande fraîche sous-vide,<br />
<strong>Fr</strong>uits et légumes<br />
Baisse des prix après dix jours de jeûne<br />
Les commerçants et citoyens ont rarement<br />
connu cette situation. D'habitude, la tendance<br />
haussière des prix des fruits et légumes<br />
se maintient durant tout le mois sacré.<br />
Cette année, les prix ont sensiblement baissé au<br />
bout d’une dizaine de jours. Hier, nous avons<br />
constaté que le prix des fruits et légumes de saison<br />
ont connu une baisse, parfois légère, comparé<br />
au premier jour du mois sacré. Pour les<br />
commerçants que nous avons pu interroger, ils<br />
semblent unanimes sur un point : la baisse de<br />
la demande qui explique tout. « Les trois jours<br />
qui ont précédé le début du mois sacré, les gens<br />
avaient contracté la fièvre acheteuse. Tous se<br />
procuraient tout et n'importe quoi. Résultat,<br />
certains marchands ont profité de cette situation.<br />
Mais en réalité, on n'arrivait plus à satisfaire<br />
la demande ». Pour ce qui est de la situation<br />
aujourd'hui, notre interlocuteur répond.<br />
« Aujourd'hui, nous ne trouvons plus à qui<br />
vendre. Même en baissant les prix, il n'y a pas<br />
preneur », fulmine Fayçal, un commerçant.<br />
Pour illustrer ses dires, il explique : « La tomate<br />
en provenance du Brésil et d'Espagne. Celle-ci<br />
est vendue à 900 DA/le kilo, les consommateurs<br />
auront vite fait leur choix. « Au début, les<br />
gens étaient réticents. Après l'avoir essayée, ils<br />
en redemandent et sont satisfaits de sa bonne<br />
qualité », nous confie Youcef, boucher au marché<br />
Ferhat-Boussad. Interrogé sur le sort des<br />
autres bouchers qui vendent de la viande<br />
locale, Youcef est sans appel. « Moi aussi, je<br />
suis boucher. J'ai arrêté de vendre de la viande<br />
locale car les prix sont à un niveau où même<br />
nous, nous n'arrivons plus à suivre. Quand<br />
vous achetez dans un abattoir la moitié d'un<br />
bœuf, c'est un investissement important et un<br />
risque énorme. Les consommateurs n'achètent<br />
plus. Personne ne prend de la viande au kilo,<br />
mais plutôt des petites quantités », regrette-til.<br />
Reconverti dans la viande congelée, notre<br />
interlocuteur nous explique que tout est question<br />
de prix. « Deux jours avant le début de<br />
ramadhan, mes voisins ne savaient pas où<br />
donner de la tête tellement il y avait du<br />
monde. Aujourd'hui, ils se roulent les pouces.<br />
Il y a sur un kilo de viande plus de 500 DA de<br />
différence. Le choix est très vite fait ». Youcef<br />
nous présente son frère, Hamid, boucher lui<br />
aussi installé à Baba Hassen. Sur les affaires,<br />
qui était cédée à 90 DA au premier jour de<br />
jeûne, actuellement, elle est à 60 DA. Certains<br />
font l'effort et la bradent à 50 DA. La courgette<br />
a perdu <strong>20</strong> DA en huit jours. Le poivron est à 60<br />
DA contre 85 DA au premier jour… Ces prix<br />
ont baissé de 25% par rapport au premier<br />
jour.» Notons qu'au-delà des prix, nous avons<br />
constaté une qualité meilleure des légumes<br />
comparée aux années précédentes. Côté fruits,<br />
Tous se procuraient tout et n'importe quoi.<br />
Résultat, certains marchands ont profité de<br />
cette situation. Mais en réalité, on n'arrivait<br />
plus à satisfaire la demande ».<br />
c'est encore une fois l'importation qui sauve la<br />
mise. Certains proposent des prunes importées<br />
à 100 DA. « Je les vendais à <strong>20</strong>0 DA il y a moins<br />
de trois jours ? Je dois tout liquider ». Pour les<br />
autres fruits de saison, les pêches ont enregistré<br />
une légère baisse, entre 5 et 10 DA. « Les fruits<br />
importés sont moins chers que la production<br />
ALGERIE NEWS Samedi <strong>20</strong> juillet <strong>20</strong>13<br />
Hamid est plutôt pessimiste. « J'ai préféré fermer<br />
boutique car je ne vendais plus que la<br />
moitié de ma marchandise. J'ai pris mon<br />
congé en plein ramadhan. C'est plutôt inédit<br />
pour un boucher. Deux confrères et voisins<br />
vendent de la viande fraîche importée<br />
d'Espagne. Je n’ai pas pu résister longtemps ».<br />
Les deux frères, bien que faisant face à deux<br />
situations différentes, estiment que les importations<br />
massives ne sont pas une solution au<br />
vrai problème.<br />
Pour eux, si la viande locale ne trouve plus<br />
preneur, c'est toute la filière qui est en danger.<br />
« Nous arrivons à un point où importer de la<br />
viande coûte moins cher que de la produire<br />
localement. Ce n'est pas un problème de commerce,<br />
c'est un problème d'agriculture ». Du<br />
côté des clients, ce qui importe, c'est de la<br />
viande à bon prix. « Je l'ai essayée, elle est très<br />
bien. Je reste porté sur la viande ovine locale<br />
mais pour la viande bovine, le choix est vite<br />
fait », nous dit une dame. Les derniers chiffres<br />
du Cnis montrent clairement une hausse très<br />
nette des importations de viandes pour les<br />
cinq premiers mois de l'année. Cette tendance<br />
haussière risque de s'accentuer.<br />
Y. C.<br />
locale. Cette année, il n'y a presque pas de raisin.<br />
Le peu qui entre sur le marché est à 250 DA.<br />
Rajouter 50 DA et acheter un kilo de l'importation<br />
», nous confie-t-on. Ainsi, les commerçants<br />
ont dénoncé le dysfonctionnement de la chaîne<br />
de distribution du marché des fruits et légumes.<br />
« Il y a une bonne production des légumes pour<br />
absorber la demande durant ce mois. Mais malheureusement<br />
il n'y a pas une stratégie <strong>national</strong>e<br />
très visible de la gestion des<br />
chambres froides. Ajouter à cela que<br />
les mandataires et les grossistes qui<br />
dictent leur loi sur les prix de ces produits<br />
et qui sont à l'origine de l'augmentation<br />
inexpliquée qui s'annonce<br />
à chaque mois de ramadan ». De leur<br />
côté, les consommateurs ont confirmé que les<br />
prix ont connu une légère baisse par rapport au<br />
premier jour. « Aujourd'hui (hier ndlr) les prix<br />
commencent à baisser légèrement. C'est moi<br />
qui fais les courses, je pense que les prix sont<br />
abordables », a-t-on appris.<br />
Zohra Chender