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DOSSIER
Il y a des héritages difficiles. Personnalité charismatique de la
Renaissance italienne, prophète haut en couleur, caractère rigoureux
jusqu’à l’intransigeance, symbole d’une utopie politique
chrétienne, martyr de la papauté corrompue des Borgia, Savonarole
est de ces figures déroutantes qu’on hésite à regarder comme un réformateur
inspiré ou un fanatique puritain.
C’est un jeune homme inquiet de son propre salut et, plus encore, du
salut d’un monde corrompu (dont il avait, dès sa jeunesse, dénoncé
l’impiété dans des poèmes) qui renonce à sa carrière de médecin pour
rentrer à vingt-trois ans, en 1475, au couvent des dominicains de Bologne.
Ascète passionné, il devient peu à peu un prédicateur écouté.
Quand il est élu en 1491 prieur du couvent Saint-Marc à Florence, on
connaît son ardeur à appeler au repentir : il tonne contre la corruption
des mœurs de l’Italie renaissante et crie l’urgence de réformer l’Église
mise à mal par l’avidité de prélats impies ; il réclame une purification
de la vie de Florence, ce qui lui vaut quelques difficultés avec
les maîtres de la ville, les Médicis ; mais son annonce de châtiments
divins imminents, dont il aurait eu la révélation prophétique, impressionnent.
L’expédition en Italie du roi de France Charles VIII, qui entraîne en
1494 la chute des Médicis, va le mettre sur le devant de la scène :
les Florentins voyant dans cette invasion l’accomplissement des prophéties,
il va exercer une influence considérable dans une ville où il
rétablit les institutions démocratiques. Sans pouvoir effectif, et parfois
en délicatesse avec les autorités, le frère exerce un magistère moral
exceptionnel qui lui permet, depuis la chaire, de mettre en œuvre sa
réforme. Florence doit devenir, sur la terre, le Royaume de Dieu et
le modèle d’une Église enfin rénovée. Les mœurs sont étroitement
contrôlées, et la délation encouragée pour réprimer jeu d’argent, blasphème,
débauche, homosexualité et jusqu’aux tenues féminines jugées
indécentes. En 1497, le carnaval, autrefois lieu de tous les débordements,
est l’occasion d’un grand « bûcher des vanités » dont on a sans
doute exagéré l’importance, mais qui symbolise le refus de la frivolité.
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