Costumes de <strong>Vanessa</strong> à l’acte I par Christophe Ouvrard
Première création lyrique inédite en Ile-de-France - <strong>Vanessa</strong> - Théâtre Roger Barat d’<strong>Herblay</strong> - 2012 Note d’intention du metteur en scène par Bérénice Collet Qu’est-ce que l’amour ? Quels sacrifices vaut-il qu’on fasse pour lui ? Le désir d’absolu est-il un poison si puissant qu’il finit par exclure de la vie ? Invitation à une quête dans les rouages complexes de l’âme humaine… <strong>Vanessa</strong> est une parenthèse. Une parenthèse de vie dans l’hiver. Pour la conception de leur troublant conte nordique, Menotti et Barber, pétris de mythologie, ont puisé leur inspiration dans les Sept contes gothiques, au charme ourlé de mystère, de Karen Blixen. La neige tombe sans discontinuer ici, parfois même en tempête, enveloppant les personnages de son manteau glacé, de son silence ouaté, contrastant violemment avec le feu et les souffrances qui dévorent trois femmes : <strong>Vanessa</strong>, sa nièce Erika et la Baronne, sa vieille mère. Trois femmes, ou bien une seule, à trois âges de la vie. <strong>Vanessa</strong> a attendu vingt ans le retour d’Anatol, celui qu’elle aime, voilant les miroirs pour préserver sa beauté intacte, miracle qui s’accomplit en effet. Le retour de l’homme, fils de celui qui était parti deux décennies plus tôt, réveille <strong>Vanessa</strong>, Belle au bois dormant nordique. Elle s’agrippe alors à celui qui lui permettra de quitter l’enfer volontaire dans lequel elle s’était emmurée. L’hiver devient un allié : jeux sur le lac gelé, grand bal de nouvel an ressuscitant la splendeur des temps passés... Mais le drame vécu jusqu’ici par <strong>Vanessa</strong>, se reporte sur sa jeune nièce Erika : elle est amoureuse d’Anatol, mais refuse l’amour tiède qu’il lui offre. Le bal tourne au cauchemar et la présence anonyme et énigmatique des invités, venus d’on ne sait où avec leur joie artificielle, s’oppose avec violence à la situation tragique d’Erika. Plus avance l’opéra, plus on se demande qui, de <strong>Vanessa</strong> ou d’Erika, en est le personnage central : l’histoire de <strong>Vanessa</strong> s’est déroulée vingt ans auparavant, seul manque le dénouement, somme toute assez prévisible. Le destin d’Erika, lui, commence à se dessiner dès la première scène de l’acte I. Séduite malgré elle, subjuguée, seule à savoir qu’un enfant grandit dans son ventre, elle va à son tour connaître la souffrance. L’avenir de tous les autres person- nages dépend de la décision que la jeune fille devra prendre. Quant à la Baronne, vieille Cassandre que personne n’écoute, elle n’a plus qu’à se taire. Dans ce presque huis clos qui n’est pas sans rappeler Tchékhov ou Strinberg, un ballet discret de serviteurs entoure les trois femmes recluses, prenant en charge avec application et sollicitude tous les aspects de leur vie quotidienne. Débarrassée de ses préoccupations matérielles, leur vie s’écoule alors même que le temps semble s’être figé, suspendu à l’accomplissement d’un espoir illusoire. Comme dans ces châteaux de conte de fée dans lesquels les personnages, enfermés et victimes de sortilèges maléfiques, vivent cependant dans l’opulence, avec pour les servir des mains gantées qui flottent dans les airs… Quand la froide saison s’achèvera, ce sera le signe du départ. <strong>Vanessa</strong> aura compris qu’il faut saisir la vie à bras-lecorps, sans se soucier de savoir si elle ressemble ou non aux utopies imaginées par un esprit romantique. Erika choisira le chemin inverse : elle se sacrifie en abandonnant à sa tante un bonheur incertain, pour se consacrer à son tour à l’attente. Une attente sans véritable objet. Cette fin est un nouveau début, signe d’un éternel recommencement ; elle nous renvoie à notre propre solitude et au constat amer que l’expérience des autres ne saurait constituer ni une leçon, ni un rempart, et que la même erreur peut se répéter inéluctablement, indéfiniment, d’une génération à l’autre. Comme une malédiction. Escalier à l’envers, porte murée alors que quelqu’un l’aura franchie peu avant, rideau semblant dissimuler une fenêtre mais qui s’ouvre finalement sur le vide… <strong>Vanessa</strong> est un jeu d’ombres et de lumières, où le mystère ne fait que s’épaissir. C’est dans un dispositif en trompe l’œil, qui matérialisera le caractère insaisissable de la quête des trois femmes, que les personnages évolueront. Les invités absurdes de la fête du nouvel an seront affublés de têtes d’animaux. Une vidéo, dans le cadre d’une porte ou à travers les fenêtres, donnera à voir le monde réel, par opposition à l’onirisme de ce qui se passera sur scène. La temporalité changeante et les époques superposées seront lisibles au travers des costumes. - 10 -