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nuanCes 42 - HEMU

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<strong>42</strong>INTERVIEWRenaud CapuçonDossierTravauxde bachelor& master


impressumsommaireéditorialResponsable de publicationFondation du Conservatoire de LausanneRue de la Grotte 2CP 5700, 1002 LausanneT 021 321 35 35F 021 321 35 36info@hemu-cl.chwww.hemu-cl.chRédaction et coordinationAntonin Scherrer – Colophane Edition & CommunicationCh. de Florissant 13Chalet La Folia, 1660 Château-d’ŒxT/F 026 924 33 45 – M 079 296 37 52info@colophane.chGraphisme, réalisationmoser design saRue du Simplon 3d1006 LausanneT 021 614 06 66F 021 614 06 60info@moserdesign.chwww.moserdesign.chImpressionPolygravia Arts Graphiques SARoute de Pra de Plan 181618 Châtel-St-DenisT 021 948 22 40F 021 948 22 49www.polygravia.netAbonnement à « Nuances »Si vous souhaitez recevoir « Nuances »chez vous, faites-le nous savoir en nousindiquant vos coordonnées à l’adressesuivante : Haute Ecole de Musique et Conservatoirede Lausanne, Abonnement Nuances,rue de la Grotte 2, CP 5700, 1002 Lausanne.info@hemu-cl.chL’abonnement est gratuit.couverture© Tango argentin – DRPARUTION « NUANCES <strong>42</strong> »Juin 2013dossier04 Travaux de bachelor & master07 Musique argentine contemporaine poursaxophone : au croisement des traditions08 « Au cœur des lames» :origine, fonctionnement et fabricationde l'accordéon de concert10 Pau Casals : un musicien à l'originede multiples révolutions12 L'évolution du style de jeu de basseà travers la technique du pizzicato14 « Music, this beautiful resistance » :la musique utilisée comme formede résistance non-violente16 L'intériorisation de la pulsationrythmique – ou comment développerun tempo intérieur stable18 Le développement de l'autopromotiondans les écoles de jazz et musiquesactuelles19 Création musicale d'esthétiquecontemporaine20 La transcription musicale :du cheminement intellectuelà l'application pratiqueACTUALITÉ22 Baptême de solisteconservatoire de lausanne24 Vocalistes de haut vol à Rougemont24 Concours suisse de musique pour lajeunesse 2013 : les résultats des élèvesdu Conservatoire de Lausanneinterview26 Renaud CapuçonSuccéderLa succession d'un professeur n'est jamais choseanodine. Quel que soit son niveau d'enseignement(Conservatoire ou <strong>HEMU</strong>), son instrument, sonhistoire, un enseignant marque d'une manière oud'une autre une institution et ses acteurs. Il y a unavant et un après, un héritage à cultiver et peut-êtreun nouveau virage à amorcer.Ne nous voilons toutefois pas la face : il est dessuccessions qui, pour des raisons stratégiques oude visibilité médiatique, engagent des démarches etune réflexion plus conséquentes que d'autres. C'estle cas de celle de Pierre Amoyal, dont nous avonsannoncé dans le dernier Nuances le départ à laretraite de l'<strong>HEMU</strong> au terme de l'année académique2013-2014. La dimension particulière de ce départtient au fait que le violoniste français a été le premierau milieu des années quatre-vingts à faire son entréeau Conservatoire précédé d'une pareille carrière,et nous pouvons à ce titre tirer un grand coup dechapeau à celui qui, à l'époque, est parvenu à s'enassurer les précieux services : Jean-Jacques Rapin.Nous aurons l'occasion dans un prochain numéro derendre hommage à Pierre Amoyal – qui s'apprête audemeurant à vivre une dernière année des plus richesà la Grotte 2, marquée notamment par une collaborationde la Camerata de Lausanne avec l'ensembleKrysalid autour d'une création de Guy-FrançoisLeuenberger. J'ai le grand bonheur aujourd'hui delever le voile sur le successeur que nous sommesparvenus à lui trouver : Renaud Capuçon. Français luiaussi, le violoniste arrive avec dans ses bagages unparcours impressionnant et une grande motivationà enseigner, qui font écho à l'esprit d'excellencecultivé pendant toutes ces années par Pierre Amoyal.Vous découvrirez plus en détails, dans les dernièrespages de ce magazine, les motivations de ce grandartiste à se rapprocher de Lausanne. Pour le directeurgénéral et toute l'institution, c'est non seulement ungrand bonheur de l'accueillir parmi nous, mais aussid'être parvenu à trouver un consensus d'organisationsatisfaisant pour les deux parties, à travers entreautres l'engagement de François Sochard, l'excellentpremier violon solo de l'Orchestre de Chambre deLausanne, comme adjoint artistique : un musicien bienancré dans la région qui apporte avec lui la garantied'un suivi académique optimal pour les étudiants.Enfin, nous nous réjouissons également queRenaud Capuçon, en acceptant sa nomination, aitémis le vœu d'être régulièrement sur scène auxcôtés de ses étudiants : la réussite artistique d'untel ensemble ne fait aucun doute.Bien à vous,Hervé KlopfensteinDirecteur généralnuances n° <strong>42</strong>03


ANTONIN SCHERRERDossierTRAVAUXDE BACHELORET DE MASTERJouer, chanter, mais avant tout – comprendre. A l'instar de toutesles formations tertiaires, celle de musicien est aujourd'hui jalonnée nonseulement d'évaluations pratiques mais également de travaux de rechercheappliquée. D'abord accueillis avec une certaine méfiance, ces travaux sont enpasse de trouver leur place dans l'organisation générale des études et surtoutde démontrer tout l'intérêt de la démarche pour l'ensemble de la formation.Preuve en est la qualité croissante des travaux rendus tant au niveau bachelorqu'à l'échelon master : une qualité dont nous avons souhaité rendre compteici en offrant des reflets de travaux non seulement d'un excellent niveaugénéral mais témoignant également de la grande diversité de personnalités,d'intérêts, de points de vue et d'expériences qui constituent une haute écolecomme celle de Lausanne. « Il faut cesser de vouloir tout légiférer et agircomme on le faisait dans l’Antiquité, où maîtres et disciples échangeaient nonseulement un savoir mais aussi une pensée », rêvait dans nos pages en 2009Daniel Mlynek, vice-président du Comité directeur de la HES-SO en charge dela recherche appliquée & développement. Si les structures et les règlementssont toujours là – incontournables – l'esprit, lui, est en passe de prendrece chemin idéal. C'est la belle certitude que nous laisse la lecture de cesquelques travaux présentés par des étudiants qui terminent leur bachelorou leur master en juin 2013.© James Jamerson – DR


DOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERDOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERTRAVAIL DE BACHELORSelon le règlement de l'<strong>HEMU</strong>, le travail de bachelors'effectue durant la troisième et dernière année ducursus bachelor (BA3). Il a pour finalités notammentd'« approfondir un sujet par un travail à la fois artistique(interprétation, composition, improvisation) et théorique /scientifique (recherche et synthèse de littérature) » et de« porter un regard critique et distancé sur ses propresmodes d'action et procédures, en mesurer l'efficacité et lapertinence du point de vue de sa formation ». Le sujet estchoisi par l'étudiant en collaboration avec son professeurde discipline principale et le professeur de recherche.Le dossier comporte 10 à 25 pages et doit être présentéavec la rigueur d'un travail scientifique. Il est évalué lejour de l'examen instrumental à travers une soutenanceaccompagnée de questions. Il est à noter qu'au-delà d'unsuivi individuel, les étudiants bénéficient durant le premiersemestre de la troisième année bachelor (BA3) de seizeheures de cours collectifs d'introduction à la recherche.Travail de Masterinterprétation concertinstrumental ou vocal« Le travail de master est un élément central du cursusmaster, cadre dans lequel l'étudiant affirme sa personnalitéet ses intérêts artistiques », explique le règlementde l'<strong>HEMU</strong>. « Il s'inscrit dans un concept / projetartistique sous-tendu par une démarche de recherchepersonelle. Mise au service de l'interprétation, cettedémarche atteste et garantit l'autonomie de l'étudianten tant qu'artiste. » Le travail de master comprend deuxrécitals, dont le choix du programme est libre mais enlien avec une thématique centrale forte, et un mémoired'une quinzaine de pages. La thématique est choisie parl'étudiant en accord avec son professeur de disciplineprincipale, puis soumise pour validation au responsabledes travaux Master interprétation. L'<strong>HEMU</strong> attribueà chaque étudiant, en complément du suivi de sonprofesseur de branche principale, un tuteur spécialistede la thématique retenue. « Placé sous la conduite dece tuteur, le mémoire approfondit un aspect précis duprojet artistique ou une question de recherche qui luiest liée : mise en relief d'un lien thématique entre lesœuvres du programme, et / ou analyse d'une ou plusieursœuvres interprétées, et / ou réflexion sur un élément detechnique instrumentale, etc. » Le mémoire fait l'objetd'une soutenance d'une durée totale de 30 minutes.Mémoire de pédagogiemusicaleSelon le règlement de l'<strong>HEMU</strong>, les objectifs du mémoirede pédagogie musicale sont d'« identifier et délimiterun sujet et le formuler de façon précise », de « faire étatde la discussion de la question dans la littérature », de« confronter les résultats de cette recherche de littératureà des données recueillies par observations, interviews ouquestionnaires », de « développer une réflexion personnellesur les conséquences de cette recherche », enfin de« témoigner d'un engagement pour l'enseignement de lamusique en réalisant, ou le cas échéant, en planifiant unprojet ». Le thème doit être en rapport avec l'enseignementmusical spécialisé, la didactique instrumentale ou vocale,la psychologie (psychologie cognitive, psychologie del'enfant, communication…) ou la sociologie. « L'accentsera mis sur une réflexion personnelle étayée par unerecherche de littérature ainsi qu'une enquête sur le terrainet développant des liens avec la pratique de l'enseignementinstrumental ou vocal. » D'une vingtaine de pages,le mémoire fait l'objet d'une validation sous la forme desoutenance dans le cadre de l'examen final de pédagogie.Consultation des travauxLes meilleurs travaux de chaque volée sont placés surle site internet de l'<strong>HEMU</strong>. Tous les travaux sont mis àdisposition (pour consultation uniquement) à la bibliothèquede l'<strong>HEMU</strong> à Lausanne. [AS] .Musique argentine contemporaine pouRsaxophone : au croisement des traditionsTravail de bachelor de Martín BergerA l'heure où le politique s'interroge sur l'opportunité de limiter le nombred'étudiants étrangers dans les hautes écoles et les universités suisses, il est bonde considérer tout l'enrichissement que drainent dans leur sillage ces « exilés »de la formation : une ouverture dont bénéficient les institutions et les étudiantsdans leur ensemble. Ecrit dans un français remarquable, le travail de bachelor deMartín Berger, étudiant en saxophone chez Pierre-Stéphane Meugé placé sous letutorat de Marie Chabbey, fait partie de ces lucarnes bienvenues sur l'extérieur :la découverte « à la source » non seulement d'un pays, de ses traditions et de sonactualité musicale – du folklore aux musiques actuelles, en passant par le tangoet ses différents « stades » –, mais également d'une manière d'être à l'art qui baten brèche beaucoup d'a priori. Extrait de l'introduction.« En Argentine, la musique folklorique – fruit dumétissage entre les musiques précolombienneset celles des colonisateurs – prend une place trèsimportante dans la culture. D’autre part, depuisles débuts de cette même colonisation, la musique‹ culte › ou ‹ académique › s’est intégrée dans la vieculturelle, que ce soit par le travail des Jésuitesavec les aborigènes entre le 17 e et le 18 e siècles ouavec l’apparition, plus tard, des conservatoires etécoles de musique dédiés à l’enseignement de latradition musicale européenne.» L’histoire même du pays est fortement associéeà cette dichotomie entre ‹ tradition › et ‹ cultureeuropéenne › : vue par le reste des pays latinoaméricains,la société argentine est l'une des plus‹ européennes › du continent ; vue par l’Europe,l’Argentine reste un vaste territoire, habité pardes peuples très divers, qui a été, certes, une desdestinations préférées des masses migratoireseuropéennes du début du 20 e siècle, mais quine reste cependant pas plus ‹ européen › que leBrésil. Cette réalité paradoxale est fondamentalepour la compréhension de l’histoire musicaleargentine : tandis qu’à la campagne on continue àfaire une musique liée aux traditions folkloriques,pendant très longtemps les conservatoires etécoles de musique n’enseignaient que la musique‹ classique › et les compositeurs qui en sortaientcherchaient systématiquement – à quelquesexceptions près – à se rapprocher des traditionsmusicales européennes.» Il y a toutefois beaucoup d’initiatives et un intérêtcroissant pour la musique folklorique, ce donttémoigne la création récente des cursus de ‹ folkloreet musique urbaine › aux conservatoires de BuenosAires. Aussi, pendant les vingt dernières années,nombre de compositeurs d’extraction ‹ académique ›se sont mis à la recherche d’esthétiques plus oumoins liées à la musique traditionnelle. Appeléemusique ‹ d’intersection › ou ‹ de frontière ›, bien queces termes soient assez vagues, ces désignationsessayent de définir une tendance commune quichercherait à concilier deux esthétiques longtempsopposées : l’académie avec la tradition ‹ populaire ›.» […] Je suis argentin, et le sujet de l’identité musicale(et culturelle) de mon pays a été directement lié à marecherche en tant que musicien. Creuset de races,l’Argentine est toujours en quête de son identité, etpour certains intellectuels d’aujourd’hui cela estune source de conflit dans cette société. Aussi, entant que musicien engagé dans le développementartistique de mon pays, je me réjouis de voir lacréation musicale contemporaine argentine semultiplier exponentiellement, et ce d’autant plus quele saxophone y prend une place importante. » .06 nuancesn° <strong>42</strong>nuances n° <strong>42</strong>07


DOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTER© Lisa BiardDOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTER« Au cœur des lames» :origine, fonctionnementet fabrication del'accordéon de concertTravail de bachelor de Lisa BiardSi l'on pouvait encore en douter il y a quelques années, l'accordéon aaujourd'hui sa place légitime dans les hautes écoles de musique. Etudiantede Stéphane Chapuis placée sous le tutorat d'Angelika Güsewell, Lisa Biardlivre un travail de bachelor richement documenté dans lequel on apprendbeaucoup non seulement sur l'histoire de l'instrument et de son répertoire,mais également sur les enjeux de sa facture actuelle. A la faveur d'un reportageréalisé dans la « capitale mondiale » de la fabrication des accordéonsclassiques – la petite ville de Castelfidardo en Italie, où Lisa est allée trouverles représentants des marques Zero Sette & Bugati et Pigni –, elle dresseun tableau étonnant de cette profession méconnue.« Lors de ma rencontre avec Monsieur RobertoOtavinelli, directeur de la fabrique Zero Sette &Bugari à Castelfidardo, nous avons beaucoup discutéde l'évolution des fabriques sur les cinquantedernières années et plusieurs constatationsintéressantes en sont ressorties. Jusque dans lesannées 1960-1970, les fabriques en Italie étaientplus grandes et avec beaucoup plus d'ouvriers(Farfisa ou Excelsior par exemple, avaient deux àtrois mille ouvriers). Puis, les syndicats ont luttépour de meilleurs salaires, les coûts de productionsont devenus plus élevés et, en quelques annéesseulement, ont explosé, entraînant la disparitionde plusieurs grandes maisons comme Soprani,Guerini, Paramante ou Universal.» Les ouvriers sont devenus plus indépendants,aidés par leur épouse à la maison, pour baisser lesprix de fabrication. En effet, à l'époque, l'accordéonétait un instrument cher et qui n'apportait pasbeaucoup de prestige dans les grandes familles.Les associations de marque ont permis de baisserles coûts de fabrication, permettant ainsi àl'accordéon d'avoir une vie acceptable. A l'avenir,on assistera certainement à une concentration demarques commerciales qui continueront leur viebien définie, mais sous un même toit. Actuellement,les principales fabriques d'accordéon classiquesont basées à Castelfidardo. Contrairement à il y aquelques années encore, il en reste très peu en Allemagne,à Trossingen (la marque Hohner est chinoiseà présent). Les usines en Chine ont compris que celacoûtait très cher et font une production type plutôtindustrielle. En Italie, les usines sont plus petites etdonc plus flexibles et précises.» Les manufactures que j'ai visitées comptententre trente et quarante personnes qui travaillentmain dans la main. Selon les possibilités, lesjeunes qui apprennent le métier suivent quelquescours, mais le principal de la formation se faitdans la fabrique même, où des maîtres expertstransmettent leur expérience, leur savoir-faire etleurs connaissances aux jeunes. Il faut une grandemotivation pour apprendre les différents métiersde la facture de l’accordéon. En effet, c'est untravail de précision, très difficile, qui demande unegrande concentration, une main agile, une bonneoreille. D’autres critères auxquels on pense moinssont également importants, comme avoir une mainsèche pour éviter les risques de rouille – l'acierétant trempé et non de l'inox, si l'artisan a de lasueur sur les mains, on pourra observer des pointsde rouille un an plus tard. En Italie (contrairementà la Chine par exemple), la vitesse de productionest moins importante que la qualité du travail. Lesfabriques veulent vraiment faire au mieux, avec letemps que cela demande.» Chaque partie de l'accordéon demande unmétier bien spécifique : un luthier pour le bois, unepersonne pour polir l'accordéon, une troisième quis'occupe des tiges en métal de la main gauche, dela main droite, une personne pour la pose des voix,des peaux aussi, une personne qui fait l'assemblageà la cire, une autre pour les registres, encoreune pour l'accordage manuel et une différente pourle contrôle d'accordage électronique… Chaqueouvrier a une spécialisation bien précise. Chaquemanufacture a son accordeur officiel [Lisa Biardtermine son travail par une rencontre fort intéressanteavec l'accordeur-réparateur Dominique Salgatde Fully, ndlr]. Chaque marque a son identité, que cesoit dans l'esthétique de l'instrument ou dans lesdétails du montage. Certaines fabriques utilisentplus de bois différents que d'autres, certainesrespectent des traditions de fabrication alors qued'autres cherchent toujours à se moderniser.» Il faut six à huit mois pour construire unaccordéon, depuis le moment où l'on scie le boisjusqu’au moment où il quitte la manufacture.La production italienne représente neuf centspièces par année. Cela peut paraître beaucoup,mais il faut savoir qu'au début des années 1970 lafabrique Guerini produisait cinq cents accordéonspar mois. Notons que la grande marque Yamaha, àla même période, est venue à Castelfidardo pour yfaire des accordéons et a abandonné, voyant combienc'était long et délicat ! Plus l'accordéon vieillit,plus il prend de la valeur. Monsieur Otavinelli m'aexpliqué que l'instrument se stabilise, que le boisgagne en sonorité, et que le tout s'amalgamepour devenir progressivement un corps unique.Les pièces s'épousent les unes les autres. Le toutmûrit pour ne former plus qu'un tout et atteindreainsi son maximum d'expression musicale. » .« Chaque partiede l'accordéondemande un métierbien spécifique. »08 nuancesn° <strong>42</strong>© Lisa Biard


DOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERDOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERPau Casals : un musicien à l'originede multiples révolutionsTravail de bachelor de Bertille Arrué« Cet homme n'interprète pas, il ressuscite » disait de lui Edvard Grieg : Pau(ou Pablo) Casals incarne pour tous les violoncellistes une forme de mythe.Etudiante de François Salque placée sous le tutorat d'Angelika Güsewell,Bertille Arrué lui rend un bel hommage en rappelant non seulement ce quele violoncelle lui doit sur le plan technique et interprétatif, mais égalementce qu'il a apporté comme humaniste convaincu au monde musical dans sonentier. A côté de son combat en faveur de l'amélioration des conditions de viedes musiciens et de son action militante pour l'élargissement du public dela musique classique (en direction des masses ouvrières notamment), nousreproduisons ici des extraits du passage consacré à « sa musique commemessage d'amour et de paix entre les hommes ».« Une grande partie de l’engagement de Pau Casalsfut idéologique. En effet, il ‹ s’exprima politiquement› avec sa musique ; et c’est notamment cela quidonna à sa célébrité une dimension supplémentaire,faisant de lui un véritable ‹ acteur de la vie publique ›bien qu’il refusa toujours de se définir comme unpoliticien. Pour lui, cela tenait du rôle de l’artiste :‹ La question est de savoir si l’art doit être un passetemps,un jouet en marge de la vie des hommes,ou s’il doit garder une signification humaine. Lesfonctions politiques ne sont pas du ressort del’artiste, mais à mon avis celui-ci a l’obligation deprendre parti – quels que soient les sacrifices quecela comporte – lorsque la dignité humaine est encause. › (Pablo Casals, Ma vie racontée à Albert E.Kahn, Stock, 1970).» Et à ceux qui jugeaient son comportementdéplacé, il répondait : ‹ Je sais que certains êtrespensent que les artistes doivent vivre dans unetour d’ivoire, loin des luttes et des souffrancesdes autres hommes. C’est une conception queje n’ai jamais partagée. Tout affront à la dignitéhumaine est pour moi un affront personnel, et maconscience m’oblige à protester contre l’injustice.Les droits de l’être humain ont-ils moins d’importancepour l’artiste que pour les autres hommes ?Le fait d’être un artiste libère-t-il l’homme de sesobligations ? Bien au contraire ! A l’artiste incombeune responsabilité particulière, parce qu’il a reçuune faculté de perception et une sensibilité plusgrandes, et parce qu’il peut faire entendre sa voix,quand d’autres ne le peuvent pas. Qui, plus que lui,devrait s’attacher à défendre la liberté d’expressionet de fait, qui est l’essence même de son pouvoircréateur ? › (op. cit.)» Fidèle à ses principes, il mena un combatincessant pour la paix et la liberté alors queles principales nations de l’époque entraienten guerre : ‹ Les seules armes que j’aie jamaispossédées sont mon violoncelle et ma baguettede chef d’orchestre › (op. cit.). Lors de l’arrivéeau pouvoir du général Franco après la chute deBarcelone à la fin du mois de janvier 1939, Casalspartit, avec des milliers d’autres Catalans, vivre àPrades (village français des Pyrénées-Orientales),affirmant qu’il ne reviendrait pas dans son paystant que Franco le gouvernerait. Alors en exil,il transcrit une mélodie traditionnelle de sonpays pour violoncelle et cette dernière devint unvéritable hymne catalan : ‹ Je pris l’habitude determiner festivals de musique et concerts par lamélodie d’une vieille chanson populaire catalane,qui est en fait un cantique de Noël, El Cant delsOcells (le Chant des Oiseaux). Cette mélodie estdevenue depuis lors le thème nostalgique desréfugiés espagnols. › (op. cit.)« A l’artiste incombeune responsabilitéparticulière, parcequ’il peut faireentendre sa voix,quand d’autres nele peuvent pas. »Pablo Casals» […] A la fin de la Seconde Guerre mondiale, etalors que tous les pays d’Europe occidentaledéveloppaient des régimes démocratiques, seulel’Espagne demeurait sous un régime dictatorial,celui du général Franco. Cependant, les autrespays prenaient garde, par intérêt, à conserver debonnes relations avec la dictature espagnole :‹ Il apparaissait de plus en plus clairement quel’attitude adoptée vis-à-vis de l’Espagne étaitmotivée par l’opportunité politique, et non par lecode humain des Nations Unies. › (op. cit.) Cela,Casals ne put l’accepter et prit alors la plusgrande décision de sa carrière : ‹ Je déclarai queje n’accepterais plus aucune invitation, aucunengagement, d’où qu’ils vinssent, tant qu’on nerétablirait pas en Espagne un régime respectueuxdes libertés fondamentales et de la volontépopulaire › (Casals cité dans Corredor, op. cit.).» Durant ces années de silence, Casals fit cependantplusieurs interventions ‹ politiques ›, notammentà l’ONU, pour ‹ se faire entendre › : ‹ Je saisis toutesles occasions qui m’étaient données de faireentendre ma voix au profit de la paix. › (op. cit.) […]La dernière intervention de Casals à l’ONU se fiten 1971. Le secrétaire général des Nations Unies,U Thant, lui remit alors la célèbre Médaille de laPaix. Pau Casals, alors âgé de 95 ans, y prononçaun discours de remerciements très émouvantet interpréta la célèbre mélodie d’El Cant delsOcells, symbole depuis des années déjà de sa lutteincessante pour la paix. Cet engagement, dont il nese dérouta jamais, fit de lui un homme respecté etsurtout écouté sur la scène internationale, ce quifit dire à Eugène Ysaÿe : ‹ Où se trouve Casals, toutest possible › (cité dans Berdu, Pablo Casals – Unmusicien, une conscience, Gallimard, 2012). » .© Pablo Casals – DR10 nuancesn° <strong>42</strong>11


DOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERL'évolution du style de jeu de basseà travers la technique du pizzicatoTravail de bachelor de Blaise Hommage© Wellman Braud – DR« Je pense qu’un musiciendoit toujours rester enrecherche de solutionsdiverses et variées pourse libérer des contraintesde son instrument. »Partant d'une expérience personnelle, le questionnement de Blaise Hommage aurait pumener à un travail exclusivement technique. Etudiant de Bänz Oester au département jazzde l'<strong>HEMU</strong> placé sous le tutorat de Jean-Pierre Mathez, il s'intéresse en effet, à travers le casspécifique de la technique du pizzicato, au glissement progressif dans les formations jazzde l'emploi de la basse acoustique (entendez : la contrebasse) à celui de la basse électrique.Mais le contrebassiste voit plus large : de l'étude technique des deux instruments – l'histoirede leur facture, le développement de leur répertoire, l'évolution de leur jeu à travers l'étudedétaillée du style de nombreux interprètes –, il élargit le propos en mettant en résonnanceces considérations très poussées avec l'évolution générale du monde musical, tirant en find'étude des conclusions qui éclairent directement sa pratique quotidienne de musicien…Quelle plus belle preuve de l'utilité concrète de ces recherches ? Extrait de la conclusion.« Ce travail de recherche a été pour moi une richeexpérience, tout d’abord car il m’a fait prendreconscience du temps nécessaire à l’évolution dela technique en général, et celle du pizzicato enparticulier. Ces évolutions ont été possibles grâce àl’inventivité des musiciens, leur capacité à s’adapter,leur désir d’explorer de nouveaux territoires surl’instrument, parfois aussi grâce au hasard, etdans certains cas à la chance, mais surtout de parleurs réflexions concernant la technique, le style,et la musique qu’ils rêvaient de jouer. Beaucoup demusiciens parmi ceux cités dans ce travail furentdes autodidactes : loin de moi la volonté de critiquerles écoles et les institutions, je pense toutefois qu’ilest sain d’avoir une réflexion personnelle sur latechnique.» Ce qui ressort de ce travail pour moi est surtoutl’impression qu’il n’existe pas une technique unique,adaptable à tous les styles de musique et à toutesles situations auxquelles est confronté le musicien,mais plutôt une multitude de manières d’appréhenderl’instrument, que ce soit à la contrebasse ou àla basse électrique, chacune pouvant correspondreà un propos musical différent. Maîtriser toutes cesdifférentes techniques me paraît être une utopie,tant l’apprentissage de la musique est vaste etdemande du temps. De plus, la technique de chacunest différente, et doit être différente car personnen’est identique, que ce soit dans sa morphologie ouses envies musicales. Ainsi, il est important de seconnaître et d’appréhender la technique instrumentaleen fonction d’un propos musical voulu.» En rencontrant mon professeur actuel de contrebasse,Bänz Oester, j’ai compris grâce à lui qu’ilm’était impossible de jouer de la même façon surune contrebasse que sur une basse, et qu’il étaitdonc important de développer une techniqueadaptée à l’instrument, puis au choix du style, et dene jamais se cantonner à une seule approche. Encela aussi, ce travail de recherche m’a beaucoupapporté, me permettant de remettre en questionma technique et de découvrir une multituded’approches différentes. Je me suis aussi renducompte qu’un grand soin doit être apporté au choixdu matériel utilisé et aux réglages de l’instrument,car ces facteurs ont une influence directe sur latechnique, le son, le propos du musicien et doncsur son identité musicale. Au final, je pense qu’unmusicien doit toujours rester en recherche desolutions diverses et variées pour se libérer descontraintes de son instrument, dans le but des’exprimer avec le moins de restrictions possible,chose à laquelle aspire, je pense, chaque musicien,sans jamais perdre de vue ni desservir son proposet son identité musicale. » .12


DOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERDOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTER« Music, this beautiful resistance » :la musique utilisée comme formede résistance non-violenteMémoire de pédagogie de Valentina RebaudoLe moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a du souffle dans la réflexion deValentina Rebaudo. Etudiante en clarinette chez Frédéric Rapin placée sousle tutorat de Michel Lethiec, elle s'attèle à un sujet philosophique des plusvastes : « l'arme » musicale pour combattre quelques-uns des maux universelsde la planète. Le risque de se perdre est grand – en profondeur comme ensurface. Elle prend le pari d'une approche frontale, et n'hésite pas à pointerclairement la direction vers laquelle penche son cœur. « Le pédagogue musical ale devoir de former davantage de bons êtres humains que de bons musiciens » ;« L'art sauvera le monde » : de véritables professions de foi. Qui ne sont pas descoquilles vides car le travail qui précède ces conclusions est abondammentdocumenté. Il s'articule en trois parties : l'exemple de Pablo Casals en résistancecontre le franquisme, « l'Intifada musicale en Palestine » et « la société contemporaine,l'oreille et la muzak ». Nous braquons ici notre projecteur sur ladeuxième partie, sans conteste la plus personnelle et la plus aboutie des trois :le récit et les conclusions d'une expérience d'enseignement menée durantl'été 2012 sur différents sites de l'Edward Said National Conservatory (Jérusalem,Bethlehem, Ramallah…). Extraits.© Fares Mansour« L’expérience a été révélatrice : au-delà de ce quepartir dans un pays en guerre peut vouloir dire, j’aitotalement remis en question mon approche dela pédagogie musicale. Je me suis retrouvée faceà des élèves pour lesquels la musique constituaitune raison de vivre : j’ai vécu cinq semaines dans lamusique, l’enseignant à des jeunes qui sentaientle besoin d’en faire tout au long de leur journée.Ils voyaient les instruments qu’on leur apportaitcomme les plus beaux cadeaux jamais reçus, etils me voyaient, jeune fille venue d’Europe, commeune héroïne. Rentrée en Europe, l’impact avec lasociété que je retrouvais a constitué un choc : j’aipris conscience que j’apprenais la musique auxjeunes, mais que je ne leur apportais rien si cen'est des informations purement musicales, je neleur faisais jamais passer le message humain dela musique et la valeur de l’art pour leur identitéet leur liberté. Mais surtout, je me suis malheureusementrendue compte que je n’avais rien enretour. La conception de la musique, vue commesimple activité extrascolaire m’attristait. EnPalestine, j’avais appris beaucoup des élèves, et jeme rendais compte qu’en Europe j’enseignais maisje n’apprenais rien. En Palestine la musique créaitun fil rouge entre les générations, elle permettaitd’échapper à la violence, elle donnait le moyenaux jeunes de changer leur vie, de résister à leurcondition. C’est grâce à cette expérience que j’ai putotalement changer ma conception de la pédagogiemusicale, et la transformer selon l’idéal de PabloCasals, que je partageais mais que je ne savais pascomment mettre en pratique : un pédagogue doitformer un homme avant de former un musicien.» […] Un soir, je me suis retrouvée à improviser surune gamme de la mineur en plein style klezmer :quand je m’en suis rendue compte, j’ai eu unegrande inquiétude vis-à-vis de mes élèves. C’esttoujours délicat d’aborder un sujet qui puissede près ou de loin concerner Israël ; ‹ attaquer ›la culture palestinienne (sacrée pour tous lesjeunes !) en jouant une musique de tradition juive,constituait un affront que je n’avais pas assezpris au sérieux. Après un silence général, un élèveclarinettiste de 17 ans prend la parole : ‹ Mon rêveserait de pouvoir jouer un jour cette musique sansplus penser qu’elle soit juive. La musique n’estpas juive, la musique n’est pas arabe, la musiquen’est pas européenne, la musique est humaine. ›Pour la première fois, je me rendais compte que lamusique n’avait pas de racines, la musique étaituniverselle, et le désir de la part de ces jeunesd’apprendre la Musique, cette forme d’art sublime,leur apprenait à abattre toute barrière entre lespays, entre les peuples, même quand cela étaitrendu impossible par une guerre qui abîmait lesesprit depuis soixante ans. Je me suis aussi renduecompte de la chance que j’avais en enseignant laclarinette. Cet instrument universel, roi dans lamusique classique européenne, dans l’opéra, le jazz,la musique traditionnelle juive ainsi que la musiquearabe, était pour moi un élément unificateur, unmoyen grâce auquel toutes les musiques pouvaientêtre créées, jouées, partagées. En enseignant laclarinette, j’enseigne non seulement à maîtriserd’autres styles de musique, mais aussi à ouvrir lesesprits et à apprendre à jouer toutes les musiquesavec le même enthousiasme, puisqu’elles sontcréées par le même instrument, elles sont donctoutes créées par nous.«En Palestine,la musique créeun fil rouge entreles générations.»» […] Ce qui m’a le plus marqué de cette expérience,a été sans conteste la façon dont j’ai été accueilliepar les jeunes. Cette gratitude que j’ai pu voir dansleurs yeux à mon départ, fait partie des souvenirsles plus émouvants que je garde de mon voyage enPalestine. […] Les jeunes avaient besoin de personnesvenant d’Europe pour eux, avaient besoin demusiciens qui leur apportent leur propre art et leurenseignement, avaient besoin d’êtres humains quisoient là pour eux et leur fassent comprendre quele peuple palestinien a une dignité et les mêmesdroits que les autres de faire de la musique et dese construire un futur. Ma présence leur a donnél’espoir que la Palestine n’est pas oubliée, et que lamusique et l’instruction peuvent faire beaucoup afinqu’on ne l’oublie pas, et qu’on n’oublie pas qu’on esttous des êtres humains qui ont le même besoin des’instruire et d’être libres. » .nuances n° <strong>42</strong>15


DOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERL'intériorisation de la pulsationrythmique – ou comment développerun tempo intérieur stableMémoire de pédagogie de Félix BergeronAvoir le « sens du rythme » : personne n'osera contester qu'il s'agit là d'une desqualités clés du musicien. Mais est-ce une composante innée, une notion quis'apprend – comme le solfège ou la pratique d'un instrument–, ou un mélangedes deux ? Une question brûlante à laquelle le batteur Félix Bergeron, étudiantde Cyril Regamey au département jazz de l'<strong>HEMU</strong> placé sous le tutorat deJean-Pierre Schaller, tente de répondre à travers un mémoire de pédagogie quipropose un étonnant arsenal d'exercices pratiques, précédé d'une introductionthéorique dans laquelle il dresse notamment un état des lieux très étoffé dela perception du rythme à travers l'étude de ses différentes composantes(anticipative, psychomotrice, affective…). Morceaux choisis de l'introductionet de la conclusion.« J’ai pu constaterqu’un grand nombred’élèves avaient deréels problèmes avecleur sens de la pulsationrythmique. »« Le batteur, c’est celui qui garde le tempo ! Quin’a jamais entendu cette affirmation au détourd’une conversation musicale ? Si celle-ci s’avèreextrêmement réductrice, elle révèle pourtant unpoint essentiel de la sagesse populaire, à savoirque sans pulsation rythmique stable, il manqueà la musique une grande partie, pour ne pas direl’essentiel de ce qui nous permet de l’apprécier etd’y prendre plaisir. Et si tous les musiciens, quelsqu’ils soient, sont profondément concernés par lerythme et la pulsation, il est vrai que pour le batteurcela constitue la base inhérente à la pratique deson instrument.» En tant que professeur de musique, mon but estde fournir à mes élèves des fondements solideset favorables à leur développement instrumental.Qu’ils puissent se reposer sur un sens de lapulsation rythmique stable est donc un aspectprimordial et fondamental de mon enseignement.Or, dans l’enseignement ‹ traditionnel › de lamusique, l’accent est souvent mis sur la techniqueinstrumentale ainsi que sur les capacités de lecturemusicale. A travers mon enseignement, maisaussi dans le cadre de mes diverses observationset stages, j’ai pu constater qu’un grand nombred’élèves avaient de réels problèmes avec leursens de la pulsation rythmique. Je me suis alorsdemandé quels pouvaient être les moyens à mettreen œuvre pour que ceux-ci en prennent conscienceet puissent le développer de manière stable etdurable.» Pour ce faire, j’ai d’abord tenté de définir et demieux comprendre ce que l’on entend par sens dela pulsation rythmique. Cela m’a permis de clarifiermon propos mais aussi de mieux définir la tâche àaccomplir. Deuxièmement, j’ai identifié les différentsparamètres qui nous permettent de percevoirla pulsation rythmique afin de mieux déterminer lesprocessus à renforcer ou à développer. Ensuite, jeme suis attardé sur ce qui a déjà été accompli d’unpoint de vue pédagogique en faveur de son développement.Cela m’a servi de source d’inspirationet m’a permis d’adapter des méthodes existantesà mes propres exercices et à ma propre pratiquepédagogique.» […] A la lumière des mes observations auprès demes jeunes élèves, pour la plupart débutants, chezqui j’ai pu expérimenter les exercices déveléoppésdans ce mémoire, je peux aujourd’hui confirmerque ces exercices ont eu un effet positif sur leurapprentissage. Les élèves progressent en effetde manière régulière et satisfaisante et réalisentleurs exercices rythmiques avec intérêt et plaisir.Néanmoins, je ne suis pas encore en mesured’affirmer si ces exercices comportent des effetsnégatifs collatéraux. Il me semble donc importantde prendre certaines précautions lors de leurutilisation, notamment avec des élèves ayantdéjà suivi des cours de musique. Comme un desobjectifs poursuivis est de proposer un nouveaulangage musical, il faut prêter attention à ne passemer le trouble dans l’esprit de celui qui est déjàhabitué à une méthode d’apprentissage plus traditionnelle.De plus, il faut toujours garder en têteque le but final de ces exercices est de développerchez l’élève une pulsation rythmique stable. Parconséquent, il vaut mieux éviter de les associer àdes considérations techniques qui n'ont pas lieud’être ici. » .16 nuancesn° <strong>42</strong>nuances n° <strong>42</strong>17


DOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERDOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERLe développement de l'autopromotiondans les écoles de jazz et musiquesactuellesMémoire de pédagogie de Fabio PintoEtre bon musicien est une chose essentielle. Connaître le marché du travailet savoir assurer sa propre promotion en est une autre. Etudiant en guitare deVinz Vonlanthen et en musique assistée par ordinateur de Sébastien Kohlerau département jazz de l'<strong>HEMU</strong>, Fabio Pinto explore dans son mémoire depédagogie ce second aspect de la carrière sous le tutorat de Thomas Bolliger.Plus audacieux encore : il propose de commencer ces cours d'initiation à lagestion de carrière dès le stade non-professionnel. Comme la plupart destravaux, son mémoire s'articule en deux temps : un état des lieux de la question– avec la rencontre notamment de directeurs d'écoles – et une étude pratique,menée dans le cadre du Conservatoire de Montreux-Vevey-Riviera, consistanten la production de A à Z d'un CD de démonstration. Extraits de l'introduction.Création musicale d'esthétiquecontemporaineTravail de Master interprétation concert de Thomas RabaudLes Ateliers de musique contemporaine – qui fêteront bientôt leurs dix ans– en sont la preuve éclatante : la création est de retour au centre de la pratiquemusicale – place qui lui revient de « droit » – au sein des hautes écoles. Le travailde master de Thomas Rabaud, étudiant saxophoniste chez Pierre-Stéphane Meugéplacé sous le tutorat de Joël Versavaud, en offre lui aussi un beau reflet : fondé surun processus de commande à un jeune compositeur – le Français Julien Malaussena–, il témoigne du lien fort, vivant, qui peut exister déjà au stade des études entre uninstrumentiste et son répertoire. Un instrumentiste qui se soucie en l'occurrencenon seulement d'enrichir le catalogue des œuvres pour saxophone, mais égalementd'en élargir – à « quatre mains » avec le compositeur – le spectre expressif.« L'objectif de ce travail de mémoire est de menerune enquête sur la nécessité d'une pratique demédiation pour le développement de l'autopromotiondans les écoles de jazz et musiques actuellesau niveau non-professionnel. En tant qu'élèvedans une école de musique, on apprend à jouer uninstrument, on apprend la théorie de la musique, ondéveloppe l'oreille et le sens du rythme à travers lesolfège et parfois on a la possibilité de jouer avecles autres élèves lors d'un atelier ou en ensemble.Ces pratiques ont pour but d'accroître les compétencesmusicales et instrumentales des élèves, deles ‹ transformer › donc en musiciens (amateurs ouprofessionnels, selon le degré d'instruction).» Dans mon parcours d'étudiant en musique, […]j'ai graduellement acquis des compétences auniveau instrumental, musical, théorique, historique,de pratique individuelle et de musique engroupe. Seulement très tard, lors de mon masteren interprétation, j'ai eu l'occasion de fréquenterun cours sur les démarches à suivre pour réaliserun projet musical (pratiques de promotion, de selfmanagement, de familiarisation avec la situationd'enregistrement en studio, avec le milieu des clubs,avec les méthodes de financement des projetsartistiques). Au moment où le cours a eu lieu,j'avais déjà acquis la plupart des ces compétencesen dehors de l'école, lors de la réalisation de monpremier album et de l'organisation d'une tournéenationale. J'estime que ce genre de compétences,telles que la connaissance du terrain dans lequelon agit comme musicien de jazz ou de musiqueactuelle, ce sont des compétences complémentairesà l'apprentissage instrumental et musical.» On voit donc une possible complémentaritédans l'enseignement de la musique : d'une partla transmission des compétences nécessaires audéveloppement du musicien afin qu'il maîtrisela matière musique et qu'il arrive à s'exprimerà travers son instrument (développement intramusical),d'autre part la transmission des compétencesnécessaires au développement d'un projet,c'est-à-dire amener ses compétences musicalessur une scène ou dans une salle d'enregistrement(développement extra-musical ou développementde l'autopromotion). J'estime que cette complémentaritéest nécessaire à la formation d'unmusicien et je crois que cela pourrait être trèsefficace de donner aux élèves la possibilité d'avoirune idée plus claire et moins ‹ utopique › dudéroulement d'un projet musical dans le domainedu jazz et des musiques actuelles. » .« Ce qui peut apparaître comme un problème audépart se révèle être un atout majeur car le résultatfinal sera vierge de toutes influences liées à desversions déjà entendues. Cela représente pourl’auditeur une manière d’approcher au plus près dela personnalité de l’interprète. En ce sens le travailde création exige le développement de véritableschoix personnels d’interprétation, conscients ettranchés puis leur défense lors du concert. Ce quiest également le cas pour les pièces du répertoire,mais à un niveau différent. En effet, j’ai le sentimentque la marge de manœuvre y est quelque peuréduite. Et même si aujourd’hui certains interprètesde talent imprégnés par leur environnementproposent d’innovantes versions concernant despièces maîtresses, enregistrées des dizaines de foispar les meilleurs, cela est tout de même assez rarevoir exceptionnel.» […] Le compositeur propose, l’interprète donne vieet l’auditeur dispose. Cette trilogie : composition,interprétation, réception – forme une entité danslaquelle chaque partie interdépendante se nourritl’une de l’autre en jouant son rôle mais toujours rassembléesautour de la musique. L’interprète incarnele lien entre compositeur et auditeur, jonction entreabstrait et concret. Résonnance de la parole ducompositeur, il l’altère invariablement, mais surtoutlui donne vie à travers ses propres émotions. Il doitcomprendre l’œuvre pour la donner, au risque delivrer une interprétation superficielle et sans valeur.» […] L’adaptation au langage de Julien Malaussenan’a quant à elle pas été un problème car c’est ensembleque nous avons développé progressivementle matériau nécessaire à l’élaboration de la pièceainsi que sa notation. En revanche, ce qui apparaîtcomme un avantage possède le défaut de ne pouvoirse fixer définitivement que très tardivement, voirepas du tout, obligeant l’interprète à sans cesses’adapter aux modifications. Par exemple entre laremise de la partition et la création de (Lp) Skel’ton,plusieurs modifications et réajustements sontapparus suite à ma demande ou non. Tant et si bienque je peux dénombrer pas loin de cinq versionsdifférentes pour cette période. Ce qui représenteune réelle différence avec les pièces plus ‹ figées ›du répertoire pour lesquelles il n’est plus possibled’interagir avec le compositeur, afin d’en corriger oud’améliorer certains passages.» […] Le saxophone est loin d’avoir exploré l’intégralitéde son potentiel, de par sa jeunesse. Montravail s’inscrit, à sa petite échelle, dans une volontéd’alimenter de nouvelles pistes de réflexion, et desusciter l’envie d’écrire pour lui. » .18 nuancesn° <strong>42</strong>nuances n° <strong>42</strong>19


DOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTER« Pour les hautboïstes, la transcription est vitale,en ce sens que beaucoup d'œuvres majeures durépertoire sont des transcriptions. Instrumentd'orchestre, le hautbois possède, hors de cecontexte, un catalogue relativement restreint.L'argument de l'enrichissement du répertoire adonc été fondateur dans mon inclination versl'arrangement musical. N'ayant pas la maîtrisepour prétendre à la composition, la transcriptionm'est apparue comme un artisanat accessiblepermettant d'apporter ma pierre à l'édifice. Maisdès l'instant où mon choix de sujet s'est fixé surcette pratique, une multitude de questions a faitson apparition.» De plus, l'éditeur qu'est Jean-Pierre Mathez[fondateur des Editions BIM et tuteur du travail,ndlr] a arrimé ma réflexion à une dimensionconcrète qui donne sens au bagage théoriqueacquis. Il m'a permis d'ancrer le domaine desaspirations artistiques à celui de la réalitépragmatique: un interprète doit être à même desusciter la curiosité du public. Cela passe par lacapacité à proposer aux auditeurs un programmemusicalement abouti, qui fasse preuve d'unecertaine originalité et qui soit à la fois intelligentet intelligible. Dans cette optique, le choix despièces, de l'effectif ainsi que de la thématiquesont essentiels.La transcription musicale :du cheminement intellectuelà l'application pratiqueTravail de Master interprétation concert de Gaëtan BeauchetIl y a les « vernis » – les pianistes, les violonistes – qui possèdent un répertoiresi vaste qu'il ne suffit pas d'une vie pour l'explorer même superficiellement.Et il y a les « autres » – les hautboïstes notamment –, qui au-delà des piècesécrites spécifiquement pour leur instrument doivent être créatifs pour ne pastourner en rond dans un répertoire plus limité. Parmi ces parades : la transcription.Une pratique courante autrefois dont les codes ne sont plus aussiévidents aujourd'hui. Etudiant hautboïste chez Jean-Louis Capezzali, GaëtanBeauchet les décline dans un travail de master bien conduit et documenté,placé sous le tutorat de Jean-Pierre Mathez et centré sur sa propre expériencepratique de la transcription de la dixième des Visions fugitives op. 22 deProkofiev pour la même formation que le Quintette op. 39 du compositeurrusse – une expérience tout à fait transposable pour d'autres instruments.Extraits de l'introduction et de la conclusion.» Arranger, certes, mais quoi ? Quelles pièces ? Despièces de quelle époque ? En ce qui concerne leformat des morceaux originaux, faut-il préférerles miniatures ou les œuvres plus longues ? Sur lerépertoire de quel instrument se pencher ? Pourquelle formation transcrire ce répertoire ? Au fil despièces, dois-je opter pour un effectif changeant oufixe ? Et dans quel cadre inscrire mon travail : celuid'un concert, d'un recueil ? Autant d'interrogationsqu'il faut chercher à résoudre.» […] Comme le suggère David Walter, hautboïste,pédagogue et transcripteur reconnu, si le musiciens'attache aux responsabilités qu'engendre la transcriptionvis-à-vis de l'œuvre originale, son ajout aurépertoire ne peut être qu'un plus. Monsieur Walterrappelle que le transcripteur a le devoir de connaîtrele mieux possible l'univers dans lequel il envisaged'évoluer afin de générer une œuvre ‹ inattaquablesur le fond ›. Un travail sur le contexte ainsi qu'uneanalyse des pièces sont indispensables.» […] Lors de cette entreprise, j'ai toutefois putoucher à mes limites : arranger une heure demusique avec soin prend du temps, et cet artisanatcomplexe ne se maîtrise qu'à force d'expérience.[…] Pour terminer, ce travail m'a donné la sensationd'être placé au cœur de la problématique du métierd'interprète. Etre musicien, ce n'est pas seulementse demander comment jouer telle ou telle pièce.Etre musicien, c'est aussi se poser la question desavoir si la musique que l'on propose est susceptiblede trouver un public. Etre musicien, c'estparticiper à sa manière et à sa mesure à la marcheen avant de ce que Kandinsky appelait le chariotrécalcitrant de l'humanité. » .«Etre musicien, ce n'est passeulement se demandercomment jouer telle ou tellepièce: c'est aussi se poser laquestion de savoir si la musiqueque l'on propose est susceptiblede trouver un public.»20 nuancesn° <strong>42</strong>nuances n° <strong>42</strong>21


© Jonas PulveractualitéJONAS PULVERactualitéJONAS PULVERBaptême de solisteLe Master de soliste permet à quelques étudiants particulièrementbrillants d’éprouver les enjeux du répertoire concertant. Répétitions,adrénaline, dépassement de soi : un parcours initiatique dont on sortforcément transformé et grandi.La Salle Paderewski, aux dernières heures d’unejeune matinée d’avril. Sur scène, les pupitres del’Orchestre de Chambre de Lausanne prennentl’accord, et leur la partagé baigne les premiersinstants d’une répétition pas tout à fait comme lesautres. Pour Clothilde Ramond, le moment est venude s’élancer. Elle humecte son anche, fait courirune dernières fois ses doigts sur les clés de soninstrument. Accrochée à son hautbois, elle monte lesmarches qui mènent sur la gauche du chef. La jeunefemme s’apprête à endosser les responsabilités dusoliste, pour la première fois de sa carrière.Inspiration, expiration. Trouver son souffle – il enfaut pour assumer les 25 minutes du Concerto deStrauss. « J’ai beau m’être préparée pendant un moisavec le CD, c’est complètement autre chose d’avoir45 musiciens autour de soi ! », confiera Clothilde àl’issue de cette prise de température. « Quand onrépète avec piano, l’accompagnateur nous suit. Là,c’est autre chose, on ne peut pas forcément fairetout ce qu’on veut. » Certains réflexes ne s’acquièrentqu’à l’épreuve du réel, et à l’épreuve de soi-même ;c’est là tout le bénéfice de cet exercice hors ducommun. « Pendant la lecture du premier mouvement,j’avais un peu le nez dans le guidon… Mais jeme suis adaptée. Il suffit d’ouvrir ses oreilles, commesi on faisait de la musique de chambre à très grandeéchelle. C’est primordial de réagir vite. »« Viser la confiance »Et plutôt deux fois qu’une : le lendemain soir déjà,après une générale en début de journée, Clothilde etson collègue Qing Lin, un autre hautboïste de la classe,revêtiront leurs habits de concert et se présenterontdevant le public et le jury – la chronologie est serrée,typique du monde professionnel. Un véritable riteinitiatique, donc, réservé à une poignée d’étudiantsde l'<strong>HEMU</strong> triés sur le volet, qui prétendront d’ici la finde l’année académique au titre de Master de soliste.Deux récitals et l’enregistrement d’un CD complètentl’expérience avec orchestre : sacré programme.« Tout va très bien se passer, tu peux aller faire lessoldes », lance à Clothilde son professeur Jean-LouisCapezzali, histoire de détendre l’atmosphère. Cetancien soliste du Philharmonique de Radio Franceconnaît la scène comme sa poche. Ce qui ne l’a pasempêché, pendant la répétition, de scruter chaquenote depuis le fond de la salle, le regard à la foisconcentré et bienveillant, la partition sur les genoux.« A ce stade, inutile de chercher à faire de grandschangements de conception ; il faut plutôt travaillersur la confiance, note-t-il. De toute façon, au niveauinstrumental, je n’ai presque plus de commentairesà leur faire. A eux de montrer qu’ils sont les maîtresdu jeu. »© Jonas Pulver« Respecter leurs choix »Pour ce faire, Qing Lin explique avoir soigneusementrédigé à l’avance ce qu’il souhaitait dire aux musiciensde sa vision du Concerto pour hautbois de Mozart.« C’est primordial pour que je puisse ensuite me sentirlibre, et jouer avec mon cœur », explique le jeunehomme qui n’en est pas à ses premiers pas de soliste ;il s’est déjà produit avec des orchestres en Chine, auJapon et en Thaïlande, principalement dans le cadrede finales de concours internationaux.« Il a déjà une vision très claire de ce qu’il veutfaire », observe un peu plus tard Aurélien AzanZielinski, qui tient la baguette de l’OCL lors de cettesession. « Par exemple, Qing a souhaité apporterun très léger changement à la partition au niveaudes cordes. Si ça ne tenait qu’à moi, peut-êtrene l’aurais-je pas fait de cette manière. Mais jerespecte son choix, comme je le ferai avec n’importequel autre concertiste. » Se montrer absolumentprofessionnel, tout en prodiguant discrètement l’unou l’autre conseil à l’occasion : le chef encourageles deux jeunes artistes à s’affirmer au maximum.« Parfois, je sens qu’ils ont envie de quelque chose,mais n’osent pas se lancer franchement. C’est aussimon rôle de leur dire : vas-y, c’est toi le soliste ! »« Pas de viande, pas de café »Mais la posture n’est pas simple à assumer, d’autantqu’il faut faire face à un orchestre naviguant au plushaut niveau, dont certains membres sont d’ailleurspassés par le Master. C’est le cas d’Elsa Dorbath,une jeune violoncelliste remplaçante qui s’estformée auprès de Patrick Demenga avant de passerl’examen, l’an dernier. « Je ne connais pas Qing Linpersonnellement, alors j’ai la même impression quelorsqu’on accompagne n’importe quel artiste invité.Avec Clothilde, c’est différent, c’est une amie, et jen’arrête pas de la regarder, de m’assurer qu’elle al’air sereine, que tout va bien. » Elsa se remémore sapropre épreuve, visiblement très inspirée. « La massede l’orchestre est comme une force irrésistible qui tepousse à donner le meilleur de toi-même. »Mieux vaut être au meilleur de sa forme à l’heurede monter sur scène, et en la matière chacun faitsa petite cuisine. Qing : « J’évite absolument demanger de la viande ou de boire du café le jour duconcert. Sinon j’ai trop d’énergie, et j’ai peur de nepas être suffisamment calme… » Clothilde : « Je vaismanger un plat de pâtes, et surtout essayer de dormirau maximum pendant l’après-midi. » Au terme de lagénérale, les deux candidats, solidaires et complices,échangent leurs dernières sensations sur l’acoustiquede la salle – « Oui, tu trouves aussi que ça sonnemieux quand on est dans le public que sur la scène ? »– tandis que Jean-Louis Capezzali et Aurélien AzanZielinski se consultent sur le déclenchement de lacadence dans le Concerto de Strauss.Robe noire pour elle, cravate pour lui. L’instant dusacre pour Clothilde et Qing, qui ont su se montrerà la hauteur des attentes : le public, nombreux, leuroffre une ovation nourrie. Les premières impressions? « Soulagée ! » s’exclame la jeune femme,qui dit s’être même sentie plus à l’aise que prévuau moment de la performance. « Et tant pis pourles petits détails que j’aurais voulu faire différemment.» L’objectif était de prendre de l’assurance ;mission accomplie. Les deux jeunes concertistesont le regard un rien embrumé par l’effort, maisc’est leur mentor Jean-Louis Capezzali qui semblele plus ému au sortir de la Salle Paderewski. Ilbrandit ses deux pouces en signe de contentement.Dans ses yeux brille un mélange de fierté, detendresse et d’admiration. [JP] .22 nuancesn° <strong>42</strong>nuances n° <strong>42</strong>23


CONSERVATOIRE DE LAUSANNEANTONIN SCHERRER© Patrick CharbonCONSERVATOIRE DE LAUSANNEANTONIN SCHERRERConcours régional(Entrada) à BâleInstrument, catégorie Professeur Prix régional obtenu Concours final à BerneRose Egidi Ensemble de musique de chambre, II E Jan Van Hoecke 1 er prix avec félicitations 1 er prix avec félicitationsOleg Gafner Ensemble de musique de chambre, II E Emmanuelle Goffart 1 er prix avec félicitations 1 er prix avec félicitationsVocalistes de haut volà RougemontIls semblaient comme des anges descendus du ciel dansl'écrin millénaire de l'Eglise Saint-Nicolas de Rougemontconstruite par les moines de Cluny. Les Vocalistes duConservatoire de Lausanne et Henri Farge ont une nouvellefois conquis le public du Festival de musique ancienne« La Folia » dans un programme Monteverdi-Gesualdo-Allegride haut vol.Samedi 18 mai 2013, Rougemont, au cœur des Préalpes vaudoises. L'unedes rares journées de soleil de ce printemps maussade : un signe peut-être ?Dans l'église, le public, venu en masse, se souvient encore de leur prestationexemplaire l'an dernier pour les enfants des écoles du Pays-d'Enhaut – deleur attitude très « professionnelle » face à une assemblée pas toujours trèsconcentrée… Les Vocalistes du Conservatoire de Lausanne s'attaquent cematin-là à un programme autrement plus audacieux : Sestina et madrigauxde Monteverdi, Benedictus de Gesualdo et surtout Miserere d'Allegri, sublimeet vertigineux chef-d'œuvre du baroque italien. Il faut toute l'énergie et laprécision d'Henri Farge – et la préparation vocale méticuleuse en amont deStephanie Burkhard – pour rendre honneur à ces pages polyphoniques dontla pureté de la construction ne pardonne absolument rien. Et de ces petits« miracles » aussi comme la voix céleste de Sophie Negoita, qui transpercel'harmonie et les cœurs dans le Miserere… La fusion est exemplaire, la tenueparfaite : l'assemblée – connue pour son exigence – ne fait aucune différenceavec les « stars » de l'ensemble Café Zimmermann entendu la veille dans lamême église. Chapeau ! .Concours suisse de musique pour la jeunesse 2013 :les résultats des élèves du Conservatoire de LausanneNous félicitons les élèves du Conservatoire de Lausanne ayant pris part aux épreuvesrégionales et au concours final à Berne, et plus particulièrement ceux qui y ont décrochéla plus haute récompense :– Quatuor Concertare, ensemble de musique de chambre II E, classes de Jan Van Hoecke(Rose Egidi et Louis Grosclaude), Emmanuelle Goffart (Oleg Gafner), Magali Bourquin(Ionah Maiatsky), 1 er prix avec félicitations– Quintette Krysalid, ensemble de musique de chambre III E, classes de François Sochard(Natalia Boesch et Cigdem Tuncelli), Magali Bourquin et Christian Favre (Aurore Grosclaude),Suzanne Rybicki-Varga (Pauline Renaud), Tina Strinning (Lisanne Schick)– Ionah Maiatsky, piano II, classe de Magali Bourquin, 1 er prix avec félicitations– Leonard Schick, clavecin III, classe de Claire Anne Piguet Al Saghir, 1 er prix– Marius Favia, piano I, classe de Marja-Liisa Marosi, 1 er prixwww.sjmw.ch© Patrick CharbonLouis Grosclaude Ensemble de musique de chambre, II E Jan Van Hoecke 1 er prix avec félicitations 1 er prix avec félicitationsIonah Maiatsky Ensemble de musique de chambre, II E Magali Bourquin 1 er prix avec félicitations 1 er prix avec félicitationsIonah Maiatsky Piano, II Magali Bourquin 1 er prix avec félicitations 1 er prix avec félicitationsLeonard Schick Clavecin, III Claire Anne Piguet 1 er prix 1 er prixRomain Gili Trompette, II Norbert Pfammatter 2 e prixConcours régional(Entrada) à GenèveConcours régional(Entrada) à LuganoConcours régional(Entrada) à NeuchâtelInstrument, catégorie Professeur Prix régional obtenu Concours final à BerneThéo Gieruc Ensemble de musique de chambre, III E Sooa Chung 1 er prix 3 e prixMaël Graa Ensemble de musique de chambre, III E Sooa Chung 1 er prix 3 e prixMaxime Paschoud Ensemble de musique de chambre, III E Sooa Chung 1 er prix 3 e prixCécile Willa Ensemble de musique de chambre, III E Sooa Chung 1 er prix 3 e prixHélène MorantEnsemble de musique de chambre III Eavec Fanny Monnet (hors Conservatoire)Stephan Rusiecki 1 er prix 2 e prixMarius Favia Piano, I Marja-Liisa Marosi 1 er prix 1 er prixSamuel Hirsch Ensemble de musique de chambre, II E François Sochard 2 e prixLéa Al-Saghir Ensemble de musique de chambre, II E Hors Conservatoire 2 e prixSon Pham-Ba Ensemble de musique de chambre, II E Frédéric Kirch 2 e prixMarie Ausländer Ensemble de musique de chambre, II E Martin Reetz 2 e prixCaroline Monbaron Chant, III C Hiroko Kawamichi 2 e prixMarie Anex Ensemble de musique de chambre, III E Sooa Chung 3 e prixJoëlle Luu Ensemble de musique de chambre, III E Ludmila Gogatcheva 3 e prixAntoine Rousseau Ensemble de musique de chambre, III E Stephan Rusiecki 3 e prixAndreas Van Luc Dao Piano, I Marja-Liisa Marosi 3 e prixEmma Jüngling Chant, III C Hiroko Kawamichi 3 e prixMaximilian Trinca Piano, II Martine Nobile 3 e prixInstrument, catégorie Professeur Prix régional obtenu Concours final à BerneChiara Ortelli Piano, II Magali Bourquin 2 e prixInstrument, catégorie Professeur Prix régional obtenu Concours final à BerneNatalia Boesch Ensemble de musique de chambre, III E François Sochard 1 er prix 1 er prix avec félicitationsAurore Grosclaude Ensemble de musique de chambre, III E Magali Bourquin / Christian Favre 1 er prix 1 er prix avec félicitationsPauline Renaud Ensemble de musique de chambre, III E Suzanne Rybicki-Varga 1 er prix 1 er prix avec félicitationsLisanne Schick Ensemble de musique de chambre, III E Tina Strinning 1 er prix 1 er prix avec félicitationsCigdem Tuncelli Ensemble de musique de chambre, III E François Sochard 1 er prix 1 er prix avec félicitationsAurore Grosclaude Piano, III Magali Bourquin / Christian Favre 1 er prix avec félicitations 2 e prixClothilde Lengagne Piano, I Enrico Camponovo 1 er prix 2 e prixIrène Quynh-Vy Lam Ensemble de musique de chambre, II E Stephan Rusiecki 2 e prixImelda Monga Ensemble de musique de chambre, II E Ludmila Gogatcheva 2 e prixDélia Phan Ensemble de musique de chambre, II E Martin Reetz 2 e prixElisa George Piano, IV Gueorgui Popov 2 e prixCyprien Lengagne Piano, II Enrico Camponovo 2 e prixTilia Gerber Cor, IV Stéphane Mooser 3 e prixOlivier Quoc-Vinh Lam Piano, III Magali Bourquin 2 e prix24nuancesnuances n° <strong>42</strong>nuances n° <strong>42</strong> 25


© Mat HenneckinterviewANTONIN SCHERRERbrève01Bassiste et professeur audépartement jazz de l'<strong>HEMU</strong>,Jean-Pierre Schaller publiedans le 4 e numéro de la revueOrphée apprenti – Cahiers duGRiAM [Groupe de Réflexioninternational sur les Apprentissagesde la Musique] un articletrès étoffé sur l'approchedidactique d'un style qui aprofondément marqué l'histoirede la musique actuelle de cescinquante dernière années : lefunk. A la clé, outre une mise encontexte socio-historique dugenre, l'analyse détaillée dedeux œuvres clés : I Got You –I Feel Good (1964) et Cold Sweat(1967) de James Brown.Le PDF de cet article peut êtretléléchargé sur le site dumusicien : www.jpschaller.ch02Professeur de piano à l'<strong>HEMU</strong>– site de Fribourg, RicardoCastro vient d'être nommémembre d'honneur de laprestigieuse Royal PhilharmonicSociety. Parmi les qualités quilui sont reconnues : son 1 er Prixau Concours de Leeds et sonaction musicale en faveur desjeunes à Bahia au Brésil. La listedes membres d'honneur del'institution est impressionnante: tous les grandscompositeurs et musiciens yfigurent depuis sa création en1826 – Mendelssohn, Rossini,Berlioz, Wagner, Brahms, Dvorak,Tchaïkovski, Rachmaninov,Toscanini, Sibelius, Casals,Rubinstein, Menuhin, Haitink,Boulez…03Elève de Christian Favre àLausanne (1 er Prix de virtuositéavec félicitations du jury en1993) et aujourd'hui solistereconnu, Cédric Pescia vientd'être nommé professeur depiano à la Haute Ecole deMusique de Genève. Son concertde bienvenue, offert à la PlaceNeuve le 19 mars 2013, était àl'image de son répertoire –éclectique : Couperin, Messiaen,Beethoven, Kurtág et Schumann.0455% des certificats AVCEMclassiques décernés cette année(soit 36 des 66) proviennent duConservatoire de Lausanne, dontles élèves ne représententpourtant que 10% des coursinstrumentaux AVCEM. Sur les22 certificats décernés avecfélicitations, 14 sont le faitd'élèves de l'institution… quipeut légitimement être fière deces statistiques !Renaud CapuçonIl est depuis près de deux décennies l'une des figures les plusen vue de la planète violon. Soliste international, chambristepassionné, auteur d'une impressionnante discographie chez VirginClassics, Renaud Capuçon a estimé qu'il était temps pour lui defranchir un nouveau cap : celui de l'enseignement. Il vient d'êtrechoisi sur concours pour succéder à Pierre Amoyal, qui prendra saretraite de l'<strong>HEMU</strong> au terme de l'année académique 2013-2014 (lireNuances n° 41 – avril 2013) : une belle opportunité pour le violonistefrançais autant que pour l'institution. Rencontre.Renaud Capuçon, quel regard portez-vous sur lesannées « folles » de votre début de carrière ?Le fait de devenir père récemment m'a permis de relativiserbeaucoup de choses. Avec un peu de recul, je constate toutefoisque les événements se sont enchaînés naturellement. La décisiond'enseigner participe pleinement de cette dynamique : je sensqu'aujourd'hui je suis prêt à faire le pas, malgré le nombre importantd'engagements et de projets qui garnissent mon agenda. J'enai discuté en famille, j'ai évalué les contraintes d'organisation.L'enseignement est en fin de compte un magnifique défi : c'est unjeu de miroir dans lequel on reçoit autant que l'on donne – passûr qu'à 20 ans ont soit prêt à un tel échange.Le choix de Lausanne est-il le fruit du hasard ?J'ai toujours eu le pressentiment que j'accomplirais quelque chosedans cette ville… On m'a fait d'autres propositions, notamment enAllemagne, mais il faut croire que cette classe « m'attendait ». J'aiune réelle affinité avec cet endroit, cette région : j'y ai beaucoupd'amis, j'ai joué très tôt à Verbier, je me suis produit une fois avecl'Orchestre de Chambre de Lausanne, c'est à Montreux que j'aiassisté à mes premiers concerts, Lausanne est également proche deChambéry où j'ai grandi. Et puis au moment de postuler à l'<strong>HEMU</strong>, jeme suis aussi rendu compte qu'il y avait une réelle volonté de la partde l'institution de m'aider à trouver des solutions pour me permettrede concilier cette activité avec ma vie de soliste, une « liberté » quel'on connaît moins dans les conservatoires français, beaucoup pluscloisonnés. Cela se concrétise aujourd'hui par l'engagement à mescôtés de François Sochard comme adjoint artistique, que je connaisdepuis qu'il a l'âge de quinze ans et que j'estime beaucoup : sonexpérience comme premier violon solo de l'Orchestre de Chambre deLausanne s'inscrit en parfaite complémentarité avec mes compétencesde soliste. Enfin, c'est une source de fierté que de reprendrele flambeau de Pierre Amoyal, avec qui j'ai eu l'occasion il y a unevingtaine d'années de prendre trois cours dans le sud de la Franceet qui est l'un des rares violonistes français à se produire avec lesgrands orchestres de la planète. .zoom« Créer une vraie classe »« Je ne me pose pas en grand soliste quivient dispenser quelques conseils : pourcela il y a les masterclasses. J'ai unevéritable ambition pour Lausanne : celle decréer une classe d'envergure internationale.J'estime pour cela avoir l'expériencesuffisante, à commencer par l'héritagede mon professeur Veda Reynolds, élèvede Carl Flesch, Ivan Galamian et EfremZimbalist, qui m'a appris qu'un professeurne devait jamais demander à ses élèvesde faire la même chose que lui, mais qu'ildevait les inciter à servir au mieux lescompositeurs à travers un consensusintelligent. Mon objectif est de formerdes musiciens épanouis et non desbêtes de concours, des violonistes du21 e siècle conscients de leurs racines.L'un des défis majeurs aujourd'hui est deles rendre capables de jouer aussi bienle Concerto de Brahms que le solo deHeldenleben de Strauss, car un JaschaHeifetz ne fait surface qu'une fois tousles siècles… Transmettre le meilleurde moi-même : voilà ma source demotivation et mon ambition. »© Switzerland Tourism – Christof Schuerpf26nuances n° <strong>42</strong>27


Haute Ecole de Musiqueet Conservatoire de LausanneRue de la Grotte 2Case postale 5700CH-1002 LausanneT + 41 21 321 35 35F + 41 21 321 35 36info@hemu-cl.chwww.hemu.chwww.conservatoire-lausanne.ch© Tango argentin – DR

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