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nuanCes 42 - HEMU

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© Jonas PulveractualitéJONAS PULVERactualitéJONAS PULVERBaptême de solisteLe Master de soliste permet à quelques étudiants particulièrementbrillants d’éprouver les enjeux du répertoire concertant. Répétitions,adrénaline, dépassement de soi : un parcours initiatique dont on sortforcément transformé et grandi.La Salle Paderewski, aux dernières heures d’unejeune matinée d’avril. Sur scène, les pupitres del’Orchestre de Chambre de Lausanne prennentl’accord, et leur la partagé baigne les premiersinstants d’une répétition pas tout à fait comme lesautres. Pour Clothilde Ramond, le moment est venude s’élancer. Elle humecte son anche, fait courirune dernières fois ses doigts sur les clés de soninstrument. Accrochée à son hautbois, elle monte lesmarches qui mènent sur la gauche du chef. La jeunefemme s’apprête à endosser les responsabilités dusoliste, pour la première fois de sa carrière.Inspiration, expiration. Trouver son souffle – il enfaut pour assumer les 25 minutes du Concerto deStrauss. « J’ai beau m’être préparée pendant un moisavec le CD, c’est complètement autre chose d’avoir45 musiciens autour de soi ! », confiera Clothilde àl’issue de cette prise de température. « Quand onrépète avec piano, l’accompagnateur nous suit. Là,c’est autre chose, on ne peut pas forcément fairetout ce qu’on veut. » Certains réflexes ne s’acquièrentqu’à l’épreuve du réel, et à l’épreuve de soi-même ;c’est là tout le bénéfice de cet exercice hors ducommun. « Pendant la lecture du premier mouvement,j’avais un peu le nez dans le guidon… Mais jeme suis adaptée. Il suffit d’ouvrir ses oreilles, commesi on faisait de la musique de chambre à très grandeéchelle. C’est primordial de réagir vite. »« Viser la confiance »Et plutôt deux fois qu’une : le lendemain soir déjà,après une générale en début de journée, Clothilde etson collègue Qing Lin, un autre hautboïste de la classe,revêtiront leurs habits de concert et se présenterontdevant le public et le jury – la chronologie est serrée,typique du monde professionnel. Un véritable riteinitiatique, donc, réservé à une poignée d’étudiantsde l'<strong>HEMU</strong> triés sur le volet, qui prétendront d’ici la finde l’année académique au titre de Master de soliste.Deux récitals et l’enregistrement d’un CD complètentl’expérience avec orchestre : sacré programme.« Tout va très bien se passer, tu peux aller faire lessoldes », lance à Clothilde son professeur Jean-LouisCapezzali, histoire de détendre l’atmosphère. Cetancien soliste du Philharmonique de Radio Franceconnaît la scène comme sa poche. Ce qui ne l’a pasempêché, pendant la répétition, de scruter chaquenote depuis le fond de la salle, le regard à la foisconcentré et bienveillant, la partition sur les genoux.« A ce stade, inutile de chercher à faire de grandschangements de conception ; il faut plutôt travaillersur la confiance, note-t-il. De toute façon, au niveauinstrumental, je n’ai presque plus de commentairesà leur faire. A eux de montrer qu’ils sont les maîtresdu jeu. »© Jonas Pulver« Respecter leurs choix »Pour ce faire, Qing Lin explique avoir soigneusementrédigé à l’avance ce qu’il souhaitait dire aux musiciensde sa vision du Concerto pour hautbois de Mozart.« C’est primordial pour que je puisse ensuite me sentirlibre, et jouer avec mon cœur », explique le jeunehomme qui n’en est pas à ses premiers pas de soliste ;il s’est déjà produit avec des orchestres en Chine, auJapon et en Thaïlande, principalement dans le cadrede finales de concours internationaux.« Il a déjà une vision très claire de ce qu’il veutfaire », observe un peu plus tard Aurélien AzanZielinski, qui tient la baguette de l’OCL lors de cettesession. « Par exemple, Qing a souhaité apporterun très léger changement à la partition au niveaudes cordes. Si ça ne tenait qu’à moi, peut-êtrene l’aurais-je pas fait de cette manière. Mais jerespecte son choix, comme je le ferai avec n’importequel autre concertiste. » Se montrer absolumentprofessionnel, tout en prodiguant discrètement l’unou l’autre conseil à l’occasion : le chef encourageles deux jeunes artistes à s’affirmer au maximum.« Parfois, je sens qu’ils ont envie de quelque chose,mais n’osent pas se lancer franchement. C’est aussimon rôle de leur dire : vas-y, c’est toi le soliste ! »« Pas de viande, pas de café »Mais la posture n’est pas simple à assumer, d’autantqu’il faut faire face à un orchestre naviguant au plushaut niveau, dont certains membres sont d’ailleurspassés par le Master. C’est le cas d’Elsa Dorbath,une jeune violoncelliste remplaçante qui s’estformée auprès de Patrick Demenga avant de passerl’examen, l’an dernier. « Je ne connais pas Qing Linpersonnellement, alors j’ai la même impression quelorsqu’on accompagne n’importe quel artiste invité.Avec Clothilde, c’est différent, c’est une amie, et jen’arrête pas de la regarder, de m’assurer qu’elle al’air sereine, que tout va bien. » Elsa se remémore sapropre épreuve, visiblement très inspirée. « La massede l’orchestre est comme une force irrésistible qui tepousse à donner le meilleur de toi-même. »Mieux vaut être au meilleur de sa forme à l’heurede monter sur scène, et en la matière chacun faitsa petite cuisine. Qing : « J’évite absolument demanger de la viande ou de boire du café le jour duconcert. Sinon j’ai trop d’énergie, et j’ai peur de nepas être suffisamment calme… » Clothilde : « Je vaismanger un plat de pâtes, et surtout essayer de dormirau maximum pendant l’après-midi. » Au terme de lagénérale, les deux candidats, solidaires et complices,échangent leurs dernières sensations sur l’acoustiquede la salle – « Oui, tu trouves aussi que ça sonnemieux quand on est dans le public que sur la scène ? »– tandis que Jean-Louis Capezzali et Aurélien AzanZielinski se consultent sur le déclenchement de lacadence dans le Concerto de Strauss.Robe noire pour elle, cravate pour lui. L’instant dusacre pour Clothilde et Qing, qui ont su se montrerà la hauteur des attentes : le public, nombreux, leuroffre une ovation nourrie. Les premières impressions? « Soulagée ! » s’exclame la jeune femme,qui dit s’être même sentie plus à l’aise que prévuau moment de la performance. « Et tant pis pourles petits détails que j’aurais voulu faire différemment.» L’objectif était de prendre de l’assurance ;mission accomplie. Les deux jeunes concertistesont le regard un rien embrumé par l’effort, maisc’est leur mentor Jean-Louis Capezzali qui semblele plus ému au sortir de la Salle Paderewski. Ilbrandit ses deux pouces en signe de contentement.Dans ses yeux brille un mélange de fierté, detendresse et d’admiration. [JP] .22 nuancesn° <strong>42</strong>nuances n° <strong>42</strong>23

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