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La passion selon Saint Matthieu - HEMU

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<strong>La</strong> <strong>passion</strong> <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong><br />

Travail réalisé pour l’obtention du Bachelor of Arts HES-SO en musique<br />

Par :<br />

Anne Montandon<br />

Professeur d’instrument principal: Hiroko Kawamichi<br />

Coordinatrice du travail: Angelika Güsewell<br />

<strong>La</strong>usanne, année académique 2007-2008<br />

Conservatoire de <strong>La</strong>usanne – Haute Ecole de Musique (HEM)


<strong>La</strong> <strong>passion</strong> <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong><br />

Table des matières<br />

1.Introduction.......................................................................................................................................1<br />

2.Introduction historique......................................................................................................................2<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> médiévale..................................................................................................................2<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> à la Renaissance........................................................................................................2<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> - répons ................................................................................................................2<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> - motet..................................................................................................................2<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> luthérienne................................................................................................................2<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> au XVIIIème siècle...................................................................................................3<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> au XIXème et XXème siècle.....................................................................................3<br />

Brève biographie de Jean-Sébastien Bach..................................................................................4<br />

3.<strong>La</strong> Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong>........................................................................................................5<br />

4.Analyse de l'arioso et de l'air.............................................................................................................9<br />

5.Interprétation...................................................................................................................................13<br />

6.Conclusion.......................................................................................................................................16<br />

7.Liste de références...........................................................................................................................17<br />

8.Enregistrements utilisés...................................................................................................................18<br />

9.<strong>La</strong> partition......................................................................................................................................19<br />

10.Cd avec les différentes versions ...................................................................................................20<br />

1. Introduction<br />

J'ai choisi comme sujet de travail de bachelor la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong> car c'est une oeuvre<br />

que j'ai souvent exécutée en choeur avec l'Ensemble Vocal de <strong>La</strong>usanne, sous la direction de Michel<br />

Corboz. Nous avons chanté cette Passion dans de nombreux festivals l'été dernier et j'ai eu envie<br />

d'étudier et de chanter les airs de soprano.<br />

Par mon travail de bachelor, je désirais découvrir et comprendre cette oeuvre monumentale. J'avais<br />

envie de connaître les raisons, le contexte historique et musical de cette Passion.<br />

Pour cela, j'ai commencé par étudier l'évolution du genre de la <strong>passion</strong> au fil des siècles, puis à quel<br />

moment de la vie de J.-S. Bach correspond sa Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong>. J'ai recherché d'où<br />

provenait le texte qu'utilise Bach et pour quel lieu son oeuvre était destinée. Finalement, j'ai essayé<br />

de comprendre quels moyens utilisait J.-S. Bach pour mettre en musique ce texte.<br />

<strong>La</strong> première partie de mon travail est donc historique, le fruit de recherches dans différents<br />

ouvrages. <strong>La</strong> seconde partie est consacrée à l'arioso et à l'air que je vais chanter lors de mon récital<br />

de bachelor. Pour ces deux éléments, je me suis plongée dans l'analyse harmonique et thématique en<br />

essayant de relier le tout avec le texte afin de me donner des pistes pour mon interprétation.<br />

Différentes questions me sont venues à l'esprit lors des recherches que j'ai effectuées pour mon<br />

travail concernant la réalisation de l'air et de l'arioso, le problème du diapason ou de l'exécution sur<br />

instruments anciens ou non. J'en ai alors écouté différentes versions afin de les comparer pour me<br />

donner une idée de ce que j'avais envie de faire.<br />

1


2. Introduction historique<br />

Historique de la <strong>passion</strong> musicale à travers les siècles<br />

<strong>La</strong> représentation musicale de la <strong>passion</strong> du Christ repose sur les récits de l'évangile de la<br />

crucifixion du Christ. Les <strong>passion</strong>s sont exécutées lors de la semaine sainte du calendrier chrétien.<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> médiévale<br />

Dès le XI ème siècle, dans la <strong>passion</strong> liturgique catholique, nous trouvons le texte latin psalmodié avec<br />

une différenciation des personnages, une répartition des rôles. Le prêtre tenait le rôle du Christ, le<br />

sous diacre exécutait les personnages profanes et le diacre jouait le récitant, l'évangéliste. Il y a déjà<br />

une différence de registre: Jésus était toujours récité dans le registre grave, l'évangéliste dans le<br />

registre moyen et les autres personnages dans un registre plus élevé. Par la suite, pour traduire les<br />

paroles collectives, les paroles de la foule (les disciples, les grands prêtres, le peuple), les trois<br />

chantres auront une récitation simultanée.<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> à la Renaissance<br />

A partir de la Renaissance, la <strong>passion</strong> va se séparer en deux tendances: la <strong>passion</strong>-répons où seules<br />

les voix de turbae (choeur de foule) sont écrites en polyphonie et la <strong>passion</strong>-motet, où tout le texte<br />

est traité en polyphonie, qui apparaît vers 1480.<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> - répons<br />

Dans la <strong>passion</strong>-répons, le chantre alterne avec le choeur, les paroles de l'évangéliste sont chantées à<br />

une voix, celle des soliloquentes (dans les <strong>passion</strong>s, ce terme s'applique à tous les personnages<br />

autres que l'Evangéliste et le Christ.) à 2 ou à 3 voix. Les choeurs de foule sont traités en<br />

polyphonie. <strong>La</strong> <strong>passion</strong>-répons reste dans la tradition médiévale et sera le précurseur de la <strong>passion</strong><br />

oratorio du XVII ème siècle. Les compositeurs illustrant ce type de <strong>passion</strong> sont, entre autres, Johann<br />

Walter et Roland de <strong>La</strong>ssus.<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> - motet<br />

Pour la <strong>passion</strong>-motet, la composition est basée sur un cantus firmus liturgique, le texte entier est<br />

traité en polyphonie. Le texte biblique est utilisé, à l'exception du choeur initial et final. Le nombre<br />

de voix varie, mais un personnage pourra être chanté par plusieurs voix, il n'y a pas de<br />

représentation d'un personnage par une même voix. Ces <strong>passion</strong>s sont organisées comme un motet,<br />

c'est-à-dire avec différentes sections ayant chacune un motif qui lui est propre. Petit à petit le texte<br />

liturgique cesse d'être respecté. <strong>La</strong> <strong>passion</strong>-motet offre plus de libertés.<br />

Nous pouvons observer la même évolution que pour le motet. Ainsi, les compositeurs doivent<br />

choisir soit le traitement du texte qui se rapproche du madrigal (poème libre, toutes le voix ont la<br />

même importance) avec un souci de traduction des mots par la musique, soit le maintien du texte<br />

mélodique et monodique de la liturgie en l'ornant de contrepoint.<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> luthérienne<br />

Le XVII ème siècle est dominé par la <strong>passion</strong> luthérienne. A la fin du XVI ème siècle, la <strong>passion</strong> latine<br />

va petit à petit disparaître et le genre de la <strong>passion</strong> va se développer surtout en Allemagne, avec la<br />

réforme luthérienne. Martin Luther (1483-1546) est un moine augustin. Par opposition aux abus de<br />

l'Église catholique, il publie en 1517 ses 95 thèses contre les indulgences. Il désire supprimer ce qui<br />

semble aller à l'encontre des enseignements du Nouveau Testament. Suite à cela, il est excommunié<br />

par le Pape et se retrouve à la tête d'une réforme et d'une nouvelle manière de penser la religion. Il<br />

traduit le Nouveau Testament en allemand.<br />

Sur le plan musical, il réorganise le culte et, par un souci d'éducation chrétienne du peuple, il y<br />

introduit la langue allemande et accorde une place importante à la musique dans les écoles. Afin de<br />

faciliter la compréhension des textes par le peuple, il purifie la musique et les textes et introduit le<br />

2


choral chanté par l'assemblée. Pour répondre à cette nouvelle réforme, Luther s'associe à des<br />

compositeurs et la production de musique pour le culte n'a cessé de croître jusqu'au début du<br />

XVIII ème siècle. Luther publie deux textes de grande importance: Formula missae et communionis<br />

(1523) et Deutsche Messe und Ordnung Gottesdienst (1526). Si dans son premier écrit, il fait part<br />

de son envie de conserver la langue latine, ce n'est que dans le deuxième qu'apparaît l'idée de<br />

changer la langue du culte, sans la rendre obligatoire, ainsi que de modifier le service religieux.<br />

Luther laisse cependant la liberté d'organisation et de structure du culte à chaque communauté. <strong>La</strong><br />

musique devient une partie indispensable au culte et Luther part du principe augustinien que le<br />

chant est comme une prière dite deux fois. Le choral allemand donne la possibilité aux fidèles de<br />

participer activement au culte.<br />

Les premières <strong>passion</strong>s en allemand apparaissent avec Johann Walter. Ce sont des <strong>passion</strong>s-répons<br />

destinées au culte. On y retrouve une certaine simplicité afin de faciliter la compréhension.<br />

Progressivement, la notion de cantus firmus disparaît et les <strong>passion</strong>s deviennent de plus en plus<br />

expressives. Heinrich Schütz compose quatre <strong>passion</strong>s sur le texte des quatres évangélistes, il est<br />

souvent présenté comme le précurseur des <strong>passion</strong>s de J.-S. Bach et mène à sa fin la <strong>passion</strong> a<br />

capella.<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> au XVIII ème siècle<br />

Au XVIII ème siècle, apparaît la <strong>passion</strong> oratorio dans un style opératique. Des livrets propres à la<br />

<strong>passion</strong> font leur apparition, le drame commence à être traité tel un vrai livret d'opéra. Le texte libre<br />

offre de nouvelles possibilités aux compositeurs.<br />

<strong>La</strong> basse continue et l'orchestre s'introduisent dans la <strong>passion</strong> tout comme ils se sont introduits dans<br />

les autres genres de l'époque. Peu à peu, la <strong>passion</strong> allemande se mêle avec les éléments de<br />

l'oratorio et de l'opéra italien. Un des livrets de la <strong>passion</strong> le plus connu et qui a influencé le plus de<br />

compositeurs, est celui de Barthold Heinrich Brockes. On y retrouve les mêmes éléments que dans<br />

l'opéra et dans l'oratorio. Par exemple, dans ses <strong>passion</strong>s G.-F. Händel compose des ariosos, des<br />

récitatifs, des airs, des duos et des choeurs. Le texte évangélique est partagé entre plusieurs solistes.<br />

Les <strong>passion</strong>s de J.S. Bach sont des <strong>passion</strong>s oratorio. <strong>La</strong> réforme de Luther occupe une place<br />

importante dans l'art de J.S. Bach. En effet, il lit tous les écrits de Luther et il applique la pensée de<br />

ce dernier aussi bien à sa vie quotidienne qu'à ses compositions. Bach a repris pour ses <strong>passion</strong>s des<br />

procédés introduits par Heinrich Schütz: la déclamation s'appuie sur la prosodie de la langue et les<br />

choeurs sont traités à la manière d'un madrigal; ainsi que ceux introduits par Johann Sebastiani: en<br />

forme d'oratorio, en y introduisant des récits libres et de quelques passages lyriques. Il a également<br />

recopié les <strong>passion</strong>s de G.-F. Händel dont il a retenu l'esprit, mais il a réussi à dépasser tous ses<br />

prédécesseurs grâce à la richesse de son invention musicale et à l'ampleur de ses compositions.<br />

Après J.-S. Bach, il n'y aura pas d'autres <strong>passion</strong>s du même genre.<br />

Dans la deuxième moitié du XVIII ème siècle et au XIX ème siècle, deux nouveaux types de <strong>passion</strong>s se<br />

développent, sur des textes en vers: l'oratorio de la <strong>passion</strong> et la cantate de la <strong>passion</strong>, à caractère<br />

plus contemplatif et dramatique que narratif.<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> au XIX ème et XX ème siècle<br />

Au XIX ème siècle, la fonction de la musique chorale et sacrée change avec l'apparition des concerts<br />

publics et des différents festivals. <strong>La</strong> musique sacrée sort de son contexte religieux pour la première<br />

fois avec le Requiem de Verdi. Vers 1850, il y a un regain d'intérêt pour l'histoire de la musique<br />

sacrée mais il n'y aura pas de nouvelle <strong>passion</strong> composée avant 1896 avec Die Passion de<br />

Herzogenberg.<br />

On trouve des <strong>passion</strong>s au XX ème siècle, dont une de Penderecki et une de Collums. Pour sa Passion,<br />

Penderecki fait référence à Bach avec la division de son oeuvre en deux parties, la répartitions des<br />

rôles et en introduisant la série de notes donnée par les lettres BACH. Il utilise des procédés avantgardistes<br />

dans le traitement de l'orchestre et les recherches sonores. Les <strong>passion</strong>s composées au<br />

XX ème siècle le sont uniquement pour des concerts.<br />

3


Brève biographie de Jean-Sébastien Bach<br />

Issu d'une famille de musiciens, Jean Sébastien Bach est né le 23 mars 1685. Orphelin à l'âge de 10<br />

ans, il poursuit son éducation auprès de son frère organiste à Ohrdruf. Là, il apprend le solfège,<br />

l'orgue, le clavecin, le chant, le violon et la composition en recopiant des partitions. Il fait ses études<br />

générales à l'école de latin de la ville et montre déjà un grand intérêt pour la théologie.<br />

En 1700, il est engagé à Lüneburg comme choriste. Il a alors la possibilité d'écouter et de rencontrer<br />

de nombreux organistes ainsi que de se familiariser avec la grande polyphonie sacrée de la<br />

Renaissance et l'art des grands organistes de l'Allemagne du Nord. Il sera aussi confronté à la<br />

culture et à la musique française à la cour de Celle où les oeuvres de Lully étaient exécutées. Il a la<br />

possibilité de copier énormément de musique.<br />

En 1703, il fait ses débuts en tant que musicien professionnel à Weimar où il est engagé en tant que<br />

violoniste. Il découvre alors la musique italienne de Palestrina, les oeuvres concertantes, la<br />

souplesse, l'invention mélodique et la discipline tonale des compositeurs italiens. En 1703 il obtient<br />

son premier poste d'organiste à la Neue Kirche à Arnstadt. Il a alors le temps de s'exercer à l'orgue<br />

et de composer. Les premières cantates qu'il compose à cette période sont très proches de celles de<br />

Buxtehude qu'il rencontre lors d'un voyage en 1705.<br />

De 1707 à 1708 il est organiste à Mühlhausen. 1707 est aussi l'année de son premier mariage avec<br />

Maria Barbara.<br />

De 1708 à 1717, il est organiste à la cour de Weimar, où la vie musicale est très riche, le duc y<br />

accorde beaucoup d'importance. Ainsi J.S. Bach ne sera limité ni financièrement ni dans ses<br />

compositions pour lesquelles le duc lui laisse une grande liberté. Il découvre alors la musique<br />

italienne de Frescobaldi, Corelli, Albinoni, Legrenzi et Vivaldi, qu'il recopie abondamment. J.S.<br />

Bach devient très renommé en Allemagne. C'est à Weimar qu'il composera la majorité de sa<br />

musique pour orgue. En mars 1714, il est nommé Konzertmeister et doit faire exécuter chaque mois<br />

une nouvelle oeuvre. Il compose chaque mois une nouvelle cantate.<br />

En 1717, il part à Köthen où il est engagé en tant que Kappelmeister auprès du prince Leopold<br />

d'Anhalt-Cöthen. <strong>La</strong> cour, ralliée au culte calviniste, ne permettait pas la musique pendant la<br />

célébration, il aborde alors la musique concertante. C'est à ce moment qu'il compose le clavier bien<br />

tempéré. En 1720, Maria Barabara meurt et en 1721 il se remarie avec Anna Magdalena.<br />

En 1723, J.S. Bach est nommé Kantor à Leipzig où il restera jusqu'à la fin de sa vie. Il s'occupe de<br />

l'éducation générale et musicale des garçons démunis, de la musique à l'église <strong>Saint</strong> Thomas ainsi<br />

que des églises de <strong>Saint</strong> Jean et de <strong>Saint</strong> Paul. Les garçons ne sont admis à l'école qu'avec un<br />

minimum d'aptitude musicale et sont répartis en quatre choeurs pour les besoins des quatre églises<br />

de la ville. Là, il devra présenter une cantate au culte chaque dimanche. C'est à Leipzig que J.S.<br />

Bach compose la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> Jean, la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong>-<strong>Matthieu</strong>, le Magnificat,<br />

l'oratorio de Noël et la messe en si. A Leipzig, J.S. Bach est aussi nommé directeur de la musique,<br />

c'est-à- dire qu'il veillera à l'ensemble des activités musicales officielles. Il organise des concerts et<br />

recrée le collegium musicum qu'avait fondé Telemann et avec lequel il a produit plus de 600<br />

concerts publics. Petit à petit sa santé et sa vue se dégradent et il meurt le 28 juillet 1750.<br />

4


3. <strong>La</strong> Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong><br />

<strong>La</strong> Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong> a été composée pour le culte du vendredi saint à la Thomaskirche<br />

de Leipzig, où J.-S. Bach exerçait le rôle de cantor. Elle a été écrite en fonction de la configuration<br />

des lieux. En effet, la Thomaskirche possédait deux tribunes et deux orgues qui étaient disposées<br />

dans le sens de la longueur de la nef, de part et d'autre de l'assemblée. J.-S. Bach a l'idée de faire<br />

dialoguer deux orgues, deux orchestres et deux choeurs. Avec la disposition en deux choeurs et deux<br />

orchestres, J.-S. Bach renoue avec la tradition vénitienne et introduit une nouveauté dans le modèle<br />

de la <strong>passion</strong>. Cette écriture permet un effet de stéréophonie qui plonge le fidèle dans un tourbillon<br />

musical et l'implique dans le récit de la <strong>passion</strong>. Les deux choeurs se répondent ou fusionnent. Nous<br />

connaissons le lieu de l'exécution grâce à l'édition du texte de Picander qui le mentionne, et grâce à<br />

l'orchestration qui demande les deux orgues que seule cette église possédait. Il est aujourd'hui<br />

difficile de s'imaginer les lieux tels qu'ils étaient à l'époque. En effet, une des deux tribunes a été<br />

détruite en 1885. De plus, la Passion n'est pratiquement jamais exécutée avec les deux choeurs<br />

séparés physiquement et nous nous contentons souvent d'un seul orchestre. Le relief donné par la<br />

séparation en deux tribunes devait créer un effet impressionnant.<br />

Les différentes sources ne s'accordent pas sur la date de la première exécution. <strong>La</strong> partition<br />

autographe parle d'une exécution le 30 mars 1736 à la Thomaskirche mais il existe d'autres versions<br />

antérieures. Certains musicologues parlent d'une première version le 11 avril 1727. Il est en effet<br />

possible que certains mouvements proviennent d'une <strong>passion</strong> antérieure datant des années à Weimar.<br />

Mais la date qui est traditionnellement mise en avant est celle du 15 avril 1729, pour laquelle J.-S.<br />

Bach aurait modifié la partition de 1727. Ce que nous savons précisément, c'est que le culte du<br />

vendredi saint à la Thomaskirche était célébré lors des années impaires, les années paires, il avait<br />

lieu à la Nikolaikirche. Bach aurait dirigé deux fois sa Passion après 1729. Selon le Grove, en 1736,<br />

Bach aurait modifié sa partition en séparant le continuo en deux parties distinctes, en introduisant le<br />

choral de la fin de la première partie O Mensch bewein et en remplaçant la partie de luth par la viole<br />

de gambe dans l'air de basse Komm süsses Kreuz. Le 11 mars 1829, Felix Mendelssohn permettra la<br />

redécouverte de la musique de J.-S. Bach et de sa Passion en la dirigeant à Berlin.<br />

<strong>La</strong> tradition d'exécuter une <strong>passion</strong> dans un style concertant le vendredi saint à Leipzig date de 1721<br />

et a été introduite par le prédécesseur de J.-S. Bach, Johann Kuhnau. J.-S. Bach a dirigé 26 <strong>passion</strong>s<br />

pendant ses fonctions de cantor, quatre de ses compositions et d'autres <strong>passion</strong>s de Händel,<br />

Telemann, Keiser et Graun.<br />

<strong>La</strong> <strong>passion</strong> n'était pas exécutée en version de concert, comme nous avons l'habitude de l'entendre<br />

actuellement. Selon Robert de Candé (1984), elle était intégrée au culte de la manière suivante:<br />

1) Vers 13h Sonneries des cloches<br />

2) Le cantique Da Jesus an dem Kreuze stund chanté par le choeur<br />

3) Musique de la <strong>passion</strong>, première partie<br />

4) Choral Herr Jesu Christ, dich zu uns wend, chanté par l'assemblée<br />

5) Sermon<br />

6) Musique de la <strong>passion</strong>, deuxième partie<br />

7) Motet de Jacobus Gallus, Ecce quomodo moritur; Psalmodie de la Passion; quête; choral<br />

Nun danket alle Gott par l'assemblée.<br />

Pour la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong>, J.-S. Bach utilise tous les musiciens et tous les moyens<br />

musicaux qu'il a à disposition à Leipzig. En effet, l'effectif pour cette oeuvre est énorme pour<br />

l'époque: 2 choeurs, 2 orchestres, 2 orgues, un clavecin et une viole de gambe, 30 instrumentistes et<br />

40 chanteurs. Pour le choeur, Bach dispose des maîtrises des quatre paroisses de la ville; il n'y avait<br />

pas de voix de femmes, uniquement des voix d'enfants et d'hommes. Il puise dans le répertoire des<br />

formes de la musique sacrée et profane.<br />

5


Le texte<br />

Pour le texte de sa Passion, Bach fait appel à trois sources différentes : le texte de l'évangile, celui<br />

du poète Picander et des chorals.<br />

Il utilise le texte de l'évangile <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong> - chapitre 26, versets 1 à 75, et chapitre27,<br />

versets 1 à 66 - dans la traduction de Luther. Il traite le récit évangélique de trois manières<br />

différentes: avec le récitatif secco, l'arioso et le choeur. Le récit de l'évangéliste est le fil conducteur<br />

de la Passion que Bach copie à l'encre rouge dans la partition.<br />

J.-S. Bach collabore avec le poète de Leipzig Christian Friedrich Henrici (1700-1764) plus connu<br />

sous le nom de Picander qui écrit des poèmes de circonstance, des poésies profanes ainsi que des<br />

livrets de Singspiel. Depuis 1725 il était le principal auteur des cantates de J.-S. Bach. Il a rédigé les<br />

livrets de la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong>, de la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> Marc et probablement de<br />

l'oratorio de Noël. Pour la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong>, Picander a vraisemblablement été guidé<br />

par le compositeur. Picander écrit, en prenant appui sur le récit de l'évangile, 28 poèmes (édités dans<br />

les recueils Erlaubiche Gedanken (1725) et Ernst-Scherzhaffte und Satyrische Gedichte (1729)). J.-<br />

S. Bach utilisera les poèmes de cette manière:<br />

Des motets concertés pour les numéros 1, 33 et 78.<br />

Des récitatifs obligés (ariosos, récit avec orchestre, récitatifs non évangéliques) pour les<br />

numéros 9, 18, 25, 28, 40, 57, 60, 65, 69, 74 et 77.<br />

Des arias pour les numéros 10, 12, 19, 29, 41, 47, 51, 58, 61, 66 et 75.<br />

Des arias avec choeur pour les numéros 26, 33, 36 et 70.<br />

Picander utilise la l'image de la « fille de Sion », allégorie, personnification du peuple de Dieu, de<br />

Jérusalem. Dans les écrits prophétiques, Sion était la montagne où résidait le Seigneur, d'où il<br />

dominait les nations et jugeait les hommes. On retrouve cette l'image dans les livrets de la <strong>passion</strong><br />

de Brockes et de Hunold. Dans le livret de l'enregistrement de Nikolaus Harnoncourt, ce dernier<br />

explique que l'adaptation de Picander de la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong> est en fait un dialogue<br />

entre la fille de Sion et les fidèles.<br />

J.-S. Bach aurait choisi personnellement les douze chorals en les tirant du répertoire des cantiques<br />

réformés comme il le faisait pour ses cantates. Ils sont là pour marquer les césures, ce sont des<br />

moments de repos qui permettent de se recueillir. Il utilise 12 chorals dont 5 auront la même<br />

mélodie.<br />

L'architecture de l'oeuvre<br />

D'un point de vue musical et théologique, il y a un point culminant qui se situe du numéro 55<br />

(choral Wie wunderbarlich ist doch diese Strafe) au numéro 58 (le récit et l'air qui le suit, Aus Liebe<br />

will mein Heiland sterben), c'est-à-dire au moment de la crucifixion. Musicalement, c'est<br />

soudainement un grand moment de calme entre les deux choeurs de foule <strong>La</strong>ss ihn kreuzigen. L'air<br />

est l'unique moment de la Passion où le continuo s'arrête pour laisser la place à la flûte et aux<br />

hautbois. Cela me donne l'impression d'être arrivé à un sommet et que nous repartons pour la fin de<br />

l'histoire. Le texte de l'arioso et de l'air dit:<br />

A tous il a fait le bien.<br />

Il a rendu la vue aux aveugles;<br />

Il a fait marcher les impotents;<br />

Il nous a remis la parole du Père;<br />

Il a chassé les démons;<br />

Il a consolé les affligés;<br />

Il apporté et effacé les fautes;<br />

Mon Jésus n'a rien fait d'autre.<br />

Par amour mon Sauveur veut mourir<br />

Du péché il ne connaît rien.<br />

Que la perte éternelle et la sentence du juge ne demeure<br />

point sur mon âme.<br />

Ces paroles résument totalement la Passion du<br />

Christ.<br />

6


L'oeuvre se divise en plusieurs moments. Dans son livre Jean-Sébastien Bach, Alberto Basso<br />

(1985) divise la partition en deux parties en suivant les deux parties données par le culte. <strong>La</strong><br />

première est composée de deux épisodes et la seconde de quatre. Les différents épisodes sont<br />

séparés par des chorals. <strong>La</strong> première partie se conclut par un grand choral figuré. Alberto Basso<br />

résume la forme ainsi (p. 538):<br />

Première partie: N o 1-29 <strong>Matthieu</strong> 26, 1-56<br />

Prologue N o 1<br />

a) Cène N os 2-16 Mt 26, 1-35<br />

choral N o 17<br />

b) Arrestation N os 18-28 Mt 26, 36-56<br />

choral figuré N o 29<br />

Deuxième partie N os 30-68 Mt 26, 57–75 et 27, 1-66<br />

a) Premier interrogatoire N os 30-39 Mt 26, 57-75<br />

choral N o 40<br />

b) Second interrogatoire N os 41-53 Mt 27, 1-30<br />

choral N o 54<br />

c) Crucifixion N os 55-61 Mt 27, 31-50<br />

choral N o 62<br />

d) Mise au tombeau N os 63-67 Mt 27, 51-66<br />

Choeur final N o 68<br />

Nous pouvons remarquer que la Passion ne possède pas d'ouverture comme nous pourrions en<br />

trouver dans d'autres oeuvres. En effet, Bach inclut l'introduction de l'oeuvre dans l'introduction du<br />

premier choeur. Suivant le modèle des <strong>passion</strong>s médiévales et de la Renaissance, les deux seuls<br />

choeurs libres sont le premier et dernier choeurs.<br />

Les différents personnages<br />

Les différents personnages de la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong> sont:<br />

• L'évangéliste <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong>, qui est chanté par un ténor dans l'esprit de la teneur<br />

médiévale;<br />

• Jésus, interprété par une basse ou un baryton;<br />

• Pierre, Judas, le grand prêtre, Ponce Pilate, qui sont généralement interprétés par un<br />

même soliste, basse également;<br />

• des servantes et la femme de Ponce Pilate interprétées par une soprano et une alto.<br />

Il y a d'autres rôles mais qui ne sont pas nommés, qui ne représentent pas une personne en<br />

particulier mais plutôt un sentiment, une affection ou une plainte.<br />

Par exemple, la représentation de la fille de Sion. Bach aurait, dans une première version, confié ses<br />

interventions à un soliste, mais pour marquer la dimension universelle du personnage, il les confie<br />

par la suite à différents solistes et au choeur. Bach aurait principalement confié les paroles de la fille<br />

de Sion au premier choeur et celles des fidèles au deuxième choeur. Il en est de même pour les<br />

parties solistes. Nous pouvons retrouver ses interventions aux numéros 1; 19; 27; 30; 59; 60 et 67.<br />

Le choeur est un « personnage » à part entière. Nous pouvons comparer son rôle à celui du choeur<br />

des tragédies antiques. En effet, il commente les événements, ponctue l'oeuvre, il est chargé<br />

d'apporter un éclairage sur le sens de l'histoire. Tout comme dans la tragédie grecque, il ouvre et<br />

ferme la <strong>passion</strong>. Le choeur revêt tour à tour le costume de choeur de foule (turba), en représentant<br />

les grands prêtres, les disciples, le peuple et les soldats puis les fidèles avec, entre autre, la fille de<br />

Sion.<br />

7


Les formes utilisées par Bach<br />

L'évangéliste, Jésus, Pierre, Judas, le Grand prêtre, la servante et la femme de Ponce Pilate<br />

s'expriment uniquement au moyen du récitatif. Nous trouvons chez Bach l'importance de suivre les<br />

inflexions et les accents de la langue allemande dans la ligne vocale du récitatif. Nous pouvons<br />

aussi noter des passages de figuralisme dans les récitatifs qui consistent à mettre en relief un mot<br />

important par une vocalise. Comme dans le passage des pleurs de Pierre. (Illustration 1)<br />

Illustration 1<br />

Les récitatifs de Jésus sont, quant à eux, caractérisés par le fait qu'ils ne sont pas accompagnés<br />

uniquement par le continuo mais par un quatuor à cordes qui donne une dimension supérieure au<br />

rôle du Christ, il est alors placé au-dessus des<br />

autres soliloquentes. Ce principe se retrouve<br />

dans la musique française et italienne pour les<br />

rôles majestueux comme les dieux ou les génies.<br />

Le seul moment de la partition où le quatuor<br />

s'interrompt est sur le Eli lama asabthani.<br />

(Illustration 2 )<br />

Illustration 2<br />

Ce sont les paroles qui précèdent la mort du Christ, tirées de l'incipit du psaume 22 et qui<br />

signifient: Mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné<br />

Bach introduit d'une manière systématique l'arioso dans le genre de la <strong>passion</strong> (10 arias sur 14 sont<br />

précédés d'un arioso). C'est une forme entre le récitatif et l'air qu'il utilisera comme introduction aux<br />

airs. C'est un élément très libre, sans thème ni plan tonal. Ce sont des passages très expressifs où<br />

l'effectif instrumental est généralement réduit. Dans son ouvrage Les <strong>passion</strong>s de J.-S. Bach,<br />

Jacques Chailley (1963) décrit l'arioso chez Bach de cette manière:<br />

Bach fait de l'orchestre de ses arioso l'élément dramatique essentiel. Il lui choisit en général un<br />

dessin rythmique et mélodique souvent descriptif, qui se maintient durant tout le morceau<br />

mais dont le rôle dramatique est essentiel. Sur ce dessin, qui maintient l'unité thématique et<br />

assure le lien mélodique , la voix libérée de ce souci module librement sans thème ni symétrie,<br />

entraînée par le lyrisme des paroles, en un style souvent plus instrumental que celui des<br />

instruments eux-mêmes, et Bach trouve là ses plus beaux accents. (p.122)<br />

Il y a une analogie thématique et instrumentale entre les ariosos et les arias associés.<br />

Les airs dans la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong> sont tous des aria da capo. Toujours dans son livre<br />

Les <strong>passion</strong>s de J.-S. Bach , à la page 125, Jacques Chailley (1963) explique que les thèmes des airs<br />

de la <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong> sont presque tous divisés en deux parties « dont chacune est la traduction d'une<br />

idée différente, et ces deux idées sont choisies pour se compléter et s'opposer ». Avec les airs et les<br />

ariosos, J.-S. Bach crée des moments plus statiques, de méditation où la conscience du croyant se<br />

réveille.<br />

Dès que nous nous trouvons en présence d'un plus grand nombre d'interlocuteurs, la forme musicale<br />

adoptée par J.-S. Bach sera celle du motet. Pour les choeurs de foule, de turba (nous en trouvons 19<br />

dans la <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong>) qui sont les choeurs qui font l'action dans la partie historique, l'écriture sera<br />

concise, rapide et incisive. Géneralement, la foule s'exprime avec un langage polyphonique dans le<br />

style du motet ou de la fugue. Les paroles seront rarement répétées. Si elles le sont c'est uniquement<br />

dans un but symbolique, comme dans le Herr bin ich's où le texte est répété onze fois afin de<br />

représenter les onze apôtres. Cette caractéristique atteint son paroxysme dans le Barabbam<br />

8


(Illustration 3 ) qui est composé d'un double accord de septième<br />

diminuée.<br />

Ces choeurs ont rarement une unité tonale, il y a beaucoup de<br />

cadences évitées. Dans le choeur <strong>La</strong>ss ihn kreuzigen, on pourrait<br />

croire à une fugue mais elle s'avère très rapidement irrégulière du<br />

point de vue des entrées et de la tonalité. Les interventions des<br />

choeurs de foule sont motivées par l'histoire.<br />

<strong>La</strong> conception des choeurs de fidèles est, quant à elle, différente.<br />

<strong>La</strong> construction harmonique sera toujours conclusive et logique. Illustration 3<br />

Les chorals reflètent les sentiments des chrétiens, de l'humanité chrétienne. Quand le choeur chante<br />

les chorals, il représente alors la communauté ecclésiastique et l'universalité des croyants.<br />

4. Analyse de l'arioso et de l'air<br />

Le texte et sa traduction<br />

Arioso<br />

Wiewohl mein Herz in Tränen schwimmt,<br />

Dass Jesus von mir Abschied nimmt,<br />

So macht mich doch sein Testament erfreut:<br />

Sein Fleisch und Blut, o Kostbarkeit,<br />

Vermacht er mir in meine Hände<br />

Wie er es auf der Welt mit denen Seinen<br />

Nicht böse können meinen,<br />

So liebt er sie bis an das Ende.<br />

Air<br />

Ich will dir mein Herze schenken,<br />

Senke dich, mein Heil, hinein<br />

Ich will mich in dir versenken,<br />

Ist dir gleich die Welt zu klein<br />

Ei, so sollst du mir allein<br />

Mehr als Welt und Himmel sein.<br />

Bien que mon coeur saigne dans les larmes<br />

Quand Jésus prend congé de moi<br />

Son testament m'emplit d'allégresse<br />

Sa chair et son sang, inestimables trésors,<br />

Il les remet entre mes mains<br />

Ainsi qu'en ce monde il n'a jamais nui aux siens<br />

Ainsi les aime-t-il pour toujours<br />

Je veux t'offrir mon coeur<br />

Daigne y descendre mon Sauveur<br />

En toi je veux m'abandonner<br />

Si le monde est petit à tes yeux<br />

Ah! du moins pour moi seul<br />

Tu seras plus que le ciel et la terre.<br />

Cet air intervient juste après la Cène dont il est un commentaire. <strong>La</strong> Communion s'est déroulée dans<br />

une atmosphère de sérénité et de grandeur. L'image qui ressort dans ce commentaire de la scène<br />

précédente est que Jésus va nous quitter en laissant la représentation de son corps comme seule<br />

consolation. On retrouve les deux idées qui se complètent et s'oppose à la fois. Pour moi ces deux<br />

éléments se retrouvent dans le fait que le texte de l'arioso parle de l'offrande que fait Jésus au<br />

croyant et que dans l'aria, c'est le chrétien qui offre son coeur à Jésus.<br />

Analyse harmonique et thématique<br />

Bien qu'ayant lu différentes analyses de cet air, j'ai essayé de la réaliser le plus possible par moimême.<br />

Ce moment est composé d'un arioso et d'un aria da capo. Nous retrouvons la même formation<br />

instrumentale dans l'air comme dans l'arioso, c'est-à-dire le continuo avec deux hautbois d'amour.<br />

Le hautbois d'amour n'est pas un instrument fréquemment utilisé. Il apparaît vers 1720 et a une<br />

sonorité plus douce qu'un hautbois habituel. <strong>La</strong> tendresse de son son lui a donné son nom. Peut- être<br />

Bach l'utilise-t-il pour décrire l'amour des hommes envers le Christ ou celui du Christ envers les<br />

hommes.<br />

9


En réalisant l'analyse harmonique, j'ai découvert différents éléments.<br />

Tout d'abord, comme je l'avais lu dans les ouvrages, nous ne trouvons pas, dans l'arioso, de plan<br />

tonal habituel. En effet, l'arioso commence en mi mineur, puis passe en si mineur pour finir en do<br />

majeur. Ce passage de mi mineur vers do majeur traduit le cheminement vers la sérénité qui est<br />

donné par le texte. Il y a une première cadence évitée à la mesure 4 sur les mots Abschied nimmt. Je<br />

me suis demandé pourquoi, sur ces paroles qui parlent de la mort, de la disparition de Jésus, Bach<br />

introduit une cadence évitée. Peut-être que, par les mots, Bach évoque la disparition du Christ mais,<br />

par l'harmonie, il l'évite, il suggère ainsi que Jésus prend congé physiquement mais pas<br />

spirituellement. Cette idée est soulignée par l'arrêt des triolets des deux hautbois d'amour pour<br />

laisser la place à deux notes tenues. Nous retrouvons le même dessin de cadence aux mesures 8 et 9,<br />

mais cette fois la cadence est parfaite et sur les mots Vermacht er mir in meine Hände. Pour moi,<br />

c'est la même image que précédemment, mais cette fois-ci la cadence est parfaite car Bach nous<br />

donne l'image de l'immortalité du Christ qui reste présent par son corps et son sang. Cette cadence<br />

par quarte et sixte crée une séparation en deux parties de l'arioso. L'idée d'éternité se retrouve<br />

également à la cadence finale.<br />

Sur les mots Sein Fleisch und Blut, il y a de nouveau une interruption des triolets, peut-être pour<br />

mettre en évidence les éléments de la sainte Cène, la tenue des hautbois évoque pour moi à nouveau<br />

l'image de l'éternité.<br />

Dans la deuxième partie de l'arioso, J.-S. Bach emploie l'harmonie pour illustrer le mal. En effet, il<br />

utilise un accord de septième diminuée sur le mot böse. Avec la dernière phrase, Bach décrit en<br />

musique les paroles bis an das Ende: tout d'abord en donnant une ligne descendante à la voix et en<br />

lui faisant chanter la note la plus grave de l'arioso puis par une ligne conclusive aux hautbois<br />

soulignée par une cadence parfaite.<br />

Dans son arioso, Bach introduit un flux continu donné par les hautbois d'amour. Dans son livre Les<br />

<strong>passion</strong>s de J.-S. Bach, Jacques Chailley (1963) explique ces triolets ainsi:<br />

Pourquoi ces deux hautbois d'amour, aux sonorités semblables, déroulant imperturbablement<br />

ensemble leurs sextolets de tierces et sixtes parallèles Ne serait-ce pas pour illustrer<br />

l'indissolubilité de la chair et du sang qui vient d'être proclamée dans l'Eucharistie Sein<br />

Fleisch und Blut, le texte, en effet, contient ces deux mots. (298)<br />

Personnellement, je ressens ces lignes de hautbois comme une représentation de la continuité de<br />

l'esprit malgré la mort. Cette perpétuité est soulignée par le rythme obstiné et constant du continuo.<br />

Le mouvement insistant des hautbois me fait aussi penser à une lamentation, à une plainte qui se<br />

répète sans cesse. Cela est de nouveau renforcé par la ligne de basse qui joue un chromatisme<br />

descendant qui est, à cette époque, une figure rhétorique de la plainte et de la souffrance. Le<br />

traitement de la ligne des hautbois est différente dans la deuxième partie: ils n'ont plus un flot<br />

continu de musique, Bach y introduit des silences.<br />

L'air est un aria da capo. <strong>La</strong> première partie, A, est composée des mesures 1 à 30 et la deuxième, B,<br />

des mesures 31 à 48. Le plan tonal est le suivant: dans la partie A, nous sommes en sol majeur;<br />

Bach passe par la dominante (ré), pour revenir en sol majeur. <strong>La</strong> partie B est en mi mineur, on<br />

touche les tonalités de la mineur (sous-dominante), sol majeur (relative) et si mineur (dominante).<br />

Elle se termine en si mineur. Si nous regardons le récit qui suit cet air, le premier accord est si<br />

mineur et le texte mentionne un Lobesgesang. Par l'harmonie et le texte, Bach fait un rappel de l'air<br />

dans le récit qui le suit.<br />

<strong>La</strong> mesure à 6/8 donne comme un mouvement de danse qui est un peu en contraste avec le texte.<br />

Nous retrouvons le même thème aux hautbois dans les six premières mesures que dans les six<br />

suivantes mais le thème, qui était le principal au début, devient contre-chant de la voix. Dans<br />

l'arioso, le texte parle d'allégresse, pour moi ce mouvement plus dansant reprend cette idée évoquée<br />

dans le récit.<br />

J'ai trouvé deux éléments thématiques significatifs qui sont liés à deux idées complémentaires (je<br />

les ai mis en évidence en couleur sur la partition). Le premier (a, en jaune sur la partition) est un<br />

élément thématique ascendant formé de doubles croches (cf mesures 1 et 2) et le deuxième (b, en<br />

10


leu sur la partition) est un motif descendant un peu syncopé (cf mesure 3 et 4). L'élément (a) est<br />

relié au texte Ich will dir mein Herze schenken et à l'idée que le chrétien offre son coeur à Jésus, et<br />

l'élément (b) à la phrase Senke dich mein Heil hinein à l'idée que le Christ se penche pour recevoir<br />

son offrande d'où la ligne descendante de la voix et des instruments. Le mouvement un peu syncopé<br />

de la voix et des instruments de (b) me fait penser à une plainte, à une supplication. Le chrétien<br />

supplie le Seigneur de recevoir son offrande. Cette supplication est accentuée par le fait que le texte<br />

est répété d'abord trois fois de suite (8,9,10,11) puis deux fois (21,22,23). Le dessin de la ligne<br />

vocale nous rappelle celui des paroles du Christ dans le numéro précédent. Nous retrouvons le<br />

même dessin de vocalises qui tourne autour d'une note de base avant de se développer, comme le<br />

font les hautbois. (Illustration 4 )<br />

Illustration 4<br />

Le texte de la partie A est plus court que celui de la partie B, mais Bach le répète plus souvent. J'ai<br />

l'impression qu'à chaque répétition il met en valeur les différents éléments de manière singulière. <strong>La</strong><br />

première fois (mesure 7 à 12) il met en valeur la première partie de la phrase en l'amenant sur la<br />

note la plus aiguë puis le senke dich en le répétant trois fois de suite et en le réalisant sur une<br />

vocalise. <strong>La</strong> deuxième fois (13 à 16) il me semble qu'il insiste un peu plus sur chaque élément en<br />

leur rajoutant des ornements, mais il ne fait aucune répétition. <strong>La</strong> troisième fois, il insiste sur Mein<br />

Herze schenken en le répétant et en vocalisant le schenken. A ce moment, le premier hautbois a une<br />

longue tenue (la seule du morceau) peut-être pour démontrer l'infinité des sentiments du chrétien<br />

pour son sauveur. C'est peut -être simplement une question d'écriture, au moment où la voix se met<br />

à vocaliser, le premier hautbois lui laisse la place pour ne pas créer un trop plein de notes. Il met<br />

ensuite le point le plus aigu de la phrase sur Senke en le répétant à nouveau. Les hautbois font des<br />

entrées en canon. Petit à petit, la voix reprend des éléments joués par les hautbois. Par exemple, le<br />

thème de la première mesure est repris aux mesures 18, 19 et 20 par la voix, les notes jouées au<br />

mesures 9 et 10 par le premier hautbois sont reprises par la voix aux mesures 20, 21 et 22 et alors<br />

un dialogue s'installe entre la voix et les hautbois, comme si les hautbois devenaient l'écho de la<br />

voix. C'est un peu comme si les hautbois laissaient la place à la voix. En effet, le thème principal de<br />

l'introduction devient contre-chant lorsque la voix entre puis reprend sa place à la mesure 25 et par<br />

la différence de longueur des notes, aux mesures 20, 21, 22, le motif, qui était initialement au<br />

hautbois, devient écho de la voix.<br />

Dans la partie B, le texte est quant à lui répété deux fois, et à chaque fois en un seul bloc. Nous<br />

pouvons diviser la partie B en trois sections. <strong>La</strong> première (première exposition du texte) de la<br />

mesure 31 à 37, la deuxième (sorte de divertissement) de la mesure 38 à 41 et la troisième (seconde<br />

exposition du texte) de la mesure 42 à 48. Dans cette deuxième partie, Bach souligne le texte par un<br />

jeu de tessitures. En effet, sur le mot will, il demande un intervalle ascendant puis un motif<br />

descendant sur versenken, un grand saut d'intervalle sur Welt et il élargit le rythme cadentiel sur<br />

Himmel sein. A mon avis cette mise en exergue démontre un peu le même principe que dans la<br />

partie A. Avec l'ascension, il décrit le chrétien qui se lève vers le Christ pour s'incliner ensuite<br />

devant lui. Avec le saut important sur le mot Welt et le rythme cadentiel élargi, il donne une certaine<br />

importance, un côté solennel à l'univers et au ciel. Le texte évoque que le Christ est plus important<br />

que le ciel et la terre et pourtant Bach met en évidence le mot « ciel ». Les notes les plus aiguës du<br />

passage sont sur les paroles Welt, mir et Himmel. Pour moi il montre l'importance déjà élevée de<br />

l'Univers et place le Christ au-dessus de tous. Avec le mir à la même hauteur que Welt et Himmel,<br />

Bach oppose alors au ciel et à l'univers l'humble chrétien pour qui la Passion du Christ est plus<br />

11


importante.<br />

Le dessin thématique de la première phrase (mesures 31 à 32) reprend le motif (b) de la première<br />

partie. Par cette reprise, je pense que Bach veut réutiliser l'idée de la révérence, mais cette fois les<br />

rôles sont inversés. On retrouve d'ailleurs le motif (b) aux hautbois. Par le texte ce motif devient<br />

alors celui de l'abandon, du renoncement. En effet, le chrétien est prêt à se livrer tout entier à son<br />

Sauveur. Le motif (a) est aussi présent dans ces deux mesures ce qui démontre que les deux idées<br />

sont complémentaires. Dans la deuxième phrase, toujours sur les mots Welt et mir, Bach insiste sur<br />

le fa, insiste sur le ton de la sous dominante. Aux mesures 31 et 32, on trouve une pédale de mi, qui<br />

donne une certaine stabilité sur le texte Ich will mir in dir versenken. Cette stabilité crée un autre<br />

contexte pour la partie B. Très vite cette stabilité va disparaître pour redonner la place à une basse<br />

avec beaucoup de mouvements. Peut-être que Bach veut créer une certaine solidité avec la basse<br />

mais elle s'efface pour laisser lieu aux sentiments du chrétien inquiet par la disparition de Jésus.<br />

Le divertissement mêle les deux motifs (a) et (b). On retrouve ces deux motifs dans la troisième<br />

section. Dans cette partie, la voix culmine sur les mots Ei et allein, Bach insiste alors sur la plainte<br />

personnelle du chrétien. Si nous observons le traitement de la ligne des hautbois dans la partie B,<br />

nous pouvons remarquer ces différents éléments. Dans les premières mesures, il y a un dialogue,<br />

une imitation entre la voix et les hautbois. Ensuite à la mesure 34, les deux hautbois s'arrêtent de<br />

jouer sur les mots Welt zu klein puis à la mesure 35 sur le texte mir allein. Ce procédé met de<br />

nouveau en avant le même texte que précédemment. En réduisant l'effectif instrumental à la mesure<br />

34, Bach réduit la grandeur de l'univers illustrant ainsi le texte. A la mesure 35, il met en lumière<br />

l'unicité du croyant déjà exprimée par le texte. De la mesure 42 à la mesure 48, il y a une disparition<br />

progressive des deux hautbois, à mon avis cela représente la solitude et la plainte personnelle du<br />

croyant. Dans cet air, le chrétien est seul face au Christ et lui seul reçoit son offrande. <strong>La</strong> dernière<br />

phrase qu'exécutent les hautbois est une phrase ascendante qui renvoie au motif (a), à l'idée<br />

d'ascension vers le Christ ce qui conduit au da capo, au retour de la partie A où le chrétien veut<br />

offrir son coeur à Jésus.<br />

Traitement du texte<br />

Contrairement au texte de l'aria, celui de l'arioso n'est jamais répété, c'est ce qui le rattache au<br />

récitatif.<br />

J'ai essayé d'observer comment Bach met les mots en musique dans l'arioso. Nous pouvons observer<br />

dans l'arioso, que Bach place une syllabe par note sauf sur les mots Jesus, liebt, et sur le dernier er.<br />

Il place une vocalise sur des mots qui, pour moi, représentent l'amour et l'affection pour Jésus.<br />

J'ai regardé où se trouvaient les accents toniques du texte par rapport à la musique et mes<br />

observations sont les suivantes. Dans l'arioso, les accents toniques des mots tombent toujours sur<br />

les temps. Dans l'air, la situation est bien différente. Dans la partie A, on retrouve quelque chose<br />

d'assez systématique. En effet, pour la phrase Ich will dir mein Herze schenken, les accents<br />

toniques des mots tombent toujours sur le premier ou le deuxième temps de la mesure. Pour la<br />

phrase, Senke sich mein Heil hinein, l'accent du Senke est toujours syncopé, soit sur la dernière<br />

croche de la mesure, soit sur la deuxième. C'est la même chose pour le mot Heil: il n'y a que<br />

l'accent tonique du mot hinein qui se trouve à chaque fois sur un temps fort. J'ai l'impression que<br />

pour le mot Senke, le fait que l'accent tonique soit « mal placé » renforce l'impression<br />

d'inclination. Le fait que le mot Heil ne soit pas accentué oblige à mon avis le chanteur à guider<br />

sa phrase jusqu'au mot hinein, cela donne une direction au Sauveur, il doit descendre dans le<br />

coeur du fidèle. Dans la partie B de l'air, les accents « mal placés » se trouvent surtout sur le mot<br />

Himmel, ce qui confirme tout ce que nous avons pu voir précédemment, c'est-à-dire l'importance<br />

amoindrie de l'univers par rapport au Christ.<br />

12


5. Interprétation<br />

En ce qui concerne les différentes interprétations possibles, j'ai bien aimé la synthèse de Roland de<br />

Candé dans son livre Jean-Sébastien Bach. Il parle du retour à Bach lors du néoclassicisme, où la<br />

musique de Bach était perçue comme une musique très mécanique, assez pesante. Selon lui et des<br />

écrits de Forkel (premier biographe de J.-S. Bach), dans la musique de Bach:<br />

les rythmes doivent être souples, sans sécheresse ni raideur, les allégros doivent être rapides et<br />

légers, comme ceux de Vivaldi: c'est du moins la façon dont l'auteur paraît concevoir sa<br />

propre musique.(p.388)<br />

Il y a eu, dans le courant du siècle dernier, la « mode » du baroque qui a mené à une musique très<br />

maniérée. Nous trouvons actuellement, parfois, une volonté de se conformer à la vérité historique<br />

sans prendre en compte l'évolution des instruments et leur technique.<br />

Pour l'interprétation de cet air, je me suis posé différentes questions. Premièrement, faudrait-il<br />

exécuter la musique de Bach avec des instruments anciens, baroques A mon avis, il est important<br />

de rechercher la couleur que désirait, que cherchait, le compositeur pour l'interprétation de sa<br />

musique. Mais comme le dit Roland de Candé, faut-il priver les instrumentistes des découvertes<br />

techniques et des progrès offerts aux instruments depuis la création des oeuvres de Bach<br />

Nous avons vu que, du temps de Bach, les femmes n'avaient pas accès aux tribunes et de ce fait<br />

toutes les parties d'altos et de sopranos étaient interprétées par des garçons. Faut-il aujourd'hui<br />

perpétrer cette tradition Je pense que cette question rejoint celle du choix des instruments. J.-S.<br />

Bach n'avait pas le choix, sa musique devait être exécutée par des enfants. Je me demande ce qu'il<br />

aurait fait s'il l'avait eu. Nous trouvons tout de même trois rôles de femmes dans la Passion <strong>selon</strong><br />

<strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong>, deux servantes et la femme de Ponce Pilate. Bien que la Passion ait été exécutée par<br />

des garçons, le texte renvoie à des rôles féminins, ce qui pour moi démontre plus une obligation<br />

qu'un choix et cela ne devrait pas déranger si les parties de sopranos et d'altos étaient chantées par<br />

des femmes. Quand j'écoute les airs de la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong>, qui sont des airs pleins de<br />

sentiments, de chaleur, j'ai du mal à m'imaginer des voix d'enfants, mais ce n'est qu'un sentiment<br />

personnel.<br />

<strong>La</strong> troisième question que je me suis posée est celle du diapason. Faut-il jouer la Passion à 415 Hz,<br />

ou à 440 Hz Le diapason était variable du temps de Bach, et si le but est de jouer exactement la<br />

musique telle qu'elle était à l'époque, il faudrait connaître le diapason de la première exécution de la<br />

Passion.<br />

Pour essayer de répondre à ces questions, j'ai écouté différentes version de la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong><br />

<strong>Matthieu</strong>.<br />

J'ai d'abord écouté deux versions chantées par un enfant : la première version est celle de Nikolaus<br />

Harnoncourt, enregistrée à Vienne en 1970. Les solistes enfants sont tirés du Wiener Sängerknaben.<br />

L'orchestre est le Concentus musicus Wien, réputé pour exécuter la musique baroque sur des<br />

instruments d'époque. En écoutant cette version, voilà ce que j'ai ressenti. Dans l'arioso je trouve les<br />

hautbois un peu quelconques. Comme nous l'avons vu précédemment, dans un arioso chez Bach,<br />

l'élément dramatique est généralement donné par l'orchestre, pour moi il manque cette matière<br />

dramatique. J'admire le calme du chanteur et de sa voix, mais je trouve que c'est un peu monotone,<br />

il ne fait pas attention aux accents toniques et autres inflexions que donnent la musique. Dans l'air<br />

qui suit, à la première écoute, le son très piqué des hautbois m'a dérangée. J'ai consulté la partition<br />

d'orchestre ainsi que la partition manuscrite et certains pizzicati sont indiqués. Je me suis alors<br />

demandé ce qui me gênait et je pense que c'est surtout un manque de conduite de la phrase chez les<br />

hautbois. Ce manque de direction donne l'impression d'un tempo qui ralentit et qui est pesant. Je<br />

reproche au chanteur un peu la même chose que dans l'arioso: il ne fait pas de différence entre les<br />

syllabes toniques et atones, tout est au même niveau. De plus, du point de vue de la prononciation, il<br />

ne prononce pas les différents h ce qui lui fait faire certaines liaisons peu sympathiques. Sur les<br />

Senke dich, les contretemps ne sont, à mon goût, pas assez marqués, on ne sent pas la révérence<br />

13


donnée par la musique, tout reste lisse.<br />

<strong>La</strong> deuxième version est celle de Gustav Leonhardt enregistrée en 1989. Le soliste est Christian<br />

Fliegner, issu du Tölzer Knabenchor. L'orchestre est <strong>La</strong> petite bande, un ensemble belge qui est<br />

également connu pour l'interprétation de la musique baroque. Sur son site internet il se définit ainsi:<br />

Additionally, by using authentic instruments and the original way of playing them, both in<br />

interpretation and sound quality, we strive to revive baroque music as faithfully as possible<br />

without lapsing into rigid academics. (http://www.lapetitebande.be)<br />

Le livret du disque déclare que:<br />

cet enregistrement de la Passion atteint un degré d'authenticité qui aurait été impossible au<br />

siècle dernier, grâce essentiellement, mais non exclusivement, à un Instrumentarium et des<br />

techniques d'exécution correctes, tout scrupuleusement observée ici. (p. 21)<br />

Dans cet enregistrement, je trouve le tempo de l'arioso trop rapide, nous n'avons pas le temps de<br />

ressentir le contenu et la tendresse du texte. <strong>La</strong> voix est, pour moi, trop détachée, il n'y a pas assez<br />

de legato et ceci est accentué par la ligne saccadée du continuo. Dans l'air, j'aime bien la manière<br />

dont jouent les hautbois, contrairement à la version précédente; je trouve qu'ils mènent bien leurs<br />

phrases et prennent leur place dans le dialogue avec la voix malgré un tempo un peu lent. Le garçon<br />

donne trop d'importance et d'appuis à chaque premier temps, ce qui rend moins intéressants tous les<br />

mouvements un peu syncopés. De plus, il ne lie pas très bien son médium avec son registre aigu et,<br />

du coup, tous les aigus éclatent, ce qui donne une ligne vocale saccadée.<br />

J'ai écouté une deuxième version de Nikolaus Harmoncourt datant de 2001. Sur cet enregistrement,<br />

toujours avec le Concentus musicus Wien, ce sont des femmes qui interprètent les airs de soprano et<br />

d'alto. L'air et l'arioso sont interprétés par Dorothea Roschmann. Pourquoi un chef qui veut<br />

respecter la musique telle qu'elle était jouée à l'époque change-t-il d'avis entre deux versions Il est<br />

difficile de répondre à cette interrogation sans connaître l'avis de la personne concernée, mais peutêtre<br />

s'est-il rendu compte des possibilités plus limitées des voix d'enfants. Dans ce deuxième<br />

enregistrement, on retrouve des similitudes d'exécution, comme le choix de ne pas faire différentes<br />

appoggiatures ou celui du tempo. Dans l'arioso, les seules appoggiatures qui sont notées sur la<br />

partition manuscrite sont celles sur le texte Wie er es auf der Welt, les autres, que nous pouvons<br />

trouver inscrites sur des partitions récentes, ne sont que des rajouts de l'éditeur, mais nous avons<br />

pris l'habitude de les faire et de les entendre. Celles indiquées par J.-S. Bach sont motivées par<br />

l'harmonie. Les tempi sont les mêmes dans les deux versions, mais dans celle de 2001 la conduite<br />

de la ligne des hautbois rend le morceau moins pesant. Les phrases avancent, vont quelque part. En<br />

ce qui concerne le choix entre la voix de femme ou de garçon, je préfère la deuxième version. J'ai<br />

l'impression que c'est moins fastidieux, plus fluide. Dans l'arioso la soprano respecte mieux les<br />

inflexions du texte ce qui le fait ressortir et touche plus le public. Je trouve qu'il manque de<br />

contraste dans l'air.<br />

Le seul chef qui explique son choix quant à l'exécution par des femmes ou par des garçons est<br />

Philippe Herreweghe. En effet, dans le livret de la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong> qu'il a enregistrée<br />

en 1985 il explique:<br />

Les parties de soprano sont tenues par des femmes ou des jeunes filles.(...) Les voix de<br />

garçons ont un charme irremplaçable; leurs interprétations peuvent atteindre une profondeur<br />

toute particulière. Mais actuellement, dans nos pays, il est rare, voire impossible, de réunir une<br />

distribution capable de travailler au niveau requis. (p.21)<br />

Les parties d'altos seront, par contre, chantées par des contre-ténors.<br />

Je possède deux versions de Philippe Herreweghe, mais je me suis penchée sur la version la plus<br />

récente, celle de 1999. <strong>La</strong> soprano qui interprète l'air est Sibylla Rubens. Cet enregistrement se<br />

rapproche le plus des éléments que j'ai pu trouver dans mon analyse. Dans l'arioso, le tempo est<br />

relativement rapide, mais les hautbois prennent quand même leur temps à certains moments. Ils<br />

jouent de manière très fluide et très legato ce qui renforce l'idée de la continuité, de la perpétuité du<br />

Christ. C'est un élément qui me manquait dans les autres versions où les hautbois marquent souvent<br />

beaucoup les temps forts et restent assez stricts. Cela est aussi renforcé par le continuo. Dans cette<br />

14


version, j'ai l'impression que les hautbois ont un discours plus coulant et que le continuo marque<br />

bien le temps avec ses croches sans les alourdir. Il crée une sorte de marche légère. <strong>La</strong> soprano<br />

choisit de faire certaines appoggiatures mais pas systématiquement. Dans ma partition, les<br />

appoggiatures sont notées sur les mots schwimmt, Fleisch, Kostbarkeit, Hände, Seinen, Ende. Sur<br />

l'enregistrement, Sybilla Rubens ne les fait pas sur les mots schwimmt et Fleisch. Je pense qu'elle<br />

n'a voulu les exécuter que sur des mouvements conjoints (ce qui n'est pas le cas pour le mot<br />

Fleisch) et peut-être que pour le schwimmt, elle ne voulait pas accentuer un mot qui ne constitue pas<br />

un des appuis tonique de la phrase. A mon avis, il faut utiliser les appoggiatures à bon escient, pour<br />

servir le texte et ne pas trop charger la musique d'éléments inutiles. Dans l'air, je retrouve le<br />

caractère de danse qui est donné par l'écriture. Le tempo me semble être un tempo juste. <strong>La</strong> soprano<br />

met bien en évidence les deux idées complémentaires d'ascension et de descente en les<br />

différenciant. Elle met des appuis sur le texte Ich will dir mein Herze schenken aux mesures 13, 14<br />

et 17 ce qui renforce l'idée de l'offrande personnelle du chrétien. Cela renforce également la<br />

différenciation des deux idées. Elle distingue aussi la partie A de la partie B en donnant à la seconde<br />

un côté un peu plus dramatique, ce qui, à nouveau, reflète l'écriture musicale et textuelle. En effet,<br />

dans la deuxième partie, les instruments ne sont plus dans une écriture de danse mais insistent plus<br />

précisément sur le motif descendant qui est, dans cette section, le motif de l'abandon. De plus, le<br />

texte est plus profond, plus recueilli, ce qui amène la chanteuse à une interprétation plus intense. A<br />

ce moment, les hautbois deviennent également plus présents, jouent de manière moins légère, ils<br />

insistent passablement sur les mouvements syncopés, ce qui renforce l'idée de la révérence et de<br />

l'abandon de soi.<br />

En écoutant la version de Philippe Herreweghe, j'ai examiné le jeu des hautbois et repensé à ce qui<br />

me dérangeait dans la première version de Nikolaus Harnoncourt. Dans la version de Herreweghe,<br />

les hautbois effectuent également les notes piquées mais en leur donnant une direction, une<br />

continuité dans la phrase, ce qui les rend moins acides. Le tempo plus allant aide cependant à la<br />

direction des phrases.<br />

Dans chacune des versions, le da capo sur A est à chaque fois réalisé de la même manière, sans<br />

variations. Je n'ai pas trouvé d'informations concernant la réalisation des da capo. J'ai entendu une<br />

version de Ton Koopman avec Cornelia Samuelis où la chanteuse et les hautbois ornent le A' et je<br />

trouve que cela n'apporte pas grand chose à l'interprétation et au texte musical.<br />

Toutes les versions dont je viens de parler sont à 415 Hz.<br />

Une des versions que j'ai trouvée à 440 Hz est celle de Herbert von Karajan avec Gundula Janowitz<br />

et qui date de 1972. A la première écoute, j'ai trouvé le tempo extrêmement lent, puis je me suis<br />

rendu compte que c'était la tendance dans tout l'enregistrement. De plus, en feuilletant le livret, je<br />

me suis aperçue que Herbert von Karajan avait employé deux choeurs très conséquents ainsi que le<br />

Berliner Philarmoniker. Il en fait alors une grande oeuvre symphonique, oubliant les conditions<br />

dans lesquelles la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong> <strong>Matthieu</strong> avait été créée. Mais il y a là une démarche qui peut<br />

être compréhensive. Peut-être que Karajan a adapté ce que Bach avait fait en son temps, c'est-à-dire<br />

que le compositeur a utilisé tous les moyens, tous les instrumentistes et tous les chanteurs qui<br />

étaient à sa disposition pour créer sa Passion. Il est possible que Herbert von Karajan ait voulu<br />

adapter cette démarche à son époque. Pour ce qui est des tempi, je pense que le chef voit dans la<br />

musique de J.-S. Bach une musique allemande assez pesante et monumentale, ce qui peut amener à<br />

des tempi relativement lents. En ce qui concerne l'air, malgré la lenteur, la manière de jouer des<br />

hautbois n'est pas pesante et ils ont un legato qui fait que les phrases sont conduites d'une manière<br />

qui me plaît. <strong>La</strong> voix de Gundula Janowitz a une douceur et un calme qui rend l'arioso assez beau. Il<br />

y a cependant quelques ports de voix qui ne me plaisent pas sur les mots Wiewohl, Sein Fleisch et il<br />

y a quelques problèmes de justesse, mais elle respecte le texte et me touche beaucoup. Dans l'air,<br />

nous ne retrouvons pas du tout l'esprit de la danse et je trouve la manière de jouer des hautbois un<br />

peu trop scolaire. <strong>La</strong> voix chante très legato et ne varie pas beaucoup, ce qui enlève beaucoup<br />

d'appuis ainsi que les subtilités rythmiques. Ce legato rend la déclamation du texte moins<br />

intéressante, il manque beaucoup de h et certaines césures avant certains mots. Enfin je trouve<br />

l'orgue trop présent.<br />

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Ces différentes écoutes m'ont permis de répondre à mes questions. <strong>La</strong> première concernait<br />

l'interprétation sur instruments anciens. Mise à part la version de Herbert von Karajan, toutes les<br />

versions dont j'ai parlé étaient interprétées sur instruments anciens. Parallèlement, la version sur<br />

instruments modernes ne m'a pas choquée et je ne trouve pas que ce soit le choix des instruments<br />

qui dessert la musique ou son interprétation mais plutôt la manière de l'exécuter.<br />

Ma deuxième question portait sur l'interprétation par des garçons ou par des voix de femmes. Je<br />

vais être un peu catégorique sur ce sujet, mais je pense qu'il ne faut pas priver la musique des<br />

richesses d'une voix adulte sous prétexte que J.-S. Bach n'avait à son époque pas le choix. Une<br />

personne adulte peut aussi s'imprégner de son vécu et, je pense, mieux comprendre les textes<br />

proposés par J.-S. Bach pour en faire une interprétation plus aboutie.<br />

<strong>La</strong> dernière question visait le choix du diapason. Ma réponse rejoint celle concernant le choix des<br />

instruments. Le plus important, à mon avis, est le message véhiculé par la musique, ensuite, les<br />

moyens utilisés pour y arriver ne sont pas forcément le plus important.<br />

Pour ma propre interprétation de cet air, je vais choisir de le chanter à 440 Hz car la tessiture est<br />

plus agréable pour ma voix. Les instruments seront, par conséquent, des instruments modernes.<br />

Pour ce qui est du traitement du texte et musical, je me baserai sur l'analyse que j'ai réalisée au<br />

cours de ce travail.<br />

6. Conclusion<br />

En accomplissant ce travail, j'ai découvert de nombreux éléments sur la Passion <strong>selon</strong> <strong>Saint</strong><br />

<strong>Matthieu</strong>. Au fur et à mesure de l'avancement de mon travail, j'ai réalisé que cette <strong>passion</strong> avait été<br />

composée pour une occasion particulière, ce dont je n'avais jamais vraiment pris conscience car j'ai<br />

toujours entendu et chanté les différentes <strong>passion</strong>s de Bach en version concert. De savoir cela m'a<br />

fait approcher le texte d'une autre manière, cela m'a donné envie de me plonger dans le récit et j'y ai<br />

découvert énormément d'images et de sentiments. L'analyse que j'ai réalisée m'a conduite à un<br />

niveau supérieur dans l'interprétation de l'air et j'espère réussir maintenant à le faire ressortir en<br />

chantant. L'approche plus précise du texte et de la musique m'a aussi aidée techniquement pour la<br />

réalisation de mon air. En effet, de chanter les paroles et de guider les phrases en pensant à leur<br />

signification et moins à un but à atteindre m'ont ouvert de nouvelles portes et m'ont fait découvrir<br />

une autre façon de travailler un air. J'ai découvert aussi l'importance de connaître l'histoire de<br />

l'oeuvre que l'on chante afin de s'en absorber pour mieux la « posséder ».<br />

16


7. Liste de références<br />

Basso, A. (1985). Jean Sébastien Bach, Volume I, 1685-1723. Paris : Fayard.<br />

Basso, A. (1985). Jean Sébastien Bach, Volume II, 1723-1750. Paris : Fayard.<br />

Blume, F. (1960). <strong>La</strong> musique vocale spirituelle. In M. Roland (Ed.), Histoire de la musique volume<br />

2 (pp. 1842-1858). <strong>Saint</strong> Amand : Gallimard.<br />

Buchet, E. (1968). Jean-Sébastien Bach Après deux siècles d'études et de témoignages. Paris :<br />

Buchet / Chastel.<br />

Cantagrel, G. (2000). Passion Bach, l'album d'une vie. Paris : Textuel.<br />

Cellier, A. (1929). Les Passions et l'Oratorio de Noël de J.-S. Bach. Paris : Les éditions musicales<br />

de la Librairie de France.<br />

Chailley, J. (1963). Les <strong>passion</strong>s de J.-S. Bach. Paris : Presses universitaires de France.<br />

de Candé, A. (1984). Jean-Sébastien Bach. Paris : Seuil.<br />

Grout, D.J. & Palisca, C.V. (2001). A history of Western music (6 ème éd. rev. et aug.). New York :<br />

Northon & Company.<br />

Honeger, M. (1960). <strong>La</strong> réforme et l'essence de la musique en Allemagne. In M. Roland (Ed.)<br />

Histoire de la musique volume 2 (pp. 1915-1962) <strong>Saint</strong> Amand: Gallimard.<br />

<strong>La</strong> petite bande [sit web]. Consulté le 24.02.2008. Accès : http://www.lapetitebande.be<br />

Lehmann, C. & Humbrecht, G. (1960). Jean-Sébastien Bach. In M. Roland (Ed.) Histoire de la<br />

musique volume 2 (pp. 1842-1858). <strong>Saint</strong> Amand: Gallimard.<br />

Macia, J.-L. (2006). Johann Sebastian Bach. Arles : Actes Sud / Classica.<br />

Michels, U. (2000). Guide illustré de la musique volume I et volume II. Paris : Fayard.<br />

Passion. (2001). In S. Sadie (Ed.), The new grove dictionary of music and musician (Vol. 19. pp.<br />

201-209). London : Macmillan.<br />

17


8. Enregistrements utilisés<br />

Johann Sebastian Bach, Matthhäus Passion, Direction: Ton Koopman, The Amsterdam Baroque<br />

Orchestra & Choir, Boys Choir of Sacraments-Church Breda. 2005<br />

Johann Sebastian Bach, Matthhäus Passion, Direction: Nikolaus Harnoncourt, Concentus musicus<br />

Wien, Regensburger Domchor, King's olleg Choir Cambridge. 1970<br />

Johann Sebastian Bach, Matthhäus Passion, Direction: Nikolaus Harnoncourt, Concentus musicus<br />

Wien, Arnold Schönberg Chor, Wiener Sängerknaben. 2001<br />

Johann Sebastian Bach, Matthhäus Passion, Direction: Gustav Leonhardt, <strong>La</strong> petite bande, Tölzer<br />

Knabenchor, 1990<br />

Johann Sebastian Bach, Matthhäus Passion, Direction: Philippe Herreweghe, Choeur et orchestre du<br />

Collegium Vocale, Schola Cantorum Cantate Domino, 1998<br />

Johann Sebastian Bach, Matthhäus Passion, Direction: Philippe Herreweghe, Ensemble Vocal et<br />

Orchestre de la Chapelle Royale, Collegium Vocale, Gent, Choeur d'enfants « In Dulci<br />

Jubilo ». 1984<br />

Johann Sebastian Bach, Matthhäus Passion, Direction: Herbert von Karajan, Berliner<br />

Philharmoniker, Wiener Singverein, Chor der Deutschen Oper Berlin, Knabenstimmen des<br />

Staats- und Domchores Berlin. 1973<br />

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9. <strong>La</strong> partition<br />

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10. Cd avec les différentes versions<br />

1) Wiewohl mein Herz in Tränen Schwimmt, Nikolaus Harnoncourt, Soprano: Garçon, 1970<br />

2) Ich will dir mein Herze schenken, Nicolaus Harnoncourt, Soprano: Garçon, 1970<br />

3) Wiewohl mein Herz in Tränen Schwimmt, Gustav Leonhardt, Soprano: Garçon, 1990<br />

4) Ich will dir mein Herze schenken, Gustav Leonhardt, Soprano: Garçon, 1990<br />

5) Wiewohl mein Herz in Tränen Schwimmt, Nikolaus Harnoncourt, Soprano: Christine Schäfer<br />

6) Ich will dir mein Herze schenken, Nicolaus Harnoncourt, Soprano: Christine Schäfer, 2001<br />

7) Wiewohl mein Herz in Tränen Schwimmt, Philippe Herreweghe, Soprano: Sibylla Rubens<br />

8) Ich will dir mein Herze schenken, Philippe Herreweghe, Soprano: Sibylla Rubens<br />

9) Wiewohl mein Herz in Tränen Schwimmt, Herbert von Karajan, Soprano: Gundula Janowitz<br />

10) Ich will dir mein Herze schenken, Herbert von Karajan, Soprano: Gundula Janowitz, 1973<br />

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