La passion selon Saint Matthieu - HEMU

3. La Passion selon Saint Matthieu
La Passion selon Saint Matthieu a été composée pour le culte du vendredi saint à la Thomaskirche
de Leipzig, où J.-S. Bach exerçait le rôle de cantor. Elle a été écrite en fonction de la configuration
des lieux. En effet, la Thomaskirche possédait deux tribunes et deux orgues qui étaient disposées
dans le sens de la longueur de la nef, de part et d'autre de l'assemblée. J.-S. Bach a l'idée de faire
dialoguer deux orgues, deux orchestres et deux choeurs. Avec la disposition en deux choeurs et deux
orchestres, J.-S. Bach renoue avec la tradition vénitienne et introduit une nouveauté dans le modèle
de la passion. Cette écriture permet un effet de stéréophonie qui plonge le fidèle dans un tourbillon
musical et l'implique dans le récit de la passion. Les deux choeurs se répondent ou fusionnent. Nous
connaissons le lieu de l'exécution grâce à l'édition du texte de Picander qui le mentionne, et grâce à
l'orchestration qui demande les deux orgues que seule cette église possédait. Il est aujourd'hui
difficile de s'imaginer les lieux tels qu'ils étaient à l'époque. En effet, une des deux tribunes a été
détruite en 1885. De plus, la Passion n'est pratiquement jamais exécutée avec les deux choeurs
séparés physiquement et nous nous contentons souvent d'un seul orchestre. Le relief donné par la
séparation en deux tribunes devait créer un effet impressionnant.
Les différentes sources ne s'accordent pas sur la date de la première exécution. La partition
autographe parle d'une exécution le 30 mars 1736 à la Thomaskirche mais il existe d'autres versions
antérieures. Certains musicologues parlent d'une première version le 11 avril 1727. Il est en effet
possible que certains mouvements proviennent d'une passion antérieure datant des années à Weimar.
Mais la date qui est traditionnellement mise en avant est celle du 15 avril 1729, pour laquelle J.-S.
Bach aurait modifié la partition de 1727. Ce que nous savons précisément, c'est que le culte du
vendredi saint à la Thomaskirche était célébré lors des années impaires, les années paires, il avait
lieu à la Nikolaikirche. Bach aurait dirigé deux fois sa Passion après 1729. Selon le Grove, en 1736,
Bach aurait modifié sa partition en séparant le continuo en deux parties distinctes, en introduisant le
choral de la fin de la première partie O Mensch bewein et en remplaçant la partie de luth par la viole
de gambe dans l'air de basse Komm süsses Kreuz. Le 11 mars 1829, Felix Mendelssohn permettra la
redécouverte de la musique de J.-S. Bach et de sa Passion en la dirigeant à Berlin.
La tradition d'exécuter une passion dans un style concertant le vendredi saint à Leipzig date de 1721
et a été introduite par le prédécesseur de J.-S. Bach, Johann Kuhnau. J.-S. Bach a dirigé 26 passions
pendant ses fonctions de cantor, quatre de ses compositions et d'autres passions de Händel,
Telemann, Keiser et Graun.
La passion n'était pas exécutée en version de concert, comme nous avons l'habitude de l'entendre
actuellement. Selon Robert de Candé (1984), elle était intégrée au culte de la manière suivante:
1) Vers 13h Sonneries des cloches
2) Le cantique Da Jesus an dem Kreuze stund chanté par le choeur
3) Musique de la passion, première partie
4) Choral Herr Jesu Christ, dich zu uns wend, chanté par l'assemblée
5) Sermon
6) Musique de la passion, deuxième partie
7) Motet de Jacobus Gallus, Ecce quomodo moritur; Psalmodie de la Passion; quête; choral
Nun danket alle Gott par l'assemblée.
Pour la Passion selon Saint Matthieu, J.-S. Bach utilise tous les musiciens et tous les moyens
musicaux qu'il a à disposition à Leipzig. En effet, l'effectif pour cette oeuvre est énorme pour
l'époque: 2 choeurs, 2 orchestres, 2 orgues, un clavecin et une viole de gambe, 30 instrumentistes et
40 chanteurs. Pour le choeur, Bach dispose des maîtrises des quatre paroisses de la ville; il n'y avait
pas de voix de femmes, uniquement des voix d'enfants et d'hommes. Il puise dans le répertoire des
formes de la musique sacrée et profane.
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