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nuanCes 42 - HEMU

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DOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERDOSSIERTRAVAUX DE BACHELOR ET DE MASTERPau Casals : un musicien à l'originede multiples révolutionsTravail de bachelor de Bertille Arrué« Cet homme n'interprète pas, il ressuscite » disait de lui Edvard Grieg : Pau(ou Pablo) Casals incarne pour tous les violoncellistes une forme de mythe.Etudiante de François Salque placée sous le tutorat d'Angelika Güsewell,Bertille Arrué lui rend un bel hommage en rappelant non seulement ce quele violoncelle lui doit sur le plan technique et interprétatif, mais égalementce qu'il a apporté comme humaniste convaincu au monde musical dans sonentier. A côté de son combat en faveur de l'amélioration des conditions de viedes musiciens et de son action militante pour l'élargissement du public dela musique classique (en direction des masses ouvrières notamment), nousreproduisons ici des extraits du passage consacré à « sa musique commemessage d'amour et de paix entre les hommes ».« Une grande partie de l’engagement de Pau Casalsfut idéologique. En effet, il ‹ s’exprima politiquement› avec sa musique ; et c’est notamment cela quidonna à sa célébrité une dimension supplémentaire,faisant de lui un véritable ‹ acteur de la vie publique ›bien qu’il refusa toujours de se définir comme unpoliticien. Pour lui, cela tenait du rôle de l’artiste :‹ La question est de savoir si l’art doit être un passetemps,un jouet en marge de la vie des hommes,ou s’il doit garder une signification humaine. Lesfonctions politiques ne sont pas du ressort del’artiste, mais à mon avis celui-ci a l’obligation deprendre parti – quels que soient les sacrifices quecela comporte – lorsque la dignité humaine est encause. › (Pablo Casals, Ma vie racontée à Albert E.Kahn, Stock, 1970).» Et à ceux qui jugeaient son comportementdéplacé, il répondait : ‹ Je sais que certains êtrespensent que les artistes doivent vivre dans unetour d’ivoire, loin des luttes et des souffrancesdes autres hommes. C’est une conception queje n’ai jamais partagée. Tout affront à la dignitéhumaine est pour moi un affront personnel, et maconscience m’oblige à protester contre l’injustice.Les droits de l’être humain ont-ils moins d’importancepour l’artiste que pour les autres hommes ?Le fait d’être un artiste libère-t-il l’homme de sesobligations ? Bien au contraire ! A l’artiste incombeune responsabilité particulière, parce qu’il a reçuune faculté de perception et une sensibilité plusgrandes, et parce qu’il peut faire entendre sa voix,quand d’autres ne le peuvent pas. Qui, plus que lui,devrait s’attacher à défendre la liberté d’expressionet de fait, qui est l’essence même de son pouvoircréateur ? › (op. cit.)» Fidèle à ses principes, il mena un combatincessant pour la paix et la liberté alors queles principales nations de l’époque entraienten guerre : ‹ Les seules armes que j’aie jamaispossédées sont mon violoncelle et ma baguettede chef d’orchestre › (op. cit.). Lors de l’arrivéeau pouvoir du général Franco après la chute deBarcelone à la fin du mois de janvier 1939, Casalspartit, avec des milliers d’autres Catalans, vivre àPrades (village français des Pyrénées-Orientales),affirmant qu’il ne reviendrait pas dans son paystant que Franco le gouvernerait. Alors en exil,il transcrit une mélodie traditionnelle de sonpays pour violoncelle et cette dernière devint unvéritable hymne catalan : ‹ Je pris l’habitude determiner festivals de musique et concerts par lamélodie d’une vieille chanson populaire catalane,qui est en fait un cantique de Noël, El Cant delsOcells (le Chant des Oiseaux). Cette mélodie estdevenue depuis lors le thème nostalgique desréfugiés espagnols. › (op. cit.)« A l’artiste incombeune responsabilitéparticulière, parcequ’il peut faireentendre sa voix,quand d’autres nele peuvent pas. »Pablo Casals» […] A la fin de la Seconde Guerre mondiale, etalors que tous les pays d’Europe occidentaledéveloppaient des régimes démocratiques, seulel’Espagne demeurait sous un régime dictatorial,celui du général Franco. Cependant, les autrespays prenaient garde, par intérêt, à conserver debonnes relations avec la dictature espagnole :‹ Il apparaissait de plus en plus clairement quel’attitude adoptée vis-à-vis de l’Espagne étaitmotivée par l’opportunité politique, et non par lecode humain des Nations Unies. › (op. cit.) Cela,Casals ne put l’accepter et prit alors la plusgrande décision de sa carrière : ‹ Je déclarai queje n’accepterais plus aucune invitation, aucunengagement, d’où qu’ils vinssent, tant qu’on nerétablirait pas en Espagne un régime respectueuxdes libertés fondamentales et de la volontépopulaire › (Casals cité dans Corredor, op. cit.).» Durant ces années de silence, Casals fit cependantplusieurs interventions ‹ politiques ›, notammentà l’ONU, pour ‹ se faire entendre › : ‹ Je saisis toutesles occasions qui m’étaient données de faireentendre ma voix au profit de la paix. › (op. cit.) […]La dernière intervention de Casals à l’ONU se fiten 1971. Le secrétaire général des Nations Unies,U Thant, lui remit alors la célèbre Médaille de laPaix. Pau Casals, alors âgé de 95 ans, y prononçaun discours de remerciements très émouvantet interpréta la célèbre mélodie d’El Cant delsOcells, symbole depuis des années déjà de sa lutteincessante pour la paix. Cet engagement, dont il nese dérouta jamais, fit de lui un homme respecté etsurtout écouté sur la scène internationale, ce quifit dire à Eugène Ysaÿe : ‹ Où se trouve Casals, toutest possible › (cité dans Berdu, Pablo Casals – Unmusicien, une conscience, Gallimard, 2012). » .© Pablo Casals – DR10 nuancesn° <strong>42</strong>11

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