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La Création contempora<strong>in</strong>e comme outilLe Passaged’un théâtre de rue à un théâtrepour l’espace publicJoanna OstrowskaJoanna Ostrowska est professeur à l’université AdamMickiewicz de Poznań (Pologne), dans le départementEtudes culturelles. Elle enseigne l’<strong>in</strong>troduction de lathéorie du théâtre et l’histoire théâtrale. Auparavant, elleétait co-éditrice du trimestriel The Notebook of CultureStudies de l’université de Poznań, et a collaboré avec ThePoznan Theatre Review. Elle a coordonné et participé àde nombreux congrès, sém<strong>in</strong>aires et conférences portantsur le théâtre. Ses pr<strong>in</strong>cipales publications sont : Dialog(i)w kulturze (Dialog(s) <strong>in</strong> Culture), Poznań (2001) ; Teatr– przestrzeń dialogu (Theatre – the Space of Dialogue),Szczec<strong>in</strong> (2002) ; Teatr – przestrzeń dialogu II. Wokółgranic konwencji i technik teatralnych (Theatre – the Spaceof Dialog II. About Borders of Conventions and TheatreTechnics), Szczec<strong>in</strong> (2004) ; The Liv<strong>in</strong>g Theatre – od sztukido polityki (The Liv<strong>in</strong>g Theatre – from Arts to Politics),Poznań, Wydawnictwo Kontekst (2005).“L’hypersensibilité de la société donne naissance à une impulsionpremière de relâchement du processus créatif (...) La faute <strong>in</strong>combantpr<strong>in</strong>cipalement non pas aux arts qui entrent dans la rue demanière festive mais à ceux qui, provenant d’un créateur-philanthrope,naissent lo<strong>in</strong> de la nature et de la structure même de la ville. Aceux qui naissent d’une idée de la vie de la cité et de sa structure etnon pour la ville elle-même”. 1L’expression “théâtre de rue” correspond communément à l’ensembledes représentations théâtrales qui se jouent en extérieur et quitraitent de nombreux phénomènes comme l’homogénéité du po<strong>in</strong>tde vue des pr<strong>in</strong>cipes esthétiques d’une part ou le choix d’un espaceet ses conséquences d’autre part. Un tel questionnement vaut-ilencore aujourd’hui ?Entre 2006 et 2007, un groupe de chercheurs de part et d’autre del’Europe a réalisé l’étude Street Artists <strong>in</strong> Europe, tant sur les typologiesde théâtre de rue, son historique, ses esthétiques que lecontexte social et ses <strong>in</strong>fluences sur les formes de l’espace urba<strong>in</strong>. 2Un des po<strong>in</strong>ts forts de cette étude est l’enquête, menée auprès desprofessionnels des arts de la rue, se référant entre autres à l’<strong>in</strong>fluencede leur art sur la réalité sociale et le développement desespaces urba<strong>in</strong>s. Parmi l’ensemble des réponses exprimant leurvolonté de créer des spectacles de rue, les artistes et directeurs defestival <strong>in</strong>sistaient sur le désir de créer un “espace public” grâce àleurs propres créations. Est-ce à dire que les artistes contempora<strong>in</strong>squi s’expriment dans la rue cherchent à faire un “théâtre public”. Etaussi, de fait, quelle est la compréhension du terme “espace public”que donnent les artistes du théâtre contempora<strong>in</strong> ?L’apparition du théâtre dans la rue, dans un espace appartenant aupeuple, un espace collectif non sujet au système marchand, et dans lemême temps plus ou mo<strong>in</strong>s “affranchi des lois” se voulait être – dansl’idée des artistes – une recherche de nouvelles formes d’existencedu théâtre et une recherche de nouveaux modes de communicationavec les spectateurs. D’ailleurs, le théâtre social et politique activistedes années soixante avait, semble-t-il, opté pour des espaces“neutres”, lesquels appartenant à tout un chacun, et aussi parce quec’était là que se trouvait un spectateur-partenaire prêt à dialoguerde questions collectives cruciales (je pense à la ségrégation raciale, laguerre du Vietnam ou sur un plan plus local- l’<strong>in</strong>flation importantedes loyers). L’utilisation de la rue en tant qu’espace naturellement“public” s’explique facilement en citant Jürgen Habermas. “Sontappelés publics tous les événements et manifestations ouverts àtous, à l’opposé des actions privées ou réservées, de la même façondont on parle des affaires publiques ou des bâtiments publics”. 3 “Lasphère publique apparaît elle-même comme un doma<strong>in</strong>e propre —doma<strong>in</strong>e public contre privé. Quelques fois, le mot public n’apparaîtsimplement que comme faisant partie de l’op<strong>in</strong>ion publique et enarrive à s’opposer à l’autorité”. 4 Né de la rue (l’espace public par déf<strong>in</strong>ition)plus qu’issu des théâtres, le théâtre de rue situe ses objectifsplus dans les questions sociales qu’esthétiques. Il semble a<strong>in</strong>si qu’ilretourne à son espace naturel d’orig<strong>in</strong>e, restaurant la mémoire et latradition du théâtre dans l’espace urba<strong>in</strong>, alors que le XIX e siècle l’enavait chassé. Philippe Chaudoir, sociologue français, po<strong>in</strong>te que ceparallèle entre artistes de rues d’hier et d’aujourd’hui, est extrêmementtrompeur, justement à cause des différences des spectateurs. 5L’espace public, dans lequel par exemple officiaient les fous du roi,n’avait rien à voir avec celui que les artistes des années soixanteavaient choisi. En s’appuyant sur l’analyse que porte Annah Arendtsur la conception chrétienne du doma<strong>in</strong>e public, la différence esttrès claire: “L’hostilité de la religion chrétienne pour l’espace public,la propension des chrétiens des orig<strong>in</strong>es à éloigner le plus possiblela vie de la place publique, peut être a<strong>in</strong>si comprise comme uneévidence manifeste du sacrifice de la personne aux bonnes actions. 6[...] La scène publique n’est toutefois pas, comme chez Aristote, leterritoire de la prise de conscience.”L’espace public des théâtres du Moyen-âge est a<strong>in</strong>si un espace dontil faut se méfier. Ceux qui s’y produisaient se mettaient eux-mêmesdans une position doublement suspecte : celle de perturbateursfâcheux de la paix et celle du peuple des marg<strong>in</strong>aux. En revanche, lesartistes qui entraient dans l’espace public dans les années soixanteétaient comme un “peuple en mission”, désireux de changer l’ordredes choses et de sauver l’espace public en le remplaçant par un“nouvel espace de culture”. 715 / septembre 2008

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