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La Création contempora<strong>in</strong>e comme outilL’Art public :entre spectacle (de rue) et spectaculaireChristian RubyDocteur en philosophie et enseignant (Paris,Christian Ruby a publié plusieurs ouvrages : Devenircontempora<strong>in</strong> ? La couleur du temps au prisme del’art, Paris, Le Fél<strong>in</strong>, 2007 ; L’Âge du public et duspectateur, Essai sur les dispositions esthétiques etpolitiques du public moderne, Bruxelles, La Lettre volée,2006 ; Schiller ou l’esthétique culturelle. Apostille auxNouvelles lettres sur l’éducation esthétique de l’homme,Bruxelles, La Lettre volée, 2006 ; Nouvelles Lettres surl’éducation esthétique de l’homme, Bruxelles, La Lettrevolée, 2005.C’est un fait désormais bien établi, passé dans les mœurs publiquesdu temps au terme d’une trenta<strong>in</strong>e d’années d’exercice, etlargement apprécié du public. Les municipalités, les régions etl’État promeuvent des spectacles de rue et des spectacles à expansiondans l’espace urba<strong>in</strong> de plus en plus nombreux. Le public yprend des formes décontractées, excitées par des découvertes,illum<strong>in</strong>ées et conviviales.Mais justement, ce fait multiplié et constamment reconduitsuscite une <strong>in</strong>terrogation politique, en marge de la qualité desspectacles (souvent <strong>in</strong>déniable) et de leur manière propre de fairejouer la différence entre les genres artistiques :1 – Quels espoirs esthétiques (agrégation et agrément) et/ouciviques (formation d’un corps politique) les <strong>in</strong>stances politiquesmettent-elles dans la déambulation publique suscitée ?2 – Peut-on comparer sur ce plan des arts publics les effets potentielsdes spectacles de rue et ceux de l’art contempora<strong>in</strong> public ? 1Le ressort de cette double question – qui n’est pas artistique maisesthétique et politique — est mo<strong>in</strong>s ancré dans les problèmesposés par le contenu de ces spectacles que dans la configurationqu’ils imposent à la rue et à la foule dans son rapport au politique,a<strong>in</strong>si que dans la confrontation entre les différentes formesd’art public du présent <strong>in</strong>également valorisées par les <strong>in</strong>stancespolitiques. Ressort d’une double question, parce qu’elle contientla matière de réflexion suivante : d’un côté les spectacles urba<strong>in</strong>s,par la déambulation qu’ils imposent, réfutent l’idéal classiqued’un public récepteur, statique et attentif devant les œuvres d’artpublic, approuvant en silence les bienfaits des valeurs communescélébrées ; de l’autre, si l’art public contempora<strong>in</strong> opère non mo<strong>in</strong>sla critique de l’art public classique, il affirme dans le même tempsque le spectacle, de nos jours, nous sépare de nous-mêmes 2 . Dèslors, il se fait simultanément critique du spectacle de rue qui frayeavec ce piège, confondant sans doute capacités structurantes dela société et agrégation momentanée.La confrontation entre les deux pratiques artistiques pourraits’exprimer a<strong>in</strong>si : l’art contempora<strong>in</strong> propose plutôt au public des’exiler du spectaculaire af<strong>in</strong> d’en venir à la confrontation desspectateurs (<strong>in</strong>terférence, coopération <strong>in</strong>terprétative) entre euxpour mieux critiquer le spectacle, tandis que le spectacle de ruerajoute du spectacle au spectacle en croyant pouvoir le contenir? À défaut d’une solution, il y a bien là au mo<strong>in</strong>s l’énoncé d’unproblème.Parlons donc des spectacles de rue (par exemple des compagniesRoyal de Luxe, Transe Express, Pied en Sol, Retouramont 3 , pourceux que nous connaissons bien) du po<strong>in</strong>t de vue esthétique,c’est-à-dire du po<strong>in</strong>t de vue de ce qui est ou fait “public” dansces arts (être placés en public, agir sur le public, tenir un propospublic et être soutenu par des fonds publics 4 ). Ce sont des artsen mouvement dans les lieux urba<strong>in</strong>s, et ils posent les problèmesesthétiques de manière différente de celle qui <strong>in</strong>spire les artsdans la rue, ceux qui n’assurent qu’une présence immobile sur lestrottoirs, sur des lieux fixes, au po<strong>in</strong>t de les meubler et non de lesmobiliser en même temps que la foule des spectateurs-auditeurs.Ces spectacles, en effet, impliquent à la fois une modificationmomentanée de la dest<strong>in</strong>ation jonctive (urbanistique) de la rue 5et une modification du rapport à la foule dans la rue, s’agissantalors mo<strong>in</strong>s de spectateurs qui font du surplace et devant lesquelsse réalise (théâtre de tréteaux) ou passe (défilé) le spectacle, quede foules qui se meuvent avec le spectacle et dont la mobilité estconstitutive de celui-ci.Première question : celle de nos classements. Quelle catégoriepermet de penser ces arts ? Ils sont certes présentés dans les lieuxpublics, devant un public mo<strong>in</strong>s restre<strong>in</strong>t et plus différencié quecelui des arts de la scène, mais ne sont pas seulement des arts defoule. Ce sont aussi des arts du parcours, des arts de lieux ouvertset d’événements publics potentiellement pré-politiques. Neparlant pas ici de l’action de rue-spectacle directement politique,militante (de quartier ou en faveur d’une cause), ou des artistesactivistes(des <strong>in</strong>terventions urba<strong>in</strong>es faites pour troubler l’ordrepublic avec humour et vivacité, a<strong>in</strong>si qu’il en va pour Les Voix deBelleville ou Reclaim the streets, pratiquant l’activisme urba<strong>in</strong>, unevolonté de reprendre la rue contre les manifestations officielles,un détournement et une occupations non autorisées), le tributpayé à la cité est pré-politique dans la mesure où il se cantonneà la question : après tout, qui a droit à la rue, qui peut s’y exposeren se donnant en public, fût-ce de manière festive ?Deuxième question : celle du verbe qui convient pour caractériserla mobilisation ? Parlerons-nous d’un art de la déambulation ?Mais déambuler, c’est marcher sans but précis, selon la fantaisie(presque flâner). Or, ce n’est pas le cas. La foule est liée au spectacle,la déambulation a un but et peu de fantaisie (à part la bonhomie,la presse ou les mouvements imprimés par le spectacle).Dirons-nous alors plutôt un art du parcours ? On ne peut toutefoiss’empêcher de reconnaître que d’autres formes d’art relèventaussi d’un parcours. Encore ce dernier peut-il être physiquementstatique (Diderot parcourant les œuvres picturales avec les yeux,dans les Salons), ou dynamique dans l’espace (ce qui serait le cas / septembre 2008

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