<strong>La</strong> <strong>Terre</strong> creuse 52« <strong>La</strong> question de savoir si c'est Cook ou Peary qui a découvert le pôle Nord ne sera jamaisrésolue. C'est un de ces mystères dont l'histoire de l'humanité est friande. Cela restera une affaireentre la parole d'un homme contre la parole d'un autre homme. »Un scandale international.Quand Peary soumit son rapport à la Commission chargée de l'enquête, celle-ci fit savoir auCongrès que Peary, pas plus que Cook, n'avait fourni la preuve qu'il avait bien atteint le pôle.Peary affirmait qu'il avait parcouru une distance de 430 kilomètres depuis un point situé à 87° 47'au nord pour gagner le pôle, et qu'il était revenu à la même latitude en sept jours et quelquesheures. Cette vitesse semble impossible dans la région polaire.Cook reconnut qu'il n'avait pas atteint le pôle dans le livre qu'il écrivit sur son expédition. «Si je me suis trompé, dit-il, je maintiens que n'importe qui se serait trompé à ma place, et j'affirmeque beaucoup d'autres se tromperont de la même façon. »Cette controverse créa un scandale international. Des gouvernements étrangers, denombreuses universités dans le monde entier, avaient félicité Cook et l'avaient couvert d'honneurs,pour apprendre un peu plus tard qu'ils avaient été trompés. Cela ne pouvait recommencer avecPeary. Un explorateur américain (Cook) ayant été convaincu de mensonge, il aurait été du plusmauvais effet pour la réputation des Etats-Unis qu'un autre de ses explorateurs voie sesdéclarations démenties après examen. <strong>La</strong> presse étrangère aurait tourné la chose en ridicule. Pourprévenir cela, une session du Congrès des Etats-Unis nomma une commission de la Sociéténationale de géographie, laquelle donna un verdict favorable établissant que Peary avait bien découvert lepôle Nord.Une question de prestige.Cependant, un an après ce jugement favorable, une nouvelle enquête était faite, aboutissant à laconclusion que les déclarations de Peary n'avaient pu être authentifiées par aucun autre membre de l'expédition,et que par conséquent elles ne pouvaient être prouvées.Peary ne répondit jamais aux accusations qu'on lança contre lui. Il se retira avec le grade de viceAmiral, et une retraite de 6 000 dollars par an. On aurait pu penser qu'une mise au point s'imposait après cesnébuleuses contradictions. Il n'en fut rien. D'une part, le gouvernement américain se refusait à avaliserofficiellement la découverte de Peary ; d'autre part, il ne pouvait se permettre de perdre son prestige devantle monde entier en annonçant que cette découverte n'avait jamais été faite.A une audience du Congrès, on demanda à Mr. Tittmann, superintendant de l'U.S. Coast Survey «Quelle preuve y a-t-il que Peary, ou d'autres, aient atteint le pôle ? »Mr. Tittmann répondit : « Je n'ai aucune preuve de cela, excepté les proclamations ronflantes enregistréessous la signature de Peary. Peary n'a rien rapporté - ni témoignages ni preuves scientifiquessérieuses. Pour le croire, nous n'avons que sa parole. Or nous savons qu'un certain nombre de faits notésdans ses comptes rendus se sont révélés faux. Cela ne plaide pas tellement en sa faveur, et il paraît doncdifficile de croire qu'il a découvert le pôle simplement parce qu'il nous l'affirme. »Ils étaient beaucoup plus au sud qu'ils ne croyaient. Si on tient compte du comportement irrégulier dela boussole dans le cercle arctique, si d'autre part on se rappelle que le Soleil était très bas à l'horizonlorsque les deux explorateurs firent leur mesure, si enfin on veut bien réfléchir qu'il est très facile de seperdre dans ces régions par les difficultés mêmes qu'on éprouve à mesurer précisément sa position, pourtoutes ces raisons il est probable que ni Cook ni Peary n'ont vraiment découvert le pôle, même s'ils ont crusincèrement le contraire. Cela est confirmé par le fait que tous les explorateurs arctiques qui se sontaventurés très loin dans l'extrême Nord ont trouvé là des températures clémentes et une mer libre. Or Cook
<strong>La</strong> <strong>Terre</strong> creuse 53et Peary déclarent qu'ils ont toujours voyagé sur de la glace ferme. Ce qui indiquerait qu'ils étaientbeaucoup plus au sud qu'ils ne le pensaient.A ce sujet, Marshall B. Gardner écrit« S'ils avaient poursuivi leur marche vers le nord, ils auraient rencontré une mer libre et unetempérature en hausse. S'ils avaient alors possédé des bateaux, ils auraient pu se lancer sur cette meret naviguer vers le but ultime. Ils auraient vu briller le soleil central de la <strong>Terre</strong> vingt-quatre heuressur vingt-quatre, même en hiver. Ils auraient découvert de nouveaux continents, des océans ignorés,des formes de vie dont certaines ont disparu de la surface.« Mais rien de tout cela n'est arrivé à Cook et à Peary. <strong>La</strong> découverte de ce nouveau monde estréservée à ceux qui, épousant les théories exposées dans ce livre, franchiront sans peur l'éternellebarrière de glace derrière laquelle s'étend la mer libre et chaude qui mène à l'intérieur de la <strong>Terre</strong>. »Les deux expéditions de l'amiral Byrd, dans l'Arctique et l'Antarctique, confirmèrent d'unemanière éclatante les théories de Gardner. Si les observations de Byrd sont justes - et pourquoi ne leseraient-elles pas ? - il existe bien au-delà des pôles un vaste territoire inconnu qu'aucune carte n'ajamais mentionné.