La chevauchée sur Strasbourg (suite)pénétrer dans la ville. « Bravo... Le pont,le pont » lui aurait répondu le général.Sans ralentir ROUVILLOIS va s’engagerà toute allure dans la SchwarsvaldStrasse, cette large avenue qui mène àla zone portuaire. Sur les trottoirs, médusés,des passants s’arrêtent. Beaucoupsont des Allemands que personnen’avait eu le temps d’alerter. ROUVIL-LOIS est en vue du pont de Kehl, futurpont de l’Europe. Mais là, l’ennemi a eule temps de se ressaisir. Les <strong>com</strong>batss’engagent appuyés par la Flak déchaînéequi défend le pont. Et le pont sautecontrairement à celui de Remagenquelques mois plus tard. La 2 ème DB nepassera pas le Rhin ce jour-là, maisStrasbourg est libre. Le serment deKoufra a été tenu. Le drapeau tricoloreest hissé sur la cathédrale que la Flaksur la rive droite va en vain s’efforcer dedescendre. Depuis 60 ans le char « ZIM-MER » est toujours là, devant le pont.Personne ne viendra « chausser lesbottes du Général » et la DB devrademeurer sur place pour protéger saconquête d’une réaction prévisible d’unadversaire vexé et tout proche. Il faudraplusieurs jours pour que les habitantslaissent enfin éclater leur joie.Personne à cette fin novembre nedépassera Sélestat. Au sud s’étendaitCampagne de France, chevauchée sur Strasbourgune plaine vide de défenseurs. Elle lerestera pendant trois ou quatre jours. Le1 er décembre c’était trop tard, la route deColmar était barrée. Les Allemandsavaient sauvé leur 19 ème Armée qui putregagner l’Allemagne par les deux pontsdemeurés intacts de Chalempé et deBrisach.L’armée française avait tangenté unegrande victoire, et l’Alsace aurait pu êtrelibérée d’un coup. Le général LECLERCavait raison.Lieutenant-colonel J-M. BAILLOUAncien <strong>com</strong>mandant du 4/12 ème RCAMISSIONS EXTÉRIEURESCÔTE D’IVOIRE : OPÉRATION LICORNELe savoir-faire français, régulateur de tensionsNDLR : Avec l’aimable autorisationdu périodique, nous reproduisons l’articleparu dans le magazine « Arméed’aujourd’hui » n° 290 de mai 2004.D’une criante actualité, il relate lesconditions dans lesquelles nos unitésmilitaires assument la mission demaintenir la paix. Les anciens, quidepuis 1945 ont été engagés dans desopérations extérieures, savent quedans tout pays instable, le pire est àcraindre et que la paix n’est parfoisqu’apparente.Il aura fallu la tragédie de Bouaképour que l’opinion prenne conscienceque nos militaires en OPEX sontconfrontés à de réels dangers.* * *Après les manifestations meurtrièresdu 25 mars dernier, la Côted’Ivoire est à nouveau dans une phasedélicate. Dans un pays encore diviséentre le nord et le sud, de nombreux<strong>com</strong>battants restent à désarmer. Lessoldats français de la force Licorneinterviennent désormais en soutiendes Casques bleus de l’Onuci 1 .A l’image de la licorne, animal mythologiquede bon augure qui rend la justiceavec sa corne, les 4 500 soldats françaisdes trois armées et de la gendarmerie,présents en Côte-d’Ivoire contribuent àramener la paix dans un pays secouépar une grave crise politico-militairedepuis septembre 2002. Ils interviennentdésormais <strong>com</strong>me force de soutien auprofit des Casques bleus de l’Onuci,Organisation des Nations Unies enCôte-d’Ivoire, chargés de surveiller lecessez-le-feu et de promouvoir le règlementpolitique de la crise.Dans ce cadre, les soldats françaisdevaient ac<strong>com</strong>pagner le processus dedésarmement, démobilisation, réinsertion(DDR) actuellement en attente 2 , dontla vocation est de résoudre le problèmedes <strong>com</strong>battants enrôlés après le 19 septembre2002 - aussi bien côté forcesarmées nationales de Côte-d’Ivoire(Fanci), forces loyalistes du sud fidèlesau président GBAGBO, que côté forcesarmées des forces nouvelles (FAFN)issues de l’ex-rébellion.Afin de réaliser cet objectif, des détachementsde l’opération Licorne, répartissur le territoire ivoirien dans cinqzones de responsabilité, sont dénommésGroupements tactiques interarmes(GTIA). Pour les militaires français, ils’agit de la plus importante opérationnationale depuis celle du canal de Suezen 1956. Elle présente deux caractéristiques: d’une part la participation detoutes les armées et de la gendarmerie àl’opération, d’autre part la distance entreles différentes emprises (jusqu’à plus de(suite page 33)32
Missions extérieures, Côte d’Ivoire : opération Licorne (suite)Photo de la carte depagedébutsix heures de route entre Abidjan etFerkessédougou) sur un territoire quireprésente plus de la moitié de laFrance. De fait, les moyens aériens (del’armée de l’Air et de l’aviation légère del’armée de Terre [Alat]) sont intensémentsollicités, tout <strong>com</strong>me les véhicules quiréalisent, en quatre mois, l’équivalent dequatre <strong>année</strong>s de leur potentiel enFrance.« Licorne est une force militairecapable d’apporter une réponse rapide àune crise armée, mais elle contribue égalementà favoriser le règlement politiquede la crise. Pour faire baisser le niveaude tension en Côte-d’Ivoire, elle porteses efforts sur trois domaines non polémiques: l’économie, la santé et l’éducation.Dans ce cadre, nos soldats sontpositionnés sur les principaux axes de<strong>com</strong>munication, participent aux campagnesde vaccination contre la variole,et à la sécurisation des examens destinésà valider l’<strong>année</strong> scolaire pour lesrégions où les écoles ont fermé. Tout ledispositif repose sur la nécessité deprévenir toute forme de sécession entrele nord et le sud », explique le généralJOANA, <strong>com</strong>mandant la force Licorne.En effet, le contrôle du nord du payspar les rebelles a fait disparaître l’administrationet bon nombre d’activités économiques.Mais la présence française apermis de normaliser la situation etde redonner confiance à la populationrassurée par le retour progressif desfonctionnaires ivoiriens.Le nord du pays est l’implantation laplus récente de Licorne (janvier 2003) etl’ancienne base arrière des forcesrebelles. A Korogho, secteur du GTIA 3,les cavaliers des 1 er et 2 ème Régiments deChasseurs sillonnent les villes et lesvillages en véhicule de l’avant blindé(VAB) ou en véhicule blindé léger (VBL).Leur simple présence joue un rôle dissuasifauprès des bandes armées etsoulage la population. Toujours prêts àintervenir, ils règlent tout type de difficultésquotidiennes locales. Ce jour-là,c’est le 6 ème Régiment de Génie d’Angersqui s’est mobilisé pour relever uncamion dont la cargaison de cotons’était répandue sur la route. Multipliantles contacts avec les FAFN, les soldatsfrançais organisent des patrouillesmixtes et veillent à la diminution dunombre de check-points. Une tâchecouronnée de succès si l’on en croit lareprise des activités économiques trèsvisible dans tout le secteur. A Ferkessédougou,la production de sucre del’usine Sucaf a repris sous l’oeil protecteurdes cavaliers de Verdun. « Ici prévautla règle des 3 P : présence,patrouille, palabre. La palabre est unpréalable incontournable à toute décisionet la meilleure arme du soldat pacificateur.Chaque fois que nous nous rendonsdans un village, nous respections lacoutume et nous allons voir le “vieux”sage du village », explique le capitainede POMMERY.Partout où ils sont déployés, les soldatsde Licorne participent aux mesuresde sécurité qui favorisent le DDR (désarmement,démobilisation et réinsertiondes ex-<strong>com</strong>battants). Ils sensibilisentégalement les chefs locaux les plusdubitatifs face au processus. Dans cedomaine, les actions civilo-militaires(ACM) soutiennent des projets destinésà la remise en état des sites de casernement,lieux de dépôt des armes et derecensement des ex-<strong>com</strong>battants. Enoutre, elles distribuent nourriture, nécessairesde toilette, médicaments, ballons,jeux, télévisions. En Côte-d’Ivoire, leDDR est un processus national mené parla Commission nationale de désarmement,de démobilisation et de réinsertiondes ex-<strong>com</strong>battants (CNDDR), car sesinstitutions sont toujours existantes.Ainsi, environ 30 000 <strong>com</strong>battants enrôlésaprès septembre 2002 (parmi lesquelsdes enfants soldats) côté Fanci etcôté FAFN devraient être désarmés parphases successives et réintégrés, soitdans le civil, soit dans l’armée ivoirienne.« Nous restons prudents. La Côted’Ivoireest certes dans un processus deréunification, mais le DDR doit avancerparallèlement aux autres points deMarcoussis sur la question de la nationalité,du régime électoral, de la propriétéfoncière », rappelle le chef d’état-majordes FAFN, le colonel SoumaïlaBAKAYOKO. Par ailleurs, les FAFN nemanquent jamais de rappeler qu’au moisde novembre dernier, certains Fanci tentaientde percer la zone de confiancepour reprendre Bouaké.S’il est vrai que les risques d’affrontementsont toujours présents, le calmeest revenu à Bouaké, fief des rebelles etdeuxième ville du pays par le nombre deses habitants (450 000). Agitée aumoment du pillage de la Banque centraledes Etats de l’Afrique de l’Ouest(BCEAO) en septembre dernier, la zoneest désormais conjointement sécuriséepar le 152 ème RI (Régiment d’Infanterie)de Colmar et la gendarmerie, quiconsacre aujourd’hui en Côte-d’Ivoireson plus important déploiement depuisqu’elle participe aux opérations extérieures,soit trois escadrons répartisdans tout le pays. Par ailleurs, Bouakéaccueille, depuis juillet 2003, un PC(suite page 34)33