22> C U L T U R EAGENDACULTURELInstitut françaisd’AlgerMercredi 19 juin à 20h00, ciné-concert«Nuit blanche» de Didier Labbé, OlivierBrousse, Laurent Rochelle et EricBoccalini. En présence des réalisateurs.Salle El MouggarDu 17 au 29 juin : Sortie <strong>national</strong>e dufilm cinématographique «Harragablues» de Moussa Haddad à raison de4 séances par jour : 14h, <strong>16</strong>h, 18h et20h à l’exception de la journée du 20juin où une seule séance seraprogrammée à 14h.Salle Ibn ZeydounCe soir à 20h00, concert de musiqueandalouse avec l’association Cortoba.Jeudi 20 juin à 18h00, représentationthéâtrale intitulée « Laylet Rou3b »(nuit d’angoisse), de la coopérative deBoudouaou.Librairiedu Tiers-MondeCette aprés-midi à 14h00, Sarah Haidarsignera son livre «Virgules en trombe»,paru aux éditions Apic.Libraire généraleCette aprés-midi à 14h30, AchourBououni signera son livre « Appelezmoicolonel» paru aux éditions Koukou.Jardin d’EssaisRencontre et lecture littéraire en pleinair à 14h00.Esplanade RiadhEl-FethJusqu’au 22 juin, sixième édition duFeliv. Lundi 17 juin à <strong>16</strong>h00, rencontreintitulée «Résister à la guerre par letexte», avec la participation de NilsAndersson, Julien Hage et NicolasHubert.Faouzi Bensaïdi, cinéaste marocain«Exister commedes individus et non pascomme une tribu !»Faouzi Bensaïdi est unchorégraphe de l’image, unmusicien aux partitionsenchevêtrées, mais surtout uncinéaste hors pair qui, au fil desix films (trois courts et troislongs), est aujourd’huiconsidéré comme l’un desréalisateurs les plus moderneset les plus créatifs du Maroc etde l’Afrique du Nord. Sondernier long-métrage, « Mort àvendre » (projeté en ouverturedes 11es Rencontrescinématographiques de Béjaïa)est une perlecinématographique dont onsort à la fois troublés etheureux. Violent, triste etdéroutant, il produit le mêmeeffet qu’une succession demorsures et de baisers, debastonnades et de caresses. Debout en bout, « Mort à vendre »nous tient par le ventre, nonpas dans la recette classique duthriller ou du film noir, maisbien par un enjeu esthétique etphilosophique puissant. Allal,Malik, Sofiane, Dounia et lesautres deviennent une partie denous ; leur destin tragique (maisjamais misérabiliste) nous colleà la peau. Et c’est FaouziBensaïdi, le cinéaste-orchestre,qui nous a magistralementconstruit cette symphonieinfernale, dont il nous parledans cet entretien…Algérie News : « Mort à vendre » est votretroisième long-métrage. Il contraste assezavec le précédent, « What a wonderfulworld », où il s'agissait plutôt d'un cinéma« expérimental ». Or, ce qui est admisgénéralement c'est de commencer par uneforme plus ou moins linéaire pour allervers des écritures éclatées ou déconstruites.Dans votre cas, c'est le contraire...Faouzi Bensaïdi : J'ai toujours fait leschoses à l'envers, peut-être par pur plaisirde contradiction. Il y a aussi une profondepeur de se répéter, d'ennuyer, de s'asseoirsur des semblants d'acquis, d'expérience,de savoir-faire. Je conçois chaque filmcomme un premier, une aventure à part ;j'ai envie d'explorer des choses, d'essayer,c'est ce qui me pousse à me réveiller à 5hdu matin et aller au plateau de tournageavec plaisir et enthousiasme. Et puis fairedu classique est quelque part, une expérimentationpour moi car je n'en ai jamaisfait, donc c'est une première fois avec seshésitations, ses inconnus, ses terrains glissants…Justement, lorsque je vois que « Mort àvendre » est communément classé dans legenre « polar », je ne suis pas trop d'accord,car vous y insufflez une telle fantaisieartistique et poétique, que cela devientun film d'auteur ! Qu’en pensez-vous ?Absolument, c'est un film à la frontièredes choses, du genre dans le cinéma. Il frôlele polar, le film noir, mais il est transplantédans une réalité qui ne les a pas créés, doncdifférente, complexe et multiple, qui est lanôtre. Le genre est «contaminé»,détourné... Il y a à la fois le respect et larévision des codes. J'aime bien me donnerdes règles, des directions, même descontraintes, mais permettre à l'imaginationet sa liberté de les déjouer ou de les interpréterde manière personnelle…La manière dont vous filmez vos personnages,donne l'impression que vous lescherchez encore (physiquement j'entends).Expliquez-nous votre passionpour cette chorégraphie des corps, de lacaméra et même du lieu...Un des chocs esthétiques pour moi,dans mon adolescence, était la comédiemusicale. Quand j'ai découvert cette formeau cinéma, pour moi c'était de l'art total. Jepense que quelque part, je chorégraphietout dans mes films, évidemment les scènesde foule, les poursuites, mais aussi unhomme qui ouvre une porte, rentre chezlui et fait les gestes les plus anodins… Il y aune précision du geste et du déplacementqui relève de la chorégraphie. Tout est histoirede musique et de rythme. Quand jefaisais du théâtre, un de mes plaisirs était derégler les entrées et les sorties de scène descomédiens. Il y a toujours quelque chose demagique, de carrément miraculeux à trouver.Cela parait simple mais c'est beaucoupde travail pour que ça apparaisse comme ça.Quand la caméra fait un mouvement touteseule, et se détache de l'ensemble, c'estcomme un solo de violon dans une forma-ALGERIE NEWS Dimanche <strong>16</strong> juin <strong>2013</strong>
C U L T U R E23tion orchestrale. Et si ce désir et ce défin'existent pas dans un film, ça ne m'intéressepas.Le père alcoolique de Allal, Malik qui couvresa sœur amoureuse d'un hommemarié... Il y a comme une volonté decontrecarrer l'image classique de l'homme(ou de l'autorité masculine) marocain oumaghrébin, en proposant ces anti-clichéspar excellence...Oui il y a presque un « commerce » dansl'art qui a trop duré, l'image du Sud «acheté » par le Nord et dès qu'on sort de ceschéma préétabli (la femme victime,l'homme fruste et violent, les personnagesn'ont pas des têtes modernes, on croiraitque les villes n'existent pas…), on estrejeté... Les hommes peuvent aussi être sensibles,compréhensifs, ouverts et les femmespeuvent être violentes, destructrices. C'estreconnaître l'humanité des uns et des autresque de les sortir de ces clichés. Il est tempsque nous existions comme des individus etnon pas comme une tribu... Ces clichés ontlongtemps rendu les personnages simplistessans relief et sans complexité, et du coup,pas crédibles à l'écran…Dans un cinéma maghrébin (et mêmemondial) qui n'arrive toujours pas à sedébarrasser des clivages « méchants vsgentils », comment avez-vous réussi à éviterle manichéisme en empêchant le spectateurde juger vos personnages bien qu'ilssoient antagoniques avec toutes les «valeurs » morales admises dans nos sociétés?J'aime tous mes personnages et je lesaime aussi pour leur faiblesse, leurs conneries,leur aveuglement... Je cherche à lescomprendre et non pas à les juger... Il y atoujours une raison derrière les comportementsdes gens... un abîme... un gouffre...une ambition... une illusion... un amour.L'être humain a une complexité si extraordinaireque réduire sa vie au bien et au mal,au noir et au blanc, est très réducteur. C'estcette richesse de l'âme humaine qui fait quel'art, la littérature continuent toujours àl'explorer, indéfiniment.Les scènes érotiques, les jurons et mêmequelques réflexions antireligieuses...Quand on sait que le film a été partiellementfinancé par le Centre cinématographiquemarocain, on s'étonne de cetteliberté de ton à l'heure où ceux qui neconnaissent pas bien le cinéma marocain,croient que l'arrivée des islamistes au gouvernement,a tendance à limiter la libertéde création...La liberté ne se donne pas, elle s'arracheet même quand on l'a, il faut la défendre,elle n'est jamais totalement acquise... Nousavons réussi, tous, artistes, journalistes,intellectuels, société civile, à élargir depuisdes années la marge de liberté d'expression.Nous passons, comme d'autres pays arabes,par l'expérience démocratique qui a menéles islamistes au pouvoir. Il faut rester vigilant.Ce film était produit avant, il faut queles prochains, les miens ou ceux des autres,continuent à jouir de cette liberté d'expression.Il y a une certaine malice (voire de lacruauté) dans la fin de votre film. Je m'attendaisà ce que Dounia s'enfuit réellementavec Malik, et c'est le contraire qui se produit...Considérez-vous que les «happyend»sont surannées ?Il y a une vision réaliste et sans illusionsà la fin du film, c'est un film noir et la tragédieguette au bout du chemin périlleux demes personnages. Ils évoluent dans unmonde sans merci, et une fin heureuseaurait été difficile. Il y a aussi un deuxièmeniveau qui est le récit et le plaisir des rebondissementset du retournement des situations.Cela permet aussi de finir le film surune multitude de possibilités et d'interrogations.L'art, à la différence de la télévision,ne rassure pas, heureusement !S. H.11 es Rencontres cinématographiques de BéjaïaUn cinéma meurtriUltime jour de cette 11 e édition. Au menu ? Un film sur le Cinéma, sur un cinémadétruit de l'intérieur, sur le Cambodge et sur le massacre des Khmers rouges.Rencontre avec son auteur, l'érudit Davy Chou.Il s'appelle Davy Chou. <strong>Fr</strong>ançais d'originecambodgienne, venu spécialementde l'ancien pays de Pol Pot, pour échangeravec le public bougiotte, Chou, duhaut de ses trente balais se pose devant moi.« Désolé monsieur, pas de thé maison, justedu lipton », lui assène le charmant serveur,déjà reparti à l'intérieur du café, pour yramener un « lipton ». Chou regarde sesmails via son iPhone, respire l'air de la placeGueydon et d'emblée, me questionne surdes bonnes tables qu'il pourrait trouver surAlger : « Je compte y aller, deux jours avecmon ami, l'écrivain Sabri Louatah, voir unpeu ce qui s'y passe. Et j'ai très envie dedécouvrir la gastronomie de la ville. Neconnaissant pas la capitale, ça m'intrigue. »Qu'il se rassure, cela fait un bail que cette«capitale des douleurs» intrigue lesAlgérois…Pourquoi Davy Chou ? Parce que leCambodge, le cinéma, le retour aux sources,la vitalité d'un cinéma revenu de pas mal dechoses. Terribles et effrayantes à la fois.Comment faire pour décrypter un pan ducinéma cambodgien sans utiliser la base, lesimages ? Rithy Pahn, en mai dernier, nouslivrait une belle réponse dans son très beaudernier opus, «L'Image manquante», enreconstituant des scènes à partir de tableauoù se retrouvaient des personnages, despoupées en terre d'argile, et ça fonctionnait.Surtout que le texte pensé et écrit par lesieur Pahn avait ce mélange de délicatesse etde transparence qui donnait à son cinéma,une certaine idée de sa propre fonction, êtretémoin coûte que coûte d'une période donnée,d'une histoire, voire de son récit personnel.Bon, Davy Chou. Qui est-il réellement ?Officiellement, on peut lire sur le Net ceslignes suivantes : « Il est le petit-fils de VanChann, un des principaux producteurs duCambodge dans les années 1960-1970. En2009, création à Phnom Penh d'un atelier decinéma avec 6 universités et 60 étudiants. En2010-2011, il part au Cambodge à la recherchedes témoins survivants (professionnels,spectateurs, bâtiments) de l'âge d'or ducinéma cambodgien, entre 1960 et 1975(près de 400 films, dont beaucoup ont étédétruits ou perdus sous les Khmers rouges).Il interviewe, entre autres, l'actrice DySaveth et les cinéastes Ly Bun Yim, YvonHem (décédé le 10 août 2012) et Ly YouSreang ». Sympa et très propre sur luimême.Officieusement, c'est une autrepaire de manchesAvalant d'une traite son thé « Lipton »,Davy me raconte son enfance, ce pays qu'oncitait rarement dans le domicile familial, sesquestions aux réponses parfois évasives etses envies d'aller voir cette Terre aux originesmystérieuses. « Pour l'instant, ce n'estpas encore le moment, on verra plus tard »,aimait à répéter son père, qui n'a jamaisréellement offert au fiston la passion ducinéma. «Je le dois à mon oncle, qui m'emmenaitvoir des films de Van Damme, Willis,Schwarzie, des trucs que je ne regarde plusaujourd'hui, éloignés de ma cinéphilie, maistout cela est drôle. » Très vite, on discute desa première entrée en territoire khmer, lorsde vacances d'été, durant l'année 2008. Troissemaines et la possibilité pour Davy d'épouserenfin son désir. L'année suivante, ilrepartira, cette fois-ci pour y vivre.L'expérience lui prendra 1an et demi de savie. Il ne le regrette pas surtout qu'aujourd'hui,il effectue maints voyages entrePhnom Penh et Paris, qu'il s'occupe de larestauration de classiques du cinéma cambodgien,qu'il participe à la mise en placed'un festival consacré à la mémoire, et initiépar Rithy Pahn (Memory Festival) et enfin,qu'il ait pu réaliser ce très beau docu, sobrementintitulé « Le Sommeil d'or ».« Pourrais-je avoir un jus ? ». Davy a soif,le serveur est content et moi, j'en remets unecouche, le questionnant. Davy : « Quand jeme suis installé au Cambodge, il était horsde question pour moi d'y aller en pensantque ce serait ma quête initiatique, je voulaisjuste découvrir ce pays qui m'appartenait,que je ne connaissais pas. J'ai appris la langue,je me suis fait des amis, et j'ai proposémes services dans des écoles afin d'y créerdes ateliers.Et puis quand j'ai su que j'étais le petitfilsd'un producteur ciné de l'âge d'or, j'aicommencé à m'intéresser à ce cinéma. Acomprendre aussi ce qui s'y était passé, etcomment un régime totalitaire pouvaitprendre le cinéma comme une arme mortelle,au point de l'éradiquer complètementde la carte. Et c'est comme cela, que leSommeil d'or est né »Deux heures plus tard, Davy terminerason débat avec le public des « Rencontres »,heureux, satisfait et rassuré. « Je suis contentde n'avoir pas à poursuivre le débat le lendemainmatin, au Café-ciné… suis complètementépuisé. » CQFD.Samir ArdjoumALGERIE NEWS Dimanche <strong>16</strong> juin <strong>2013</strong>