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Hommages, tombeaux, reconnaissances dans Les Lettre - Item

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Bernard LEUILLIOT « <strong>Hommages</strong>, <strong>tombeaux</strong>, <strong>reconnaissances</strong> <strong>dans</strong> <strong>Les</strong> <strong>Lettre</strong>s françaises... »1représente « un jeune homme vers 1890... un alexandrin jeté sur l’autre <strong>dans</strong> une chambre à lasemaine où donc était-ce quelque part comme un hôtel de cinquième ordre rue / Cujas ouRoyer-Collard. ». L’article d’Aragon mériterait qu’on lui consacre une séance entière de notreséminaire, ainsi du reste que celui du 14 décembre 1962 : « Prendre son rêve où on le trouve oules ennemis ». Le sous-titre – « <strong>Les</strong> ennemis » - renvoie au titre d’une nouvelle de l’écrivainjuif soviétique Emmannuel Kazakievitch, publiée en 1963 par Aragon <strong>dans</strong> sa collection« Littératures soviétiques », avec Le Cahier bleu, du même auteur et cet avertissement enquatrième de couverture :. « <strong>Les</strong> deux nouvelles tranchent à la fois par la concision et l’audacepolitique sur les livres des jours staliniens. Pour la première fois, <strong>dans</strong> Le Cahier bleu, Zinovievapparaît comme un homme vivant et non pas simplement comme un nom maudit. La secondenouvelle étudie les rapports complexes de Lénine avec le menchevik Martov ». EmmanuelKazakievitch était mort, à quarante-neuf ans, l’automne précédent et Aragon lui avait renduhommage <strong>dans</strong> <strong>Les</strong> <strong>Lettre</strong>s françaises du 4 octobre 1962.L ‘essai de Lucienne Julien-Cain porte sur Nicolas Berdiaev, philosophe russe mystiqueet révolutionnaire, auquel, contre toute attente, s’intéresse Aragon, qui décidément ne se trouvejamais où on l’attend. L’idée, comme <strong>dans</strong> l’article sur Le Guépard, est qu’un livre (roman ouessai) n’est pas achevé par son auteur, il l’est par son lecteur. Aragon ne rend pas compte dulivre de Lucienne Julien-Cain, il en parle et en un sens l’achève, comme on fait d’un roman :« Il faut lire le livre, dit-il, comme un roman philosophique, le roman d’un esprit et d’uneépoque. L’essai devient roman, <strong>dans</strong> la mesure du talent du lecteur, comme romancier, sansdoute. » Le livre se compose de deux parties : « La Russie est sortie des ombres », suivi de« Berdiaev en Russie ». Le héros du livre se trouve donc pris entre deux éclairages : le temps etl’homme sont d’abord saisis du point de vue de l’auteur et <strong>dans</strong> la seconde partie à partir de cequi se déduit de l’oeuvre et des conversations du héros. Tout cela à propos d’un homme que lesbolcheviks devaient expulser de Russie, et ses anciens amis considérer, <strong>dans</strong> l’émigration,comme un bolchevik, jusqu’à sa mort, à Paris, en 1948, à 74 ans. Cette duplicité en fait bien unhéros de roman, au même titre que le Géricault de La Semaine sainte. C’est qu’ il y avait <strong>dans</strong>cet esprit une « dialectique singulière », car, explique Aragon, « abandonnant le marxisme pourl’aventure mystique, il se trouve en même temps enclin à voir <strong>dans</strong> cette aile de la socialdémocratiequi va s’en détacher, les bolcheviks, le seul espoir de la révolution, et partant, pourlui, de la Russie, alors que ses conceptions l’en séparent, et que, pour Lénine, par exemple, lemystique ne se distingue guère de ses ex-amis cadets. » Son cas en venait à recouper cet espaceoù se croisent « les lectures, les époques, les rêveries », les rêveries du lecteur, historien,romancier et poète : « Il se trouve, précise Aragon, que parallèlement à l’histoire que j’écrivaisavec André Maurois, j’avais l’esprit occupé de certaines données sur quoi je bâtissais le poèmedu Fou d’Elsa, me servant par exemple du vocabulaire mystique pour l’expression d’uneréalité. » Comment ne pas penser ici à Louis Massignon, disparu en novembre 1962, et auquelAragon avait rendu hommage <strong>dans</strong> <strong>Les</strong> <strong>Lettre</strong>s françaises du 15 novembre : « Ce matin-là jem’apprêtais à lui écrire : à qui au monde aurais-je pu demander conseil avant d’achever cepoème où je me suis lancé. [...] Je voulais lui demander de me recevoir, de m’écouter. Et puisj’ai ouvert le journal où était sa mort. » L’aventure intellectuelle de Nicolas Berdiaev relevaitde ce « drame humain » qui fait le sujet d’Histoire parallèle comme du Fou d’Elsa, où, ditAragon, il ne s’agissait - « sous le masque historique de cet énorme mot-croisé » - que detraduire « ce qui est le fond de ma vie et de ma propre aventure intellectuelle ». Le « masquehistorique » est celui d’une réalité restée sur le moment impénétrable à ses acteurs, ce quijustifie la place faite par Aragon à l’ « ennemi », la place faite, <strong>dans</strong> Histoire parallèle, auxtémoignages antibolcheviques, ceux par exemple du général Brouïevitch ou de l’ancienministre de la Guerre de Kerenski, Verkhovski. Ceci avait son répondant <strong>dans</strong> l’expérience

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