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Hommages, tombeaux, reconnaissances dans Les Lettre - Item

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Bernard LEUILLIOT « <strong>Hommages</strong>, <strong>tombeaux</strong>, <strong>reconnaissances</strong> <strong>dans</strong> <strong>Les</strong> <strong>Lettre</strong>s françaises... »8l’écrit à l’image, que « <strong>Les</strong> Emigrants » d’Honoré Daumier seront appelés à illustrer, <strong>dans</strong>l’édition des Oeuvres romanesques croisées, ce « torrent d’hommes en marche ».A la pensée de Maïakovski et de son suicide Aragon, pareillement, se souvient. Il sesouvient du dernier voyage de Maïakovski à Paris, en 1929, et de son passage à l’atelier de larue Campagne-Première : « Avril, déjà les oiseaux chantent / Au jardin des sœurs à côté /.../ Jerevois son dernier voyage /.../ On n’a pas ce que l’on souhaite / On se tue on se tait c’esttout... » Premier domicile, à Paris, d’Elsa et de Louis, l’atelier de la rue Campagne-Premièredonnait effectivement sur le jardin de l’ancienne Infirmerie Marie-Thérèse, habitée de 1826 à1838 par Chateaubriand. Lues par Aragon au cours d’une soirée organisée au Palais de Chaillotpar le journal Clarté pour le 70 e anniversaire de la naissance et non pas, donc, de la mort deMaïakovski, les sept strophes seront reprises, en 1964, <strong>dans</strong> « Il ne m’est Paris que d’Elsa »,première pièce du recueil portant ce titre 14 (OP, Pléiade II, p. 1021 et n. 9).La disparition de Pierre Reverdy, le 17 juin 1960, et celle de Georges Braque, le 31 août1963, sont l’occasion pour Aragon d’un retour à l’époque, approximativement, de ses « vingtans ». Je le citerai, une fois de plus un peu longuement. Sa parole, après tout, vaut bien la nôtre.« [Pierre Reverdy], c’est Aragon qui parle, était, quand nous avions vingt ans, Soupault, Breton,Eluard et moi, toute la pureté pour nous du monde. [...] La vie a bien pu entre nous couler, ellen’a jamais brouillé cette image, cette conscience noire, ce refus, cette voix d’ombre <strong>dans</strong> notrejeunesse.[...] Je le revois rue Cortot, <strong>dans</strong> ce temps de misère et de violence, un hiver qu’ilrégnait chez lui un froid terrible, sa femme malade, et <strong>dans</strong> le logement au-dessus ce diabled’Utrillo qui faisait du boucan, c’était à tuer. Il y avait <strong>dans</strong> les yeux noirs de Reverdy un feu decolère comme je n’en ai jamais vu nulle part, peut-être les sarments brûlés au milieu des vignesà la nuit » (LF, 28/6/60). On pense ici au compte autrefois rendu, par Aragon, des Ardoises dutoit, ce « livre de nocturnes », publié par Reverdy en 1918 à cent exemplaires, avec deuxdessins au trait, hors texte, de Georges Braque, dont la disparition, le 31 août 1963, ne pouvaitque rappeler Aragon au souvenir de Reverdy (LF, 5/9/63) :Mémoire je reviens à ma jeunesse quand je l’ai connuCet homme sans mesure là-haut <strong>dans</strong> la rue Simon-DereureOù la beauté sans cri des objets lui faisait trembler la mainRien plus que lui n’était humble devant les choses familièresEt la lampe au verre de travers prenait un accent humainCar les lampes fumaient encore parmi nous cela semble hierNul comme lui peut-être mais ce soir je songe à ReverdyJe songe à ce Montmartre noir emporté <strong>dans</strong> les yeux qu’on fermeBraque un dimanche éteint souviens-toi de ce que fut vendrediDans ce double miroir toute une part du monde atteint son termeUne part du monde se perd <strong>dans</strong> ce regard qui s’est perduCette lumière d’une chambre et rien n’a troublé le silencePar un après-midi je ne sais d’où descend l’ombre attendueLe temps qui passe met sur tout son immobile violenceL’ « après-midi » est celui du samedi 31 août, compris entre « vendredi » – où Braqueétait vivant – et le « dimanche » – où il ne l’était plus, « éteint ». L’existence est ainsi ressaisieau « double miroir » de la vie et de la mort, de part et d’autre de ce que Mallarmé, <strong>dans</strong> leTombeau de Verlaine, avait appelé « un peu profond ruisseau calomnié la mort »... Cela14Oeuvres poétiques complètes, t. II, p. 1021 et n. 9.

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