11.07.2015 Views

18763 libro HAITI CONTENIDO

18763 libro HAITI CONTENIDO

18763 libro HAITI CONTENIDO

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>18763</strong> <strong>libro</strong> <strong>HAITI</strong> PORTADA 8/6/03 2:23 PM Page 2“...Je voudrais aller à l’ école,être jeune et de venir infirmière.”


L’exploitationsexuelle desmineurs:une problematiquemultidimensionnelle


ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL (OIT)Programme International pour l’Eradication du Travail des Enfants (IPEC)Coordination pour l’Amérique Centrale, le Panama, La République Dominicaine et HaïtiCarmen MorenoCoordonnatrice de l’ OIT-IPEC pour l’Amérique Centrale, le Panama, La République Dominicaine et HaïtiSabine ManigatCoordonnatrice de l’ OIT-IPEC pour HaïtiMr. Richard MathelierDirecteur de l' INESAEQUIPE DE RECHERCHEDr. Nicole MagloireCoordonatriceProf. Suze MathieuSociologueProf. Nelson SilvestreSociologueMe. Dilia LemaireAvocatCopyright © Organisation internationale du Travail 2002Première édition 2003Les publications du Bureau international du Travail jouissent de la protection du droit d’auteur en vertu du protocolen°2, annexe à la Convention universelle pour la protection du droit d’auteur. Toutefois, de courts passages pourrontêtre reproduits sans autorisation, à la condition que leur source soit dûment mentionnée. Toute demande d’autorisationde reproduction ou de traduction devra être adressée au Bureau des publications (Droits et licences), Bureauinternational du Travail, CH-1211 Genève 22, Suisse. Ces demandes seront toujours les bienvenues.OITETUDE EXPLORATOIRE SUR L’ EXPLOITATION SEXUELLE DES MINEURS A DES FINS COMMERCIALES.Organisation Internationale du Travail, 2003Enfants, Exploitation sexuelle, Etude de recherche, Aspect juridique, Haïti14.02.1ISBN 92-2-214287-XDonnées de catalogage du OITLes désignations utilisées dans les publications du OIT, qui sont conformes à la pratique des Nations Unies, et laprésentation des données qui y figurent n’impliquent de la part du Bureau international du Travail aucune prise deposition quant au statut juridique de tel ou tel pays, zone ou territoire, ou de ses autorités, ni quant au tracé de sesfrontières.Les articles, études et autres textes signés n’engagent que leurs auteurs et leur publication ne signifie pas que le Bureauinternational du Travail souscrit aux opinions qui y sont exprimées.La mention ou la non-mention de telle ou telle entreprise ou de tel ou tel produit ou procédé commercial n’implique dela part du Bureau international du Travail aucune appréciation favorable ou défavorable.Visitez notre site dans la net: www.ipec.oit.or.cr et www.oit.or.crDessin: Identur (kyracruz@identur.com)Illustration: Harpo JoygImprimé lau Costa Rica4


PrésentationL’exploitation sexuelle commerciale des garçons, des filles et des adolescents est l’une des violations les plus sévèresdes droits humains. Elle entraine pour ces mineurs de grandes souffrances et des conséquences physiques etémotionnelles qui marquent leur enfance et, plus tard, leur vie adulte.L’élimination de cette forme d’exploitation requiert la participation active et l’effort public et concerté de tous lesacteurs sociaux: les gouvernements, le secteur privé, les organisations de la société civile et la communautéinternationale.L’Organisation Internationale du Travail (OIT), dans le contexte de sa lutte contre le travail infantile, a mis l’accentd’une manière spéciale sur la nécessité d’éliminer cette forme d’exploitation et dans cet esprit a approuvé en 1999la Convention sur les pires formes du travail infantile. Cette dernière, dans son article 3, signale l’exploitation sexuellecommerciale des mineurs et ses multiples modalités, “... l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’enfants aux fins deprostitution, de production de pornographies ou d’activités pornographiques ..”.entre autres, comme l’une desformes d’exploitations des mineurs qui doit être élinimée.En parallèle, la coopération canadienne, à travers l’ACDI se penche en Haití sur les questions d’égalité des sexes ettravaille grâce au Fonds Kore Fanm, à l’habilitation des femmes et des fille haitiennes en les appuyant dansl’apprentissage de leurs droits avec, comme finalité, de leur permettre de faire respecter leurs droits. Dans cetteoptique, il y a plusieurs problématiques, comme celle de l’exploitation sexuelle, qui demandent à être mieuxcomprises et documentées. Le Kore Fanm offre la possibilité d’oeuvrer avec diferentes organisations et de creer despartenaires permettant le co-financement de projets et d’études stratégiques pour le secteur. C’est dans ce contexteque l’OIT et l’ACDI ont pu associer leurs efforts pour atteindre des buts communs.La présente étude est le résultat de l’analyse du problème de l’exploitation sexuelle commerciale des mineurs enHaití. Elle a été effectuée dans le cadre de l’IPEC et du Fonds Kore Fanm. Le Programme International pourl’Eradication du Travail Infantile (IPEC) de l’OIT administre depuis l’année 2000 le “Projet pour l’Elimination duTravail Infantile Domestique” lequel est financé grâce à l’assistence économique du Département du Travail des EtatsUnis.Cette synthèse que nous présentons aujourd’hui analyse les causes et les conséquences de l’exploitation sexuellecommerciale que soufrent des centaines de garçons et de filles en Haití. Elle met l’accent sur la nécessité de lacoordination interinstitutionnelle afin de trouver des solutions effectives à ce problème, à courte échéance dans lamesure du possible. Seule la connaissance de l’ampleur réelle du problème nous aidera à mettre un terme à laterrible situation de ces garçons et filles qui sont victimes de cette exploitation. Ils en font l’expérience dès leur plustendre enfance et elle est associée à toutes sortes de violations de leurs droits humains. D’autre part, l’étude met enevidence que ce problème maintient une étroite relation avec d’autres facteurs tels que: la pauvreté extrême,l’expulsion scolaire, les grossesses à un âge précoce, la violence psycologique, physique et sexuelle, laconsommation de drogues, la négligence ou l’abandon des parents, entre autres.Nous espérons que cette synthèse soit utile pour faire la lumière sur ce grave problème et sensibiliser la société dansson ensemble sur la nécessité et l’importance de la dénonciation de ce terrible fléau. Nous espérons aussi qu’elle soitune aide pour le Gouvernement au moment de formuler les strategies et de mettre en pratique les mesures quipermettront l’élimination de l’exploitation sexuelle commerciale des garçons, des filles et des adolescents.Carmen MorenoCoordonnatrice de OIT-IPECPour l’Amérique Centrale, le Panama, la République Dominicaine et Haïti5


Liste des tableaux et graphiques1. Répartition des enquêtés par zone et par sexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .492. Répartition des enquêtés selon leur lieu de naissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .513. Répartition des mineurs ayant été à l’école par sexe et par âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . .524. Répartition des enquêtés selon le domicile actuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .525. Répartition des enquêtés par sexe selon l'âge du premier contact sexuel . . . . . . . . . . . .536. Répartitions des enquêtés selon le type de la première relation sexuelle avant 12 ans . . .537. Répartition des enquêtés selon l'âge des premières règles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .548. Nombre de grossesses parmi les enquêtées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .549. Répartition des enquêtés (en nombre absolu) selon les endroits ou sepratique généralement l’exploitation des mineurs à des fins commerciales . . . . . . . . . . .5710. Nombre de clients par jour selon le sexe des mineurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5811. Répartition des enquêtés par sexe selon le type de drogues consommé . . . . . . . . . . . . .5912. Répartition des mineurs selon les problèmes expérimentés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6013. Répartition des enquêtés selon les personnes profitant de leur prostitution . . . . . . . . . . .6114. Réactions du client quand un mineur refuse d’avoir des relations sexuelles . . . . . . . . . . .6315. Répartition des mineurs ayant porté plainte contre des actes de violence . . . . . . . . . . . .6516. Répartition des mineurs selon là où ils adressent leurs plaintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6517. Répartition des adultes sondés par sexe et tranche d’âges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6718. Répartition des adultes sondés par sexe et niveau de scolarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6819. Répartition de la population par secteur d’activités économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . .6920. Répartition par sexe des sondés au courant du phénomène de l’exploitationsexuelle des mineurs à des fins commerciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6921. Répartition des sondés selon leur connaissance des pratiquesliées à l’exploitation sexuelle des mineurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7022. Principales pistes indiquées par les enquêtés pour reconnaître lesmineurs livrés à la prostitution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7023. Opinion des adultes par sexe sur la provenance des mineurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7124. Principales causes indiquées par les adultes pour expliquer laprostitution des mineurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7225. Niveau d’études des sondés et explication du phénomène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7226. Opinions des adultes sur les causes de l’exploitation sexuelledes mineurs à des fins commerciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7727. Principaux lieux indiqués par les adultes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7828. Positions des adultes témoins éventuels d’ un cas d’ exploitatonsexuelle des mineurs à des fins commerciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7929. Réactions possibles des adultes témoins éventuels d’ une situation d’ exploitatonsexuelle des mineurs à des fins commerciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8030. Pistes de solutions proposées par les adultes pour contrecarrer l’ exploitatonsexuelle des mineurs à des fins commerciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8130. Institutions/Secteur identifiés par les adultes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .81Graphique 1:Répartition des enquêtés par age et par sexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .50Graphique 2: Mineurs forcés d'avoir des relations sexuelles commerciales . . . . . . . . . . . . .569


RESUME EXECUTIFL’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales constitue une violation grave des droitshumains des jeunes et des adolescents des deux sexesvictimes de cette exploitation.Étant donné l’importance du phénomène, sonexpansion depuis quelques années et le peu dedonnées existantes sur ses caractéristiques, OIT-IPEC/ACDI a décidé de lancer cette étudeexploratoire sur l’exploitation sexuelle des mineurs enHaïti. afin de:• « dégager les caractéristiques fondamentales duphénomène,• d’esquisser le profil des mineurs soumis à ce typed’exploitation,• explorer le thème des principaux bénéficiaires del’exploitation des enfants,• sonder les perceptions de la population à l’endroitde ces pratiques,• faire des propositions d’intervention ».En plus de la revue du cadre juridique et du cadreinstitutionnel se rapportant au phénomène, 76mineurs ont été interrogés ainsi que 207 adultes.Il en ressort que ce phénomène existe en Haïtiparticulièrement dans le milieu des enfants dans et dela rue. Il touche aussi d’autres secteurs de la sociétécomme celui des écolières. Le secteur touristiquecomme incitateur d’exploitation sexuelle des mineursn’a pas pu être exploré par la présente étude mais nesemble pas occuper une grande place dans lesdifférentes facettes que prend le phénomène en Haïti.La question de genre est présente comme une descaractéristiques de la problématique en question: lesfilles sont plus nombreuses comme victimes del’exploitation sexuelle, elles subissent plus de violencede la part des clients, elles sont moins bien payées, lasociété leur renvoie une image bien plusdévalorisante qu’elles intériorisent.La misère, la pauvreté sont les causes principales decette exploitation sexuelle des mineurs d’après toutesles sources d’informations: études antérieures,institutions, professionnels, les mineurs eux-mêmes.Le cadre juridique est désuet et non conforme auxconventions internationales ratifiées par l’état haïtien.L’enfant haïtien en général n’est pas protégé et encoremoins les mineurs victimes de l’exploitation sexuelle.Le cadre institutionnel est aussi très limité. Laproblématique de l’exploitation sexuelle des mineursà des fins commerciales est diluée dans celle desenfants en situation difficile: enfants en domesticité,“restavek”, enfants dans et de la rue.Au niveau de l’état, il n’existe aucun plan nationalvisant la protection de l’enfant ni de structuresd’encadrement des institutions civiles travaillant dansle domaine. Une seule institution étatique, l’Institut duBien Être Social et de Recherche, est responsable desenfants en situation difficile mais n’a aucun mandatexplicite en ce qui concerne les enfants victimes del’exploitation sexuelle. Elle dispose de peu deressources et atteint un nombre très limité des enfantsdont la charge lui incombe.Au niveau de la société civile, aucune institution n’ade programmes spécifiques visant cetteproblématique et cette catégorie d’enfants. Cesderniers sont pris en charge de façon individuelle, caspar cas, par des institutions caritatives qui s’adressentà des enfants en situation difficile. Ces institutionssont bien conscientes de l’existence du problème, ellessouhaitent, toutes, une action synergique avec l’étaten vue de mieux le connaître et de définir lesstratégies pour y faire face.Les mineurs rencontrés, 42 garçons et 34 filles,évoluent dans des lieux où généralement se réunissentles enfants dans et de la rue: certains quartierspopulaires, des zones récréatives ou proches. Lesmineurs en général sont mêlés aux adultes et difficilesà distinguer. Dans certains endroits, Pétion Ville parexemple, leur comportement rappellent ceux de laprostitution “classique”: habillement provocateur,sollicitation des passants. Dans d’autres endroits,plus populaires, tout se passe beaucoup plusdiscrètement comme à St Martin ou au Carrefour del’Aéroport.11


Un peu moins de la moitié des mineurs interrogésviennent de la province. Ils sont venus à Port-au-Prince en grande majorité avec leurs parents pour desraisons économiques. 52.6% d’entre eux savent lireet écrire. Dans l’échantillon sous étude beaucoupd’entre eux ont eu leur première relation avant l’âgede 12 ans et beaucoup de filles avant la puberté. Sept(7) des 34 filles ont été enceintes, ce qui représente20.5% des filles interrogées (34) et 9.21% del’échantillon global (76). Une était enceinte pendantque se déroulait l’enquête.Beaucoup d’entre eux vivent dans la rue, mais uncertain nombre a un pied à terre : chambre louée,maison affermée, où ils vivent avec un de leursparents, seuls, avec des amis ou avec un partenaire.Ils doivent faire face à la violence de la part desclients très souvent et les filles beaucoup plus que lesgarçons. Ils expérimentent de nombreux problèmesmédicaux et consomment de la drogue, avec uneprédominance des drogues bon marché.Les clients sont en général de jeunes haïtiens (nes)pour le moins aisés (ki gen kòb).Les garçons sont mieux payés et les filles ont plus declients par jour.Parmi les bénéficiaires ces mineurs identifient leursparents, les propriétaires d’hôtels, les gens travaillantdans le tourisme.Les mineurs sont très conscient de leur situation ilsl’attribuent principalement à des conditionséconomiques désastreuses et demandent quasiunanimement que quelque chose soit fait pour lesretirer de la rue, les renvoyer à l’école et les réintégrerdans une vie normale de jeunes.Dans le cadre de cette étude un sondage a été menéauprès de 207 adultes en vue d’appréhender leurperception relative à l’exploitation sexuelle desmineurs à des fins commerciales. Les principauxrésultats obtenus indiquent un niveau deconnaissance relativement élevé de ceux-ci enrapport à l’existence du phénomène sous étude. Lesproblèmes économiques, particulièrement la pauvretédes parents, ont été identifiés comme une desprincipales causes de la prostitution des mineurs.Parmi les pistes de solutions suggérées pourcontrecarrer l’expansion d’un tel phénomène : lacréation d’emplois, la création de centre d’accueilspour encadrer les jeunes, ainsi que des activités deformation et de sensibilisation des jeunes sontmentionnés par l’ensemble des adultes (femmes ethommes).Par ailleurs, selon les adultes, l’Etat devrait être lepremier à assumer une telle responsabilité. Il estégalement important de signaler l’accent mis sur unecollaboration Etat/Secteur privé ainsi queEtat/Société civile en général pour attaquer ceproblème et appliquer les pistes de solutionsproposées.Les recommandations concernent l’état qui devraitmettre sur pied un programme national de protectiondes droits de l’enfant en collaboration avec lesinstitutions de la société civile, le domaine juridiquequi devrait être mis à jour, des études ultérieures quidevraient définir de façon plus précise les différentsaspects de cette exploitation des mineurs à des finscommerciales, un plaidoyer en faveur des droits del’enfant et une plus grande visibilité médiatique desdifférentes violations de ces droits.12


INTRODUCTIONL’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales a pris des dimensions internationales etconstitue une violation grave des droits humainsfondamentaux des enfants et des adolescents desdeux sexes.Elle se présente avec des caractéristiques et sous desformes différentes selon les régions où elle sepratique. Dans certains pays elle représentequasiment une forme contemporaine d’esclavage.Dans une nomenclature des Nations Unies pourrépondre à la question: Pourquoi l’exploitationsexuelle commerciale infantile existe-t-elle? onretrouve les facteurs suivants :1. La pauvreté; ce facteur qui est généralementla première réponse à la question est pondéré pardes considérations comme: de nombreux enfantsissus de familles pauvres ne se prostituent pas; desenfants dont les familles ne sont pas défavorisées seretrouvent dans des circuits de prostitution;l’exploitation sexuelle se retrouve dans les pays“développés” et dans les pays “en voie dedéveloppement”.D’autres facteurs rentrent donc en ligne de compte:I) Vivre et travailler dans les rues:l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud sontcitées pour avoir un grand nombre de cettecatégorie d’enfants qui se font exploitersexuellement pour survivre.II) Les abus familiaux et le rejet desenfants; On estime que 80% des enfants victimesd’exploitation sexuelle à des fins commercialessouffrent de mauvais traitements psychologiqueset/ou physiques au sein de leur famille; la plupartont subi une agression sexuelle sous une forme ousous une autre de la part d’un membre ou d’un amide la famille.2. Les conflits armés : qui ont commeconséquence que les enfants sont souvent séparésde leurs parents ou deviennent orphelins. Cettecatégorie d’enfants non accompagnés estparticulièrement vulnérable.3. La société de consommation : un certainnombre de jeunes issus des classes moyennessubissent une forte pression sociale et aspirent àposséder certains des biens de consommation et deluxe, signe d’un certain statut social. Cette pressionentraîne un énorme besoin d’argent et la tentationde le combler par des activités comme le commercedu sexe.4. Orphelins du Sida qui doivent subvenir àleurs besoins ou qui deviennent souvent chefs defamille donc très vulnérables.5. Comportement sexuel irresponsable :certains hommes cherchent à avoir des relationssexuelles avec une petite fille vierge. De pluscertains mythes sont attachés au fait d’avoir desrelations avec de très jeunes filles vierges ou ayanteu peu de partenaires, comme ne pas contracter levirus du Sida ou en guérir, accroître la virilité, etc.6. Traditions et coutumes néfastes : outreles pratiques de mariages d’enfants précoces,forcés ou temporaires, il existe d’autres coutumes ettraditions qui rendent les enfants vulnérables àl’exploitation sexuelle.7. Enfin il est noté que dans nombre de pays, laplupart des filles de prostituées ont rarement lapossibilité de vivre autrement : cela peut être du àdes structures sociales rigides ou à ladiscrimination sociale 1 .Presque tous ces facteurs peuvent être appliqués aucas d’Haïti.La République d’Haïti compte environ 8 millionsd’habitants pour une superficie de 27 750 km2.Environ 60% de cette population vit en milieu rural.On estime que 53% de la population urbaine vit endessous du seuil de pauvreté. Les villes principalessont côtières et surpeuplées; elles sont caractériséespar une croissance rapide des zones de bidonville.Particulièrement la capitale est affectée par cephénomène, du fait de la migration urbaine. Ladensité atteint plus de 2500 hab./ha dans certainsquartiers de Port-au-Prince.1Pourquoi la prostitution enfantine existe-t-elle? Textes deréférence des Nations Unies - En Annexe13


Haïti a une population jeune dont 15% a moins de 5ans et 46% moins de 15 ans. L’espérance de vie estde 60.32 ans. La mortalité maternelle est estimée à534/100.000 naissances vivantes et la mortalitéinfantile de 80.3/1000.Si 60% de la population de 10 ans et plus atteint leniveau primaire, seulement 32% se retrouve ausecondaire et 2% à l’université. Le taux net descolarisation à l’enseignement secondaire par sexeest de 26.0 pour les filles et de 23.4 pour les garçons.Le revenu per capita a chuté de US$ 390 en 1990 àUS$ 190 en 1995. Il est estimé à 9721gourdes 2 en2000 3 . Il convient de signaler que les bouleversementspolitiques des 10 dernières années ont eu pourcorollaire une chute en cascade du produit intérieurbrut et une augmentation prononcée du taux dechômage, situation aggravée par un exode massifdes campagnes vers la ville.Une telle situation socio-économique tend à placerHaïti au rang des pays où l’exploitation sexuelle desmineurs à des fins commerciales semble avoir pourraison principale la pauvreté et ses multiplesconséquences : exode rural, éclatement de la structureet des valeurs familiales. De plus, les différentsfacteurs consignés dans le texte de référence desNations Unies, cité plus haut, se retrouvent dans lasociété haïtienne; les enfants des rues, les abusfamiliaux, les effets de la société de consommation,les orphelins du SIDA; le Coup d’Etat de 1991 a eudes effets similaires à ceux des conflits armés : enfantsséparés de leur famille, orphelins etc.L’expansion de ce problème depuis ces dernièresannées, même si elle n’est pas documentée de façonformelle, peut se constater particulièrement danscertains quartiers de Port-au-Prince et de Pétion Ville.Cette problématique a été abordée dans plusieursétudes concernant les enfants en situation difficile(enfants des rues, filles dans les rues) mais aucuneétude spécifique n’y a été consacrée qui permettraitde mieux mesurer son ampleur, de connaître sescaractéristiques et la nature des interventions qui sontfaites soit au niveau de l’Etat, soit au niveau de lasociété civile, de cerner le cadre juridique s’yappliquant.La législation haïtienne fait obligation à l’État haïtiende protéger tous les enfants mineurs (moins de 18ans) contre toutes formes d’exploitation etparticulièrement contre l’exploitation sexuelle. Laratification par l’État haïtien de la Convention sur lesdroits de l’Enfant renforce cette obligation et l’engagevis-à-vis de la communauté internationale. De plus,son adhésion au Programme International pourl’Abolition du Travail des Enfants (IPEC), formaliséedans un mémorandum d’accord en décembre 1999,devrait être un signe manifeste de sa volonté à mettreen place une politique nationale visant la protectionde l’enfant contre l’exploitation par le travail.Tout ceci a conduit le OIT-IPEC à inclure, entre autresactivités dans son programme pour l’éradication dutravail des enfants, une étude exploratoire surl’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales en Haïti.Cette étude a pour objectif de cerner lescaractéristiques fondamentales du phénomène d’unepart et d’autre part d’esquisser le profil des mineursvictimes de l’exploitation sexuelle à des finscommerciales, celui des bénéficiaires de cette activitéet de sonder la perception de la population à l’endroitde ces pratiques.2Actuellement 1 USD = 42,5 gourdes. La dépréciation de la gourde est journalière et affecte considérablement le pouvoir d’achat de la population dont unegrande partie vit en situation de chômage. En effet, à titre d’illustration il convient de souligner que le taux de chômage estimé pour 2002 est environ 2.1 fois plusélevé que le taux de chômage ouvert pour 2000. Par ailleurs, puisque cette étude exploratoire concerne le monde urbain, on peut souligner que le taux dechômage urbain, selon les estimations récentes (INESA, 20002), représenterait environ 28.5% de la population active en 2002.3L’ensemble des informations sur la situation socio-économique du pays est tiré de EMMUS III (2000). Une analyse plus fine aurait permis de dégager lestendances récentes de l’économie et ses implications majeures sur le social; ce n’est pas le cas pour cette étude exploratoire.14


Le présent rapport est structuré comme suit : la première partie présentebrièvement la problématique sous-étude et la méthodologie adoptée. Ladeuxième traite du cadre juridique et explore le cadre institutionnel. Latroisième partie s’adresse directement aux résultats de l’enquête menéeauprès des mineurs d’une part et d’autre part présente de manièresynthétique les informations obtenues du sondage auprès des adultes. Lerapport se termine par l’énoncé de certaines conclusions etrecommandations.Contraintes rencontrées en cours d’étudeMalgré les précautions prises pour faire face aux imprévus, certainescontraintes ont quand même perturbé le calendrier des activités devantaboutir à la réalisation des différentes phases de l’étude et il a fallu le réviserpour y faire face.La première contrainte rencontrée a été l’obligation pour l’équipe, aprèsavoir présenté et révisé les instruments de collecte de données rédigés encréole, avec la représentation du OIT-IPEC en Haïti et l’ACDI, de les traduireen français et d’attendre qu’ils soient approuvés par le siège de l’IPEC àCosta Rica avant de les utiliser. Cette contrainte a entraîné un retardconsidérable dans l’observation des zones ciblées, la formation desenquêteurs, l’administration du questionnaire aux mineurs et le sondaged’opinion.L’observation des zones a été aussi retardée par le fait que certaines d’entreelles reconnues habituellement comme étant le site de ce genre d’activités,étaient quasiment désertes comme en témoigne un des rapportsd’observation. Des interventions policières au niveau de ces zones avaiententraîné un déplacement des populations qui antérieurement lesfréquentaient.Certaines institutions ont pris du temps avant de répondre à la demande derendez-vous. L’équipe n’a jamais pu rencontrer l’Institut du Bien Être Social,principale instance de l’État concernée par la problématique sous étude.En outre, la situation de trouble politique qu’a connu le pays durant lapériode allant de novembre 2002 à février 2003 a considérablementperturbé le déploiement de l’équipe et des enquêteurs sur le terrain.15


L’exploitationsexuelle desmineurs:une problematiquemultidimensionnelle16


I.-L’EXPLOITATION SEXUELLE DES MINEURS:UNE PROBLEMATIQUE MULTIDIMENSIONNELLE1.1.- Le concept d’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommercialesLe Premier Congrès Mondial contre l’exploitation sexuelle des mineurs quis’est tenu à Stockholm en 1996 a permis de réaliser une avancée stratégiquedans la formulation conceptuelle du phénomène et dans la mise en place,dans de nombreux pays, d’actions en vue d’y faire face. Dans un desdocuments soumis au congrès par l’OMS, il est souligné que :« …Aucun modèle ou cadre unique ne permet d’expliquer oude décrire les différents modes de l’exploitation sexuellecommerciale des enfants (ESCE) et leurs conséquences. Dansle monde en développement, des facteurs macro sociaux etmacro économiques comme la pauvreté et l’exclusion jouentsans doute un rôle important tandis que les caractéristiquesparticulières de l’enfant et de sa famille déterminent sarésistance ou sa vulnérabilité. Dans les pays industrialisés, lapauvreté certes peut exercer parfois une influence sur la ESCEmais il est probable que les caractéristiques individuelles dusujet, le bon fonctionnement de sa famille et son expériencejouent un rôle plus important…» 4Pour sa part, l'Organisation Internationale du Travail (OIT) aadopté en 1999 une convention portant sur les pires formesde travail des enfants. Aux termes de cette convention qui aété ratifiée par l'ensemble des pays de la région (Haïti faitexception en ce sens), est explicitement considérée commepire forme de travail des enfants l'exploitation sexuelle desmineurs à des fins commerciales, de même que toutes lespratiques analogues (spectacles et exhibitionspornographiques. A ce titre l'ESC de mineurs est considérécomme un crime qui doit faire l'objet de sanctions précises dela part de tous les Etats ratificateurs.Pour bien comprendre la problématique en question, il faut cerner de plusprès le concept d’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales.Il existe en effet, différentes définitions de ce concept.Pour certains, cette notion serait opposée à la prostitution dite classique oùun (e) client (e) vient chercher les services d’un partenaire du même sexe oudu sexe opposé dans un lieu précis (bordel ou autre) contre de l’argentquelque soit son âge. Pour d’autres, l’exploitation sexuelle des mineurs à desfins commerciales, réfère à toute situation où un mineur est impliqué dans unerelation sexuelle avec un adulte en vue d’un gain quelconque. Cetteconception exclue le cas où un mineur a des relations sexuelles avec un ou4OMS (1996). L’exploitation sexuelle commerciale desenfants: Dimensions sanitaires et psychosociales duproblème. Document soumis au Congrès mondial contrel’exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales.Stokholm, Suède, 27-31 août.17


plusieurs de ses pairs mais en vue d’un gain et en dehors de toute relationaffective. Une troisième vision serait celle qui fait intervenir un intermédiaire(passeur, maquerelle, «tyoul») comme bénéficiaire de cette activité. JeanRobert Chéry, directeur du Centre d’Éducation Populaire 5 (CEP) a unedéfinition plus pointue: «l’exploitation sexuelle est le fait qu’un enfant sertcomme objet sexuel indépendamment de sa volonté sous les menaces d’unpasseur ou de ses pairs.»Pour Martine Bernier et Françoise Ponticq, dans «Planificationsd’interventions» 6 , un mineur en situation d’exploitation sexuelle à des finscommerciales est un mineur impliqué dans une relation sexuelle ou desactivités connexes (pornographie, etc.) en vue d’un gain matériel, en dehorsde toute relation affective.1.2.- Le caractère multidimensionnel de l’exploitationsexuelle des mineurs en HaïtiLe phénomène de l’exploitation sexuelle des enfants se pose en Haïti en destermes multidimensionnels. Il fait partie d’un contexte plus large qu’ilconviendrait de caractériser de façon plus précise. Il rejoint les domaineséconomique, social, culturel (tabous, relations familiales), la question degenre. Il repose sur une série de tabous et de complicité à tous les niveaux dela société qui entretiennent une conception de l’enfance et du genre féminincomme des catégories vouées à se soumettre à la volonté de l’adulte et del’homme. Le cas suivant en est une illustration éloquente. Les parents ont peude moyens et font partie de la classe pauvre, Martine est une enfant et unefille, elle doit donc se soumettre à la volonté de l’adulte homme et mêmed’autres jeunes mâles. Il ne faut pas que le scandale éclate, les autorités del’institution s’entendent pour l’étouffer. Finalement ce sont les filles qui sontpénalisées puisqu’en plus de la honte qu’elles ressentent elles doiventabandonner l’école.Histoire de vie ou témoignages5Voir Synthèse des entrevues avec les responsablesd’institutions en Annexe6Planification d’interventions utilisant les modesd’organisation sociale et économique des enfants et desjeunes vivant et travaillant dans les rues en Haïti et entreautres, de ceux et celles vivant de la prostitution Unité deRecherche sur les Enfants en Situation difficile (URESD)Université Quisqueya- Avril 1999 - Inédit7Jocelyne Trouillot-Lévy, Sabine Sanon, DiliaLemaire.Violence exercée envers les filles dans le milieuscolaire–CONEF, miméo, version préliminaire, Port-au-Prince, Haïti.Un cas rapporté par l’étude réalisée par Le Conseil National de l’Educationpour les filles. (CONEF) 7«L’affaire se passe dans une école d’un quartier populaire de la capitale, uneécole quasi gratuite parce que dépendant d’une église protestante de lazone, qui a reçu l’autorisation de fonctionner du Ministère de l’ÉducationNationale.18


Martine, une fillette de 13 ans, fille d’un père chômeur et d’une mère ouvrièreprend des cours de rattrapage à l’école. Elle ne revient chez elle qu’aprèscinq heures de l’après-midi.L’école convoque un jour les parents pour leur demander de ne plus laisserles enfants après les heures de classe. Martine, ne sachant pas la raison decette convocation prend peur et avoue à ses parents qu’il s’est passé quelquechose de très grave à l’école, il y a environ un mois.Son amie et elle ont été violées par deux employés de l’école. Trois jeunesgarçons de l’établissement surprenant ces employés promettent de ne riendire s’ils peuvent eux aussi «faire un coup». Lorsque la responsable dediscipline est informée du fait, quelques jours plus tard, elle demande auxfilles si elles ont déjà menstruées. Elle leur fait faire un test de grossesse.Lorsqu’elle apprend le résultat négatif, elle renvoie les deux employés etconvoque une réunion de parents.Or à cette réunion nul mot de cette histoire n’est mentionnée. Les parents desélèves victimes ont alors crié leur indignation. Ils portent plainte auCommissaire du Gouvernement. Le dossier mettant en cause majeurs etmineurs est délicat et difficile à traiter. Les fillettes laissent l’école. Lesgarçons y restent. Le Ministère touché de la question ne dit rien.Le dossier est encore pendant devant la justice et les parents, sans sedécourager, continuent d’attendre le mot du droit.»Aussi éloquent est le cas dénoncé en février 2003 dans tous les médias de lacapitale par les organisations féministes de cette jeune fille de 17 ans violéepar un agent de santé, employé de la fonction publique alors qu’elle était enprison au Fort National; elle devient enceinte, accouche en prison sansqu’aucunes mesures ne soient prises contre le violeur, alors qu’elle l’avaitdénoncé à la directrice. Sans l’intervention de ces organisations féministes lecas serait resté caché.Cette conception des rapports de pouvoir entre homme et femme, adulte etenfant constitue un terrain favorable au développement del’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commercialesparticulièrement des filles.Cette problématique n’a fait l’objet d’aucune étude spécifique mais seretrouve transversalement dans différentes études faites sur les enfants ensituation difficile: enfants des rues, filles de rue, « restaveks », écolièresvictimes de violence dans le milieu scolaire, certains plaidoyers du Centre19


d’Éducation Populaire (CEP) au niveau national et international. Il en ressortque cette exploitation frappe principalement le monde des enfants dans lesrues et les enfants de la rue et à l’intérieur de ce secteur les filles sont les plusatteintes. Elle serait actuellement en pleine expansion.L’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales, en Haïti, estmultiforme, elle revêt différentes facettes.La première forme que prend l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales est celle des enfants dans les rues et les enfants de la rue. C’estd’abord dans ce monde que se retrouve la majorité des enfants exploitéssexuellement à des fins commerciales. Martine Bernier et Françoise Ponticq 8constatent que toutes les filles de la rue rencontrées à Port-au-Prince, dans lecadre de leur étude, pratiquent une activité sexuelle en vue d’un gain et endehors de toute relation affective. Pour le directeur du Centre d’ÉducationPopulaire, l’exploitation sexuelle des enfants est «déterminée par la culture dela rue qui lui donne sens et structure: vie de fête, de violence, d’alcool, de ladrogue, de prostitution et de crime. » 9 Dans la même étude, il affirme queles évaluations psychosociales du CEP permettent de déduire que 70% despetites filles des rues ont fait l’objet d’exploitation sexuelle de la part d’autresjeunes des rues et des passeurs.8Op.cit9L’exploitation sexuelle des enfants – Jean RobertChery –miméo. Avril 9610Dans une entrevue accordée par un médecin pratiquant àPétion-Ville, l’intervenante rapporte qu’elle reçoit parfois desjeunes filles -18 à 22 ans- (tranche d’âge ne concernant pasce cas mais qu’il convient de rapporter tenant compte ducaractère spécifique de l’exploitation et de la violencesexuelles dans le pays), se présentent à son cabinet,sollicitant des services pour un avortement, accompagnéed’un homme beaucoup plus. Elle soupçonne qu’il s’agit decas d’exploitation sexuelle.11Jocelyne Trouillot-Lévy, Sabine Sanon, Dilia Lemaire.Violence exercée envers les filles dans le milieu scolaire-.–CONEF, miméo, version préliminaire, Port-au-Prince, Haïti.Les différentes études rapportent que ces enfants se retrouvent dans la rueprincipalement parce que leurs familles ne peuvent plus subvenir à leursbesoins ou qu’ils ont fui un foyer où ils étaient en situation de « restavèk » ouqu’ils sont orphelins ou séparés de leur famille (instabilité politique, SIDA,Coup D’état,) et qu’ils ne peuvent s’adresser à aucune structure d’accueil.Certains d’entre eux continuent d’avoir un pied à terre résidentiel, mais la ruedevient leur principal lieu d’activité. Ils en font leur espace de vie et detravail. Ils s’organisent en gang, y trouvent de petits emplois (lavage devoiture, petit commerce informel, mendicité), ils deviennent des proies(particulièrement les filles) pour toutes sortes de violence, d’abus sexuels,pour les réseaux de drogues. Ils se construisent des mécanismes de défensequi souvent reproduisent les modèles de comportement que la société leurrenvoie et qui ont contribué à les mettre dans la situation qu’ils vivent:violence, machisme entre autres.Une deuxième forme plus sournoise de l’exploitation des mineurs à des finscommerciales, apparemment plus récente est celle du monde des écolières 10 .Cette dimension est moins connue et moins étudiée. Nous l’avons retrouvéecependant au cours de cette étude exploratoire.Dans une étude réalisée par CONEF 11 , la violence verbale autour du thèmesexuel sur le chemin de l’école et dans le quartier est très souvent rencontréepar les filles: “Taquineries, railleries, commentaires de tout genre, invitation à20


monter en voiture pour une promenade plus agréable voilà en général ce quedoit subir tous les matins l’élève fille pour se rendre à l’école spécialementdans les milieux défavorisés et dans les groupes d’âge plus avancés”.Une autre entrevue avec un policier nous révèle le cas d’une jeune fille de 17ans en relation avec un homme de 43 ans qui lui paie sa scolarité et la battrès souvent.Nombreux sont les témoignages dignes de foi qui relatent des faits commecette petite fille, qui pour ne pas être en retard à l’école prend “roue libre”avec un “personnage” mais en compensation couche avec lui…ou encore cegroupe de jeunes filles qui louent un appartement à Péguy Ville pour yrecevoir des clients… Le “sugar daddy” 12 est-il entrain de s’installer en Haïti?Si certains font une différence entre la prostitution dite “classique” etl’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales, le spectacle decertains coins de rue de Pétion Ville nous renvoie l’image de très jeunes fillesfaisant ouvertement “le trottoir” et y trouvant des clients. Dans notre optique,il s’agit là aussi d’une forme d’exploitation sexuelle de mineurs à des finscommerciales et sur laquelle devrait se pencher la législation haïtienne.Un rapport sur La Convention des Nations Unies relative aux droits del’enfant dit d’emblée que les données manquent sur la prostitution infantile etl’éventualité du tourisme sexuel en Haïti. Cependant si on remonte auxtémoignages des gens ayant vécu les années 50 et les années 70, cetteprostitution induite par le tourisme, alors florissant en Haïti, incluait adultes etmineurs. Dans les années 80, au moment ou explosait à la face du mondel’horreur de la pandémie du SIDA, Haïti avait été classée parmi les fameux4 H : homosexuels, héroïnomanes, hémophiles, Haïtiens. Des groupes dechercheurs haïtiens regroupés au sein du GHESKIO et du Groupe derecherche sur les maladies immunitaires et les infections opportunistes àl’époque avaient dénoncé cette classification paradoxale et pour le moinsxénophobe de citoyens d’un pays parmi des syndromes ou des gens ayantun comportement particulier, ils avaient démontré avec à l’appui despublicités touristiques vantant les charmes sexuels des jeunes haïtiens que letourisme induisait chez nombre de jeunes des pratiques sexuelles à des finscommerciales pour faire face à leurs difficultés financières et que les servicesde santé américains avaient décrété qu’ils étaient à l’origine de la pandémie.Autrement dit si l’impact du tourisme ne se retrouve pas actuellement dans lesfacettes de l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales c’estdû au déclin du secteur touristique.Cependant il ne faut pas négliger les nombreux étrangers actuellement vivanten Haïti et qui sont des consommateurs de prostitution informelle adulte etmineure.12Expression désignant un homme d’un certain âgeentretenant une ou des très jeunes filles.21


Le phénomène de l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commercialesen Haïti est donc en grande partie dilué dans la problématique des enfantsen situation difficile. Dans d’autres pays de la région comme la RépubliqueDominicaine, il est plus visible dû au fait que certaines de ses formes sont plusrépandues, comme la prostitution infantile liée au tourisme. En effet chez nosvoisins à partir des années 70, le développement du secteur touristique aentraîné comme conséquence l’apparition de nouvelles formes d’exploitationsexuelle des enfants et des adolescents des deux sexes dans les centrestouristiques. Cette plus grande visibilité a elle même eu comme conséquenceun plus grand souci des institutions gouvernementales et nongouvernementales ainsi que des média pour le phénomène. Il s’en est suiviune série d’interventions visant à le contrer. Mais en même temps, l’ampleurde cet aspect de l’exploitation sexuelle des mineurs tend à occulter les autres,aussi réels et préjudiciables aux mineurs 13 .Toute situation qui implique un(e) mineur (e) dans une relation sexuelle sanslien affectif est une forme d’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales et porte atteinte aux droits fondamentaux des enfants. Cetteapproche est celle qui a été adoptée dans le cadre de cette étudeexploratoire.1.3.- ProtocoleEn regard des objectifs établis dans les Termes de Référence et du mandat, laprésente étude vise à :• dégager les caractéristiques globales de la problématique• explorer le cadre juridique s’y appliquant• cerner la réponse institutionnelle• esquisser le profil des mineurs soumis à ce type d’exploitation,• sonder les perceptions de la population à l’endroit de ces pratiques• faire des propositions d’interventionà travers:1. une compilation des documents existants2. l’utilisation de différents instruments de collecte à savoir• Les entrevues avec des intervenants responsables d’institutions oeuvrantdirectement ou indirectement avec des mineurs victimes d’exploitationsexuelle à des fins commerciales permettant d’évaluer quelle était la réponseinstitutionnelle tant étatique que civile à cette problématique, quellesperceptions avaient ces institutions de l’exploitation sexuelle des mineurs àdes fins commerciales et quelles étaient leurs recommandations.13OIT-IPEC- (2002) - Explotacion sexual comercial depersonas menores de edad en República Dominicana22


• Les entrevues avec des personnes ressources qui par leur profession ou leur sensibilitésociale pouvaient aider à cerner la problématique.Ces entrevues ont été menées à partir d'une grille dont la structurecomprend une douzaine de questions portant sur: la vocation del'institution, sa connaissance de la problématique, les interventionséventuelles sur le problème, l'opinion sur les différents niveaux deresponsabilité et les interventions nécessaires.• Une grille d’observation de certains lieux où se pratique l’exploitation sexuelle desmineurs à des fins commerciales visant l’identification des lieux et des personnes lesfréquentant, le comportement des personnes observées.Cette grille a permis de décrire les zones identifiées pour l’enquête, leprofil et le comportement des personnes observées.• Une enquête par questionnaire auprès des mineurs eux-mêmes portant sur leur origineet leur éducation, leur parcours, leurs expériences et pratiques dans le milieu, leur vécuet l’organisation du milieu, leur perception de celui-ci et d’eux mêmes, leurs recours etrecommandations.• Un sondage d’opinion comprenant trois sections (renseignementspersonnels, connaissance et perception du phénomène, réactions etopinions) afin d’appréhender les différentes représentations de la population enrelation avec le phénomène.• Des histoires de vie.Les trois premiers outils ont été administrés par des membres de l’équipe, ainsi que larédaction des histoires de vie, le questionnaire et le sondage d’opinion par desenquêteurs.L’échantillon a été déterminé à l’avance par le commanditaire et précisé dans les termesde référence: une enquête auprès de 75 mineurs et un sondage d’opinion visant 150 à200 adultes.Chacun des instruments de collecte est organisé en modules ce qui a facilité largementl’analyse des données obtenues à partir des indicateurs retenus. L’enquête et le sondagese sont déroulés sur une période de 15 jours.Les enquêteurs sélectionnés ont bénéficié de trois séances de formation d’une durée de4 hres environ chacune. Il s'est agi pour la plupart d'étudiants universitaires.Outre les informations recueillies auprès des institutions on a égalementeu recours à des informateurs privilégiés parmi lesquels il faut citer:deux responsables de centres d'accompagnement d'enfants démunis,des policiers et responsables de bar/restaurant. Ces informateurs ontcontribué grandement à faciliter l'accès à des informations plusprécises, et aux mineurs enquêtés.L’étude a été confiée à une équipe multidisciplinaire: médecin-gynécologue ayant uneexpérience dans les questions de la santé de la reproduction et de la problématique degenre, anthropologue, spécialiste de la condition des jeunes en situation difficile,sociologue et juriste.23


CADREJURIDIQUE24


II- CADRE JURIDIQUEDepuis la ratification de la Convention Internationale des Droits de l’enfantpar Haïti le 23 décembre 1994 14 , un regain d’études et de réflexion sur lasituation des enfants se tient en Haïti, réalisé autant par des associationsnationales qu’internationales que par l’Etat haïtien. Chacune de ces étudesrenvoie à une autre plus détaillée, parce que les informations recueilliesouvrent de nouvelles pistes de réflexions. (Différentes études sur la situationdes enfants ont été menées depuis lors) 15 .Dans ce chapitre consacré au cadre juridique de cette problématique enHaïti, nous allons dans un premier temps faire brièvement le tour de lalégislation haïtienne relative aux mineurs en général avant de nous penchersur ce que dit notre législation sur l’exploitation sexuelle des mineurs, ensuitepar rapport aux textes internationaux que nous avons ratifiés, nous allonsvoir les écarts existants pour terminer par des recommandations relatives àd’éventuelles mesures à prendre pour adresser le problème de l’exploitationsexuelle des mineurs à des fins commerciales en Haïti.2.1.- La législation haïtienne relative aux mineursLa Constitution de 1987La Charte haïtienne, la Constitution d’Haïti approuvée par référendum le 29mars 1987 16 , dernière d’une série de 23 constitutions n’est pas très prolixeen ce qui concerne les enfants. A part les grandes obligations relatives àl’éducation primaire gratuite, elle ne parle pas beaucoup des mineurs. Onles retrouve dans deux articles:• l’article 16-2, dans laquelle elle fixe la majorité à 18 ans;• l’article 261 ou elle prescrit pour la première fois que « tout enfant adroit à l’amour, à l’affection, à la compréhension et aux soins moraux etmatériels de son père et de sa mère » En plus de faire obligation à la loid’assurer la protection à tous les enfants.Les mineurs en droit civilLe Code civil haïtien promulgué en 1825 traite de la filiation, de la parenté,de la reconnaissance des enfants et des obligations qu’ils ont vis à vis de leursparents quand ceux-ci ne sont plus en mesure de se prendre en charge. Ony trouve aussi les mesures de protection de leurs patrimoine et héritage si l’undes parents ou les deux vient à mourir et laisse des biens en gestion par untuteur ou autre responsable. Un conseil de famille 17 est institué pouraccompagner et contrôler le tuteur dans la gestion de ces biens mais nullepart les obligations faites au tuteur concernant l’éducation de l’enfant, sonencadrement et les garanties qui lui permettraient de se développerharmonieusement ne sont précisées 18 .Il faut noter que ces mesures de protection qui sont prises en faveur d’unorphelin ne concernent pas les enfants nés de mères célibataires.14Moniteur No 59 du 31 juillet 199715Le droit des enfants à avoir des droits – Haïti InformationLibre, Vol X No 98 – 1996La situation des enfants en Haïti – 1996Le droit des enfants dans la législation haïtienne – DiliaLemaire Lhérisson – 1995La situation des enfants de rue – Jean Robert Chery – 1998Guide de travail pour les encadreurs accopagnant lesenfants de la rue en Haïti – UNIQ-1999Observations préliminaires sur un projet de Code de l’Enfant– MICIVIH-1998Les mineurs et la détention préventive en Haïti – RosevelPierre-Louis – 2001Restituer l’enfance – Evelyne Trouillot - 200116Constitution de la République d’Haïti – Moniteur No 36 du28 avril 198717Institution prévue par la loi constituée de 6 membres (3 ducoté paternel, 3 du coté maternel) sous la présidence dujuge de paix de la zone18Code Civil: articles 329 à 38525


On ne doit pas manquer de mentionner que le Code Civil fait état de quatre(4) « qualités d’enfants »: les enfants légitimes, les enfants naturels, lesenfants adultérins et les enfants incestueux. Les deux premiers groupes ontdroit à un acte de naissance mentionnant le nom du père alors que pour lesdeux autres c’est formellement interdit à l’Officier d’Etat Civil 19 .Le 23 mars 1928, une loi est votée par le parlement d’alors, déclarant lecommissaire du gouvernement protecteur naturel des enfants et lui faisantobligation formelle d’intervenir toutes les fois qu’il y a mineur en cause,même lorsqu’on ne lui porte pas plainte 20 .Une loi créant « la maison centrale » est promulguée le 20 octobre 1909 21 .Cette maison est à la fois un établissement de correction et une maisond’apprentissage qui a pour objectif d’éduquer tout enfant qu’elle soustrait àl’oisiveté et au vagabondage. Un décret-loi du 7 juin 1938 l’a réorganisé en« centre d’apprentissage professionnel dénommé « maison de rééducation »et au fil du temps, les enfants y étaient gardés sous surveillance spéciale poury purger des condamnations fixées par le tribunal pour enfants.Le décret du 3 décembre 1973 22 régissant le statut des mineurs dans lesmaisons d’enfant, désigne le magistrat communal comme personneresponsable de faire toute déclaration provisoire d’enfants abandonnés quisont recueillis dans ces « orphelinats ». De plus ce décret prévoit lesconditions de fonctionnement de ces orphelinats et leurs obligations vis à visdes enfants et de l’Etat.Le décret du 8 décembre1960 23 , faisant obligation aux père et mère oupersonne responsable d’un mineur de l’envoyer à l’école et qui le sanctionned’emprisonnement quand l’enfant est trouvé dans la rue, en train d’errer aulieu d’être à l’école ou dans un centre professionnel.En 1966 un décret introduit l’adoption dans nos mœurs. Il est modifié parun décret du 4 avril 1974 24 qui trace la procédure, les conditions del’adoption et les droits des enfants dans leur nouvelle famille.19Code Civil, article 306: «Cette reconnaissance ne pourraavoir lieu au profit des enfants nés d’un commerceincestueux ou adultérin ».20Moniteur No du avril 192821Moniteur No 84 du 20 octobre 190922Moniteur No 2 du 7 janvier 197423Moniteur No 120 du 12 décembre 1960 publié à nouveaudans le Moniteur No1 du 2 janvier 196124Moniteur No 32 du 18 avril 197425Moniteur No 75 du 28 octobre 1982Un décret promulgué le 8 octobre 1982 25 stipule en son article 4 « les épouxpourvoient ensemble à l’entretien et à l’éducation des enfants et préparentleur avenir ». L’article 13 de ce décret stipule que « la puissance paternelleest remplacée par l’autorité parentale ».Le dernier texte législatif relatif à la protection des enfants est le décret votéau parlement le 10 septembre 2001 « interdisant les châtiments corporelscontre les enfants ».26


Les enfants dans le Code du travailDans le Code du travail haïtien plus d’une vingtaine d’articles ont étéconsacrés aux enfants dans ses relations de travail, soit avec l’employeurd’une entreprise commerciale industrielle ou agricole, soit avec lesresponsables du domicile qui va les recevoir. L’âge spécifique de tout enfantaccepté par ces employeurs est déterminé. Les conditions dans lesquelles ildoit travailler, le minimum qui doit lui être fourni, les soins de santé,d’éducation et même de loisirs qui lui sont dus.Du travail des enfantsDes articles 333 à 340, le législateur parle des conditions de travail dumineur dans les entreprises industrielles, agricoles ou commerciales, il estclairement stipulé que le mineur de moins de 15 ans ne peut y travailler.La Direction du Travail du Ministère des Affaires Sociales est l’instance encharge de la protection du mineur face à tout employeur.Une pénalité est prévue pour tout patron qui emploierait un mineur dans desconditions autres que celles prévues dans ces articles.Des enfants en serviceLe législateur haïtien a consacré les articles 341 à 356 du Code du travailpour poser les conditions de travail des enfants en service, c’est à dire endomesticité, appelé généralement « restavek ». Pour engager un enfant demême que pour s’en décharger, il faut que l’Institut du Bien Etre Social et deRecherche (IBESR) instance du Ministère des Affaires Sociales chargée de laprotection des mineurs soit mis en cause et donne l’autorisation à la familled’accueil. L’âge prévu pour que le mineur soit en service est de 12 à 15 ans.Il est prévu dans ce code que dans les villes ou l’IBESR n’est pas présent,l’administration communale se charge de veiller aux conditions d’accueil,d’hébergement et de traitement de ces enfants.Le mineur en droit pénalLors de la promulgation du Code Pénal en 1835, on y trouvait deux articlesconcernant les mineurs:- l’article 280 qui précise que « si le crime de viol est commis sur lapersonne d’un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accompli, lecoupable subira la peine des travaux forcés à temps ».- et dans l’article 282 il est mentionné que « quiconque aura attenté auxmœurs en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débaucheou la corruption de la jeunesse de l’un ou l’autre sexe au-dessous del’âge de 21 26 ans… » (suivent une série de sanctions prévues).26A cette époque, la majorité est de 25 ans pour leshommes et de 21 ans pour les femmes27


Dans le code pénal la prostitution n’est pas définie en tant que telle. Maisdans les articles 278, 279, 280 et 281, toutes les personnes qui sont trouvéescoupables d’outrage public à la pudeur, d’attentat ou de viol tenté avecviolence ou pas, seront sanctionnées, selon le genre de rapport qu’ilsentretiennent avec la victime.- « Si la prostitution ou la corruption a été excitée, favorisée ou facilitéepar leurs père, mère, tuteur ou autres personnes chargées de leursurveillance. (art. 282)- « …. si les coupables sont de la classe de ceux qui ont autorité sur lapersonne envers laquelle ils ont commis l’attentat 27 , s’ils sont sesinstituteurs ou ses serviteurs à gages ou s’ils sont fonctionnaires publics,ou ministre d’un culte, ou si le coupable, quel qu’il soit, a été aidé dansson crime, par une ou plusieurs personnes, la peine sera celle destravaux forcés à perpétuité. (art. 281)- « Quiconque aura attenté aux mœurs, en excitant, favorisant oufacilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse, del’un ou de l’autre sexe au dessous de l’âge de vingt et un an 28 … »- « quiconque aura commis un crime de viol ou sera coupable de toutautre attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence contre desindividus de l’un ou l’autre sexe, sera puni de la réclusion (art. 279 )- « Si le crime a été commis sur la personne d’un enfant au-dessous del’âge de quinze ans accomplis, le coupable subira la peine des travauxforcés à temps ». (art. 280)Dans ces articles relatifs à tous rapports sexuels entre individus, et plusspécifiquement avec des enfants ou des dépendants, tentés ou réalisés avecviolence, le législateur n’a pas prévu de structures spécifiques poursanctionner et réhabiliter les victimes de cette exploitation sexuelle.Il a fallu attendre la loi du 7 septembre 1961 29 sur le tribunal pour enfantpour que l’article 50 du Code pénal se trouve modifié et prévoie un traitementspécial pour « le prévenu ou l’accusé (qui) aura plus de treize ans et moinsde seize ans….. » La majorité pénale est depuis considérée comme étant 16ans accomplis. Ce qui signifie que lorsque le mineur commet une infractionon le considère pleinement responsable dès qu’il a 16 ans, alors, il est jugécomme n’importe quel adulte.Les sanctionsLes sanctions prévues par le Code Pénal, contre toute personne qui seraittrouvée coupable de ces infractions sont de deux types :27la tentative, qu’elle ait échouée ou pas28En 1961 lors de la promulgation de ce texte, la majoritéétait de 21 ans pour les deux sexes29Moniteur no 94 du 2 octobre 1961- Les sanctions civiles: telles, le retrait de l’enfant de la responsabilitédu parent est la sanction prévue, l’interdiction de toute tutelle ou curatelle etde toute participation aux conseils de famille, pendant deux ans au moins et28


cinq ans au plus pour les personnes ayant autorité ou entretenant desrapports hiérarchiques; et pendant dix ans au moins et vingt au plus lorsqueles coupables sont les parents ou toute personne responsable.Dans tous les cas, les coupables pourront de plus, être mis par le jugement,sous la surveillance spéciale de la haute police de l’Etat, en observant, pourla durée de la surveillance, ce qui vient d’être établi pour la durée del’interdiction mentionnée au présent article.- Les sanctions pénales qui dépendent de la «qualité» de la personnecoupable d’incitation à la prostitution, d’outrage public à la pudeur, du crimede viol sur la personne de tout mineur en général et plus particulièrement desmineurs de moins de 15 ans:• travaux forcés à temps: 3 ans au moins et 15 ans au plus 30• détention: 10 ans au moins et 20 ans au plus 31• réclusion: 3 ans au moins et 9 ans au plus 32Le Tribunal pour enfantsQuelques mots sur cette instance prévue par nos textes: le tribunal pourenfant. La première fois que le législateur haïtien a créé cette instance, c’estpar la loi du 16 juillet 1952 33 instituant dans chacun des tribunaux civils« une section de la jeunesse délinquante » appelée à connaître des crimes etdélits commis par les mineurs de moins de 16 ans. En 1961 34 , deux autrestextes l’ont modifié, la loi du 7 septembre 1961 sur le mineur en face de laloi pénale et des tribunaux spéciaux pour enfants et le décret du 20 novembre1961 35 instituant le tribunal pour enfants à Port-au-Prince, en attendant depouvoir l’installer dans toutes les juridictions prévues dans la loi du 7septembre.Mais, ce tribunal ne prévoit aucune mesure contre les mauvais traitementsfaits aux enfants. Il est créé pour condamner les enfants accusés d’infractionsmais pas pour les enfants victimes de mauvais traitements.2.2.- La législation InternationaleTout comme pour la législation nationale, nous partirons des textes générauxavant d’arriver aux textes spécifiques aux mineurs et à l’exploitation sexuelledes mineurs.La Déclaration Universelle des droits de l’homme 10 décembre 1948 – publiéen Haïti ce même jour stipule dans son préambule que «l’avènement d’unmonde ou les êtres humains seront libres de parler, de croire, libérés de laterreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration del’homme»; et que l’article 4 stipule encore «nul ne sera tenu en esclavage nien servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutesleurs formes».30article 19 du Code pénal31article 19 bis code pénal32article 20 du code pénal33Moniteur No 66 du 31 juillet 195234Moniteur No 94 du 2 octobre 196135Moniteur No 108 du 20 novembre 196129


Le pacte relatif aux droits civils et politiques sanctionné par le décret 23 novembre1991 36 , dans lequel il est stipulé que “nul ne sera tenu en esclavage, …enservitude… (article 8) que « tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sapersonne… (article 9) et que « toute les personnes sont égales devant la loi et ontdroit sans discrimination à une égale protection de la loi….”(article 26) est aussiun engagement formel de l’Etat de tout mettre en œuvre pour que ses citoyenssoient protégés tant par les lois nationales que par des institutions qui seront crééesavec cet objectif.La convention du 21 mars 1950 pour la répression de la traite des être humainset de l’exploitation de la prostitution d’autrui ratifiée par le décret du 2 septembre1952 37 qui dit dans son article premier “les parties à la présente conventionconviennent de punir toute personne qui, pour satisfaire les passions d’autrui:1) embauche, entraîne ou détourne en vue de la prostitution une autre personne,même consentante; 2) exploite la prostitution d’une autre personne, mêmeconsentante.”La Convention américaine relative aux droits de l’Homme du 18 août 1979 38 dansson article 19 intitulé “droit de l’enfant” déclare que tout enfant a droit auxmesures de protection qu’exige sa condition de mineur, de la part de sa famille,de la société et de l’Etat.La convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard desfemmes (CEDAW) ratifiée par décret du 7 avril 1981 39 et la ConventionInteraméricaine sur la Prévention, la Sanction et l’Élimination de la Violence contrela Femme, “convention de Belèm do Parà” ratifiée le 2 juin 1997 ne sont passpécifiques aux enfants mais font des recommandations spécifiques aux femmes,à la violence qu’elles subissent sous toutes ses formes ainsi que des lois à prendreet des structures à mettre en place pour qu’une protection effective leur soitaccordée.Il faut aussi mentionner la Convention pour la répression de la circulation du traficdes publications obscènes (10 septembre 1923) et son décret de ratification du 26août 1953 40 .36Moniteur No 2 du 7 janvier 199137Moniteur No 9 du 22 janvier 195338Moniteur No 77 du 1er octobre 197939Moniteur No 76 du 14 novembre 196240Moniteur No 9 du 22 janvier 1953Textes internationaux non ratifiés par HaïtiCes textes internationaux signés par Haïti mais non encore ratifiés sont mentionnésdans cette étude à cause de leur importance dans la lutte contre l’exploitationsexuelle des mineurs à des fins commerciales et la différence que leur applicationdans la législation haïtienne pourrait faire, une fois ratifiés et mis en application.• Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.• Protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant, concernant lavente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scènedes enfants.• La convention 182 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur les piresformes de travail des enfants.30


Les droits des enfantsLa déclaration des droits de l’enfant, sanctionnée par le décret du 16 janvier1979 41 avec toutes les obligations que l’Etat prenait à sa charge relativementà la protection, l’encadrement et les mécanismes à mettre en œuvre pour quecette protection soit concrète.La Convention Internationale sur les Droits de l’Enfant, ratifiée par le décretdu 23 décembre 1994 42 , est le principal document relatif aux droits desenfants qui prend en compte tous les intérêts de l’enfant. Elle vient renforcerles précédentes conventions relatives au travail et à la prostitution des enfantsqui avaient été prises par Haïti. Elle stipule comme obligations des Etatsparties, dans les différents articles suivants:- 19: les Etats parties prennent toutes les mesures législatives,administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfantcontre les mauvais traitements ou exploitation, y compris la violencesexuelle;- 34: les Etats parties s’engagent à protéger l’enfant contre toutes les formesd’exploitation sexuelle et de violence sexuelle et prennent en particuliertoutes les mesures appropriées pour empêcher que a) des enfants ne soientincités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale; b) que desenfants ne soient exploités à des fins de prostitution ou autres pratiquessexuelles illégales;- 39: qui demande aux Etats parties de prendre toutes les mesuresappropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et laréinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme d’exploitation dansdes conditions qui favorisent la santé, le respect de soi et la dignité del’enfant.Le travail des enfantsLa liste suivante des différentes dispositions adoptées par Haïti relativementau travail des enfants est présentée ici pour illustrer la quantité d’obligationsque l’Etat haïtien a prises vis à vis des enfants:• Décret sanctionnant la convention fixant l’age minimum d’admission desenfants aux travaux industriels – 13 juillet 1956. 43• Décret sanctionnant la convention concernant l’examen médical d’aptitudeà l’emploi aux travaux non industriels des enfants et des adolescents – 13juillet 1956. 44• Décret sanctionnant la convention concernant le travail de nuit des enfantsdans l’industrie, révisée à San Francisco – 13 juillet 1956. 45• Décret sanctionnant la convention concernant l’examen médical d’aptitudeà l’emploi dans l’industrie des enfants et des adolescents – 24 juillet1956. 46 41Moniteur No 20 du 8 mars 197942Moniteur No 59 du 31 juillet 199743Moniteur No 95 du 6 septembre 195644Moniteur No 95 du 6 septembre 195645Moniteur No 95 du 6 septembre 195646Moniteur No 95 du 6 septembre 195647article 276-2 de la Constitution de 198731


2.3- Ecarts entre la législation internationale et la législation nationaleLa norme constitutionnelle haïtienne fait «des traités ou accordsinternationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par laconstitution, font partie de la législation du pays et abrogent toutes les lois quileur sont contraires.» En d’autres termes, le fait par l’Etat haïtien d’avoirratifié la Convention internationale des droits de l’enfant suffit pour que notrelégislation soit en adéquation avec la législation internationale. Mais, àl’analyse, il s’avère que sans textes de mise à jour et de mise en applicationdes normes nouvelles, les écarts ne sont pas comblés et l’usage de ces normesnouvelles ne rentre pas dans la pratique des magistrats et des justiciables.Les écarts que nous pouvons mentionner quant à l’adéquation de lalégislation haïtienne relativement à la législation internationale peuvent sesituer à deux niveaux: le premier, relatif à la législation et le second parrapport à notre réalité.Ecarts relatifs à la législationLe premier commentaire que nous pouvons faire concerne les contradictionsde notre législation sur l’âge du mineur. La Convention dit que le mineur estcelui qui n’a pas 18 ans, sauf stipulation contraire de la loi nationale. Notreloi nationale dit que le mineur est celui qui n’a pas 18 ans, mais pénalementil est celui qui a 16 ans accomplis. De ce fait, le mineur de 17 ans quicommet une infraction, en principe est passible du tribunal de droit commun–entendons tribunal pour adulte, mais ne peut ou ne devrait pas se retrouveren prison avec des adultes.Un autre commentaire concerne le libellé de l’article 280 du Code pénal:« si le crime de viol a été commis sur la personne d’un enfant au dessous del’age de 15 ans accomplis… » cela veut-il dire que le mineur de plus de 15ans ne bénéficie pas de la même protection? De même que l’article 281 quistipule « quiconque aura attenté aux mœurs, en excitant, favorisant oufacilitant la débauche ou la corruption de la jeunesse, de l’un ou de l’autresexe au dessous de l’âge de vingt et un an… » Il y aurait lieu de régulariserces différences d’âges.De même, dans ces articles on ne prévoit absolument aucune assistance pourle mineur victime du viol, de l’attentat ou de la tentative de viol avec violence.Aucune instance spéciale pour recevoir les plaintes des mineurs ou de toutepersonne qui peut être au courant des violations dont ils sont victimes. Il n’estpas non plus prévu de mesures de réparation et d’accompagnementsystématique de tout mineur victime de maltraitance ou d’exploitationsexuelle à des fins commerciales. De ce fait, la législation nationale n’est passuffisamment détaillée et laisse place à beaucoup trop de latitudes pour quel’agresseur s’en tire sans sanction.32


Les professionnels haïtiens du droit estiment que le libellé des articles du codepénal sur le viol et tout autre attentat à la pudeur commis sur un mineur estclair. Il ne permet aucun doute sur le fait que le consentement du mineur nesaurait constituer une excuse, ni même dédouaner le coupable. LeCommissaire du gouvernement interviewé l’a confirmé, il estime même que lemanque de précision des articles du code pénal relatif à la débauche et laprostitution donne toutes les possibilités pour l’accusateur d’inclure sous cetterubrique toute incitation, action, offre ou autre attitude similaire d’un adulteà un mineur.Par contre, certains pensent que lorsque le législateur définit l’incitation ou lafacilitation à la débauche, il ne voit pas le mineur qui s’offre de lui-même àla convoitise de l’adulte. Il faudrait donc que la loi se prononce sur cettesituation pour lever ce doute.Les textes relatifs aux structures étatiques de protection des mineurs ne sontpas suffisamment détaillés ni suffisamment publiés. C’est comme s’ilsn’existaient pas. Principalement en ce qui concerne le travail des mineurs,tant dans des entreprises commerciales ou industrielles que dans des familles.L’Institut du Bien Etre Social et de Recherches et le Bureau du Travail duMinistère des Affaires Sociales, en principe chargé de la protection desmineurs sont incapables d’informer sur la situation générale des enfants,voire de les protéger.Ecarts dans l’application des obligations internationalesLes conventions internationales ratifiées par Haïti relatives au droit desenfants, tant la convention internationale des droits des enfants que lesdifférents accords sur le travail prévoient des structures de contrôle,d’encadrement, d’assistance et de défense des enfants en situation difficile.Dans la plupart de nos textes ces structures sont mentionnées. Mais dans laréalité, elles n’existent pas ou des fois elles n’existent qu’au niveau de l’écrit.Les instances de l’Etat s’intéressant aux enfants qui devraient se charger decompiler, harmoniser, diffuser les textes relatifs aux enfants ne se sont pasdotés de moyens d’agir. Les différents codes utilisés généralement par lagrande majorité des magistrats ne sont pas mis à jour. Nombreux sont ceuxqui ignorent les prescrits de la Convention internationale des droits del’enfant, texte international qui a connu le plus de publicité.Le tribunal pour mineurs créé pour se pencher sur le cas des mineurs encontravention avec la loi pose certains problèmes. En effet, s’il se penche surles infractions commises par des mineurs, il ne se penche pas sur lesproblèmes que confronte le mineur avec l’extérieur. En d’autre terme, l’adultequi abuse d’un mineur n’a aucun compte à rendre par devant cette instance.33


De plus, ce tribunal est le seul fonctionnel à travers le pays pour connaître desinfractions commises par les enfants de quelque lieu qu’ils viennent. On y arecensé des cas de mineurs venant de Mirebalais et de Jérémie. Ces enfants,coupables de délits dans leur patelin ont été expédiés avec leur dossier dansce milieu totalement inconnu et après quelques mois d’emprisonnement, ontété libérés, sans jugement.Le Centre d’accueil, structure spéciale prévue pour recevoir les enfants encontravention avec la loi, n’existe que sur papier. Il a fonctionné à unmoment. Il a cessé de remplir son rôle depuis 1987, sans explications. L’Etatet ses responsables n’ont jamais eu besoin de justifier par-devant quiconquede cette situation. A Port-au-Prince les enfants arrêtés par la police sontdéposés au Fort National, la prison pour femmes et enfants. Dans les autresvilles haïtiennes, ils se retrouvent dans des cellules avec les adultes.C’est le cas des services qu’offrent l’Institut du Bien Etre Social et deRecherche (IBESR) à toute entreprise commerciale, industrielle ou agricole quiveut embaucher des enfants ou à toute famille d’accueil qui accepte derecevoir un enfant en service. Les autorisations nécessaires ne sont pasdélivrées, les contrôles ne sont jamais effectués et même lorsqu’on leurdénonce des cas de violation des droits des enfants, ils ne sont pas toujoursen mesure d’intervenir.L’IBESR n’est pas au courant du nombre d’enfants qui se trouvent actuellementen domesticité. Il n’est pas au courant du traitement des enfants endomesticité. Il n’est pas au courant des familles qui acceptent de recevoir desenfants dans des conditions autres que celles prévues par la loi en la matière,pas plus qu’il n’est au courant du nombre d’enfants qui se retrouvent dans larue à cause de la fuite de la maison d’accueil.La création de l’Ecole de la Magistrature (EMA) a permis que la générationde jeunes magistrats qui y sont passés soit au courant de la conventioninternationale relative aux droits de l’enfant. Mais, l’EMA ne leur fournit pasle matériel de travail lorsqu’ils vont entrer en fonction. Et souvent ils n’ont àleur disposition que les anciens codes. Ils oublient dans leur pratique cesnotions « inapplicables » dans leur réalité.34


III- LE CADRE INSTITUTIONNELEn Haïti, le cadre institutionnel impliqué de façon spécifique dans laproblématique des enfants victimes de l’exploitation sexuelle à des finscommerciales n’existe pratiquement pas. Que ce soit au niveau des structuresde l’état ou de la société civile, cette question se retrouve englobée àl’intérieur de la problématique des enfants en situation difficile,particulièrement enfants dans les rues, enfants de la rue et enfants endomesticité.Nous présentons ici:• d’une part les informations que nous avons pu obtenir sur les institutionsétatiques, informations puisées dans un rapport rédigé pour le OIT enjanvier 2000 et des entrevues passées avec un commissaire dugouvernement et un policier. (Malgré de nombreuses tentatives, l’équipe n’ajamais pu obtenir une entrevue avec un membre du personnel de l’IBESR).• d’autre part les résultats d’entrevues que nous ont accordées 4 institutionsnon gouvernementales parmi celles travaillant soit directement – L’Escale,Timkatèk, Centre d’Education Populaire, soit indirectement –Kay Fanm –avec les enfants en situation difficile.3.1.- Au niveau de l’Etat3.1.1 – L’Institut du Bien Etre Social et de Recherches (IBSR)Une seule institution étatique à notre connaissance a mandat de se penchersur la problématique des enfants en situation difficile donc sur celle desenfants victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales: l’Institut duBien Être Social et de Recherche (IBESR).D’après le texte de Mathieu 2000, pp. 14-17«L’IBESR intervient principalement à Port-au-Prince quoiqu’il y a deux (2)centres médicaux sociaux en province, un au Cap - Haïtien et l’autre auxGonaives. Quoique celui des Gonaïves est actuellement fermé, l’institutiontravaille à sa réouverture. Par contre, le Dr Faucher, (directrice générale del’IBESR à l’époque), prévoit une présence du Bien – Etre Social dans 12 villesde province, une dans chacun des neuf (9) départements aussi bien qu’à PetitGoâve et à St. Marc, où ils offriront des services d’assistance sociale auxfamilles nécessiteuses et sinistrées, et des services materno-infantiles.« La définition du Dr. Faucher de la protection sociale est celle de la loiorganique du Ministère des Affaires Sociales (MAS) à savoir améliorer lesconditions de vie de la population sur le plan économique, moral et social35


Dans ce cadre là, l’IBESR offre plusieurs types de service à la population yinclus:••••••un service de protection des mineursun service social pénitencierun service de certificat pré- nuptialdes oeuvres socialesun service d’adoptionun service de contrôle de la prostitutionLes services de certificat pré–nuptial et d’adoption ne font que livrer descertificats pré–nuptial et recommander l’adoption. »Pour notre rapport sur l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales, deux services nous intéressent: le service de protection desmineurs et celui du contrôle de la prostitution.« Le service de protection des mineurs a comme “clientèle” cible, lesenfants en domesticité, les enfants des rues et les enfants de famille ensituation difficile. L’IBESR intervient dans des cas d’abus des enfants endomesticité pour les enlever de l’environnement abusif, les placer dans desinstitutions qui les accueillent, (comme l’Escale) et entame des recherchespour les remettre à leurs parents. En ce qui concerne les enfants des rues, lesagents de l’IBESR interviennent auprès d’eux pour les porter à ne pass’impliquer dans des activités de vol, de drogue et d’éviter de se laissermanipuler par des gens mal intentionnés. Pour les enfants de famille ensituation difficile, souvent, ce sont les parents qui les amènent à l’IBESRdemandant qu’ils soient placés dans une institution parce qu’ils ne sont pluscapables de s’en occuper faute de moyen économique.« Pour l’année 1999 les agents de l’IBERS ont placé 30 à 40 enfants endomesticité à l’Escale; travaillé avec 86 enfants des rues et placé 76 enfantsde famille en situation difficile dans différents orphelinats. Quand onconsidère qu’il y a environ 8000 enfants des rues à Port-au-Prince (Ponticq& Bernier 1999), l’IBESR a touché environ 1% de ces enfants pendant l’année1999. Et pour les enfants en domesticité, le document de projet du BureauInternational du Travail (OIT) préparer en 1998, concernant La Lutte Contrel’Exploitation des Enfants Domestiques en Haïti estime qu’il y a entre 110.000à 250.000 enfants en domesticité au niveau national. Ceci permet decomprendre que le nombre d’enfant touché, dans ce domaine, par l’IBESR en1999 est insignifiant.36


«En ce qui concerne les critères de choix de la “clientèle” cible, il sembleraitqu’il n’y en a pas. Les responsables croient que seulement les personnesréellement nécessiteuses se présenteraient à l’institution pour demander del’aide. Quoiqu’ils n’ont pas été explicites à ce sujet, on a comme l’impressionque c’est à cause de la honte et l’humiliation que doivent ressentir lesdemandeurs qui fait que, d’après les responsables, ils doivent être vraimentdans le besoin. Par conséquent, les personnes qui bénéficient, peuvent êtrerecommandées par quelqu’un, par la police ou ils s’amènent eux-mêmes...»« Le service de contrôle de la prostitution est un programme quioffre des services préventifs et curatifs aux prostituées qui travaillent dans lesbars et les cafés. Les prostituées qui ne font que les trottoirs ne sont pasincluses. Par conséquent, ce sont les prostituées qui travaillent dans lesbordels qui sont le plus souvent bénéficiaires de ces services…»«Les agents de l’IBERS tentent de rencontrer deux fois par année lesresponsables de bar et de café pour les encourager à exiger des hommes,qui fréquentent leur établissement, l’utilisation de préservatifs et desprostituées une carte de santé livrée par des médecins de l’IBESR. Il fautquand même, signaler qu’au moment où ce rapport a été rédigé, (janvier2000) le service de certificat de santé était fermé. Les agents de l’institutionfont des visites de routine dans les bordels et les cafés pour s’assurer qu’il n’ya pas de mineurs qui y travaillent. D’après le Dr. Faucher ces cas sont rares,mais s’ils en trouvent, les enfants sont enlevés et placés ailleurs.» (Mathieu-2000:14-17) 48 .3.1.2.- La justice: connaissance du phénomène – Recours légauxAu niveau de la justice, il faut noter une ignorance ou une méconnaissancepresque totale du phénomène de l’exploitation sexuelle des mineurs. Iln’existe aucune structure ayant mandat de se pencher de façon spécifique surces violations.Un commissaire du gouvernement affirme qu’il n’a jamais entendu parler del’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales dans l’exercice deses fonctions. Ce même commissaire pense cependant qu’il y a provisiondans l’article 282 du code pénal pour présenter de tels cas devant la justice.D’après lui pour contrer le phénomène il suffirait d’appliquer la loi et mettreen place des structures de surveillance. Les institutions de la société civiledevraient dénoncer de tels agissements, car une fois au courant lecommissaire du gouvernement devrait mettre l’action publique enmouvement.Quand on connaît l’ampleur du phénomène une telle affirmation estédifiante: elle témoigne du peu d’attention qui lui est accordée au niveau dela justice et aussi des nombreuses difficultés rencontrées pour porter de telscas devant les tribunaux.48Mathieu Suze – L’état des lieux de la protectionsociale en Haïti – Produit pour le OIT – Décembre200037


3.1.3.- La PoliceA travers l’entrevue accordée par un policier, nous apprenons que la Policeintervient de façon ponctuelle. En 1997 une intervention de celle-ci a détruitune base de prostitution de mineurs qui se trouvait au cimetière de Port-au-Prince. Certains hommes – clients – ont été emprisonnés puis libérés au boutde quelques heures après un sermon moralisateur. Les mineurs – des filles –ont été renvoyées chez elles. La zone a été clôturée par le Ministère destravaux publics et des agents de sécurité y ont été placés en faction.Ce policier connaît bien certains circuits de cette exploitation sexuelle desmineurs et certains bénéficiaires comme les propriétaires de maisons depasse.D’après lui pour freiner ce phénomène, il faudrait des interventions de l’Etatcomme la création d’emplois, et de centres d’accueil pour retirer les enfantsde la rue. La société civile pourrait contribuer en créant des écoles.Autrement dit, l’État haïtien, à toute fin pratique, est quasiment absent dansla protection des droits de l’enfant et particulièrement en ce qui concerne lesmineurs victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Un projet duCode de l’enfant en est à sa deuxième ou troisième version, sans aucun suivi.Comme il a été démontré dans le cadre juridique, la législation haïtienned’une part, les conventions internationales sur la protection des droits del’enfant signées et ratifiées d’autre part, lui donne des moyens – limités il estvrai – d’intervenir; cependant aucune intervention significative ne témoignede son intérêt pour la question; des institutions étatiques comme le Ministèreà la Condition Féminine et le Ministère de la Santé Publique qui auraient unrôle à jouer dans la protection de l’enfant n’ont aucun mandat spécifiquepour le faire; peu de ressources sont affectées au développementinstitutionnel des structures concernées de fait qui demeurent inefficientes, lajustice attend les dénonciations, la police, bien qu’au courant, n’intervientque de façon ponctuelle et sans aucun suivi.3.2.- Au niveau de la société civileAu niveau de la société civile il existe un certain nombre d’institutionscaritatives, ayant, pour la plupart, un statut d’ONG et dont les activités sontdirigées vers les enfants en situation difficile: enfants en domesticité,« restavèk », enfants des rues et de la rue. La vocation de ces institutions estd’encadrer ces enfants dans différents domaines. Parmi les plus connuesnous avions relevé une liste de sept: Centre d’Education Populaire (CEP),L’Escale, CAFA, Timkatèk, Caritas, Lakay, Le foyer Maurice Sixto. Nous en38


avons rencontré 3: Le CEP, L’Escale, Timkatèk. A cette liste nous avons ajoutéKay Fanm, une institution féministe, qui offre, entre autre, unaccompagnement aux femmes victimes de violence.Dans le cadre de ses activités elle est parfois appelée à prendre en chargedes mineurs victimes de violence. Les rencontres avec APROSIFA, une cliniqueoeuvrant dans le domaine de la santé de la femme, et avec l’UNICEF n’ontapporté aucun élément significatif pour le sujet sous étude.Comme le montrent les fiches signalétiques des institutions rencontrées, lesprogrammes et activités visent la réhabilitation des enfants, le renforcementde leur confiance en eux et leur réinsertion sociale. Programmesd’éducation, services de santé, formation professionnelle sont les stratégiesen général utilisées. L’Escale priorise la réinsertion des enfants en domesticitédans leur famille d’origine. Kay Fanm offre un accompagnement et uneassistance juridique quand les circonstances le permettent.3.2.1.- Connaissance du phénomène et interventions spécifiquesToutes ces institutions reconnaissent l’existence du phénomène del’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales, toutes admettentqu’elles en reçoivent parmi leur “clientèle”. Cependant mise à part le CEP,elles n’en connaissent pas vraiment les circuits et peuvent difficilement nousdonner une idée de l’ampleur du problème. Le Centre d’Éducation Populaireest vraiment la seule institution qui a été capable de nous fournir certainesindications sur les pratiques de l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales particulièrement sur les lieux où elle s’exerce et son directeur aaccompagné un membre de l’équipe dans le travail d’observation. Timkateka orienté nos équipes d’enquêteurs vers les lieux où se regroupent les enfantsdes rues et les enfants de la rue à Pétion Ville.Mais aucune n’a de programmes s’adressant à la problématique del’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales de façonspécifique. La prise en charge des mineurs victimes se fait cas par cas. Selonles besoins médicaux, psychologiques, juridiques elles s’adressent à desprofessionnels connus pour leur sensibilité ou leur engagement (à noter quel’équipe du CEP comprend un psychologue). C’était le cas pour la Fanmi sela vi, une des institutions pionnières dans le travail dirigé vers les enfants desrues, et qui avait développé des structures autonomes au niveau del’éducation, de la santé, de la formation professionnelle, mais qui dans le casde l’exploitation sexuelle à des fins commerciales ne pouvait intervenir quede façon ponctuelle.39


Autrement dit, les interventions s’adressent aux enfants victimes, mais pas auphénomène lui-même. Seul le CEP, à travers son directeur est engagé dansdes études sur la question, avec des recommandations et dans des plaidoyerstant au niveau national qu’au niveau international 49 .Ces institutions pour jouer un rôle efficace dans la lutte contre l’exploitationdes mineurs à des fins commerciales devraient pouvoir s’appuyer sur desstructures étatiques. Mais il n’existe aucun encadrement institutionnelétatique. Au contraire, elles doivent parfois assumer le rôle incombant àl’état qui souvent fait appel à elles et ce sont elles qui lui servent de recours.Le Centre d’Éducation Populaire (CEP) 50Le Centre d’Éducation Populaire ou CEP est une « Association pour lesEnfants des Rues de Port-au-Prince ». Il est situé à la Rue St. Gérard #10.C’est « un organisme à but non lucratif, créé le 25 mai 1986 dans le but demettre les jeunes en situation de développer, leurs ressources propres et de setailler une place dans la société comme citoyen responsable à part entière. »Le centre intervient directement auprès des enfants dans la rue. Les membresde l’équipe du CEP interviennent auprès des enfants qui se regroupent ducôté: 1) du Champs – de -Mars, 2) de la Cathédrale de Port-au-Prince, 3) lePortail Léogane, 4) Decayèt, 5) et le Ciné Lido (coin Grand Rue et Rue JosephJanvier).Le CEP offre aux enfants des services de: formation technique ouprofessionnelle; de santé; d’éducation, d’accompagnement et de secours (surla forme d’affermage de maison pour certains); et quand cela s’avèrepossible, facilite leur réintégration dans leur famille et / ou à l’école.Le CEP a comme “clientèle” deux (2) types d’enfants: 1) les enfants des rues,ceux qui ont la rue comme habitat; 2) et les enfants dit de la rue, ce sont desenfants qui passent leurs journées dans la rue mais qui dorment chez eux lesoir. Le CEP retrouve ces enfants en allant vers eux dans la rue et travaillentavec des «cartels» d’enfants, au sein desquels les enfants se regroupent etfonctionnent ensemble.49L’exploitation sexuelle des enfants – Jean Robert Chery – miméo – Avril 1996Les abus sexuels: enfants prostitués – Jean Robert Chéry – Forum « Enfance et Violence » – Enfant duMonde et Enfance Canada – Octobre 1995Rapport de consultation – Consultation régionale des jeunes exploités à des fins commerciales – Aide àl’Enfance Canada (Haïti) avec la participation du Centre d’Éducation populaire – Novembre 199750Voir en annexe le compte rendu complet des entrevues avec les responsables d’institution.40


3.2.2.- Perception du phénomène par les institutions: définition,conséquences, notion de genreMême si elles ne sont pas concernées directement, les institutions ont toutesune perception de l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales. Pour L’Escale, celle ci réfère à un mineur impliqué dans unerelation sexuelle avec un adulte pour de l’argent, le CEP y voit un mineurimpliqué dans cette relation avec un adulte ou un pair, soit directement soit àtravers un proxénète ou un bordel. Kay Fanm la définit comme toute situationoù un mineur est impliqué dans des activités sexuelles pour sa survie;Timkatek, comme toute situation où un mineur est victime d’abus sexuel.De leur point de vue, le phénomène touche filles et garçons avec desdifférences notables. D’abord les filles sont plus nombreuses; différentesexplications sont avancées: Pour le CEP, si ces dernières sont moinsnombreuses dans la rue, celles qui s’y trouvent subissent l’exploitationsexuelle à des fins commerciales dans un plus fort pourcentage que lesgarçons, ceux-ci ont d’autres possibilités de se trouver des petits jobs. L’Escalepense qu’ il y a un plus grand nombre de filles en situation de « restavek »,donc un plus grand nombre de filles à risques. Cette perception rejoint unconstat fait par Martine Bernier et Françoise Ponticq: la majorité des filles desrues sont prostituées d’une façon ou d’une autre 51 .L’EscaleL’Escale est située dans la localité de Drouillard, zone marginale etdéfavorisée des environs de Port-au-Prince et fonctionne depuis 1997.Les enfants qui s’y trouvent ont été amenés soit par l’Institut du Bien ÊtreSocial, soit par la police et même par une radio de la capitale, Radio Guinen.L’Escale reçoit en majorité des fillettes. La directrice du centre pense qu’ellereçoit seulement des filles parce que celles-ci sont plus nombreuses endomesticité vu que la société en fait des êtres plus dociles, plus travailleurs.Les activités se déroulent autour de l’éducation, la santé, l’éducation sexuelle.De plus l’Escale favorise la réinsertion des enfants dans leur milieu familial.Filles et garçons font face aux mêmes risques: MST, SIDA. Les grossessesprécoces et leurs conséquences alourdissent le lot des filles.Mais, filles et garçons intériorisent leur situation de façon différente: pourJean Robert Chéry du CEP, les filles s’enfoncent dans un sentiment dedévalorisation (être un trou). L’Escale, Timkatèk signalent au contraire chezles garçons un certain sentiment de fierté d’être choisi comme partenairesexuel par un adulte.51Op.cit41


Une des situations qui les humilient particulièrement c’est d’être utilisé commetravesti donc dépouillé de leurs attributs de mâle comme en témoigne une deshistoires de vie. C’est aussi l’image que la société leur renvoie.Garçons et filles développent des difficultés à établir des relations affectivesnormales.Cette perception d’eux-mêmes est renforcée par l’image que leur renvoie lasociété: celle-ci semble plus tolérante pour les garçons:on dénonce moinssouvent les cas d’agression à leur endroit, (Kay Fanm), s’ils en trouventl’opportunité ils peuvent s’en sortir plus facilement; les filles, dans unecertaine mesure, c’est leur lot, et elles restent stigmatisées à vie par cettepériode de leur itinéraire.Timkatèk (Timoun kap teke chans)Timkatèk est une ONG de Pères de St Jean Bosco, dirigée par le père SimonElle a été fondée en 1994 et intervient à Pétion-Ville et à Delmas. Elle estsituée à Pétion-Ville, rue Derenoncourt.Elle offre un accompagnement aux enfants des rues ou en domesticitéconsistant en soins médicaux, éducation, hébergement pour les garçons.Timkatek reçoit plus de garçons que de filles Actuellement l’institution compte40 garçons internés et 7 filles.3.2.3.- Causes et facteurs de perpétuation selon les institutionsLes causes du phénomène sont les mêmes pour toutes les institutions: lamisère et la pauvreté. L’impunité et la corruption des juges, le manque delégislation précise concernant le statut de mineur, la prostitution classique,etc. favorisent la perpétuation du phénomène. Kay Fanm souligne lesfaiblesses de la législation sur l’adoption, les préjugés contre les mineurssexuellement exploités, l’Escale attire l’attention sur la vulnérabilités desenfants ayant des antécédents l’abus sexuels. L’absence d’intervention del’état, la démission des parents sont aussi invoquées comme facteursfavorisant l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales.Kay FanmKay Fanm est une organisation féministe créée en 1984. Kay Fanm intervientparticulièrement dans l’Ouest, l’Artibonite, Les Nippes mais l’impact de sesactivités est national.42


Dans ses programmes Kay Fanm offre une aide juridique aux femmesvictimes de violence, une formation technique particulièrement en gestion depetites entreprises, des sessions de sensibilisation sur la condition féminine,un accompagnement en terme d’hébergement, aide matérielle,d’encadrement organisationnel, etc.Kay Fanm s’adresse particulièrement aux femmes cependant l’institutionreçoit des enfants restavek en situation difficile ou des enfants violés. L’âge deces enfants varie entre 8 mois et 15 ans; ils sont amenés soit par leurs parentssoit par des voisins.3.2.4.- Les recommandations des institutionsLes institutions interrogées dénoncent l’absence de l’état dans la protectiondes droits de l’enfant, malgré toutes les conventions signées et ratifiées. Lesinstitutions concernées devraient travailler à un plaidoyer pour dénoncer lephénomène, faire respecter les droits de l’enfant, faire appliquer lesdispositions du Code du travail sur le travail des enfants et se battre pour quesoit définie une politique nationale visant la protection des enfants. KayFanm de plus pense que des mécanismes favorisant la dénonciation de cesactes et un accompagnement juridique des victimes devraient être mis enplace. Timkatèk plaide pour la création d’emploi.Cet état des lieux du cadre institutionnel civil haïtien oeuvrant sur laproblématique de l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commercialesdévoile ses faiblesses. Tout ce passe comme si le phénomène n’existait pasen soi avec ses spécificités: les victimes sont traitées cas par cas, les activitéssont dispersées, il n’existe pas de programmes de prévention, les circuits nesont pas explorés et dénoncés, les clients ne sont pas identifiés et traduitsdevant la justice.Ces faiblesses sont imputables en grande partie à l’État qui ne remplit passon rôle normatif. Il n’existe pas de plan national pour la protection del’enfant, pas d’instances au niveau de la justice mandatées pour faireappliquer les lois, recevoir les plaintes et en faire le suivi.Au cours de cette étude, en plus des institutions déjà citées, l’équipe arencontré un certain nombre de professionnels dans le but de recueillir leurperception du phénomène de l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales. Une femme médecin, gynécologue, une femme psychologue,travaillant dans un projet de prévention du Sida pour travailleuses sexuelles(FOSREF), un anthropologue biologiste travaillant pour une ONG (Parole etAction), un policier, un commissaire du gouvernement, 2 travailleurs sociaux.Les entrevues avec le commissaire du gouvernement et le policier nous ontpermis d’appréhender le rôle et les interventions de la justice et de la police.43


Tous ces professionnels sont interpellés par le phénomène. Comme lesresponsables des institutions, ils mettent en cause en premier lieu la misère,la pauvreté. Ils témoignent que le phénomène s’est intensifié depuis les 15-20dernières années et est de plus en plus visible. Les filles impliquées sont plusnombreuses ; les deux travailleurs sociaux pensent que c’est un déshonneur,une honte pour les filles alors que c’est moins humiliant pour les garçons quiparfois même en tirent une certaine fierté. Pour l’anthropologue il y a uneplus grande tolérance de la société pour les filles. Il y a donc différentesperceptions des mineurs victimes de l’exploitation sexuelle selon leur sexe.Ces perceptions sont exprimées difficilement, elles se cachent derrière desaffirmations vagues, peu précises mais traduisent un mode de penséeimprégné de tabous et de préjugés.Selon l’avis de ces professionnels, les bénéficiaires de l’exploitation sexuelledes mineurs à des fins commerciales, sont soit des chefs de réseaux, soit desjeunes délinquants soit des malades.L’état et les institutions devraient intervenir de façon concertée à différentsniveaux: combattre le chômage, créer des structures d’accueil et deréhabilitation, réviser les lois et punir les coupables.En Haïti on assiste donc à une augmentation sensible de l’exploitationsexuelle des mineurs à des fins commerciales depuis ces 15-20 dernièresannées. Certains secteurs de la société se sentent de plus en plus interpelléspar ce phénomène. Certaines initiatives visant à mieux le comprendre voientle jour comme cette étude; des interventions souvent isolées, sont entreprises.Cependant malgré ces signes d’une prise de conscience, peu de progrès ontété réalisés au niveau des structures étatiques et des instituions de la sociétécivile non seulement dans le travail d’éradication de l’exploitation sexuelledes mineurs mais plus globalement dans la protection des droits de l’enfant.44


IV- CARACTERISTIQUES DE L’ EXPLOITATIONDES MINEURS A DES FINS COMMERCIALES4.1.- Lieux où se pratique l’exploitation sexuelle des mineursà des fins commercialesLa pratique de l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales sefait de façon diffuse, diluée principalement dans le monde complexe desenfants en situation difficile. Il est difficile de cerner les lieux où elle sepratique réellement. Les endroits – Centre ville et Pétion Ville - identifiés parles termes de référence de la présente étude sont d’abord des lieux où seretrouvent les enfants dans les rues et de la rue à certains moments de lajournée. La pratique de l’exploitation sexuelle dans ces lieux se fait à desheures bien particulières; ils constituent principalement le lieu du recrutement.En outre, l’activité est tellement discrète, presque clandestine, qu’elle estdifficile à capter. En ce sens il importe de souligner l'inexistenceen Haïti de ce que dans la plupart des pays on appelle "zonerouge" ou quartiers de concentration spécifique de laprostitution en général. De ce fait il a fallu identifier, avecl'aide d'informateurs et en fonction des termes de référencede l'étude, les quartiers dans lesquels a lieu l'exploitationsexuelle commerciale des mineurs.Au cours de cette enquête, l’observation de certains quartiers en régionmétropolitaine connus pour être fréquentés par les enfants dans la rue ou lesenfants de la rue, s’est révélée assez pauvre en informations sur lescaractéristiques des mineurs exploités, des clients éventuels, du comportementdes différents acteurs, au moment où se réalisait l’observation. Dans d’autresquartiers, cette observation a été plus significative et confirme lesinformations recueillies dans les différentes études consultées.Il existe cependant des lieux précis où se pratique ouvertement la prostitutionet où parmi des adultes, on retrouve des mineurs en situation d’exploitationsexuelle comme Kay Gwo Manman, plage abandonnée, du coté deMariani et où des squatters ont érigé de petites pièces qu’ils louent soit à descouples soit à une fille ou un homme à la recherche d’un partenaire. Aucours de leur travail sur le terrain, certains de nos enquêteurs ont été amenésà visiter Kay Gwo Manman et ont confirmé les informations recueillies.De même, certains hôtels à Pétion Ville seraient une sorte de bordel où lesmineurs se retrouvent parmi d’autres clients. Cette information nous estrapportée de façon précise par un médecin interviewé à Pétion-Ville. Il nousa été très difficile d’avoir accès à ces zones.45


A noter que dans l’étude de Bernier et de Ponticq des zones et des lieux précisont été signalés dans d’autres régions du pays: au Cap Haitien: chez lesclients eux mêmes, à l’hôtel où les amène le client, à la Place 18, au bord dela mer, sur un vieux bateau. A Jacmel, sur la plage, chez elles dans lesquartiers populaires.4.2.- Lieux observés au cours de cette étude4.2.1.- Identification des lieux et des personnes observéesLes termes de références identifient deux zones sur lesquelles ilsrecommandaient de mener l’étude: le Centre Ville de Port-au-Prince et PétionVille. Les sites à observer ont été choisis à partir d’informations recueilliesauprès des institutions et de personnes ressources travaillant dans ledomaine. Les points suivant ont été retenus:• Cimetière de Port-au-Prince. Cet emplacement est connu pour lesfréquentations furtives et interlopes; depuis le reportage dela réalisatrice Rachel Magloire "Kalfou plezi pye devan"("Carrefours des plaisirs mortels"; 1990) on sait que c'est unlieu de prostitution "populaire", avec implication de mineurssexuellement exploités, qui sont au centre du reportage.• Champ de Mars (Rue Magloire Ambroise - Pharmacie du Champsde Mars – Place des Artistes). Le Champs de Mars, cette immense"multiplace" bordée par la plupart des édifices d'Etat, dupalais national au palais des ministères, comprendplusieurs sections et est de fréquentation très versatile selonla section et l'heure. La section en question (Rue MagloireAmbroise - Pharmacie du Champs de Mars – Place desArtistes) se trouve au sud de l'aire du Champs-de-Mars, unpeu en retrait et moins éclairée, et fonctionne également lesoir, surtout en fin de semaine, comme lieu de passe.• Cathédrale (Rue de l’Enterrement – Stade Sylvio Castor).Ce périmètre se trouve en plein quartier populaire aucentre-ville et est contigu à une zone dans laquelle il y a unecertaine concentration d'hôtels non touristiques.• Mairie de Port-au-Prince – La Saline. Cette grande place désertedès la nuit tombée et bordée par un grand boulevard esttrès fréquentée par les enfants des rues.• Carrefour Aéroport. Cette zone présente les mêmescaractéristiques que la précédente.46


• Pétion-Ville (zone Plaza Choucoune). Avec Pétion-Ville on touche lazone où la prostitution est la plus "visible" et "rentable".Cette ville banlieue de Port-au-Prince, où se concentrent denombreux restaurants et boites de nuit fréquentés par une“clientèle” assez aisée, est aussi le théâtre, depuis le débutdes années 1990 et en particulier depuis 1994, d'unvéritable commerce du sexe très visible dans les rues toutau long de la semaine. Le peu de tourisme que compteencore Haïti fréquente également beaucoup Pétion-Ville, làoù se trouvent la grande majorité des hôtels.Histoire de vie ou témoignagesWatil a 18 ansIl a grandi dans les alentours du quartier St. Martin et son clan siège auCarrefour de l’ aéroport.Il ne connaît pas ses parents. Sa première relation sexuelle il l’ a eu à 5ans, violé par deux garçons de rue.“ Je n’ avais pas le choix, ils étaint plus grands, plus forts et je devais êtreaccepté par un clan, je ne pouvais pas en créer un moi même”Watil nous raconte: j’ai vécu cet incident comme un examen officiel, jepasse ou je crève, j’ ai passé l’ examen et je continue de crever. Je n’ aiaucune préférence pour un sexe ou l’ autre sauf qu’ avec les hommes on nerisque pas d’ avoir d’ enfants.Les observations ont eu lieu le soir, entre 7h 30 et 10h pm. 6 séancesd’observation ont été réalisées. Le Champ de Mars a été observé à 3reprises.Ce sont pour la plupart des zones commerciales, des lieux récréatifs ouproches de lieux récréatifs. On y retrouve de petits commerces formels etinformels, des laveurs de voiture, des restaurants et parfois des hôtels. Danstoutes les zones, il y a quelques résidents.Ce sont des lieux très fréquentés, où adultes et mineurs se mêlent avec unenette prédominance d’adultes. Adultes et mineurs des deux sexes sontimpliqués dans les activités de prostitution.47


4.2.2.- Comportement des personnes observéesIl varie selon la zone observée. On peut parler de deux types decomportement, qui sont en grande partie recoupés par les caractéristiquessocio-économiques des quartiers d'observation de l'ESC.Une première catégorie d'attitudes relève essentiellement de la nature furtivedes transactions. Dans les quartiers où les activités majeures diffèrenttotalement du contexte de l'ESC (quartiers totalement étrangers aux activitésde loisir et de tourisme), la “clientèle” de même que les "vendeurs(euses) deservices" s'appliquent à "donner le change" sur la nature des activitésmenées. On peut donc dire que dans les zones populaires – ex. Carrefouraéroport-St. Martin - la situation est différente de celle que l'on trouveailleurs. En règle générale ceux qui y achètent les services, adultes et mineursdes deux sexes, ne se différencient pas des autres personnes évoluant dansla zone; ils sont habillés simplement, sont à pied. Ainsi, à la Place desArtistes, au Champ de Mars, une de nos observatrices décèle des hommesportant cartables ou sacs laissant croire que ce sont des étudiants ou desemployés de bureau; cela pourrait être aussi un artifice. Sans pouvoir décrirel’approche, elle note de temps à autre, un couple qui se dirige vers l’HôtelExcelsior International; à coté de l’hôtel, un couloir mène à une maisonnetteet à un édifice en état de délabrement; c’est là que pénètrent les couples; àl’entrée, les femmes paient une somme à des personnes se trouvant à l’entrée.Souvent ceux qui vendent leurs services, ne s’affichent pas; rendez-vous, lieude rencontre s’obtiennent à travers des réseaux. Quand aux habitants, ilsconsidèrent ça comme un mal nécessaire contre lequel on ne peut rien.Par contre, dans les quartiers très fréquentés le soir, pour une raison ou pourune autre (restaurants, boites de nuit, tourisme) le commerce du sexe est,sinon toujours plus ouvert, du moins plus perceptible. C'est le cas parexemple au Champ de Mars, du coté de la Pharmacie du Champ de Marscomme à Pétion Ville, où des observatrices ont noté que ce sont des étrangersou des hommes de classe moyenne pauvre (chauffeur, travailleur) quiachètent les services. Ceux qui achètent les services utilisent différentsstratagèmes: ils interpellent les mineurs, leur offrent une promenade ou lesinvitent à dîner. Les habitants de la zone, savent à quoi s’en tenir sur lesparticularités de la zone et ferment les yeux. Nombreux sont ceux quiespèrent déménager.48


C'est sans doute à Pétion-Ville que les attitudes et comportements sont lesmoins subreptices. Les traits principaux de cette zone, qui ont été évoquésplus haut, expliquent en partie cette différence. On doit aussi prendre encompte que les milieux socio-économiques plus favorisés et le tourismeconstituent deux milieux reconnus comme plus permissifs vis-à-vis de lacommercialisation du sexe. Toujours est-il que c'est surtout dans cette zoneque les mineurs, s’affichent, s’habillent de façon spéciale, mendient ou offrentleurs services, s’approchent des voitures. En général, ils se tiennent en groupeet répondent à l’invitation.Ces observations confirment l’aspect multiforme de l’exploitation sexuelle desmineurs à des fins commerciales dans la zone métropolitaine. A noterqu’elles ne concernent que certains aspects, tout le coté de l’exploitationsexuelle au niveau des écolières n’est pas représenté. Toute intervention devraen tenir compte et commencer par les points qui rejoignent toutes les formesde cette exploitation (études, plaidoyer, cadre juridique etc.).4.3.- Caractéristiques des mineursParmi les instruments de collectes de données élaborés par l’équipe, unquestionnaire s’adresse aux mineurs et un sondage aux adultes évoluantdans les différentes zones où se pratique l’exploitation sexuelle des mineursà des fins commerciales.Le questionnaire destiné aux mineurs est subdivisé en 7 modules 52 .1. Origine et éducation2. Parcours3. Expériences et pratiques dans le milieu4. Vécu et Organisation du milieu5. Perception du milieu6-7 Recours et RecommandationsPour répondre aux exigences des termes de référence, 76 mineurs ont étéquestionnés. A Port-au-Prince, 57 enfants sur 76 ont été interrogés dans leszones suivantes : Aéroport et Delmas (13), Cathédrale et environs (14),Cimetière (5), Champs de Mars (12), Turgeau (4), Bas-de-la- Ville (6) et Hautde-la-Ville(4) tandis que dans la banlieue de Pétion-Ville ont été interrogés19. Les lieux observés que nous avons décrit plus haut ne recoupent pasexactement les lieux où les mineurs ont été rencontrésTableau 1Répartition des enquêtés par zone et par sexeSource: Enquête auprès des mineurs/INESA pour le comptede OIT/IPEC-ACDI Décembre 200252Voir Annexes49


4.3.1.- Origine et Éducation des mineurs.Caractéristiques générales des mineurs enquêtésSexe - AgeLe graphique 1 met en évidence l’âge et le sexe des enfants touchés lors del’enquête de terrain. 34 filles et 42 garçons ont été rencontrés; leur âge variede 8 à 18 ans. Bien que beaucoup d’études antérieures signalent un plusgrand nombre de filles victimes de l’exploitation sexuelle à des finscommerciales en Haïti, l’échantillon de cette étude rejoint un plus grandnombre de garçons. Il ne faut pas pour autant s’empresser de conclure quele phénomène s’étend de plus en plus aux garçons. Il convient de prendre encompte les jours et les moments de la journée où les enquêteurs ont été sur leterrain. Les enfants ont des moments précis où ils se trouvent dans la rue etdisponibles pour répondre à un questionnaire. Bernier et Ponticq signalentune concentration différente et des filles et des garçons selon les moments dela journée ou les jours de la semaine 53 .Un peu plus de la moitié a entre 16 et 17 ans. 9 d’entre eux ont déjà 18 ans;ils ont cependant été retenus dans les données car leur itinéraire a commencébien avant qu’ils n’accomplissent leur 18 ans et témoigne de façon nonéquivoque de la situation des adolescents victimes de l’exploitation sexuelledes mineurs à des fins commerciales.Bien qu’unique, le cas de l’enfant de moins de 10 ans (8 en réalité) aparticulièrement retenu notre attention. Son parcours, retracé à partir duquestionnaire, fait l’objet d’une des histoires de vie.Graphique 1Répartition des enquêtés par âge et par sexeSource: Enquête auprès des Mineurs/INESA pour le compte deOIT-IPEC-ACDI Décembre 200253Opus cité50


Lieu de naissanceLes mineurs interrogés sont originaires de la province; (le sud et le Nordparticulièrement) dans une proportion de 46.05% (35). Un grand nombre(24) d’entre eux migrent vers la capitale en compagnie de leurs parents, leplus souvent la mère, ou d’un membre de la famille. Le fait que nombred’enfants aient migré avec leur mère se comprend aisément quand on penseau rôle primordial de la mère dans la prise en charge des enfants en Haïti.La majorité d'entre eux, soit 25 y sont arrivés avant l’âge de 12 ans. Lavariable du lieu de naissance n'est pas anodine car le facteur migration jouecertainement un rôle non négligeable dans la dégradation de la cellulefamiliale avec ses conséquences sur les enfants en particulier. On remarqueratoutefois qu'un petit nombre, soit 6 d’entre eux, admettent qu’ils ont laisséleur ville natale de leur propre chef.Tableau 2Répartition des enquêtés selon leur lieude naissanceDes conditions de vie extrêmement difficiles sont la raison principale del’exode: la majorité des réponses de ces enfants conduits par leurs parents ouayant migré seuls, réfère à la misère pour expliquer leur présence dans larégion métropolitaine: (vi n dèyè la vi miyò, pou grangou, pou mwen te fèkòb) 54 .Il faut retenir 7 cas qui laissent pressentir un début d’itinéraire de restavèk:manman mwen ki te voye m ak yon dam (1) mwen te vi n rete ak yon matantmwen (2), ak yon tonton mwen (1) sèvi yon matant mwen (1) ak yon moun(2) 55 . Deux disent explicitement qu’ils sont venus mendier (1 envoyé par samère).Source: Enquête auprès des mineurs/INESA pour lecompte de OIT-IPEC-ACDI, Décembre 2002Les parents font partie en grande majorité de la classe des défavorisés; il fautremarquer que nous retrouvons plus de pères avec un métier (cultivateur,mécanicien, employé de magasin) que chez les mères: 5 cultivatrices, 1cuisinière. Une mère est professeur, un père directeur d’école. Sinon lagrande majorité exercent les multiples métiers du secteur informel: komès,machan dlo 56 , mande pour les mères; chapant , fè bloc, nan bòlèt, pour lespères.) 57 . Ces enfants ont eu une vie difficile; membres de nombreuse fratriesoit du côté de la mère soit du côté du père, vivant dans des maisons de 1ou 2 pièces pour 53% d’entre eux qu’ils partageaient avec 8-9 personnes. 21sont orphelins de mère et 26 de père. 39.4% ne voient plus ni mère, ni pèreou les voient de temps en temps. Un certain nombre d’entre eux vivent avecun de leur parent.54A la recherche d’une vie meilleure, à cause de lafaim, pour faire de l’argent55ma mère m’a confié à une dame, je suis venu pourhabiter chez ma tante, chez mon oncle, je suis venupour servir ma tante, je suis venu avec quelqu’un.56Commerce, vendeuse d’eau, mendiante57charpentier, fabriquant de blocs, vendeurs de loterie51


Tableau 3Répartition des mineurs ayant été à l’ écolepar sexe et par âgeScolaritéDans notre échantillon 40 mineurs déclarent avoir été à l’école dont 25garçons et 15 filles 9.21% sont encore à l’école. Sauf un, aucun n’a dépasséle certificat. Que ce soit parmi les mineurs ayant été à l’école ou ceux qui ysont encore, les garçons sont majoritaires. Il faut dire que l'abandonscolaire, en général avant la fin du cycle primaire, est unproblème majeur dans la scolarisation en Haïti. Ce problèmerevêt presque autant d'importance que l'absence totaled'accès à l'école. Un problème connexe et tout aussi grave estl'entrée tardive dans le système scolaire, ce qui contribue àencombrer celui-ci de sur-âgés. A noter que dans cet échantillonaucune fille âgée de 10 à 12 ans n’a été à l’école.Domicile actuelAu moment de l’enquête, 26 vivaient dans la rue La différence entre lesgarçons et les filles vivant dans la rue est significative dans cet échantillon.Elle rejoint les constats d’autres études: il y a plus de garçons vivant dans lesrues que de filles. Il faut cependant retenir que 9 filles déclarent vivre dansde mauvaises conditions avec tout que cela peut vouloir dire dont vivre dansla rue.Un grand nombre de ces mineurs ont un pied à terre: 17 vivent dans unepièce louée, 22 vivent seuls 13 avec un partenaire. 7 parmi ces 13 acceptentde préciser l’âge de ce(tte) dernier(ère): 2 ont moins de 18 ans, 4 sont âgésde 18 à 25 ans et 1 de 26 à 30 ans. 13 d’entre eux vivent avec des amis.Ce qui confirme la différence faite dans de nombreuses études entre enfantsdans la rue et enfants des rues. Dans cette enquête en effetnombreux sont les enfants qui "cherchent la vie dans la rue,mais qui n'y dorment pas. Les enfants déclarant avoir un gîte(39) sont plus nombreux que ceux qui vivent dans la rue (26)Tableau 4Répartition des enquêtés selon le domicile actuelSource: Enquête auprès des Mineurs/INESA pour le compte de OIT-IPEC-ACDI Décembre 200252


La misère et toutes ses conséquences, l’éclatement des familles se profilentdéjà comme toile de fond de la vie de ces mineurs se retrouvant actuellementvictimes d’une forme ou d’une autre d’exploitation sexuelle à des finscommerciales.4.3.2- Parcours des mineursL’initiation sexuelle est très précoce dans l’échantillon concerné. Ils sontnombreux (44) les enfants qui ont eu une première relation sexuelle avant 12ans. Certaines observation qui mériteraient confirmation pourêtre généralisables cependant, indiqueraient qu'en Haïticomme dans bien d'autres pays, la sexualité précoce estassociée à la promiscuité qui frappe les milieux socioéconomiquesdéfavorisés. Il est en tout cas avéré que la rueen est un facteur décisif.Tableau 5Répartition des enquêtés par sexe selon l’ âge du premier contact sexuel(en nombre absolu)Source: Enquête auprès des Mineurs/INESA pour le compte de OIT-IPEC-ACDI Décembre 2002En essayant de préciser cette première relation, 30 d’entre eux la décriventcomme une relation sans pénétration soit avec quelqu’un qu’ils connaissaient(11) soit avec quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas. (19)Tableau 6Répartition des enquêtés selon le type de la première relation sexuelle avant 12 ansSource: Enquête auprès des Mineurs/INESA pour le compte de OIT-IPEC-ACDI Décembre 200253


Tableau 7Répartition des enquêtés selon l’ âge despremières règlesCes chiffres sont révélateurs d’une pratique d’abus sexuels dont sont victimesles jeunes et qui constitue souvent une passerelle vers l’exploitation sexuelle àdes fins commerciales. De telles pratiques ne sont pas dans la plupart des casdénoncées. Des 3.9% qui auraient produit une plainte au moment de cettepremière relation, seulement 1.3% soutiennent avoir reçu de l’aide d’uneinstitution par suite d’une «agression sexuelle».Parmi ceux qui ont eu leur première relation sexuelle après 12 ans, (25) lamajorité disent qu’ils les ont eues avec des jeunes comme eux et qu’ils étaientconsentants. Cette initiation sexuelle précoce, sans encadrement socioaffectif,rend aussi les jeunes très vulnérables à toutes sortes de sollicitationsqui peuvent les conduire à devenir victimes d’exploitation sexuelle à des finscommerciales.Les jeunes ciblés par l’enquête, sont très réticents à se livrer quand on abordele sujet de leur sexualité. (ce qui est confirmé dans les rapports de certainsenquêteurs.) Même quand ils ont eu leur première relation sexuelle après 12ans, ils en parlent difficilement.Les filles touchées par l’enquête ont eu en grande majorité leurs premièresrègles entre 12 et 14 ans ce qui laisse supposer qu’un certain nombre d’entreelles ont eu leur première relation avant la puberté.7 des filles ont déjà été enceintes, 3 ont accouché, 1 a eu un avortementspontané et 2 un IVG. La dernière était enceinte lors de l’enquête.Cinq (5) garçons reconnaissent qu’une fille a déjà été enceinte d’eux, 3s’occupent des enfants vivants.Tableau 8Nombre de grossesses parmiles enquêtéesA la question «prends- tu des précautions pour ne pas être enceinte?» 27filles répondent par l’affirmative et 20 garçons déclarent prendre desprécautions pour protéger leur partenaire contre une grossesse. Mais quandil s’agit de se protéger contre les MST, si 48 filles disent se protéger, seulement19 demandent au client d’utiliser le préservatif. 9 des garçons utilisent lepréservatif tout le temps, 17 de temps en temps.Malgré cet écart, il faut noter que les mineurs victimes de l’exploitationsexuelle ont un niveau appréciable d’information sur les pratiques decontraception et de protection contre les MST, particulièrement sur lepréservatif. Les études ultérieures devront se pencher sur l’impact desmultiples programmes de prévention qui visent les jeunes.54


Histoire de vie ou témoignagesLoransya est une petite fille qui habitait Kenscoff; son père était gardien d’unemaison, sa mère vendait dans les rues. Ses parents étaient pauvres. Pourson âge elle avait de nombreuses responsabilités: s’occuper de ses frères etsœurs, aller chercher de l’eau. Mais elle dit qu’elle était heureuse avec safamille, ses amis, entourée d’affection.Cependant à 8 ans elle a été obligée d’aller habiter chez une dame àCarrefour.Elle nous raconte: « il y avait un gros bonhomme, frère du premier mari dela dame. Il dormait dans une pièce dans la cour, à côté de la cuisine où moimêmeje dormais avec le charbon, les fatras et les rats. Un soir il a frappéà la porte de la cuisine et m’a demandé de lui chauffer de la nourriture. J’aidû me lever et allumer le feu. C’est à ce moment qu’il m’a demandé de luisucer le pénis, en me disant qu’il me donnerait une belle poupée. Mon cœura battu fort car j’avais très envie de cette poupée que je voyais parfois enallant au marché. Je l’ai fait mais la poupée n’est jamais venue. J’avaistellement envie de cette poupée que je l’ai fait avec d’autres: celui quiramassait les fatras, le marchand de balai, le petit nettoyeur de chaussures,mais la poupée n’est jamais venue. »Loransya a grandi et est devenue une belle jeune fille. La dame trouvantqu’elle était devenue une charge trop lourde, la renvoie à ses parents, sansargent, sans rien. Loransya est contente car un jour ou l’autre elle se seraitenfuie. Mais en arrivant chez elle son père et deux de ses frères étaientdécédés. Loransya en était arrivée à haïr la poupée mais elle a continué àcoucher avec des hommes pour d’autres choses: vêtements, chaussures,nourriture…Loransya allait au marché tous les lundis avec sa mère pour l’aider à vendredes légumes, c’est comme ça qu’elle aboutit à Turgeau, devant le RoyalMarket.Un jour elle se retrouve enceinte. Elle nous raconte: « un soir j’ai couché avec2 garçons pour dix dollars, et je me suis retrouvée enceinte. Je ne voulaispas du bébé parce que je ne savais pas qui était le père »Elle va donc trouver Mata qui règle le problème à coup de thés et compriméset lui demande 50 dollars. Loransya n’avait pas cette somme, elle est doncrestée à Port-au-Prince et a continué à se prostituer car c’était le seul moyenpour elle de se procurer de l’argent.Elle a réussi à payer sa dette envers Mata, le jour où elle a rencontré un« gros » blanc américain dans un hôtel sur le Champ de Mars et qui a payéses services 50 dollars américains…55


4.3.3- Expériences et pratiques dans le milieuLe module III tente de mettre en évidence différents aspects de l’exploitationsexuelle des mineurs à des fins commerciales en tenant compte desexpériences et pratiques des enfants dans ce milieu.Le graphique suivant indique que 34 enfants ont commencé à avoir desrelations sexuelles en vue d’un bénéfice entre 12 et 15 ans : 11 garçons et23 filles. 35 - 17 garçons et 18 filles.- disent avoir été contraints d’avoir desrelations sexuelles dans ce but, dont 21 avec des inconnus. Les fillescommencent donc plus tôt que les garçons à être victimes de l’exploitationsexuelle. A la précocité et à la différence entre les genres ilconvient d'ajouter que ces données suggèrent, vu le nombrede cas de contraintes, l'existence de vécus traumatisants dèsl'initiation sexuelle. Certaines des histoires de vie illustrentcette situation.Graphique 2Mineurs ayant été forcés d’ avoir une relationsexuelle à des fins commercialesSource: Enquête auprès des Mineurs/INESA pour le compte de OIT-IPEC-ACDI Décembre 2002En échange de ces relations, les mineurs reçoivent surtout de l’argent(31.6%), associé parfois à de la nourriture ou des vêtements. Les sommesreçues varient entre 7.5 gdes et 750 gdes.Dans une analyse de données en cours d’enquête, sur 66 mineurs, il y a lieude souligner que selon l’opinion de 61% d’entre eux., ils reçoivent ce bénéficeseulement parfois. Les cas de non rémunération comptent parmiles abus additionnels dont sont victimes ces jeunes et dont onretrouve l'écho dans les réponses concernant les cas de refusde relation.Leurs clients les rencontrent dans la rue pour 46 d’entre eux ou bien ils sontprésentés par quelqu’un d’autre (13) ou à travers un lieu de passe.56


Le tableau ci-dessous donne une idée sur l’ensemble des lieux où se déroulentles actes d’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales. Onconstate que la plupart des enfants citent le domicile des clients et les hôtelscomme lieux habituels Tenant compte de la réalité haïtienne et du milieu oùévoluent ces enfants, les « dits » hôtels doivent être dans beaucoup de casdes maisons de passe comme cette maison située au Champ de Marssignalée dans une des observations. Les garçons fréquentent les bordels plusque les filles ce qui semblerait confirmer que la “clientèle” qui sollicite lesgarçons a un profil plus spécifique: elle serait plus aisée, plus sélective dansses fréquentations.Tableau 9Répartition des enquêtés (en nombre absolu) selon les endroits ou se pratiquegénéralement l’ exploitation des mineurs à des fins commerciales57


Les clients sont en général de jeunes haïtiens (nes) pour le moins aisés (ki genkòb) (64.5%).Un plus grand nombre de filles a plus de 5 clients par jour. Ceci dévoile lecaractère plus agressif de l’exploitation sexuelle des fillettes. Il faut aussirelier cette donnée au fait que plus de garçons ont d’autres types d’activitéslucratives.Tableau 10Nombre de clients par jour selon le sexe des mineursLa pratique d’autres activités liées à la prostitution est peu répandue; ceux quiont répondu affirmativement identifient des zones comme Delmas 31,Kanada, le Lambi, Gelée (Cayes); 10 se déplacent parfois avec des touristes.Ces mineurs victimes de l’exploitation sexuelle sont exposés aux dangers dela drogue. Filles et garçons consomment une ou plusieurs drogues avec uneprédominance des substances bon marché (tinner, gazoline, crac) commel’indique le tableau suivant. Les filles sont les seules à utiliser la gazoline etsont plus grandes consommatrices de tinner. La cocaïne semble être absentede leurs habitudes. Cette consommation représente un autre facteur quiaggrave leur état de santé; de plus elle en fait une proie facile pour lesdealers soit comme consommateurs soit comme intermédiaires.58


Tableau 11Répartition des enquêtés par sexe selon le type de drogues consomméSource: Enquête auprès des Mineurs/INESA pour le compte de OIT-IPEC-ACDI Décembre 2002Comme nous l’avons déjà signalé, un pourcentage appréciable des mineursinterrogés, disent se protéger contre les MST, particulièrement les filles dontcertaines vont jusqu’à proposer le préservatif au client.Malgré cette affirmation, le tableau 12 montre combien ces jeunes demeurentvulnérables.L’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales entraîne pour euxde très nombreux problèmes: violence physique, maladies sexuellementtransmissibles, grossesses non désirées et si on y ajoute les arrestations celadonne une idée des expériences traumatisantes que vivent ces jeunes et quilesaccompagneront tout au long de leur vie.59


Le tableau suivant montre de plus combien les filles sont plus souvent victimesde violence; 10 garçons affirment n’avoir jamais expérimenté de problèmesni avoir subi de violence; seulement 6 filles font la même affirmation. 10 fillesdéclarent des violences combinées pour seulement 4 garçons.Tableau 12Répartition des mineurs selon les problèmes expérimentésSource: Enquête auprès des Mineurs/INESA pour le compte de OIT-IPEC-ACDI Décembre 2002Histoire de vie ou témoignagesC’est un petit garçon de 8 ans, nous l’appellerons Aliko (oui il a bien 8 ans,il situe sa naissance l’année où il n’y avait pas d’essence..1994?). Il est néaux Gonaives et arrive à Port-au-Prince avec ses parents. Yo vi n dèyè lavi.(ils sont venus chercher une vie meilleure)Il vit actuellement avec sa mère qui mendie pour vivre.Il est l’aîné de 6 frères et sœurs.Sa première relation sexuelle se passe avec une dame qu’il ne connaît pas etdepuis un an a des relations sexuelles pour une gratification (dec. 2001) Ilcharge 25 gdes. Mais ne les reçoit pas toujours. Cela se passe en généralchez la cliente et on le recrute dans la rue. Parfois c’est lui qui visite sesanciennes clientes et il y rencontre des gwo zouzoun des personnages hautsplacés ou des hommes d’affaires).Aliko peut avoir entre 5 à 10 clientes par jour. Il participe parfois à desséances pornographiques: li bay chwo toutouni (il danse nu) à Delmas 31.Il utilise parfois le préservatif et se rappelle un cas particulier où la partenaireavait le sida.Ça lui est arrivé de subir des formes de violences de la part de sespartenaires: menaces, viol…Ça lui arrive aussi de prendre de la drogue (bòz). Son rêve : une grandemaison pour les enfants de la rue, sans violence, où ils pourraient étudier etdevenir CIMO (Corps d’Intervention Mobile, unité de la police nationaleréputée pour sa violence).60


4.4.- Vécu et organisation du milieuLe module IV du questionnaire d’enquête vise à déterminer l’organisation dumilieu de l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales avecemphase spéciale sur des intermédiaires qui auraient bénéficié des activitésde l’exploitation sexuelle des enfants.Les mineurs sont obligés souvent d’avoir des relations sexuelles contre leurgré.. A la question «est-ce que quelqu’un t’oblige à la prostitution?» 38 desmineurs interrogés (50%) répondent oui. Les réponses à la question suivante«Qui» font cependant référence à un (e) client (e) plutôt qu’à quelqu’un pourle compte de qui ils travailleraient. Leurs réponses identifient des catégoriesde personnes bien spécifiques les obligeant à avoir des relations sexuellesavec elles. Ce sont entre autres des homosexuels, des prostituées adultes, desinconnu/es ayant l’envie d’avoir immédiatement des relations sexuelles, desjeunes comme eux.Par contre à la question suivante «est-ce que d’autres personnes profitent decette activité?» 26 d’entre eux identifient très clairement les bénéficiaires deleurs activités : leurs parents sont les premiers (12) à côté des propriétairesde bordels ou hôtels, des personnes travaillant dans l’industrie du tourismeetc. 23 soit 30% de l’échantillon doivent partager ce qu’ils reçoivent avecquelqu’un d’autre qui, pour 11 d’entre eux, n’a aucune autre activitégénératrice de revenu. La catégorie autre recueille le même pourcentage.La quantité relativement grande de désignation des parentsen tant que bénéficiaires doit être associée, ici encore, à l'unedes dérives les plus graves de la pauvreté. Dans le mêmeordre d'idées et en l'absence de données dans cette enquêteelle indique la vraisemblance de la prolifération del'exploitation sexuelle de mineurs scolarisés.Tableau 13Répartition des enquêtés selon les personnes profitantde leur prostitutionSource: Enquête auprès des Mineurs/INESA pour le compte de OIT-IPEC-ACDI, Décembre 200261


Histoire de vie ou témoignages« Mon nom est Lourdie, j’habite Carrefour. J’ai aujourd’hui 16 ans. J’opèreà Pétion Ville où on me connaît sous le nom de Pierrette. Personne ne connaîtma vie pas même ma mère avec laquelle je vis. Cette dernière est aveugle…jesuis sa fille unique du seul homme qu’elle aimait et qui est mort. J’avais alors5 ans. J’ai été à l’école et j’ai même eu mon certificat.Ma première « opération » a eu lieu à 10 ans avec Pierre mon voisin qui luien avait 15. J’étais à ce moment une fille rangée qui rêvait d’épouser Pierreavoir une famille et des enfants, devenir infirmière. Jusqu’au jour où j’airencontré Rose qui comme moi ne pouvait aller à l’école et qui travaillait.Rose avait toujours de beaux habits, elle pouvait même aller au studio. Elletravaillait à Pétion Ville.Je suis partie un jour avec elle et arrivée sur le lieu de travail, je l’ai vus’entretenir avec un homme. Quelques minutes après elle m’invita à rentrerdans une chambre et de l’attendre. J’ai attendu jusqu’à ce que cet hommearrive, je m’en souviendrai toujours. Il me força à me déshabiller et me viola;il quitta la pièce rapidement en me laissant 10 dollars. Je me suis sentiecouverte de honte.Rose continua à m’offrir du boulot et sans réfléchir, je me livrai à ce jeudangereux mais qui me permettait de vivre et parfois même d’aller au studiocomme elle surtout les jours où nos clients étaient des blancs. J’ai tenté dereprendre mes études mais les nuits étaient trop fatigantes, durant la journéenous devions dormir et préparer les toilettes du soir.Pour m’aider Rose m’a procuré un petit comprimé rose qui me permet de toutoublier. Les filles disent que c’est le même effet que la drogue sauf qu’il fautse piquer et puis les conséquences sont plus graves. Enfin je ne me droguepas…Ma mère pense que je travaille dans un bar la nuit, elle s’inquiète un peumais je l’ai rassurée »Lourdie, Pierrette voudrait aller à l’école, être jeune et devenir infirmière.Les mineurs dénoncent aussi le fait qu’ils subissent toutes sortes de violencede la part du client. 31 des enfants interrogés le confirment. Comme nousl’avons vu plus haut, les filles en sont les principales victimes Ce sont desagressions verbales et/ou physiques.62


Le tableau 14 nous indique comment réagissent les clients si un des mineursrefusent d’avoir des relations sexuelles. 60 d’entre eux témoignent l’avoir fait:34 garçons et 26 filles. Il faut souligner que ce refus est plus souvent acceptépar le client quand il s’agit de garçons (18) que quand il s’agit de filles (8).On note aussi que le nombre de mineurs ayant trouvé lecourage de refuser un contact sexuel est relativement élevé.Dans ce contexte d'oppression, de dévalorisation et deviolence sociale, le fait mérite d'être souligné et rapprochésans doute de la véritable "débrouillardise" développée parces jeunes pour survivre, même lorsque le prix à payer estsouvent l'agression.Tableau 14Réactions du client quand un mineur refuse d’avoir des relations sexuellesIls sont 37 qui rapportent la quasi indifférence de la police quand elle lessurprend. Si elle réagit, c’est avec violence (coups, arrestations). 22.4% desenfants reconnaissent cependant que la police les a parfois aidés. Cechiffre peut être considéré comme "encourageant", dans lecontexte de profonde dévalorisation de la police aux yeuxdes citoyens. En tout cas il converge avec le témoignage del'escale sur les interventions de la police qui recueille desenfants des rues. Il rend plus crédibles les plans du ministèredu Travail de former une police sociale.4.5.- Perception du milieuLe module V traite de la perception des mineurs sur le milieu.Les mineurs ont une perception très critique du milieu dans lequel ilsévoluent.. 29.9% d’entre eux (22) considèrent l’exploitation sexuelle à desfins commerciales comme une activité immorale, c’est du «vagabondage»,21% estiment que c’est de l’exploitation. Pour certains (14.5% des réponses)beaucoup de ces enfants qui se laissent ainsi exploiter n’ont pas le choix: ilsdoivent survivre; «afè yo ki pa bon, paske fòk yo viv» 5858ils ont des problèmes économiques, ils doiventsurvivre.63


Cette perception se précise quand on leur demande d’identifier les problèmesauxquels sont confrontés les mineurs victimes de cette exploitation: 47.4% lesdécrivent comme des enfants ayant des problèmes économiques, 14.5% yajoutent le fait que souvent ce sont des enfants abandonnés par leur famille,7 mentionnent comme autre facteur additionnel la violence familiale. Cesdifférents facteurs conduisent à la délinquance (san sal). 65 de ces mineursreconnaissent qu’eux-mêmes font face à un ou plusieurs de ces problèmes, cequi expliquerait leur situation actuelle.. Dans les réponses exprimées onretrouve un sentiment de dévalorisation personnelle (san sal, vakabondaj,san fanmi) 59 et aussi une grande vulnérabilité, un besoin deprotection qui semble prédominer par rapport à undurcissement espérable dans leur comportement et dans leursopinions.Face à cette situation, 19.7% des mineurs interrogés ont reçu de l’aide soitd’une personne soit d’une institution. A la question «quelle forme d’aide», lesréponses sont éparpillées, mais la majorité d’entre elles mentionnent de lanourriture et/ou des vêtements 60 . Certaines institutions sont mentionnées,comme Lakay de Père Estra 61 la mairie de Delmas, ainsi que des interventionspour leur chercher du travail ou les inscrire dans un orphelinat.4.6.- Recours et recommandationsLes mineurs rencontrés répondent oui dans une proportion de 51.3% (39)quand on leur demande s’ils savent que l’état a signé des lois et desconventions pour faire respecter les droits des enfants.Plus de la moitié, 15 filles, 21 garçons, déclarent avoir porté plainte pourviolences subies de la part des clients auprès de la police, de leurs parentsou d’amis. Ceux qui se sont adressés à la police représentent 32.8% (25).Cette attitude vis à vis de la police est un peu surprenante. Ces mineursreconnaissent qu’en général la police est indifférente quand elle les surprendou qu’elle réagit avec violence; cependant face aux violences 28.94% (22)s’adressent d’abord à cette police. Celle ci va intervenir parfois contre celuiqui a commis l’acte violent, mais cette intervention ne s’inscrit dans aucunepolitique globale. Elle est aléatoire et dépend du bon vouloir du policierinterpellé. Ce dernier n’agit pas comme instrument de la justice et n’a aucuncompte à lui rendre, ce qui le rend moins dangereux.59Délinquance, vagabondage, sans famille)60Voir tableaux en annexe.61Lakay: institution religieuse dirigée par le Père Estra,qui s’occupe des enfants des rues.Les mineurs ne s’adressent pas seulement à la police comme le montre letableau 15. Encore une fois, les réponses référant aux suites données à cesplaintes sont très éparpillées. Bon nombre d’entre elles réfèrent à desinterventions de la police. Quand à ceux qui n’ont jamais porté plainte -44.7% (34) - les raisons invoquées sont principalement la peur, le manque deconfiance ou au contraire le sentiment d’être capable de se défendre seul.64


Tableau 15Répartition des mineurs ayant porté plainte contre des actes de violenceTableau 16Répartition des mineurs selon là où ils adressent leurs plaintesSource: Enquête auprès des Mineurs/INESA pour le compte de OIT-IPEC-ACDI, Décembre 2002Les réponses des mineurs sont très claires et significatives quand onquestionne leurs attentes : 98.6% (72) souhaitent que des mesures soientprises pour améliorer leur situation, 91.7% (66) voudraient échapper àl’exploitation sexuelle à des fins commerciales, 92.9% (65) aimeraientretourner à l’école. Les mêmes thèmes reviennent quand on leur demande lemot de la fin.Les rapports des enquêteurs sont éloquents à ce sujet. Bon nombre d’enfantsleur ont demandé si l’objectif de cette enquête était de les sortir de la rue;d’autres les ont pris pour des représentants de l’état et leur ont demandé avecinsistance de revenir les chercher.Ces réponses interpellent directement les autorités responsables et la sociététoute entière, et leur demandent d’intervenir en toute urgence pour contrercette violation des droits fondamentaux des enfants que représentel’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales.4 d’entre eux osent dire qu’ils n’aimeraient pas changer de vie, et les raisonsévoquées ne font que confirmer qu’une des principales causes de cetteexploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales est leur situationéconomique précaire : “Je suis déjà perdu, j’ai l’habitude de vivre commecela – je fais de l’argent avec eux – c’est ça qui me permet de vivre etd’entretenir ma famille – c’est de ça que je vis” 62 .52Traduction de: Mwen deja gate, m abitye viv konsamwenfè lajan ak yo – se sa ki pèmèt mwen viv akfanmi mwen- se sou sa mwen viv.65


PERCEPTION DESADULTES SURL’EXPLOITATIONSEXUELLE DESMINEURS A DESFINS COMMERCIALES66


V- PERCEPTION DES ADULTES SURL’EXPLOITATION SEXUELLE DESMINEURS A DES FINS COMMERCIALES5.1.- Caractéristiques de la population concernée5.1.1.- Sexe et âgeDans le cadre de l’enquête sur l’exploitation sexuelle des enfants, 207 adultesont été questionnés dont 157 à Port-au-Prince et 50 à Pétion-Ville. Pour Portau-Prince,24 % des enquêtés ont été abordés aux environs du Champ deMars. Dans ces deux villes de la région métropolitaine, les enquêtés sontmajoritairement des hommes (soit 94 hommes contre 63 femmes à Port-au-Prince et 36 hommes contre 14 femmes à Pétion-Ville). Un tel résultat estsignificatif dans la mesure où, selon les enquêteurs, les hommes étaient plusenclins à répondre aux questions et donner leurs impressions sur lephénomène que les femmes 63 .Sur l’ensemble de l’échantillon enquêté, plus des trois quarts des sondés ontentre 18 et 59 ans et une part beaucoup plus faible (6%) de personnes estâgée de 60 ans et plus. Ce qui correspond, d’une manière générale, à lastructure globale de la population haïtienne selon les données récentesdisponibles. En effet, les dernières enquêtes, particulièrement l’EnquêteBudget Consommation Ménages (EBCM, 1999), indiquent pour l’Airemétropolitaine qu’une proportion importante de la population se trouve dansla tranche d’âge 20 - 24 ans.De façon plus précise, plus d’un tiers des sondés (36.7% ) se trouve dans latranche d’âge 18-29 ans et un peu moins d’un tiers (30.4%) a entre 30 à 39ans alors qu’environ 17.4% déclarent avoir entre 40-49 ans. Seulement 13.6% des enquêtés ont plus de 50 ans. Dans le tableau croisé de distributionpar tranche d’âges et répartition par sexe, il ressort, pour la tranche 40 à 49ans, une nette prédominance de femmes, soit sur 20 femmes pour 16hommes.Tableau 17 : Répartition des adultes sondés par sexe et tranche d’âges63Néanmoins, nous ne disposons pas d’informationsprécises sur cette réticence des femmes à seprononcer sur la question. Il serait intéressant, parcontre, dans le cadre de nouvelles études sur lethème d’en chercher les causes.67


5.1.2.- Niveau de scolarité des enquêtés.-La majorité (44.4%) des enquêtés déclare avoir atteint le niveau secondaire.En considérant le niveau de scolarité par sexe, le sondage révèle: d’une partque 18% des femmes n’ont jamais fréquenté l’école, 23 % ont atteint le niveaud’études primaires, 38% le niveau secondaire et 18% le niveau universitaire;d’autre part, que seulement 6% des hommes n’ont aucun niveau de scolarité,13% ont atteint le niveau primaire, 48% le niveau secondaire et 20% leniveau universitaire. D’importantes disparités par sexe sont relevées surtoutau niveau primaire et secondaire et qui tendent à disparaître au niveauuniversitaire. La proportion de femmes n’ayant aucun niveau de scolarité estbeaucoup plus élevée que chez les hommes. Ces résultats sont en conformitéavec la tendance nationale et les plus récents résultats obtenus à partir del’Enquête Budget Consommation Ménages (IHSI, 1999).Tableau 18: Répartition des adultes sondés par sexe et niveau de scolarité5.1.3.- Situation par rapport à l’emploiSelon les principaux résultats du sondage, le commerce qu’il soit formel ouinformel concentre la plus grande part de la population enquêtée. En effet,37% des enquêtés se dédient à cette activité dont 25% dans le secteurinformel et 12% dans le commerce formel. Seulement 4 % travaille dans lesecteur industriel et environ 6% sont des fonctionnaires de l’administrationpublique. Il est à noter que le nombre de chômeurs représente près de 19%de la population enquêtée. Ces résultats obtenus sont conformes à la structureactuelle de l’économie haïtienne où un fort pourcentage de la populationactive travaille dans le secteur informel et en particulier dans le commerce oùon retrouve une part plus importante de femmes que d’hommes. Le chômagetouche à part égale les hommes et les femmes de l’échantillon. Il estnéanmoins nécessaire de souligner le fait que les hommes sont plusnombreux à refuser de donner une information relative à leur secteurd’activités.68


Sur l’ensemble de l’échantillon, environ 74% des personnes rencontréesdéclarent avoir un métier et 25% déclarent ne pas en avoir. Les métiersdéclarés sont des plus divers, avec cependant un pourcentage relativementélevé d’artisans tels: commerçants (10.6%), mécaniciens (5.8%) et detechniciens comme les informaticiens (5.8%).Tableau 19: Répartition de la population par secteur d’activités économiques5.2.- Connaissance de l’exploitation sexuelle des mineurs àdes fins commercialesD’une manière générale, la plupart des enquêtés (92%) sont au courant duphénomène de l’exploitation sexuelle des mineurs. Il est important designaler que malgré la structure de l’échantillon, où une proportion plusimportante de mâles ont été interviewés, les femmes sont généralement moinsinformées que les hommes sur l’existence de l’exploitation sexuelle desmineurs. En effet, 88% de femmes déclarent avoir entendu parler del’exploitation sexuelle des mineurs contre 93% d’hommes.Tableau 20: Répartition par sexe des sondés au courant du phénomènede l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales69


5.2.1.- Connaissance sur le type de pratiques liées à l’exploitation sexuelledes mineursLes données relatives à la connaissance des adultes sur le type de pratiquesliées à l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales montre quecelle du sexe à des fins commerciales est de loin l’activité la plus connue chezles adultes. Le niveau de connaissance des autres types d’activités (dansenue, photo ou vidéo pornographiques) est moindre.S’il est vrai que les enquêtés (93.2%) disent être uniquement au courant duphénomène ou ont l’habitude d’en entendre parler, cependant quand il s’agitd’opiner sur le type d’exploitation sexuelle des mineurs, les réponses tendentà varier indiquant en quelque sorte le degré d’information de l’enquêté. Ilsaffirment être au courant à part presque qu’égale des pratiques suivantes:danses (48.3%), exhibitions (43.5%) et vidéos pornographiques (31.9%).On remarquera toutefois qu’à Pétion-Ville le nombre de réponses affirmativessur la connaissance du type de prostitution pratiqué dans le cas del’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales est plus élevé qu’àPort-au-Prince.Tableau 21: Répartition des sondés selon leur connaissancedes pratiques liées à l’exploitation sexuelle des mineursDe l’avis de 63.3% des personnes interrogées, ils peuvent facilementreconnaître un mineur en prostitution. Les principales pistes mentionnées sontindiquées dans le tableau ci-dessous. La tenue vestimentaire et le type defréquentation de ces mineurs sont pour la plupart des enquêtés, lesprincipaux signes extérieurs leur permettant de les reconnaître.Tableau 22: Principales pistes indiquées par les enquêtéspour reconnaître les mineurs livrés à la prostitutionNB: Le total est supérieur à 100% car il s’agit d’une question à réponses multiples.70


5.2.3.- Opinion des adultes en relation à la provenance des mineurs sujets àl’exploitation sexuelle à des fins commercialesPour l’ensemble, 43.5% adultes pensent que les mineurs proviennent departout (ensemble du territoire national) et 37% estiment qu’ils sortentd’autres quartiers de l’Aire Métropolitaine. Une infime proportion, soit prèsde 5% croient que ces mineurs résident dans leur quartier. La distribution desopinions par sexe ne différent pas de celle de l’échantillon global. En effet,tant pour les femmes (41.5%) que pour les hommes (44.6%) les mineurssortent de partout. Une part non moins significative de femmes (32.4%) etd’hommes (40%) considèrent qu’ils habitent d’autres quartiers.Tableau 23 : Opinion des adultes par sexe sur la provenance des mineursIl est à noter qu’une proportion légèrement plus élevée de femmes (9% contre2.3% d’hommes) considère que ces mineurs habitent leur quartier. Ceci peuts’expliquer par une plus grande présence des femmes et une meilleureconnaissance ou préoccupation de celles-ci pour ce qui se passe sur leurquartier.5.2.4.- Causes et explication du phénomène par les adultesPour rechercher l’opinion des adultes sur les principales causes explicativesdu phénomène d’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales,une question à choix multiple leur a été posée. Des différentes alternativesproposées, deux d’entre elles ont un niveau de fréquence plus élevé: ladégradation de la situation économique des parents (87.4%) et la démissiondes parents (51.7%). Dans une part moins importante, d’autres causes telsque le manque d’encadrement (44.4%) et la perte de valeurs morales(34.85%) sont mentionnés. De manière générale, les principales causesidentifiées par les enquêtés ne sont pas isolées de la situation de crisemultidimensionnelle que traverse le pays depuis plus de vingt ans, plusparticulièrement la crise économique.71


Tableau 24: Principales causes indiquées par les adultespour expliquer la prostitution des mineursNB: Le total est supérieur a 100% car il s’ agit d’ une question à réponses multiplesLe croisement des opinions des adultes en relation à leur degré d’études,permet de voir que ceux qui considèrent comme explication première lapauvreté des parents ont atteint le niveau secondaire (43.7%), que 20.4% leniveau primaire, 20.4% le niveau universitaire et 11% n’ont jamais fréquentél’école. Il convient de souligner le fait suivant : les croyances religieuses pourexpliquer le phénomène se retrouvent fondamentalement chez la populationscolarisée de l’échantillon.Tableau 25: Niveau d’études des sondés et explication du phénomène72


5.2.3.1 Pauvreté des parentsTant chez les femmes (83%) que chez les hommes (89%), la pauvreté desparents est l’une des principales causes explicatives du phénomèned’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales.En introduisant le niveau de scolarité, il est observé que 15% des femmesn’ayant jamais fréquenté l’école considèrent la pauvreté comme une desprincipales causes de l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales contre seulement 6% des hommes de cette même catégorie. Unchangement de tendance est observé pour le niveau secondaire où 42%d’hommes contre 31% de femmes attribuent ce phénomène à la pauvreté desparents. Par conséquent, il y a une corrélation positive, particulièrement chezles hommes, entre le degré de scolarité et le fait de considérer un facteuréconomique, à savoir la pauvreté des parents, comme explication duphénomène d’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales. Lefait d’attribuer à la pauvreté l’explication d’un tel phénomène ne cache-t-ilpas une forme de négation de l’existence d’exploiteurs et de demandeurs dece genre de service ?Cette attribution du phénomène à la pauvreté par une proportion importantede l’échantillon (hommes et femmes) retient aussi l’attention compte tenu dela crise économique aigue que traverse le pays et de ses nombreusesconséquences sur les conditions de vie d’une grande partie de la population(aggravation du chômage, paupérisation...). Ce qui peut conduire à uneforme de « fatalité ou excuse » pour justifier ce genre de situation, nonobstantla nécessité d’interventions pour contrecarrer la précarité des conditions devie pour l’ensemble de la population.5.2.3.2 Démission des parentsPour 47% de femmes et 57% d’hommes, la démission des parents constitueune des causes explicatives du phénomène de l’exploitation sexuelle desmineurs à des fins commerciales. En considérant le niveau de scolarité, unedispersion des réponses est observée. Plus d’hommes (27%) que de femmes(17%) ayant atteint le niveau secondaire considèrent que la démission desparents est à la base de l’existence de ce problème. Par contre, lepourcentage d’hommes et de femmes à répondre affirmativement à laquestion est le même, soit 6%, pour ceux et celles qui n’ont jamais fréquentél’école.73


A cet égard, il convient de souligner la place que joue l’éducation dans lerenforcement et/ou la reproduction de l’idée que la famille est la seule etunique responsable de la protection de la population infantile et juvénile.Cette vision tend à confiner la société dans un rôle second et à la désengagertout au moins partiellement vis à vis de ses responsabilités par rapport auxenfants et aux jeunes.5.2.3.3 Manque d’encadrementPrès de 38% des femmes et 51% des hommes considèrent le manqued’encadrement comme l’une des causes de l’exploitation sexuelle des mineursà des fins commerciales.Cette opinion est partagée par 16% de femmes contre 26% d’hommes ayantun niveau d’études secondaires. Pour ceux ayant fréquenté l’université, lepourcentage d’hommes et de femmes est presque identiques, soit 7% et 7.8%respectivement. En ce qui a trait à la proportion de femmes et d’hommesayant fréquenté le primaire ou n’ayant jamais été à l’école, des différencessont observées quant à la prise en compte du manque d’encadrement commecause du phénomène d’exploitation sexuelle des mineurs. On note d’unepart qu’il existe plus d’hommes (9.2%) que de femmes (6.5%) avec un niveaud’éducation primaire qui pense que le manque d’encadrement est l’un desfacteurs explicatifs de ce phénomène. Par contre, pour la catégorie de ceuxqui n’ont jamais fréquenté l’école, une inversion dans la proportion estobservée: 3% d’hommes contre 5.2% de femmes.L’éducation tire encore la sonnette d’alarmes particulièrement à l’analyse desrésultats pour chacune des modalités. Paradoxalement, deux tendancesinverses sont observées chez les femmes et chez les hommes. Uneprogression positive chez les femmes en fonction du degré de scolaritéconduit à croire que celles-ci prennent plus conscience que les hommes del’importance de l’encadrement chez les enfants et les jeunes. Bien que laprovenance de l’encadrement ne soit pas précisée dans le questionnaire, ilsuggère qu’une part de responsabilité soit imputée de manière générale à lasociété.74


5.2.3.4 Valeurs moralesLes données du sondage indiquent que 27% de femmes contre 40% d’hommesopinent que les valeurs morales constituent l’une des causes de l’exploitationsexuelle des mineurs.En considérant le niveau de scolarisation, deux points méritent d’être signalés:• un pourcentage identique d’hommes et de femmes pour la catégorien’ayant jamais fréquenté l’école (4%)• au niveau secondaire une plus grande proportion d’hommes (18.5%)que de femmes (10.4%) ainsi qu’au niveau universitaire (9.2% hommescontre 6.5% de femmes).Ces résultats sont significatifs dans la mesure où ils confirment le poids del’éducation dans le renforcement de certains schèmes de pensée ou decomportement. Cette opinion qui se retrouve en quatrième position parmi lesexplications des causes du phénomène mériterait d’être creusée dans lamesure où elle pourrait permettre de mieux cerner les causes véritables duphénomène d’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales.5.2.3.5 Violence dans la familleD’une manière générale, les résultats du sondage montrent une tendance pluspoussée chez les femmes (20%) que chez les hommes (17%) à considérer laviolence dans la famille comme une des causes de l’exploitation sexuelle desmineurs.Deux fois plus de femmes (8%) que d’hommes (4%) ayant atteint le niveauuniversitaire estiment que ce phénomène est lié à la violence dans la famille.Cette proportion est la même pour ceux qui ont un niveau d’études primaires(4% de femmes contre 2% d’hommes). Au niveau secondaire, un changementde tendance est observé : le pourcentage d’hommes à opiner que la violencedans la famille est l’une des causes de l’exploitation sexuelle des mineurs estlégèrement plus élevé que celui de femmes, soit 6% et 4% respectivement. Pourceux qui n’ont jamais fréquenté l’école on ne retrouve que 1.3% de femmes.Ceci s’explique par le fait que la femme est généralement la victime de cetteviolence domestique.75


En résumé, les adultes au courant de l’existence de l’exploitation sexuelle desmineurs attribuent d’une manière générale ce phénomène à la pauvreté desparents. Il convient de souligner que:• pour le niveau n’ayant jamais fréquenté l’école, la proportion de femmesévoquant la pauvreté, le manque d’encadrement et la violence dans lafamille est plus importante que celle des hommes.• pour le niveau secondaire, on retrouve plus d’hommes que de femmes àmentionner la pauvreté, la démission des parents, le manqued’encadrement, les valeurs morales et la violence dans la famille.• pour deux raisons, valeurs morales et manque d’encadrement une partégale d’hommes et de femmes est observée pour les niveaux n’ayantjamais fréquenté l’école et universitaire respectivement.• la violence dans la famille est la seule raison où une nette dominante defemmes est remarquée.En conséquence, l’éducation semble contribuer pour une grande part dans lerenforcement et la reproduction de certaines valeurs, idées et représentations.La société, d’une manière générale, est reléguée au second plan dans laprotection de la population infantile et juvénile. L’acuité de la criseéconomique tend globalement à favoriser une certaine « justification » parles adultes du phénomène d’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales et limite leur questionnement tout niveau de formationconfondue sur les causes véritables, voire l’existence d’exploitateurs etdemandeurs de ce genre de services.76


Tableau 26: Opinions des adultes sur les causesde l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales77


5.2.4.- Connaissances sur les lieux où se pratique la prostitutionSelon 37.2 % des sondés, les mineurs pratiquent la prostitution dans desquartiers autres que les leurs. Par contre 4.8% pensent qu’ils la pratiquentdans leurs quartiers de résidence.De façon plus précise, en ce qui concerne les lieux où sont généralementmenés cette activité, les femmes et les hommes sont généralement du mêmeavis à une différence d’un ou deux points de pourcentage . Ainsi pour 74 %de femmes et 75 % d’hommes questionnés La rue est le principal lieumentionné. L’hôtel se place en deuxième position pour 53 % des femmes et55 % des hommes. L’activité se mène aussi Chez le Client selon 32 % desfemmes et 30 % d’hommes. La voiture (6.5 % de femmes contre 8.5 % deshommes) est aussi mentionnée comme lieu d’activité de l’exploitation sexuelledes enfants à des fins commerciales. Les différences d’opinion s’observentuniquement en considérant le cimetière (22 % de femmes contre 16 %d’hommes) comme lieu où se pratique l’exploitation sexuelle des mineurs.Tableau 27: Principaux lieux indiqués par les adultesPar contre en comparant les zones où le sondage a été mené, il convient deremarquer qu’à Port-au-Prince, les enquêtés ( 74.5 %) sont plus enclins àconsidérer la rue comme principal lieu où se pratique les activités liées àl’exploitation sexuelle des mineurs tandis que pour ceux (86%) rencontrés àPétion-Ville, l’hôtel serait le principal lieu d’une telle activité indépendemmentdu fait que le pourcentage de réponse pour la rue soit sensiblement le même.A Port-au-Prince:• Dans les rues (74.5 %)• A l’hôtel (44.6%)• Chez le partenaire (28.7%)• Au cimetière (21.7%)A Pétion-Ville:• A l’hôtel (86.0%)• Dans les rues (76%)78


Ces résultats réflètent à la fois la dynamique économique et la vie nocturnede chacune de ces agglomérations. En effet, Pétion-Ville concentre, depuisquelques années, la majeure partie de l’activité hôtelière, des bars et desrestaurants et connaît une vie nocturne beaucoup plus intense que Port-au-Prince. Ceci explique par conséquent le fait que l’hôtel soit le lieu le plusfréquenté à Pétion-Ville pour ce genre d’activités.5.3- Position, réactions et recommandations des adultesEn général, les femmes (90%) qui déclarent qu’elles éprouveraient de la gênesi elles assistaient à un acte d’exploitation sexuelle d’un mineur par un adultesont plus nombreuses que les hommes (80%).Il convient de signaler que, seulement au niveau de la catégorie de ceux quiont atteint un niveau secondaire, on retrouve plus d’hommes ( 41 %) que defemmes (35 %) à avoir une mauvaise perception d’une telle situation. Pour lesautres niveaux de scolarité, comme l’indique le tableau suivant, lepourcentage de femmes à avoir une opinion différente est plus élevée.Tableau 28: Positions des adultes témoins éventuels d’un cas d’exploitationsexuelle des mineurs à des fins commerciales79


Témoin d’un tel acte, la principale réaction serait de recourir à la famille dumineur. Ce recours « à la famille comme institution garente des valeursmorales » est beaucoup plus fort, pour l’ensemble, chez les femmes (65%)que chez les hommes (48%). Une telle démarche conforte l’opinion expriméepar les adultes quant aux causes explicatives du phénomène d’exploitationsexuelle des mineurs à des fins commerciales à savoir: la démission desparents.Par ailleurs, les femmes (49%) seraient plus enclines que les hommes (42%) àla dénoncer. Il convient de signaler le fait que l’on retrouve plus d’hommes(18.5%) ayant atteint le niveau secondaire à réagir de la sorte que de femmes(16.9%). Pour les autres niveaux de scolarité les femmes sont plus portéesvers une telle réaction que les hommes. Ceci s’explique par: i) la présencebeaucoup plus importante, d’une manière générale, de la femme dans lenoyau familial; ii) la vision des hommes en relation à la sexualité et à laprostitution.Certaines femmes (30%) et certains hommes (29%), presque à part égale,déclarent qu’ils auraient une attitude pro-active en intervant pour empêcherun tel comportement. Ceci fait ressortir en filigrane une certaineresponsabilisation de la « société » en relation à une telle situation.Tableau 29: Réactions possibles des adultes témoins d’une situationd’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commercialesEn dépit du malaise ressenti et de la prédisposition à réagir, les dénonciationseffectives sont rares: seulement 10% de femmes et 7.7% d’hommes ont eu àle faire. Dans ces cas-là, il convient de signaler que les principales actionsentreprises consistent:• pour les femmes soit d’aviser les parents ou d’en discuter avec des proches(amis ou parents)• pour les hommes soit d’avertir les parents ou de le dénoncer par voie depresse (radio ou journal) ou des écrits (documents).Aussi bien, les femmes (91%) que les hommes (89%) sont convaincus qu’il estpossible d’entreprendre des actions pour contrecarrer l’exploitation sexuelledes mineurs à des fins commerciales.80


Tableau 30: Pistes de solutions proposées par les adultes pour contrecarrerl’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commercialesLeurs réponses indiquent le type d’activités à mettre en place et identifient lesprincipaux secteurs responsables de leur mise en oeuvre. Les activitésmentionnées prétendent offrir des pistes de solutions aux principales causesde l’exploitation sexuelle des mineurs.En ce qui a trait aux institutions et/ou secteurs identifiés, 48% des femmescontre 50% d’hommes pensent que c’est à l’Etat d’intervenir. Il est à noterqu’une part non négligeable de femmes (21%) considèrent qu’unecollaboration Etat/secteur privé pourrait être un moyen de contrecarrer lesméfaits d’une telle situation et offrir des alternatives de solutions.Tableau 31: Institutions/Secteur identifiés par les adultesEn résumé, la création d’emplois jeunes est la principale solution signalée parl’ensemble des adultes (hommes et femmes). Si l’on tient compte des résultatsdu sondage, les problèmes économiques, en particulier, la pauvreté desparents, sont considérés par les adultes enquêtés comme l’une des principalescauses de l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales, aussicomprend-on leur préoccupation pour pallier à cet état de fait.Par ailleurs, l’analyse des résultats obtenus pour la question relative auxinstitutions ou personnes responsables de la mise en œuvre de telles actions,révèle que l’Etat devrait être le premier à prendre une telle responsabilité. Ilest également important de signaler l’accent mis sur une collaborationEtat/Secteur privé ainsi que Etat/Société civile en général pour attaquer ceproblème et appliquer les pistes de solutions proposées.81


CONCLUSIONCette étude exploratoire sur l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales en Haïti et de sa pratique dans la zone métropolitaine a permisd'identifier et d'analyser un certain nombre de réalités que confrontent desmineurs victimes d'une des pires formes d'exploitation. L'étude permetégalement d’identifier certaines pistes pouvant conduire à une meilleureappréhension de la problématique.Les causesIl faut reconnaître en premier lieu que bien des facteurs en Haïti rejoignentceux que les Nations Unies ont retenus, et que nous avons mentionnés dansl’Introduction de la présente étude, pour essayer de répondre à la question« Pourquoi la prostitution infantile existe-elle?»En Haïti, la misère, la pauvreté sont à la base du phénomène. Cetteaffirmation se retrouve dans toutes les études consultées qui traitent desenfants en situation difficile Tous les informateurs rencontrés au cours de cetteenquête que ce soit au niveau des institutions ou des professionnelss’entendent pour identifier la pauvreté comme première cause del’exploitation sexuelle des mineurs. Cette explication se retrouve aussi dansla perception que les mineurs ont de leur situation et dans leurs requêtes:d’abord améliorer leur situation économique.Cette première cause est intimement liée au 2ème facteur signalé par lesNations Unies: vivre et travailler dans les rues. Cette forme d’exploitation desmineurs se retrouve en Haïti particulièrement dans le monde des enfants dela rue et des enfants des rues. Les études dans lesquelles on retrouve desinformations sur cette problématique sont celles consacrées à cette catégoried’enfants. Les 76 mineurs touchés par cette enquête appartiennent à cemilieu.Enfin, beaucoup de ces enfants -31 soit 40.7 de l’échantillon - ont étévictimes d’un abus sexuel avant 12 ans rejoignant ainsi la 3ème catégorie dumémorandum cité.La pauvreté, l’éclatement des familles, le phénomène des enfants dans et dela rue, les abus sexuels dont sont les victimes les mineurs, l’environnementsocial et les pressions qu’il exerce sur les jeunes, tels sont donc les principalescauses de l'ESC de mineurs, en Haïti comme dans de nombreux autres pays.83


Mais on a vu que les Nations Unies retiennent comme autre facteur une desconséquences des conflits armés: les enfants séparés de leurs parents ou quideviennent orphelins; cette catégorie d’enfants est bien présente en Haïtimême si la cause principale n’est pas un conflit armé en tant que tel. L’exoderural, des situations de répression politique massive comme le Coup d’Etat de1991 ont les mêmes conséquences. Certains observateurs notent d’ailleursque l’augmentation du nombre des enfants de la rue coïncide avec la périodedu Coup d’Etat. D'autres part la pandémie du SIDA a considérablementaugmenté le nombre d’orphelins abandonnés à eux-mêmes.Il faut noter que l’existence du phénomène de l’exploitation sexuelle desmineurs dans le monde des écolières est certainement liée à une situationfinancière précaire, mais sans doute aussi à la pression qu’exerce sur cesjeunes la société de consommation. Au cours de l’enquête nous avonsretrouvé certaines expressions comme «elles aiment le luxe» en parlant desjeunes filles victimes de l’exploitation sexuelle et qui certainement réfèrent aufait que des «clients» profitent du besoin ou de l’envie qu’ont ces jeunes decertains biens et qui les rendent plus vulnérables.Les caracteristiques.Les fondements de l’exploitation sexuelle des mineurs a des fins commercialesen Haïti ne sont pas très différents de ceux qu’on observe dans d’autresrégions. On retrouve les mêmes grands traits non seulement dans les autrespays de la région où de telles études ont eu lieu (Costa Rica, RépubliqueDominicaine, Panama) mais aussi à l’échelle internationale. Un récentdocumentaire de TV5 sur l’exploitation sexuelle des jeunes femmes dans lesanciens pays de l’Europe de l’Est fait état du nombre grandissant de jeunesfilles de moins de 18 ans impliquées dans ce trafic.Les caractéristiques de l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales en Haïti mises en évidence par la présente étude méritent d’êtresoulignées.Le genre est important.Les filles sont les premières victimes. Les institutions rencontrées, les résultatsde l’enquête menée auprès des mineurs, les personnes ressourcesinterviewées le confirment. Cette situation correspond à la mentalité machistede notre société et à sa vision de la femme. Elles subissent plus de violence,elles sont moins bien payées. La société les rejette beaucoup plus que lesgarçons qui peuvent s’en sortir plus aisément s’ils en trouvent l’occasion.64Cité par Martine Bernier et Françoise Ponticq, op.cit.84


Le mileu social aussi.Ces mineurs en général ont une scolarité faible, leur vie sexuelle a commencétrès tôt, souvent avant 12 ans et de façon violente. Un milieu familialsouvent défavorisé, des conditions d'existence marquées parles pénuries et la promiscuité infléchissent très souvent ledestin de ces mineurs. Bon nombre d’entre eux sont victimes demaladies sexuellement transmissibles et sont souvent consommateurs dedrogues. La plupart travaille pour leur propre compte mais nombreux sontceux qui doivent partager leur gain avec quelqu’un d’autre qui vit á leursdépens. Leurs parents, les propriétaires d’hôtels ou de bordels bénéficient deleur activité.“Clientèle” et lieux de l'ESC concordent.Le profil des clients décrit par l’échantillon concerné par cette étudecorrespond en grande majorité à des jeunes de classe aisée. Cependant,certaines particularités ont pu être décelées: les filles sont souvent victimes declients issus de leur milieu, les clients qui sollicitent les jeunes garçons sontplus sélectifs, les mineurs identifient des étrangers comme clients.Les lieux où se pratique l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales observés au cours de cette étude, correspondent à tous ceuxsignalés dans différentes études: lieux où généralement se réunissent lesenfants dans et de la rue, certains quartiers populaires, des zones récréativesou proches de zones récréatives, des quartiers où existent des activitésnocturnes: restaurants, bars, discothèques, comme certains quartiers dePétion-Ville. Les comportements et le type de client varie en fonction de cescaractéristiques zonales.Ils sont nombreux mais non recensés.Le nombre d’enfants atteints par ce fléau est difficile à préciser. Le milieu oùils se retrouvent en majorité est encore mal connu: celui des enfants des rueset des enfants dans la rue. Le nombre d’enfants de la rue aurait augmenté de300% depuis 1991 où ils étaient environ 2000. Actuellement les chiffres sesituent entre 6226 et 7833 dans la région métropolitaine selon l’Instituthaïtien de Statistiques et d’Informatique 64 . Il n’existe aucune donnée surl’extension de l’exploitation sexuelle des mineurs dans le milieu scolaire et lescircuits d’adoption n’ont fait l’objet d’aucune enquête et échappent biensouvent à tout contrôle.La même source signale que pour les enfants dans la rue, le nombre diffèreselon les jours. Il y en aurait un plus grand nombre le samedi, ce qui amèneles auteurs à envisager l’hypothèse d’une “clientèle” des enfants ponctuelle,hypothèse que les études ultérieures devront prendre en compte.64Cité par Martine Bernier et Françoise Ponticq, op.cit.85


A ce sujet, un constat s’impose: 85% des mineurs en situationd’exploitation sexuelle à des fins commerciales souhaitentqu’on les sorte de la rue.L’étude n’a pas pu identifier des réseaux de l’exploitation sexuelle desmineurs à des fins commerciales en tant que tels. Par contre de plus en plusil existe des lieux où elle se pratique ouvertement: Kay Gwo Manman parexemple.Le circuit touristique comme incitateur à l’exploitation sexuelle des mineurs neparaît pas jouer un rôle important actuellement. L’exploitation sexuelle desécolières bien que dénoncée, reste encore un sujet tabou.Pas de prise en charge.La réponse institutionnelle à cette situation est quasi inexistante. Tant auniveau de l’état que de la société civile, les interventions sont du type caritatif,cas par cas. Rien n’est entrepris de façon systématique et spécifique pourmieux connaître le phénomène et essayer de l’enrayer de manière durable.Paradoxalement, souvent les institutions de la société civile prennent la placede l’état alors qu’elles devraient être des structures d’appoint.La justice est inefficiente; elle est d’ailleurs rarement interpellée soit par lesinstitutions, soit par les mineurs ou leurs parents. La revue de la législationnationale, en regard des instruments internationaux ratifiés par Haïti apermis de se rendre compte que dans la réalité l’enfant haïtien n’est pasprotégé. Les lois sont désuètes, pas suffisamment précises et laissentbeaucoup trop de latitude aux magistrats et autres responsables des enfants.Les institutions étatiques lorsqu’elles sont prévues par la loi ne dépassent pasle stade du papier. Les textes de loi nationaux tout en étant très limités etincomplets, permettraient un minimum de protection s’ils étaient appliqués.Les tabous pèsent encore lourd.Tout se passe à tous les échelons de la société haïtienne comme s’il fallaitocculter le phénomène de l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales, soit par peur d’en réaliser l’ampleur et d’avoir à en analyserles causes – ce qui remettrait en question bien des comportements individuelsou collectifs — soit pour continuer à assurer l’impunité aux responsables ouà cacher la complicité explicite ou implicite de certains secteurs. En effet lesréactions des personnes touchées par le sondage indiquent au mieux unesensibilité de type parental mais aucun positionnement majoritairecondamnatoire. les réactions de "gêne" n'entraînent pas une propension à ladénonciation.86


RECOMMANDATIONSCette étude exploratoire suggère des recommandations dont certainesproviennent des mineurs eux-mêmes, principaux concernés par ce fléau etd’autres par les adultes qui ont bien voulu opiner sur la question. En tout étatde cause, nos principales suggestions sont les suivantes:• Etudes approfondies sur les différents aspects de la problématique del’exploitation sexuelle des mineurs visant à identifier dans l’ensemble dupays les zones les plus touchées par l’exploitation sexuelle des mineurs àdes fins commerciales et également les réseaux et bénéficiaires d’une telleactivité.• La prise en considération de mécanismes de prévention comme moyen derecours devant la loi et les possibilités de sanctionner les coupablesdevraient être également contemplées dans le cadre d’une telle politique.• Mise sur pied d’une politique nationale de défense des droits de l’enfantmettant en synergie les institutions publiques et privées. L’élaboration d’unetelle politique implique la mise à jour de la législation haïtienne et sonadéquation avec les textes internationaux.• Sur le plan juridique les mesures suivantes pourraient être mises enapplication.• Finalisation de la législation relative aux droits des enfants:- Relancer les réflexions à partir de la dernière version du projet du Code del’enfant;- Mettre sur pied un comité juridique pour accompagner les différentspartenaires qui vont travailler sur le projet de code de l’enfant;- Faire la sensibilisation sur les différentes nouveautés qui s’y trouvent, parrapport aux textes ratifiés;- Soumettre le texte au parlement et continuer la sensibilisation pour le faireadopter.• Mise sur pied effective et restructuration des institutions étatiques depromotion et de défense des droits des enfants, surtout au niveau despostes de police des zones sensibles à l’exploitation sexuelle des enfants.Pour faciliter cette restructuration il faudrait:- Mettre sur pied un comité inter-ministériel pour se pencher sur unepolitique nationale de défense des droits des enfants.- Définir le rôle de chacun des ministères concernés et l’action àentreprendre avec un calendrier réaliste d’activités et de mise en œuvre.- Avoir au niveau de la primature une coordination de ce comité et yadjoindre l’Office de la Protection du Citoyen.87


• Sensibilisation, formation, encadrement des fonctionnaires chargés de laprotection et de la défense des enfants:- Dès la mise sur pied de ce comité inter-ministériel, faire des séancesd’information sur les droits des enfants, les prescrits de la loi, lesconventions et autres textes ratifiés et responsabiliser les différentesinstances concernées.- Mise en place effective de services à offrir aux enfants: centre d’accueil,tribunal, maison d’hébergement, services spéciaux au niveau descommissariats et sous commissariats, conseillers des enfants auprès desinstances qui les reçoivent généralement.- Décentralisation de ces services.• Mise sur pied d’une coordination mixte (public-privé) pour que le publicen général et les enfants en particulier sachent où s’adresser en cas de- besoinfaciliter la mise en réseau d’institutions privées et de la société civile- organisée;mettre sur pied un comité qui servirait de lien entre les institutions publiqueset privés afin que des actions communes puissent être planifiées etexécutées;• Réalisation d’une campagne d’information sur les droits des enfants, lesdifférentes facettes de l’exploitation sexuelle des mineurs et les sanctionsqu’entraîne une telle pratique.- les droits des enfants- les structures mises sur pieds- les instances spécialisées et les services qu’elles offrent- les sanctions encourues- un espace ouvert et public d’information sur les enfants pour les enfants etles adultes• Plaidoyer pour rendre plus visible le phénomène non seulement dans lesmédias mais dans les lieux où se retrouvent les enfants à risques.• L’élaboration de programme d’information et de formation pour lechangement de comportement devrait être envisagée dans les écoles auniveau secondaire, au niveau des associations de jeunes mais aussi dans lesmilieux où se retrouvent les enfants à risques : la rue, les orphelinats, lespensionnats, les centres de détention.• Renforcement des institutions travaillant dans le domaine. Ce renforcementdoit se baser sur des propositions concrètes recherchant de manièresystématique la collaboration entre le secteur public et la société civile, cedans le cadre de la politique nationale élaborée à cet effet. L’objectif est derechercher une complémentarité et une coordination dans ce domaine.• Encadrement et interventions ponctuelles auprès des victimes (éducation,santé, hébergement).88


BIBLIOGRAPHIEBernier Martine, Dr Ponticq Françoise (1999).- Planification d’interventions utilisant les modessociale et économique des enfants et des jeunes…, Rapport final soumis à Aide à l’Enfance Canada etUNICEF, pp 124.Bijoux Legrand.- Regard critique sur la famille haïtienne. MiméoCentre Maurice Sixto.- Enfants en domesticité. MiméoChéry Jean Robert (1995).-Les abus sexuels : Enfants prostitués. Centre d’Education Populaire,Miméo. Port-au-Prince, HaïtiChéry Jean Robert (1996).- La situation des enfants. Miméo. Port-au-Prince, HaïtiCONEF (sans date de parution).- Violence exercée envers les filles dans le contexte scolaireCongrès mondial contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales (1996).- Rapports des documents de Travail.HSI (2002).- Etude sur la situation des filles des rues et dans les rues de l’aire métropolitaine, ACDI,Centre d’Appui Familial, Save the Children, Mimeo, Rapport d’études, pp 44.HSI (sans lieu et date de publication).- Les enfants en domesticité.Haïti information libre (1996).- Le droit des enfants à avoir des droits –Vol IX No 98.MICIVIH (1998).- Observations préliminaires sur un projet de code de l’Enfant.Ministère de la Justice-PNUD 2001.- Index chronologique de la législation haïtienne 1804-2000.Nations Unies.- Recueil d’instruments internationaux – Volume I première et deuxième partie.OIT/IPEC (2002).- Explotación sexual comercial de personas menores de edad en RepúblicaDominicana, pp 207.OIT/IPEC (2002).- Explotación sexual comercial de personas menores de edad en Costa Rica, pp 206.OIT/IPEC (2002).- Explotación sexual comercial de personas menores de edad en Panamá, pp 256.Pierre-Louis Menan.- Code civil haïtien – Annoté et mis à jour.Pierre-Louis Rosevel (2001).- Les mineurs et la détention préventive en Haïti.89


Trouillot Ernst & Pascal.- Code de Lois Usuelles.Trouillot Ertha Pascal.- Code de Lois Usuelles – Tome 2.Trouillot Evelyne .- Restituer l’enfance. HSI (2001). Port-au-Prince, HaïtiUNICEF (2000).- La situation des enfants dans le monde.UNICEF (1993).- Les enfants en situation spécialement difficile en Haïti – Rapport d’enquête.UNICEF-OIM (2002).- Trafic des enfants haïtiens vers la République Dominicaine.UNIQ (1999) Guide de travail pour les encadreurs accompagnant les enfants de la rue en Haïti.Vandal Jean.- Code pénal haïtien – Mis à jour.Vieux-Gousse (1996).- Les enfants dans la législation du travail.Le droit des enfants dans la législation haïtienne – 1995.Projet de code de l’enfant.Institutions rencontrées: L’Escale, Timktek, Kay Fanm, Centre d’Éducation Populaire (CEP)90


ANNEXES91


ANNEXE I.- EntrevuesL’EscaleL’Escale ou Centre d’accueil pour enfants en domesticité(CAED) héberge et soigne une trentaine d’enfantsvictimes de sévices. Les enfants récupérés font l’objetd’une prise en charge globale (affective, médicale etpsychologique). Cet hébergement médico-social est uneétape en vue de leur réinsertion au sein de leur famillepour autant qu’il n’y ait pas de refus des parents ou desenfants (extrait d’un dépliant de Aide Haïti, associationhumanitaire suisse qui supporte le Centre d’accueilentre autres projets en Haïti).L’Escale est située dans la localité de Drouillard, zonemarginale et défavorisée des environs de Port-au-Prince et fonctionne depuis 1997.Les enfants qui s’y trouvent ont été amenés soit parl’Institut du Bien Être Social, soit par la police et mêmepar une radio de la capitale, Radio Guinen.L’Escale reçoit seulement des fillettes. La directrice ducentre pense qu’elle reçoit seulement des filles parceque celles-ci sont plus nombreuses en domesticité vuque la société en fait des êtres plus dociles, plustravailleurs.Les activités se déroulent autour l’éducation, la santé,l’éducation sexuelleL’Escale ne travaille pas directement avec des enfantsvictimes d’exploitation sexuelle à des finscommerciales, mais la directrice reconnaît que parmiles enfants qu’elle reçoit certains se sont fait exploitersexuellement. (10%). Elle rapporte que dans sonexpérience, elle a rencontré beaucoup de cas de petitesfilles ayant subi des abus sexuels de la part de femmesadultes.Elle définit l’exploitation sexuelle des mineurs à des finscommerciales comme le fait d’utiliser des mineurs à desfins sexuelles pour de l’argent. La misère, l’absenced’une politique de protection de l’enfant sont lesfacteurs qui amènent les mineurs à devenir victimes del’exploitation sexuelle et ceux qui ont des antécédentsd’abus sexuels sont les premières victimes. (situation àrisque)L’impunité, la corruption des juges, la complicité de lapolice favorisent le phénomène. L’état ne remplit passon rôle de protecteur des droits de l’enfant et lenombre d’enfants victimes augmente de plus en plus.Les institutions devraient s’engager dans des plaidoyerspour faire respecter les droits de l’enfant, pour faireappliquer les dispositions du code du travail sur letravail des enfants et se battre pour que soit définie unepolitique nationale visant la protection des enfants.Toutes ces activités requièrent des ressources financièresénormes.Timkatek (Timoun kap teke chans)Timkatek est une ONG des Pères de St Jean Bosco,dirigée par le père SimonElle a été fondée en 1994 et intervient à Pétion-Ville età Delmas. Elle est située à Pétion-Ville, rueDerenoncourt.Elle offre un accompagnement aux enfants des rues ouen domesticité consistant en soins médicaux, éducation,hébergement pour les garçons.Timkatek reçoit plus de garçons que de filles et leresponsable pense que c’est parce que les garçonstrouvent moins facilement de travail.Actuellement l’institution compte 40 garçons internés et7 filles.Parmi ces enfants, il croit qu’il y en a qui sont victimesd’une exploitation sexuelle à des fins commerciales.Comme gains ils reçoivent de l’argent, de la nourriture,des petits travaux.Cette exploitation a des conséquences néfastes sur lesenfants: grossesses précoces, MST, rejet social. Il noteaussi que malgré tout les garçons en ressentent unecertaine fierté du fait d’être choisi par un adulte commepartenaire sexuel.93


Les activités de Timkatek visent le renforcement de laconfiance des enfants en eux. Ils accordent une trèsgrande importance aux soins médicaux.Pour le responsable rencontré, l’exploitation sexuelledes mineurs à des fins commerciales, c’est le faitd’abuser d’enfants sans protection.La misère, la démission des parents, l’absenced’intervention de l’état en sont les premières causes.L’impunité, la corruption, le laxisme de la police et dela justice contribuent à la perpétuation du phénomène.Les institutions devraient travailler à renforcer la justice.Comme intervention il préconise la création d’emploidans les campagnesKay FanmKay Fanm est une organisation féministe créée en1984. Nous y avons rencontré la Coordonnatrice desprogrammes et Responsable administrative qui ytravaille depuis sa création.Kay Fanm intervient particulièrement dans l’Ouest,l’Artibonite, Les Nippes mais l’impact de ses activitésest national.Dans ses programmes Kay Fanm offre une aidejuridique aux femmes victimes de violence, uneformation technique particulièrement en gestion depetites entreprises, des sessions de sensibilisation sur lacondition féminine, un accompagnement en termed’hébergement, aide matérielle, d’encadrementorganisationnel, etc.Kay Fanm s’adresse particulièrement aux femmescependant l’institution reçoit des enfants restavek ensituation difficile ou des enfants violés. L’âge de cesenfants varie entre 8 mois et 15 ans; ils sont amenéssoit par leurs parents soit par des voisins, charitables.Les coupables de viols sont en général un membre dela famille. Les restaveks pour la plu-part, se sont enfuiset sont conduits à l’institution par un membre de lacommunauté. A date, les enfants reçus sont des filleset la coordonnatrice pense que les violences exercéessur les garçons sont moins dénoncées, même occultées.De ces enfants, elle ne peut citer qu’un seul casd’exploitation sexuelle d’une jeune mère de 15 anssans ressources.En dehors d’un accompagnement juridique quand il ya poursuite et d’une aide matérielle, Kay Fanm n’a pasd’activités particulières pour ces enfants si ce n’est deles référer aux institutions concernées.Pour Kay Fanm, l’exploitation sexuelle des mineurs àdes fins commerciales réfère aux mineurs qui travaillentpour un proxénète ou qui le font pour survivre.Cette exploitation a des conséquences différentes pourles filles et les garçons. La société est plus critique pourles filles que pour les garçons qui, s’ils en trouventl’occasion, s’en sortent plus facilement, alors que lesfilles restent entachées à vie aux yeux de la société. Deplus l’impunité perpétue le phénomène de victimisationqui affecte les filles.La responsable de Kay Fanm pense que la misère est lacause principale de l’exploitation sexuelle des mineursà des fins commerciales.L’état de déliquescence de la justice – impunité,corruption, préjugé contre les mineurs exploitéssexuellement, la préséance de la langue française dansles tribunaux, la loi sur l’adoption – favorise laperpétuation du phénomène.L’état est complètement désengagé, manque depolitique, manque de structures et le travail desinstitutions s’en ressent; en effet elles se retrouvent àintervenir dans des champs qui devraient être dudomaine de l’état et le désengagement de l’état bloqueles résultats.Les institutions concernées devraient promouvoir unplaidoyer. Les activités primordiales devraient être ladénonciation du phénomène, un accompagnement desvictimes et un plaidoyer. Kay Fanm tient à soulignerque ce genre d’enquête devrait non seulement servir àdes projets d’assistance mais aussi à nourrir un dossierde plaidoyer.94


Le Centre d’Éducation Populaire (CEP)Le Centre d’Éducation Populaire ou CEP est une«Association pour les Enfants des Rues de Port-au-Prince». Il est situé à la Rue St. Gérard #10. C’est «unorganisme à but non lucratif, créé le 25 mai 1986 dansle but de mettre les jeunes en situation de développer,leurs ressources propres et de se tailler une place dansla société comme citoyen responsable à part entière.Nous avons rencontré le Directeur du CEP, poste qu’iloccupe depuis sa création.Le centre intervient directement auprès des enfants dansla rue. Les membres de l’équipe du CEP interviennentauprès des enfants qui se regroupent du côté : 1) duChamps – de -Mars, 2) de la Cathédrale de Port-au-Prince, 3) le Portail Léogane, 4) Decayèt, 5) et le CinéLido (coin Grand Rue et Rue Joseph Janvier).Le CEP offre aux enfants des services de: formationtechnique ou professionnelle; de santé; d’éducation,d’accompagnement et de secours (sur la formed’affermage de maison pour certains); et des foisfavorise leur réintégration dans leur famille et / ou àl’école.Le CEP a comme “clientèle” deux (2) types d’enfants :1) les enfants des rues, ceux qui ont la rue commehabitat; 2) et les enfants dit de la rue, ce sont desenfants qui passent leurs journées dans la rue mais quidorment chez eux le soir. Le CEP retrouve ces enfantsen allant vers eux dans la rue et travaillent avec des«cartels» d’enfants, parce que les enfants se regroupentet fonctionnent ensemble.Les enfants qu’ils rencontrent le plus souvent sont desgarçons, les petites filles des familles en grandedifficulté sont plus souvent placées en domesticité.D’après lui, le CEP rencontre parmi ces enfants,certains impliqués dans la prostitution. Ce sont le plussouvent des filles, parce que les petits garçons de la rueont d’autres alternatives pour se procurer des sous, telque le lavage des voitures, la mendicité, le «pickpocket», etc.Les filles impliquées dans la prostitutions bénéficient del’argent, des avantages sociaux tel qu’un «petit job»,des habits, des jeux, des bijoux, et la possibilité detrouver d’autres clients. Pour les garçons impliquésdans la prostitution ce sont les même types debénéfices.D’après le directeur du CEP la prostitution a certainesconséquences identiques sur les filles que sur lesgarçons. C’est une pratique qui devient une manièrede vivre très difficile à quitter; la possibilité d’attraperles maladies sexuellement transmissibles (MST) est ungrand risque; la dévalorisation de soi; la difficultéd’établir des relations affectives normales constituentdes handicaps à long terme pour les enfants.Cependant il existe certaines différences. Il est trèsdifficile pour les garçons de fonder un foyer etd’accepter des responsabilités et les filles ont de plus enplus de difficultés a atteindre l’orgasme, par cequ’éventuellement elles se perçoivent et elles sontperçues comme «un trou» et non comme une personne.La société, en général, perçoit ces enfants très mal,pour les filles, on pense qu’elles ne valent rien, ellessont perdues, c’est une génération qui n’a pas de«non». Elles ne vont pas à l’école, elles ne travaillentpas en plus elles se prostituent. Pour les garçons, ils«sont bons à mourir», la société haïtienne tolèrebeaucoup plus les lesbiennes que les homosexuels.D’ailleurs la seule catégorie de personne qui accepteles homosexuels en Haïti, sont les lesbiennes.Le CEP rencontre les enfants impliqués dans laprostitution dans le cadre de son travail mais n’a pasde programmes spéciaux adresses à ces enfants.Pour le CEP un enfant exploité sexuellement c’est «unenfant âgé de sept (7) à dix sept (17) ans, situé entreun passeur et un client, ou bien un enfant qui travailledans un bordel.95


ANNEXE II.- MineursRépartition des enquêtés (en nbre absolu) selon leur sexeet celui de leur partenaireRépartition des enquétés selon qu’ils aient reçues ou non de l’aideTypes d’aides reçues usuellement par les enquêtés97


Résultats trouvés par les enquêtés en adressant des plaintes aux autoritésconcernéesTypes de secours reçus après avoir adressédes plaintes aux autorités (La Police)98


Les requêtes des enquêtés en terminant l’interview99


Disons non au l’ exploitationsexuelle infantile


Organisation Internationale du TravailProgramme International pour l’Eradication du Travail des Enfants (IPEC)Coordination pour l’Amérique Centrale, le Panama, La République Dominicaine et Haïtiwww.ipec.oit.or.cr

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!