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Charlène CLONTS Les Synesthésies dans les ... - Ekphrasis

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170 <strong>Charlène</strong> <strong>CLONTS</strong>Portrait de Giovanni Arnolfini (1987), réduità une oreille, un front, un œil, devient leportrait de celui qui voit, de celui quipense et de celui qui entend. Il en va demême avec le Portrait d’Antonin Artaud(1960) qui constitue le portrait du PoèteVoyant, Parlant, Pensant, préconisationrimbaldienne citée par G. Luca <strong>dans</strong>«La Clef» 25 . Ainsi, la déformation <strong>dans</strong><strong>les</strong> cubomanies donne toute sa place auxsensations et à l’intériorité de l’Homme.Malgré tout, la charge érotique ousensuelle n’est pas exclue et revientà la femme. <strong>Les</strong> corps de femmessont souvent déstructurés, <strong>les</strong> visagessouvent défigurés, <strong>les</strong> membres souventcoupés du reste du corps, et le tout estrassemblé par G. Luca en des êtres àcaractère monstrueux, comme <strong>dans</strong> sestextes. La définition de la figure fémininequi transparaît <strong>dans</strong> l’ensemble descubomanies devient donc incertaine: nousne savons plus si nous avons affaire àune madone, une Vénus, une baigneuse,une reine, une bourgeoise ou toute autrefemme. La femme, <strong>dans</strong> toute l’œuvrede G. Luca, est puzzle, donc recréation.Quoi qu’il en soit, la déformation deleur corps s’accompagne d’éléments àconnotation érotique, comme <strong>les</strong> trous ou<strong>les</strong> chiffons froissés de manière sensuelle.De plus, G. Luca garde essentiellement <strong>les</strong>caractéristiques physiques qui rappellentle caractère sensuel de la femme: le coudu Portrait de jeune femme de RogierVan der Weyden, <strong>les</strong> yeux de la Vierge àl’Annonciation d’Antonello da Messina, <strong>les</strong>rondeurs du bras de la Vierge au trône deQuentin Metsys, le corps nu de la Vénusd’Urbin de Titien, le téton de Gabrielled’Estrées de l’École de Fontainebleau,mais aussi la chevelure de La GrandeOdalisque d’Ingres. <strong>Les</strong> personnagesreprésentés <strong>dans</strong> <strong>les</strong> tableaux choisis parG. Luca disparaissent au profit d’uneimage de la féminité, comme on peutl’observer aussi <strong>dans</strong> sa poésie: «<strong>dans</strong>cette aimée toujours inventée / se donnentrendez-vous / tous <strong>les</strong> fragments vivants/ trouvés sous <strong>les</strong> ruines biologiques / del’humanité disparue / des fragments decorps» 26 . <strong>Les</strong> titres des cubomanies sont ence sens significatifs. En effet, la plupartdu temps, <strong>les</strong> femmes apparaissent sousl’appellation de «vierge», «madone»,«grâces», «odalisque» ou «baigneuse»,voire tout simplement de «femme».Ainsi, <strong>les</strong> particularismes laissent laplace à des termes génériques. De plus,<strong>les</strong> titres des cubomanies qui font appelà des personnages historiques n’ontpas toujours de lien immédiat avec <strong>les</strong>tableaux-sources: par exemple, Christinedu Danemark (1983) a été réalisé àpartir du tableau d’Holbein intitulé <strong>Les</strong>Ambassadeurs, ou Gabrielle d’Estrée et sasœur (1960) a pour origine le Portraitd’Elisabeth d’Autriche de Clouet. G. Lucacrée donc de toute pièce une image dela femme historique à partir d’un autrepersonnage, quel que soit le sexe. Lafemme, même inscrite <strong>dans</strong> l’Histoire,ne serait pas celle qu’on montre <strong>dans</strong><strong>les</strong> tableaux, mais elle serait autre que25 Luca, La Proie s’ombre, p. 73.26 Luca, L’Inventeur de l’amour, p. 41.

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