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La fausse réforme du Code criminel - Barreau du Québec

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Les avocats en entreprise, porte-étendard de la rectitudeSUITE DE LA PAGE 1Autour de la table :M e Pierre Nollet,vice-président Affairesjuridiques, SociétéRadio-CanadaM e Simon Rivest,vice-président Affairesjuridiques et secrétaire,Métro inc.M e Pierre Gagnon, avocaten chef, Hydro-<strong>Québec</strong>M e Daniel Desjardins,vice-président principal,Affaires juridiques,Bombardier inc.M e Anne-Marie Gauthier,avocate au contentieux deGazMétroYves Boisvert, professeurà l’École nationaled’administration publiqueM e Ginette Depelteau,vice-présidente principale,Politiques et conformité,Caisse de dépôt etplacement <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>M e Robert Lebeau,vice-président Affairesjuridiques, FinancièreSun LifeA.M. Dussault : Dans l’exercice de vos fonctions, auservice de qui vous considérez-vous ?M e Desjardins : Au service de l’entreprise. Lespatrons passent, l’entreprise demeure. <strong>La</strong> situationest d’ailleurs la même dans un cabinet privé. Le clientn’est pas uniquement la personne au bout <strong>du</strong> fil quiconfie un mandat, c’est l’organisation qui estultimement responsable.M e Rivest : Vrai. Mais chaque personne qui sollicitenotre avis, pose une question, dans l’intérêtsupérieur de l’organisation, est également un client.<strong>La</strong> politique de la porte ouverte est d’ailleursessentielle afin que ceux qui s’interrogent viennentnous voir.M e Gagnon : Le véritable client, c’est le gestionnaireresponsable d’un résultat. Notre mission, c’estd’appuyer ces personnes vers l’atteinte de leursobjectifs dans l’intérêt de l’entreprise. Évidemment, ilse pro<strong>du</strong>it des situations où l’orientation prise pardes gens d’opération pourrait être plus ou moinsconvergente avec l’intérêt supérieur del’organisation, bien que ce soit peu fréquent. Ildevient alors utile de faire appel à cette notion declient général. Chacun doit faire son travail afin quela meilleure décision se prenne dans toutescirconstances.A.M. Dussault : Avez-vous la tentation parfois, touten demeurant dans la rectitude, bien enten<strong>du</strong>,d’exprimer l’opinion que les dirigeants de l’entrepriseveulent entendre ? Cela met-il vos emplois en cause ?M e Depelteau : Nous devons donner l’heure juste.M e Desjardins : Notre crédibilité est un atoutprécieux. Tous, autour de la table, nous avons misdes dizaines d’années pour la bâtir et nous pourrions,d’un coup, la perdre…M e Nollet : Ce que notre patron nous demande, engénéral, c’est de faire partie de l’équipe. C’est là où latension se crée. Car faire partie d’une équipe, c’estjouer avec ses coéquipiers. D’un autre côté, nousdevons garder une distance. Nous prenons part auxdécisions, et à un moment donné, nous pouvonssentir que le risque traverse la ligne. Si c’est la lignede la légalité, dans ce cas, c’est clair, pas de questionsà se poser. Mais il y a aussi des risques tellementgrands qu’ils pourraient mettre la survie del’entreprise en péril. Cette ligne-là est plus délicate.Nous participons à des discussions, nous avons unimpact sur la perception et la compréhension. Sinous constatons qu’un contrat est imparfait ou quequelqu’un souhaite oublier une claused’indemnisation qu’il pense sans gravité, il y a unenjeu qui touche l’ampleur <strong>du</strong> risque qu’on est prêt àassumer. À cet égard, nous avons un devoir.M e Desjardins : Ça ne se vit pas dans la confrontation.Nous avons de franches discussions.D’ailleurs, on nous demande de prendre position,d’assurer l’équilibre, d’identifier et d’expliquer lesvéritables enjeux. Un vieux proverbe chinois dit :« Be careful to what you wish for, it may happen ».Mais parfois, ce qu’on souhaite n’est pas bon pournous. Nous sommes, alors, cette espèce de garde-fouque les dirigeants d’entreprise apprécient.M e Gauthier : Nous négocions avec notre client.M e Nollet : Nous sommes continuellement ennégociation. Autour d’un projet, le responsable desfinances négocie, le responsable des ressourceshumaines également. Nous le faisons tous.A.M. Dussault : L’avocat est-il perçu comme uncasse-pied ?M e Nollet : Moins qu’on pourrait le croire.M e Gagnon : C’est que, dans le quotidien, nousentrons dans un mode de facilitation,d’accompagnement, de recherche de solution, oùnous devons, de notre propre initiative, soulever desembûches.M e Desjardins : Lorsque nous vendons des trains etdes avions aux quatre coins <strong>du</strong> monde, nos avocatsfont partie de l’équipe, avec les gestionnaires. De nosjours, les situations sont complexes, au chapitre de lafiscalité, des règlements comptables, de multiplesjuridictions dans plusieurs pays. Nous leur disons,alors, « Profitez de votre situation, de votreformation, pour faciliter la bonne marche desdossiers. Devenez des gestionnaires de projets,connaissez l’environnement commercial. Vous devezcomprendre entièrement tout ce qui se passe dansnotre marché hautement spécialisé ». D’ailleurs, pasun bureau d’avocat au monde n’est capable de vendredes trains et des avions comme nos gens à l’interne.<strong>La</strong> <strong>du</strong>alité identitaireY. Boisvert : Je suis surpris de ce que j’entends. Tantmieux si ça va bien. Quand on parle d’éthique, souvent,les professionnels reconnaissent la tensionderrière la <strong>du</strong>alité identitaire : l’identité professionnelleet l’identité organisationnelle. Comment gère-tonla tension entre la loyauté à l’organisation,l’intégrité et l’indépendance ? Vous avez parlé decrédibilité, mais dans la vraie vie des organisations,la plupart des négociations jouent <strong>du</strong>r. <strong>La</strong> stratégie del’élastique étiré au maximum, ou plutôt <strong>du</strong> pointmaximum jusqu’où on peut l’étirer, touche desquestions d’ordre éthique. Appliquer les règles aupied de la lettre, soit, mais vous faire placer devantcette réalité où on voudrait bien que la règle parledavantage que ce qu’elle veut dire…A.M. Dussault : Vous est-il arrivé de vivre de fortestensions, des situations difficiles où vous avez étéobligé de dénoncer quelque chose ?M e Depelteau : Il m’est arrivé de dire que je n’étaispas d’accord avec la façon dont un dossier étaitmené. Éthiquement parlant, j’étais bien avec ça. Si lapersonne me dit qu’elle en prend note et qu’elle va yréfléchir, j’ai fait mon boulot. Et s’ils avaient décidéd’aller de l’avant, je me serais retiré <strong>du</strong> dossier. Pasde l’entreprise, mais de ce dossier-là, parce que jen’aurais pas été capable de vivre avec cela. Cetteattitude est acceptée dans les organisations. Il faut lesavoir. Un président d’entreprise respectera toujourscelui qui dira « Je ne suis pas d’accord avec toi ». Ilréfléchira aux raisons pour lesquelles l’avocat n’estpas d’accord.M e Gagnon : Nous disposons d’outils pour gérer cessituations. Lorsqu’elles surviennent, nous pouvonsaller chercher des alliés à l’externe afin de dépolitiserla situation, parce qu’il y a toujours une dimensionpolitique à ce genre de tension. Si le débat se situe àun niveau hiérarchique plus bas et non dans les hautesinstances décisionnelles, il y a toujours le processusd’escalade. D’après mon expérience, au plus hautniveau d’une organisation, la rectitude éthique faitpartie des valeurs fondamentales, pour le principe ensoi, mais également à cause des répercussions sur laperception qu’on aura de l’entreprise dans le marché.M e Rivest : Ne sous-estimons pas l’intégrité desdirigeants. Je trouve que la communication est unaspect des plus importants. Si j’ai un problème avecune personne, j’en parle à une autre personne. Leshauts dirigeants d’une société ont des certifications àsigner. D’ailleurs, tout le monde est conscient quequelque chose d’incorrect finira par sortir, tôt outard, et la réputation de l’entreprise en prendra uncoup, que ce soit à tort ou à raison. C’est là une fortemotivation pour suivre la ligne. C’est aussi unequestion de jugement. Une situation n’est pasnécessairement noire ou blanche.12 Janvier 2008 Le Journal <strong>Barreau</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>

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