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La fausse réforme du Code criminel - Barreau du Québec

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Le devoir de conseilLe conseil d’arbitrage se prononceJulie Barnabé, avocateNatalia Ouellette, avocateNombre de clients s’adressent au Bureau <strong>du</strong> syndic afin de contester les honoraires professionnelsde leur avocat au motif que ce dernier les a mal conseillés quant à la nature des procé<strong>du</strong>res intentéesou de la stratégie adoptée dans leur dossier.Bien souvent, les plaintes de ces clients auprès <strong>du</strong>Bureau <strong>du</strong> syndic auraient pu être évitées si l’avocatavait respecté son devoir de conseil prévu au <strong>Code</strong> dedéontologie des avocats.Suivants les articles 3.02.04 et 3.03.02 <strong>du</strong> <strong>Code</strong> dedéontologie des avocats, l’avocat a effectivementl’obligation de justifier et d’exposer au client les raisonspour lesquelles il a privilégié un recours plutôt qu’unautre, et ainsi permettre au client de bien saisir lesenjeux et d’apprécier la situation de façon éclairée.À cet égard, l’avocat doit expliquer au client l’assise juridiquesoutenant le recours envisagé, et lui exposer lesrisques inhérents à celui-ci pour atteindre le butrecherché.Les tribunaux ont clairement établi la juridiction <strong>du</strong>Conseil d’arbitrage formé en vertu des dispositions <strong>du</strong>Règlement sur la procé<strong>du</strong>re de conciliation etd’arbitrage des comptes des avocats pour se prononcersur la question de l’utilité des services, celle-ci ayant uneincidence directe sur le caractère juste et raisonnabledes honoraires professionnels réclamés.Dans des décisions ren<strong>du</strong>es récemment, le Conseild’arbitrage se prononce d’ailleurs sur l’utilité des servicesren<strong>du</strong>s pour déterminer si l’avocat a rempli sondevoir de conseil suivant les dispositions <strong>du</strong> <strong>Code</strong> dedéontologie des avocats. À cette fin, le Conseil d’arbitrageexamine si la stratégie adoptée par l’avocat ainsique les procé<strong>du</strong>res entreprises par celui-ci étaient utileset justifiées eu égard à l’ensemble des circonstances audossier.Tel que nous le verrons ci-après, le Conseil d’arbitragesanctionne le non-respect par l’avocat de son devoir deconseil par une ré<strong>du</strong>ction de ses honoraires professionnels.Dans le dossier ARB-00148672, le client avait confié lemandat à son avocat d’entreprendre des procé<strong>du</strong>res envue d’obtenir l’annulation <strong>du</strong> testament de sa grandmère,car il considérait que ledit testament ne reflétaitpas les dernières volontés de la défunte.Le client, âgé de 21 ans, souhaitait obtenir immédiatementla délivrance <strong>du</strong> legs dont il était le bénéficiaireaux termes <strong>du</strong> testament de sa grand-mère, alors queledit testament prévoyait qu’il ne pourrait pas toucher àson legs avant d’atteindre l’âge de 40 ans.L’avocat a choisi d’écarter le recours à l’annulation <strong>du</strong>testament pour procéder plutôt par requête pourjugement déclaratoire en alléguant que la clause obligeantle client à attendre l’âge de 40 ans pour toucherson legs était insensée, discriminatoire et déraisonnable.L’arbitre en est venu à la conclusion que l’avocat avaitentrepris un recours qui n’atteignait pas le but recherchépar le client, et dont l’assise juridique était douteuse.En effet, selon l’arbitre, l’avocat n’a pas été en mesure dedémontrer que ses arguments avaient été retenus par lestribunaux. Il est aussi ressorti de la preuve que, afind’atteindre le résultat atten<strong>du</strong>, le nouveau procureur audossier a dû reprendre tout le travail qu’avait effectuél’avocat pour le client.Pour ces motifs, l’arbitre a accueilli la demande d’arbitrageformulée par le client et a rejeté la réclamationd’honoraires de l’avocat.Quant au dossier ARB-00140343, le client a consulté unavocat en vue de faire cesser les retenues de pensionalimentaire effectuées par le ministère <strong>du</strong> Revenu surson salaire à la suite <strong>du</strong> décès de son ex-conjointe.Selon les faits au dossier, le client continuait effectivementde payer une pension alimentaire au bénéfice desa fille alors qu’il en avait repris la garde depuis le décèsde son ex-conjointe.L’avocat a choisi de procéder par requête devant letribunal afin que son client puisse obtenir la garde deson enfant et faire annuler la pension alimentaire.Lors de l’audition devant l’arbitre, le client a témoignéque ce n’est qu’après la fin <strong>du</strong> mandat de l’avocat qu’il aappris d’un représentant <strong>du</strong> ministère <strong>du</strong> Revenu que lacessation des retenues de pension alimentaire sur sonsalaire pouvait être obtenue par le simple dépôt <strong>du</strong>certificat de décès de son ex-conjointe auprès <strong>du</strong>ditministère.Dans sa contestation d’honoraires, le client reprochait àl’avocat non seulement de l’avoir mal conseillé quant aurecours entrepris, mais aussi de ne pas avoir vérifiéquelles étaient les démarches les plus appropriées dansson cas.L’avocat a pour sa part insisté devant l’arbitre sur le faitqu’il avait procédé dans ce dossier en suivantexactement le mandat clair et sans équivoque de sonclient qui exigeait une requête devant le tribunal.L’avocat prétendait donc qu’il n’avait pas l’obligation devérifier si d’autres démarches étaient plus appropriéesdans les circonstances.Dans sa décision, l’arbitre est parvenu à la conclusionque les démarches entreprises par l’avocat n’étaient pasnécessaires pour régulariser la situation de son client. Ila ajouté que si l’avocat n’était pas informé des démarchesà accomplir, il pouvait facilement obtenir les informationspertinentes qui lui auraient permis d’envisagerpour son client un moyen alternatif plus rapide et moinscoûteux pour la solution <strong>du</strong> problème soumis.L’arbitre a rajouté que les instructions <strong>du</strong> client ne déchargeaientpas l’avocat de ses obligations de l’informeret de le conseiller concernant le recours à entreprendre.Par conséquent, l’avocat ne devait pas suivre aveuglémentles instructions de son client et entreprendre desprocé<strong>du</strong>res inutiles pour la solution <strong>du</strong> problèmesoumis.L’arbitre a donc accueilli en partie la demande d’arbitrageet ré<strong>du</strong>it le compte d’honoraires de l’avocat aumotif qu’il s’agissait d’un dossier qui aurait nécessitébeaucoup moins de temps si l’avocat avait fait les vérificationspertinentes avant de déterminer les services àrendre.Dans le dossier ARB-00148614, la cliente avait confié àl’avocat le mandat de la représenter dans le cadre desprocé<strong>du</strong>res de divorce intentées par son mari. <strong>La</strong> clientesouhaitait obtenir la garde partagée de l’enfant mineur<strong>du</strong> couple ainsi que la vente de la résidence familiale.Dans le cadre <strong>du</strong> mandat de l’avocat, un consentementintérimaire partiel est intervenu entre les parties.L’avocat a par la suite préparé deux requêtes, soit unerequête de la partie défenderesse en mesures provisoireset ordonnances intérimaires ainsi qu’une requête de lapartie défenderesse afin de suspendre l’exécution del’ordonnance relative au versement de la pensionalimentaire pour enfant et demande de fixation depension alimentaire intérimaire.Quant à la première requête, l’avocat demandait que lemari de sa cliente rachète la part indivise de cettedernière dans la résidence familiale. Le juge a rejetéladite requête au motif qu’il ne pouvait pas rendre unetelle ordonnance au stade intérimaire.Le Conseil d’arbitrage en est venu à la conclusion quecette procé<strong>du</strong>re était inutile et vouée à l’échec, puisqueselon la jurisprudence actuelle, il n’y avait aucunechance raisonnable que la requête soit accueillie. Letemps consacré à la préparation et à la présentation deladite requête a donc été retranché <strong>du</strong> compted’honoraires de l’avocat.Concernant la deuxième requête, le Conseil a égalementconclu qu’elle était inutile et vouée à l’échec.Selon la preuve au dossier, la cliente de l’avocat nevoulait pas que le ministère <strong>du</strong> Revenu effectue desretenues sur son salaire. L’avocat lui a dès lors suggéréde demander à la Cour de suspendre l’exécution del’ordonnance alimentaire jusqu’à la date d’audition desrequêtes pour mesures provisoires.Après avoir procédé à l’étude de la preuve au dossier, leConseil a décidé que, à la lumière <strong>du</strong> consentement intérimaireintervenu entre les parties et des faits alléguésdans la requête, aucun motif ne justifiait de suspendrel’exécution de l’ordonnance intérimaire quant à lapension alimentaire.Par ailleurs, la requête n’a jamais pu être enten<strong>du</strong>e par laCour, puisque les parties ont réglé leur divorce à l’amiable.Le Conseil d’arbitrage a donc retranché <strong>du</strong> compted’honoraires le temps facturé pour la préparation de larequête.CommentairesMorale de l’histoire : l’avocat a l’obligation d’informerson client de la pertinence d’un recours ainsi que deschances de succès de celui-ci, et ce, en tenant compte desarguments juridiques et des éléments de preuve audossier. Il est primordial d’informer adéquatement leclient afin que ce dernier comprenne les enjeux et lesrisques inhérents pour atteindre le résultat atten<strong>du</strong>.Si, malgré les conseils prodigués, le client insiste pourentreprendre des démarches dont les chances de succèssont minces, il est souhaitable, à la lumière des décisionsarbitrales mentionnées ci-dessus, de lui confirmer letout par écrit. Le client ne pourra alors invoquer ausoutien d’une contestation d’honoraires professionnelsle fait qu’il n’aurait pas été en mesure de bien saisir lesenjeux et de considérer la situation de façon éclairée.Cependant, il demeure que l’avocat ne doit, en aucuncas, et au risque de voir ses honoraires professionnelsré<strong>du</strong>its, suivre aveuglément les volontés de son client enintentant des procé<strong>du</strong>res judiciaires inutiles et vouées àl’échec, et dont l’assise juridique est inexistante.26 Janvier 2008 Le Journal <strong>Barreau</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>

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