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cpj42-entier - Prospective Jeunesse

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DOSSIER : PARENTS-ENFANTS : QUAND LA JUSTICE S’EN MÊLEXavier Rousseaux et GeoffroyLe Clercq, Louvain-la-Neuve,2006 (Temps et espaces, 5),Academia Bruylant et Pressesuniversitaires de Louvain.18Enfants Martyrs de Bruxelles, créée en1892, à l'initiative de quelques généreuxbourgeois philanthropes, pour sauverles enfants “en danger” de la maltraitancesubie de la part de parentsindignes qui les obligeaient à mendier ouà se prostituer, se trouvait légalementfort dépourvue lorsqu'elle parvenait àarracher ces enfants à leur père.Le Code civil de 1804 qui avaitréintroduit la puissance paternelle,supprimée par les premières loisrévolutionnaires, ne souffrait aucuneexception au principe de l'autoritéabsolue du père de famille, véritablemonarque au sein de la cellule familiale.Non seulement il avait tout pouvoir surses enfants, mais aussi sur son épousepar la puissance maritale. En cas dedivorce, la mère ne recevait jamais lagarde de l'enfant. Le droit et la justice,les magistrats, ne voyaient aucuneobjection à ces principes aussilongtemps qu'il s'agissait du pèrebourgeois, bon père de famille, pourlequel ce code avait été conçu. Le pèrede famille exerçait également le droitde correction paternelle, véritablemagistrature privée qui lui permettaitde faire enfermer un enfant récalcitrantde sa simple autorité, sanscontrôle de la justice. Il n'existait, auxyeux du code, que de “bons pères” et de“méchants enfants”. L'enfant n'avaitpas de droit, pas de protection, et mêmepas d'existence légale, en dehors deceux que lui procurait sa famille. L'Etatn'avait aucune prise pour s'immiscerdans ce sanctuaire familial, entièrementlivré à l'autorité du père.La conscience de la spécificité del'enfant, par rapport à l'adulte, ne s'estdégagée que très lentement au fil duème19 siècle, suite aux cris d'alarmelancés par des philanthropes scandaliséspar le travail des enfants trèsjeunes dans les mines et l'industrie. Lespremières enquêtes datent de 1848,mais il faudra encore attendre quaranteLes Cahiers de <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> - N° 42 - Mars 2007ans avant de voir voter en Belgique lapremière loi protectrice de l'enfance :la loi de 1889 sur la réglementation dutravail des enfants qui limite auxenfants de douze ans l'âge d'accès dansles mines et les industries et à douzeheures leur travail quotidien…C'est la même année que Jules Lejeune,ministre de la Justice, dépose sonpremier projet de loi sur la protectionde l'enfance. Celui-ci mettra, on le sait,vingt-trois ans avant d'aboutir à la loi de1912. L'instruction primaire nedeviendra obligatoire en Belgique qu'en1914.Ces dates jalonnent véritablement lesétapes de la prise de conscience duproblème social posé par les famillespauvres où les enfants sont obligés detravailler dès leur plus jeune âge, oùcertains sont livrés à eux-mêmes (ceuxqu'on appelle les enfants négligés ou“moralement abandonnés”) ou ceux quisont victimes de mauvais traitementsde la part de parents indignes (les“enfants martyrs”), ceux enfin que l'onretrouve enfermés dans les pénitencierspour avoir volé quelquespommes ou quelque argent. Nul ne parlealors de “délinquance juvénile”, etencore moins de “violence des jeunes”,mais simplement de “criminalitéinfantile” (selon le titre de la premièreenquête menée en 1908 par la SociétéRoyale des Patronages de Bruxelles).Les premiers à s'émouvoir sont, on l'adit, les philanthropes qui créent, àpartir des années 1880, de multiplessociétés privées de bienfaisance dans lebut de venir en aide à ces enfants pourles arracher “au milieu malsain où lanaissance les a jetés” (selon l'expressiondu ministre Lejeune lui-même).L'esprit est paternaliste et la pratiqueest en conflit avec la loi. La Sociétéprotectrice des Enfants Martyrs deBruxelles crée de véritables“commandos” qui battent le pavé de la

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