plan détaillé de la leçon - Procedurecivile.be

3Le CODIP introduit une règle de litispendance internationale inspirée de celle dégagée par lajurisprudence française 1 . Lorsqu’une demande est pendante devant une juridiction étrangère et qu’ilest prévisible que la décision étrangère sera susceptible d’être reconnue ou exécutée en Belgique, lejuge belge saisi en second lieu d’une demande entre les mêmes parties ayant le même objet et lamême cause, peut surseoir à statuer jusqu’au prononcé de la décision étrangère.Il s’agit un changement radical puisque la jurisprudence s’était jusqu’à présent refusée, en dehors del’application des instruments internationaux ou européens, à appliquer l’exception de litispendancedans les relations internationales. Contrairement au règlement Bruxelles I, le CODIP ne vacependant pas jusqu’à prévoir une possibilité de sursis à statuer lorsque le litige pendant à l’étrangerest seulement connexe au litige belge, sans être identique.TROIS CONDITIONS- Tout d’abord, il doit y avoir une parfaite identité de parties, d’objet et de cause entre la demandependante devant le juge belge et celle pendante à l’étranger.On peut se demander comment interpréter les notions de parties, d’objet et de cause. Faut-il avoirégard à ces notions telles que définies en droit judiciaire privé belge (art. 29 C. jud.) ou retenir uneinterprétation plus large de celles-ci comme l’a fait la Cour de justice des Communautéseuropéennes à propos de l’article 21 de la Convention de Bruxelles ? Cela pose notammentquestion, en matière civile et commerciale, au sujet des actions déclaratoires négatives et, en matièrematrimoniale, en ce qui concerne les actions dites dépendantes.Exemple : un tribunal de New-York est saisi d’une action en déclaration de non-responsabilitéintroduite par le fabriquant américain pour des produits vendus en Europe et en Belgique dont ildemande au tribunal de confirmer le caractère non défectueux. Quelques semaines plus tard, unconsommateur belge saisit un juge belge d’une demande en réparation du préjudice causé par un deces produits dirigée contre le fabriquant américain. Y a-t-il identité d’objet au sens de l’article 14CODIP?- Ensuite, comme pour la clause de dérogation volontaire à la compétence 2 , il doit être prévisible quela décision attendue du juge étranger sera reconnue ou exécutée en Belgique, ce qui suppose qu’il n’ya pas lieu de penser que s’appliquera l’un des motifs de refus prévus à l’article 25 du Code. Le jugebelge saisi en second lieu doit donc se livrer à un « pronostic de régularité » 3 du jugement – parhypothèse non encore rendu – du tribunal étranger saisi en premier lieu.Exemple 1 : le juge belge peut notamment refuser de surseoir à statuer lorsqu’il considère que lesjuridictions belges sont seules compétentes en vertu d’une règle spéciale de compétence comptetenu dans le CODIP (par ex. : une clause de prorogation volontaire de compétence en faveur destribunaux belges) ou dans une loi particulière (par ex. dans la loi de 1961 sur la résiliation unilatéraledes concessions exclusives de vente à durée indéterminée).Exemple 2 : l’exception de litispendance peut également être rejetée lorsque l’introduction del’instance à l’étranger est entachée d’une violation des droits de la défense ou lorsque le tribunalétranger est manifestement impartial.- Enfin, le juge étranger doit avoir été saisi avant le juge belge.1 Cass. fr., civ., 26 novembre 1974, Rev. crit. dip., 1975, p. 491, note D. Holleaux ; Clunet, 1975, p. 108, note Ponsard.2 Art. 7 CODIP.3 Y. Loussouarn, P. Bourel et P. de Vareilles-Sommières, Droit international privé, 8 ème éd., Paris, Dalloz, 2004, p. 689, n°490-7.

4Contrairement au règlement Bruxelles I (art. 30), le CODIP ne prévoit aucune définition autonomedu moment de la saisine des deux juridictions. Pour déterminer à quel moment une demande estpendante devant le juge belge, on prendra partant en considération, selon les cas, la date de lasignification de la citation (moyennant la mise au rôle au plus tard la veille de l’audienced’introduction) ou celle du dépôt de la requête au greffe de la juridiction saisie. En revanche, pourdéterminer la date de la saisine du juge étranger, on peut se demander s’il y a lieu d’avoir égard auxrègles de droit belge 4 ou à celles prévues par le droit étranger 5 . Cette dernière solution devrait êtreretenue.- Contrairement à l’article 29 du Code judiciaire, le CODIP n’exige pas que le tribunal étranger soitappelé à statuer au premier degré de juridiction. Il peut donc y avoir litispendance si la cause est déjàpendante en degré d’appel devant le juge étranger.FACULTÉ ACCORDÉE DU JUGE BELGELorsque toutes ces conditions sont réunies, le juge peut surseoir à statuer. Il s’agit donc pour le jugebelge d’une simple faculté 6 . Il dispose par conséquent d’un large pouvoir d’appréciation quant aucaractère approprié de la surséance à statuer en tenant compte des « exigences d’une bonneadministration de la justice » 7 . Le tribunal belge devrait notamment vérifier si la juridiction étrangèreest plus qualifiée, in concreto, pour statuer sur le litige en cause, compte tenu entre autres de laproximité par rapport aux faits et aux preuves 8 . Dans tous les cas, il veillera à motiver soigneusementsa décision 9 .RÈGLEMENT DE L’INCIDENTLe texte prévoit, comme en matière de dérogation volontaire de compétence 10 , une surséance àstatuer. Le dessaisissement n’intervient que lorsque la reconnaissance de la décision étrangère enBelgique est constatée. Partant, si la procédure prend fin devant le juge étranger sans que celui-ci neprononce une décision ou si le juge étranger se déclare incompétent 11 , la procédure reprend soncours normal devant le juge belge.MODIFICATION BRUXELLES IBIS – PERTE D’INTÉRÊT DE L’ARTICLE 14 CODIPArticle 33 - Litispendance1. Lorsque la compétence est fondée sur l’article 4 ou sur les articles 7, 8 ou 9 et qu’une procédureest pendante devant une juridiction d’un État tiers au moment où une juridiction d’un État membreest saisie d’une demande entre les mêmes parties ayant le même objet et la même cause que lademande portée devant la juridiction de l’État tiers, la juridiction de l’État membre peut surseoir àstatuer si:a) l’on s’attend à ce que la juridiction de l’État tiers rende une décision susceptible d’être reconnueet, le cas échéant, d’être exécutée dans ledit État membre; etb) la juridiction de l’État membre est convaincue que le sursis à statuer est nécessaire pour unebonne administration de la justice.4 Eventuellement adaptées pour tenir compte des particularités du processus de saisine du juge étranger.5 Voy. en faveur de cette dernière approche mais dans le cadre de la Convention de Bruxelles, CJCE, 7 juin 1984, aff.129/83, Zelger II, Rec., p. 2397.6 Rapport Sénat, p. 32.7 Proposition de loi, p. 39.8 Il s’agit d’une manifestation de la technique du forum (non) conveniens : voy. A. Nuyts, L’exception de forum non conveniens,Bruxelles, Bruylant-LGDJ, 2003, n° 286.9 Ibidem.10 Art. 7 CODIP.11 Proposition de loi, p. 39.