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Inédits de droit judiciaire - Référés (5)1 - Procedurecivile.be

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JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 1412. Défaut d'extrême urgence et effet dévolutif <strong>de</strong> la tierceopposition3. Recours contre une ordonnance rendue sur requête unilatérale– tierce opposition4. Référé unilatéral et conflit collectif du travail5. Référé d'hôtelIV. Intervention du juge <strong>de</strong>s référés en <strong>droit</strong> administratif1. Rappel du principe <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong>s pouvoirs2. Analyse <strong>de</strong> l'objet réel du recours3. Absence <strong>de</strong> juridiction du juge <strong>de</strong>s référés et détermination<strong>de</strong> la compétence du juge <strong>judiciaire</strong> en fonction <strong>de</strong>l'objet <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tel que li<strong>be</strong>llé dans l'acte introductifd'instance4. Effets d'un arrêt du Conseil d'Etat rendu au contentieux<strong>de</strong> la suspension sur le juge <strong>de</strong>s référésV. Mesures diverses1. Référé et expertise2. Référé et garantie à première <strong>de</strong>man<strong>de</strong>VI. Questions <strong>de</strong> compétence1. Plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> juridiction du prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> premièreinstance siégeant en référé2. Compétence résiduaire du juge <strong>de</strong>s référés3. Référé et arbitrage4. Référé et exécutionVII. Questions <strong>de</strong> procédure1. Abréviation du délai <strong>de</strong> citer2. Mise en état3. Condamnation aux dépens en référé4. Astreintes


142 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESEn novembre 1989, avril 1992, octobre 1993 et mars 2000, la J.L.M.B. 2 vouslivrait une synthèse <strong>de</strong>s enseignements contenus dans plusieurs dizaines <strong>de</strong>décisions rendues en référé. Depuis lors, un grand nombre <strong>de</strong> décisions prési<strong>de</strong>ntiellesnous est à nouveau parvenu. L'actualité et le manque <strong>de</strong> place disponiblene nous ont pas permis <strong>de</strong> vous les livrer toutes dans leur intégralité. Lelecteur trouvera ci-<strong>de</strong>ssous la synthèse <strong>de</strong> celles qui n'ont pu être publiées.Je dédie ces inédits à la mémoire <strong>de</strong> madame la vice-prési<strong>de</strong>nte PRISCILLADONNY, <strong>de</strong>vant qui j’ai eu si souvent un réel plaisir à plai<strong>de</strong>r, en référé.I.- Le provisoire1.- NotionJ’ai eu récemment l’occasion <strong>de</strong> défendre une conception large du provisoire,conforme à l’enseignement <strong>de</strong> l’arrêt <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong> cassation du 9 septembre1982 3 , selon laquelle la seule limite imposée par le provisoire au juge <strong>de</strong>s référésest que sa décision ne peut contenir <strong>de</strong>s mesures qui porteraient à une <strong>de</strong>s partiesun préjudice définitif et irréparable, car, dans ce cas, son ordonnance porteraitpréjudice au fond. Seul le respect <strong>de</strong> cette limite est susceptible <strong>de</strong> préserverl’effectivité <strong>de</strong> la règle selon laquelle le juge du fond n’est pas lié par ce qu’adécidé le juge <strong>de</strong>s référés et pourra toujours prendre une décision contraire 4 .J’ajoutais encore que le juge du fond, s’il ne suit pas l’appréciation <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s faitepar le juge <strong>de</strong>s référés, doit mettre fin aux mesures provisoires ordonnées par ce<strong>de</strong>rnier et, le cas échéant, ordonner la réparation du dommage subi entre-tempssoit en nature, soit si le préjudice est définitif, par équivalent, en accordant unejuste in<strong>de</strong>mnisation.En d’autres termes, rien n’interdit au juge <strong>de</strong>s référés d’ordonner une mesureirréversible, pour autant qu’elle ne cause pas un préjudice définitif et irréparable.• C’est exactement ce que décidait déjà, en octobre 2000, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong>Tournai, saisi par l’Etat <strong>be</strong>lge d’une action visant la condamnation sous astreinted’un éleveur <strong>de</strong> bovins à se conformer à l’ordre <strong>de</strong> mise à mort et <strong>de</strong> <strong>de</strong>structiond’une <strong>de</strong> ses vaches, surprise par l’inspection vétérinaire sans ses <strong>de</strong>ux marquesauriculaires. Le défen<strong>de</strong>ur soulevait le caractère non provisoire <strong>de</strong> la mesure dèslors que celle-ci était manifestement irréversible. Très justement le juge <strong>de</strong>sréférés répond qu’il «statue au provisoire c’est-à-dire par une décision dont ledispositif ne peut être déclaratif ou constitutif <strong>de</strong> <strong>droit</strong>; qu’en l’espèce, la mesuresollicitée ne préjudicie en rien aux <strong>droit</strong>s du défen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> soumettre éventuellementau juge du fond la question <strong>de</strong> la légitimité <strong>de</strong> l’administration à édicter enl’espèce un tel ordre <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> son animal […] ni même, par voie <strong>de</strong>conséquence, la possibilité qu’il aurait <strong>de</strong> réclamer <strong>de</strong>s dommages et intérêts encas <strong>de</strong> faute du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur ou d’un tiers». Et pour bien se faire comprendre, lejuge ajoute encore que «le juge <strong>de</strong>s référés peut être amené à prendre <strong>de</strong>s mesuresirréversibles s’il l’estime opportun; que le défen<strong>de</strong>ur semble à cet égard confondrele caractère provisoire <strong>de</strong> la mesure, qui signifie en réalité que le juge du fond nepeut être lié par l’appréciation du juge <strong>de</strong>s référés, avec le caractère réversible ounon <strong>de</strong> la mesure prononcée» (Civ. Tournai (réf.), 25 octobre 2000, J.L.M.B.01/515).La lecture <strong>de</strong>s décisions fait apparaître qu’il subsiste encore, sur ce point, <strong>de</strong>sappréciations très divergentes.___________2. Les précé<strong>de</strong>nts inédits ont été publiés dans cette revue, 1989, p. 1330 à 1353; 1992, p. 508 à 530; 1993,p. 1118 à 1143, 2000, p. 356 à 376.3. Pas., 1983, I, 48 et suivantes.4. J. ENGLEBERT, "Le référé <strong>judiciaire</strong> : principes et questions <strong>de</strong> procédure", Le référé <strong>judiciaire</strong>, éditions<strong>de</strong> la Conférence du Jeune barreau <strong>de</strong> Bruxelles, 2003, p. 25 à 51.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 143• Ainsi, la cour d’appel <strong>de</strong> Liège déci<strong>de</strong> qu’«il n’est pas interdit au juged’examiner le <strong>droit</strong> <strong>de</strong>s parties et <strong>de</strong> préjuger du fond, sauf à gar<strong>de</strong>r à l’esprit queson ordonnance peut avoir, en fait, <strong>de</strong>s suites durables et être à l’origine d’unpréjudice qu’une décision différente du juge du fond peut rendre injustifié 5 »(Liège (1 ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042).• Par contre, dans un arrêt du 12 octobre 1999, une autre chambre <strong>de</strong> la même couravait estimé que «le référé est pratiquement <strong>de</strong>venu un procédé <strong>de</strong> règlement <strong>de</strong>fond 6 ; qu’au provisoire, le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s référés peut autoriser <strong>de</strong>s mesures ayantd’un point <strong>de</strong> vue pratique <strong>de</strong>s effets définitifs» (Liège (7 e ch.), 12 octobre 1999,J.L.M.B., 99/1221).• Selon le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Namur au contraire, «lejuge <strong>de</strong>s référés ne peut s’immiscer dans l’appréciation au fond, c’est-à-diredonner, quant au fond, raison à l’une <strong>de</strong>s parties et tort à l’autre et se prononcersur le conflit qui les divise» (Civ. Namur (8 e ch. réf.), 20 décembre 2002, J.L.M.B.02/1253).• La cour d’appel <strong>de</strong> Liège, saisie d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’exécution forcée d’une clausecontractuelle <strong>de</strong> non-concurrence 7 , réussit une rapi<strong>de</strong> synthèse <strong>de</strong>s différentesnotions qu’implique le référé, en décidant par un arrêt du 14 janvier 2000 «qu’il ya urgence dès que la crainte d’un préjudice d’une certaine gravité, voired’inconvénients sérieux, rend une décision immédiatement souhaitable, ce quiimplique souvent que le juge procè<strong>de</strong> à la mise en balance <strong>de</strong>s intérêts en présence,à la confrontation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux préjudice éventuels, et donc à une appréciationsommaire du fond, l’essentiel étant que sa décision ne soit ni déclarative ni constitutive<strong>de</strong> <strong>droit</strong> et qu’il puisse statuer sans crainte raisonnable d’être contredit parle juge du fond» (Liège (7 e ch.), 14 janvier 2000, J.L.M.B. 00/123).2.- Risque <strong>de</strong> discordances avec la décision au fondAinsi, le risque <strong>de</strong> discordance entre l’ordonnance du juge <strong>de</strong>s référés et le jugementau fond apparaît comme une préoccupation essentielle.• Pour la cour d’appel <strong>de</strong> Liège, le référé «n’exclut pas une approche au fond <strong>de</strong>l’affaire ni le choix <strong>de</strong> mesures à caractère irréversible dont il est raisonnable <strong>de</strong>croire qu’elles ne seront pas contredites par la juridiction ordinaire». En d’autrestermes, selon cet enseignement, le <strong>droit</strong> doit être évi<strong>de</strong>nt, ce qui sera <strong>de</strong> nature àéviter tout risque <strong>de</strong> contradiction avec la décision que sera amené à prendre lejuge du fond (Liège (7 e ch.), 8 mars 2001, J.L.M.B. 01/596) 8 .• On retrouve la même idée dans un autre arrêt <strong>de</strong> la cour d’appel <strong>de</strong> Liège : «quela mesure qu’un juge du provisoire déci<strong>de</strong> doit s’inscrire dans le prolongementcohérent <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s qu’il tient comme susceptibles d’être admis par le juge dufond» (Liège (7 e ch.) 2 mars 2000, J.L.M.B. 00/354).• Le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> Charleroi va jusqu’à considérer qu’ilfaut «qu’il n’existe aucun risque <strong>de</strong> voir le juge du fond ultérieurement désavouerla décision du juge <strong>de</strong>s référés» (Comm. Charleroi (réf.), 11 décembre 2002,J.L.M.B. 02/1234).___________5. L’arrêt cite P. MARCHAL, Les référés, Larcier, 1992, n° 31b, p. 65.6. L’arrêt cite T ULKENS, "L’introduction d’un référé administratif en <strong>droit</strong> <strong>be</strong>lge, une délicate révolution",J.T., 1992, p. 32.7. Voy. infra, p.. 151 (I.1).8. En ce sens, Liège (ch. vac.), 28 juillet 2003, J.L.M.B. 03/1219.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 145C’est pour répondre aux arguments d’irrecevabilité soulevés par les défen<strong>de</strong>urs,tirés <strong>de</strong> l’incompatibilité <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> avec le jugement antérieur du juge <strong>de</strong>paix, que le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur en vient à se prononcer comme préciséci-<strong>de</strong>ssus sur l’autonomie <strong>de</strong> sa juridiction. Il relève encore que «par son objet, la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> ne concerne pas les modalités d’exécution d’une décision rendue par lejuge du fond pas plus qu’elle ne porte atteinte à ce qui a été décidé, sur le fond, parle magistrat cantonal; qu’à ce propos, la mention reprise au dispositif du jugementdu 3 octobre 2000 ne constitue pas une décision au fond mais une mesure conservatoireprise à titre provisionnel et avant dire <strong>droit</strong>, ce que le juge <strong>de</strong> paix ad’ailleurs expressément invoqué; que cette mesure provisionnelle, prise dans laperspective d’un délai normal <strong>de</strong> mise en état <strong>de</strong> la cause (le juge <strong>de</strong> paix accordaità l’expert une prolongation d’un mois et <strong>de</strong>mi pour mener à bonne fin sa missionet l’exhortait expressément à faire toute diligence. Depuis lors, plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxannées se sont écoulées …) n’a pas autorité <strong>de</strong> chose jugée dans la mesure où il nes’agit pas d’une décision définitive, c’est-à-dire tranchant sur le fond ou surinci<strong>de</strong>nt à propos d’une question contentieuse».L’autonomie du juge <strong>de</strong>s référés est généralement déduite que n’étant saisi qu’auprovisoire, sa décision ne peut avoir autorité <strong>de</strong> chose jugée à l’égard du juge dufond, dont il est en conséquence autonome. Mais qu’en est-il lorsque, comme enl’espèce, une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en référé s’inscrit en contradiction avec une décisionantérieure, certes prise par un juge du fond, mais néanmoins au provisoire (aumême titre que la nouvelle mesure sollicitée en référé) ? Il est incontestable qu’enautorisant la reprise <strong>de</strong> l'exploitation du dancing jusqu’à ce qu’une décisionintervienne au fond, le juge <strong>de</strong>s référés a porté atteinte à la décision rendue, auprovisoire, par le juge <strong>de</strong> paix.Raisonnant comme pour les hypothèses où il est amené à revoir sa propre décisionprovisoire en cas <strong>de</strong> changement <strong>de</strong>s circonstances, le juge <strong>de</strong>s référés souligneque la décision provisoire du juge <strong>de</strong> paix avait été prise «dans la perspective d'undélai normal <strong>de</strong> mise en état», délai qui n’avait manifestement pas été respectéselon le juge <strong>de</strong>s référés. On comprend <strong>de</strong> la lecture <strong>de</strong> l’ordonnance que lesriverains, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs au fond, ne diligentaient pas la procédure d’expertise, ayantobtenu à titre provisoire du juge <strong>de</strong> paix l’interdiction d’exploitation. Cette circonstanceétait-elle suffisante pour autoriser le juge <strong>de</strong>s référés à modifier (quoiqu’ils’en défen<strong>de</strong>) la mesure provisoire antérieure ? Au vu <strong>de</strong>s très larges pouvoirsreconnus au juge <strong>de</strong>s référés, je pense que l’existence d’une décisionantérieure d’un autre juge, réglant la situation <strong>de</strong>s parties à titre provisoire, ne<strong>de</strong>vrait pas empêcher le juge <strong>de</strong>s référés d’intervenir et d’ordonner, au vu <strong>de</strong>l’évolution <strong>de</strong>s circonstances <strong>de</strong> fait, d’autres mesures provisoires. Il me sembletoutefois que, dans ce cas, il appartient au juge <strong>de</strong>s référés d’ordonner, concomitammentaux nouvelles mesures qu’il ordonne, la suspension <strong>de</strong>s effets du jugementantérieur, au risque <strong>de</strong> voir subsister <strong>de</strong>ux décisions, certes rendues auprovisoire, mais néanmoins antinomiques.• La cour d’appel <strong>de</strong> Liège, statuant en appel <strong>de</strong> référé, se retrouve dans la mêmesituation dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt du 28 juin 2000. Alors qu’illui est <strong>de</strong>mandé par l’appelante <strong>de</strong> prendre une mesure visant à l’autoriser àpoursuivre l'exploitation d’une scierie, les intimés opposent à l’appelante unjugement antérieur, rendu par un juge <strong>de</strong> première instance saisi du fond <strong>de</strong>l’affaire, qui a, avant dire <strong>droit</strong>, sur la base <strong>de</strong> l’article 19, alinéa 2, du co<strong>de</strong><strong>judiciaire</strong>, d’une part, provisoirement interdit la poursuite <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong> lascierie et, d’autre part, nommé un expert en vue d’évaluer le dommage que cetteexploitation est <strong>de</strong> nature à causer aux riverains (Liège (1 ère ch.), 28 juin 2000,J.L.M.B. 00/1042, déjà citée).


146 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESLa cour, pour rejeter cet argument, va développer quelques considérations quiméritent d’être citées in extenso : «que si la cour n’a pas à connaître <strong>de</strong> cettedécision actuellement 13 , elle ne peut s’empêcher <strong>de</strong> constater que la mesureordonnée par le premier juge dans le cadre <strong>de</strong> ce litige ne "règle pas provisoirementla situation <strong>de</strong>s parties" ainsi que le texte <strong>de</strong> l’article 19, alinéa 2, du co<strong>de</strong><strong>judiciaire</strong> le lui prescrit – les pouvoirs conférés par ledit article <strong>de</strong>vant être exercés<strong>de</strong> manière plus stricte que ceux qui échoient au juge <strong>de</strong>s référés 14 – mais que cemagistrat prend déjà une mesure particulièrement orientée qui préjuge du fondalors que le magistrat investi <strong>de</strong> ce pouvoir doit veiller à l’exercer avec uneparticulière circonspection afin <strong>de</strong> ne pas compromettre l’impartialité objectivequ’il doit présenter jusqu’à l’épuisement <strong>de</strong> sa juridiction». Quant on sait que lacour va autoriser la reprise <strong>de</strong> l’exploitation 15 , il s’en déduit manifestement que,selon elle, seul le juge <strong>de</strong>s référés peut, dans le cadre <strong>de</strong>s mesures provisoires,préjuger du fond. Cet arrêt, critiquable, a été cassé, sur un autre motif, par la Cour<strong>de</strong> cassation (Cass. (1 ère ch.), 12 décembre 2003, J.L.M.B. 04/844).L’autonomie du référé par rapport au fond intervient également dansl’appréciation, par le juge <strong>de</strong>s référés, <strong>de</strong> l’intérêt du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur à agir.• Ainsi, selon la cour d’appel <strong>de</strong> Liège, «l’intérêt à agir doit essentiellements’apprécier par rapport au fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> l’action en référé et non par rapport àl’action au fond elle-même, même si celle-ci constitue la justification finale <strong>de</strong>l’action en référé; qu’autrement dit, le juge <strong>de</strong>s référés ne peut, pour écarter laprésente action en référé, sur la base d’un défaut d’intérêt né et actuel dans le chef<strong>de</strong> l’appelante, statuer sur l’éventuel défaut d’intérêt que présente l’action au fondpour cette même partie, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse originaire dans cette action au fond, cettedécision n’appartenant qu’au juge du fond lui-même; que le juge <strong>de</strong>s référés, quine peut statuer que sur <strong>de</strong>s apparences <strong>de</strong> <strong>droit</strong>, doit apprécier l’intérêt à agir dansce cadre» (Liège (1 ère ch.), 6 mars 2000, J.L.M.B. 04/986).4.- Autonomie du référé par rapport à l’instance pénaleC’est également le caractère provisoire <strong>de</strong>s décisions rendues par le juge <strong>de</strong>sréférés qui explique que la règle «le criminel tient le civil en état» ne s’appliquepas en référé.• «C’est à tort que [l’intimé] invoque l’article 4 <strong>de</strong> la loi du 17 avril 1878. En effet,la règle "le criminel tient le civil en état" ne trouve à s’appliquer que lorsque lejuge civil statue au fond et qu’un point du litige qui lui est soumis peut constituerun élément <strong>de</strong> la décision sur l’action publique en créant ainsi un risque <strong>de</strong> contradictionentre la décision sur l’action civile et celle qui sera rendue sur l’actionpublique. Le principe ne s’applique pas dans le cas d’une procédure en référé» 16(Bruxelles (9 e ch.), 20 novembre 2003, J.L.M.B. 04/295).5.- Mesures «provisoires» dans le tempsLa question se pose souvent <strong>de</strong> savoir si une mesure <strong>de</strong>mandée en référé, dontles effets ne seraient pas limités dans le temps, répond encore à la condition duprovisoire.• Par ordonnance du 27 octobre 2003, le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong>Charleroi relève que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui lui est faite (en l’espèce, l’interdiction___________13. En effet, l’appel n’était nullement dirigé contre cette décision, mais contre une ordonnance du juge <strong>de</strong>sréférés, mettant par ailleurs en cause une autre partie.14. L’arrêt cite Civ. Namur, 24 août 1994, R.R.D., 1994, p. 570.15. Voy. infra, p. 168 (note 77).16. L’arrêt cite Bruxelles, 26 septembre 2000, cette revue, 2001, p. 820.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 147d’utilisation, sous peine d’astreinte, <strong>de</strong> la dénomination commerciale «Centaurus»pour <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong>stinés aux chevaux), telle que formulée, «n’est paslimitée dans le temps par exemple jusqu’au moment où une décision seraintervenue sur le fond du litige à la suite d’une citation signifiée dans un délaipréfixe. Dès lors, si le tribunal venait à faire <strong>droit</strong> à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, la [partie<strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse] pourrait se dispenser d’introduire une action au fond tendant à lamesure sollicitée ayant par hypothèse obtenu en référé tout ce à quoi elle auraitpu prétendre <strong>de</strong>vant la juridiction du fond. En d’autres termes, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>formulée par [la partie <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse] ne tend pas à préserver le <strong>droit</strong> dont ellese prévaut, dans l’attente <strong>de</strong> la décision du juge du fond, mais à substituer àcelle-ci la décision du juge <strong>de</strong>s référés». Le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> commerce<strong>de</strong> Charleroi considère qu’une telle mesure serait dès lors <strong>de</strong> nature à «modifierla situation juridique <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> manière définitive et irréversible rendantinutile et sans intérêt une décision du juge du fond» 17 , estimant encore que«c’est bien <strong>de</strong> quoi il retourne en l’espèce où, obtenant satisfaction en référé, lasociété <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse ne trouverait plus le moindre intérêt à citer <strong>de</strong>vant le jugedu fond, ayant été remplie <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s qu’elle entendait voir reconnaître: interdiction d’utiliser la marque "Centaurus" sans limitation <strong>de</strong> temps[…]. En conséquence notre tribunal doit constater que la mesure <strong>de</strong>mandée nerelève pas du provisoire parce qu’elle substitue l’autorité du juge <strong>de</strong>s référés àcelle du juge du fond» (Comm. Charleroi (réf.), 27 octobre 2003, J.L.M.B.03/1108).A mon sens, lier le provisoire au caractère limité dans le temps <strong>de</strong> la mesuresollicitée relève d’une appréciation inexacte <strong>de</strong> cette notion. Le prési<strong>de</strong>nt dutribunal <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> Charleroi semble notamment oublier que le juge dufond pourrait parfaitement être saisi <strong>de</strong> la contestation opposant les <strong>de</strong>ux partiesquant au <strong>droit</strong> à se prévaloir <strong>de</strong> la dénomination «Centaurus», à l’initiative <strong>de</strong> lapartie défen<strong>de</strong>resse en référé, <strong>de</strong> sorte qu’un débat au fond pourrait bien avoirlieu sur cette question <strong>de</strong> <strong>droit</strong>, nonobstant le caractère non limité dans le temps<strong>de</strong> la mesure qu’aurait pu ordonner à ce sujet le juge <strong>de</strong>s référés. Ainsi, quoiquenon limitée dans le temps, cette mesure était toujours bien provisoire puisqu’ellene se serait pas imposée au juge du fond dès lors qu’elle ne bénéficiait d’aucuneautorité <strong>de</strong> la chose jugée.Cela étant dit, je ne vois pas d’inconvénient à ce que, dans certaines circonstances,le juge <strong>de</strong>s référés, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’une <strong>de</strong>s parties, limite dans le temps leseffets <strong>de</strong> son ordonnance, notamment si aucune procédure n’est introduite aufond dans un certain délai. Mais il ne convient pas <strong>de</strong> lier cette question aucaractère provisoire <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Au contraire, on pourrait admettre qu’au<strong>de</strong>làd’un certain délai, l’urgence (qui peut résulter <strong>de</strong> l’impossibilité d’obtenirune décision efficace dans un délai raisonnable <strong>de</strong>vant le juge du fond) qu’il yavait à ordonner telle mesure en référé ne se justifie plus dès lors que le juge dufond aurait pu entre-temps statuer, ou ne se justifie plus qu’en raison <strong>de</strong>l’attitu<strong>de</strong> du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur qui n’a pas pris soin <strong>de</strong> saisir le juge du fond du litige.Cette préoccupation me paraît plus pertinente pour justifier la limitation dans letemps <strong>de</strong>s effets d’une ordonnance <strong>de</strong> référé.• Dans cet esprit, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur, dans l’affaire du «dancing <strong>de</strong>Géronsart», après avoir autorisé à titre provisoire la reprise <strong>de</strong> l’exploitation, souscertaines conditions, précise dans son dispositif : «Disons que l’opportunité dumaintien <strong>de</strong>s mesures ici ordonnées sera réexaminée d’office à l’échéance <strong>de</strong>chaque pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> trois mois et, pour la première fois le […]»(Civ. Namur (réf.),20 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1254, déjà citée).___________17. P. MARCHAL, "Introduction générale", Le référé <strong>judiciaire</strong>, p. 2.


148 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES6.- Nature <strong>de</strong>s mesures provisoires ordonnées en référéLes étu<strong>de</strong>s consacrées au référé font traditionnellement la distinction, après avoirétudié les questions <strong>de</strong> l’urgence et du provisoire, entre les différents types <strong>de</strong>mesures que peut prendre le juge <strong>de</strong>s référés, classées selon l’intensité <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>sinvoqués et l’étendue <strong>de</strong> la mesure sollicitée : d’une part, les mesures simplementconservatoires justifiées par <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s apparents, d’autre part, les mesuresd’anticipation justifiées par <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s certains et évi<strong>de</strong>nts.Comme rappelé ci-<strong>de</strong>ssus, j’ai récemment tenté <strong>de</strong> démontrer que cette classificationétait obsolète à partir du moment où l’on admettait que la seule portée duprovisoire était que la décision du juge <strong>de</strong>s référés n’avait aucune autorité <strong>de</strong>chose jugée à l’égard du juge du fond, ce qui autorise le juge <strong>de</strong>s référés à apprécierles <strong>droit</strong>s <strong>de</strong>s parties et à prendre toutes mesures, même irréversibles, pourautant qu’elles ne portent pas atteinte <strong>de</strong> façon définitive et irréparable aux <strong>droit</strong>sd’une <strong>de</strong>s parties 18 .Cette classification classique reste toutefois très généralement appliquée enjurispru<strong>de</strong>nce, non sans que règne, comme je le montrerai ci-après, une gran<strong>de</strong>confusion dans l’application <strong>de</strong>s différentes notions invoquées.6.1.- Mesures conservatoires et <strong>droit</strong>s apparents• S’inscrivant dans la jurispru<strong>de</strong>nce classique, la cour du travail <strong>de</strong> Liège rappelleque «le juge <strong>de</strong>s référés peut prendre notamment <strong>de</strong>s mesures d’attente ou conservatoirespour autant que <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s apparents justifient cette décision et sans qu’ilne règle définitivement la situation juridique <strong>de</strong>s parties» (C. trav. Liège (10 e ch.),1 er avril 2003, J.L.M.B. 03/673).• De même, la cour d’appel <strong>de</strong> Liège précise, dans un arrêt du 3 octobre 2002 «ques’agissant d’une mesure d’expertise qui présente un caractère conservatoire, iln’est pas exigé que la partie <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse justifie d’un <strong>droit</strong> évi<strong>de</strong>nt, incontestableet non sérieusement contesté». La cour prend, en outre, soin <strong>de</strong> préciser que«le juge <strong>de</strong>s référés ordonne une mesure d’instruction dont l’opportunité et lerésultat seront appréciés librement par le juge du fond à l’égard duquel la décisionn’a aucune autorité <strong>de</strong> chose jugée» 19 (Liège (7 e ch.), 3 octobre 2002, J.L.M.B.02/1181).• C’est ce que confirme encore le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong>Namur, saisi d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’interdiction <strong>de</strong> passer l’acte authentique <strong>de</strong> vented’un immeuble, introduite par un autre acquéreur se prétendant bénéficiaire d’uncompromis <strong>de</strong> vente antérieur : «il appartient au juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> n’ordonner lesmesures provisoires sollicitées […] que pour autant que [la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse] démontreà suffisance une apparence <strong>de</strong> <strong>droit</strong>, ce qui implique l’absence d’unecontestation sérieuse». Toutefois, précise ce magistrat, «l’existence d’une contestationsérieuse du <strong>droit</strong> invoqué ne peut, à elle seule, empêcher une mesure <strong>de</strong>référé, le juge <strong>de</strong>vant, en pareille hypothèse, s’appuyer sur l’évaluation et lacomparaison <strong>de</strong>s préjudices éventuels, à savoir celui que subirait le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur sila mesure sollicitée n’était pas ordonnée et celle du défen<strong>de</strong>ur si elle l’était». C’estl’application classique <strong>de</strong> la balance <strong>de</strong>s intérêts, généralement envisagée lors <strong>de</strong>l’appréciation <strong>de</strong> l’urgence 20 . Dans cette balance, estime le juge, «il apparaîtjustifié d’opter pour une approche […] préventive <strong>de</strong>s conséquences dommageablesd’une situation; qu’en d’autres termes, plutôt que <strong>de</strong> spéculer sur une éventuelleréparation par équivalent et a posteriori en fonction <strong>de</strong> ce que le juge du___________18. Voy. supra, p. 142 (I.1).19. L’arrêt cite G. DE LEVAL, "L’examen du fond <strong>de</strong>s affaires par le juge <strong>de</strong>s référés", J.T., 1982, p. 422,n° 11.20. Voy. infra, p. 153 (II.2).


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 149fond déci<strong>de</strong>ra, il s’impose – pour autant qu’il n’existe prima facie aucune contreindicationmanifeste ou évi<strong>de</strong>nte en rapport avec la contestation du <strong>droit</strong> dont laprotection est sollicitée – <strong>de</strong> faire <strong>droit</strong> à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui, se fondant sur uneapparence <strong>de</strong> <strong>droit</strong> suffisante, quoique contestée, tend à prévenir l’apparition ou, lecas échéant, l’accroissement d’un dommage» (Civ. Namur (réf.), 20 décembre2002, J.L.M.B. 02/1253, déjà citée).En résumé, l’apparence <strong>de</strong> <strong>droit</strong> doit être démontrée avec suffisance. Ce qui n’estpas le cas si le <strong>droit</strong> apparent est sérieusement contesté. Mais malgré cette contestationsérieuse, l’apparence sera quand même suffisante pour justifier la mesuresollicitée si la balance <strong>de</strong>s intérêts en présence fait apparaître prima facie qu’iln’existe pas <strong>de</strong> contre-indication manifeste et évi<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> faire <strong>droit</strong> à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>…Voilà les contorsions stériles auxquelles le juge doit se livrer lorsqu’ilreste enfermé dans la distinction obsolète entre les <strong>droit</strong>s prétendument «apparents»et ceux qui seraient «évi<strong>de</strong>nts», ce qui l’oblige par ailleurs à analyser lecaractère apparent ou évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s contestations soulevées par l’autre partie.Et pour sauver les apparences, il ne lui reste qu’à affirmer péremptoirement quetoutes ces analyses ne sont évi<strong>de</strong>mment faites que prima facie !6.2.- Mesures d’anticipation et <strong>droit</strong>s évi<strong>de</strong>nts- a.- Remarque préalableTraditionnellement, c’est sous l’intitulé générique <strong>de</strong> «référé-provision» que ladoctrine traite généralement <strong>de</strong> toutes les mesures d’anticipation, tout en faisantune place particulière au référé-provision stricto sensu 21 . Il convient, toutefois, <strong>de</strong>gar<strong>de</strong>r à l’esprit que le référé-provision n’est en réalité qu’un type particulier,parmi bien d’autres, <strong>de</strong> mesures d’anticipation que peut ordonner le juge <strong>de</strong>sréférés. Rien ne justifie, à mon sens, que l’on fasse une place à part au référéprovisionpar rapport aux autres mesures d’anticipation, même si c’est sansconteste celui-ci qui a mis en lumière le premier l’importance et l’intérêt pratiqueque peuvent représenter <strong>de</strong> telles mesures d’anticipation.• Ainsi, lorsque le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Bruxelles (Civ. Bruxelles (réf.), 6 juin 2002,J.L.M.B. 03/696) souligne que «l’intervention directe du juge <strong>de</strong>s référés dans larelation contractuelle se confond en réalité avec un référé-provision», il fautcomprendre que ces <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> mesures se confon<strong>de</strong>nt dans le cadre plusgénéral <strong>de</strong>s mesures d’anticipation.• C’est ce que résume parfaitement, dans une récente ordonnance, le prési<strong>de</strong>nt dutribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Liège (Civ. Liège (réf.), 6 novembre 2003,J.L.M.B. 04/846) : «le rôle du juge <strong>de</strong>s référés ne se cantonne pas […] au domaine<strong>de</strong>s mesures d’instruction ou <strong>de</strong>s mesures conservatoires. Le juge <strong>de</strong>s référés n’est,en effet, pas limité quant aux mesures provisoires […] qu’il peut prendre, si cen’est qu’il ne peut octroyer plus que ce que le juge du fond pourrait allouer. Ainsi,il peut prendre <strong>de</strong>s mesures dites d’anticipation. Parmi celles-ci, on distinguel’injonction <strong>de</strong> faire, l’injonction <strong>de</strong> ne pas faire [et] l’injonction <strong>de</strong> payer unesomme d’argent ou le référé provision».• On relèvera, toutefois, que certains juges refusent encore l’idée même du référéanticipation.Dans un arrêt du 28 juillet 2003, la cour d’appel <strong>de</strong> Liège (Liège, (ch.vac.), 28 juillet 2003, J.L.M.B. 03/1219, déjà citée en note 8) constate que lepremier juge «tout en admettant l’urgence, rejette la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au motif que celle-cisort manifestement du cadre du provisoire, "le but poursuivi par la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse[…] (étant <strong>de</strong>) voir consacrée ici une prétention exactement i<strong>de</strong>ntique à cellequ’elle a soumise, parallèlement, à la juridiction <strong>de</strong> fond"».___________21. C’est ainsi que j’ai moi-même toujours présenté les choses dans mes précé<strong>de</strong>nts inédits (1992, p. 516;1993, p. 1131 et suivantes, et surtout 2000, p. 363 à 367).


150 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES- b.- Deman<strong>de</strong> d’une provision en référé• «Pour que le juge <strong>de</strong>s référés puisse, en quelque sorte, "préjuger" <strong>de</strong> l’existencedu <strong>droit</strong> revendiqué dans le chef <strong>de</strong> la partie <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse en référé-provision, ils’impose que celle-ci administre, dans le cadre d’un débat forcément simplifié etaccéléré, la preuve <strong>de</strong> l’évi<strong>de</strong>nce manifeste (ou encore : flagrante, éclatante,indiscutable) du bien-fondé <strong>de</strong> sa prétention, tant en fait qu’en <strong>droit</strong>» (Civ. Namur(réf.), 31 juillet 2001, J.L.M.B. 01/745).• «Une telle mesure d’anticipation ne peut […] être prise que face à un <strong>droit</strong>évi<strong>de</strong>nt et à une atteinte manifestement illicite <strong>de</strong> ce <strong>droit</strong>» (Civ. Liège (réf.), 6novembre 2003, J.L.M.B. 04/846, déjà citée).• Le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur avait obtenu en référé l’allocation d’une provision, dans le cadred’un litige portant sur la détermination <strong>de</strong>s responsabilités. Le juge <strong>de</strong>s référésn’avait toutefois pas mentionné dans son ordonnance que la faculté <strong>de</strong> cantonnementétait écartée. Le défen<strong>de</strong>ur refusait en conséquence <strong>de</strong> s’exécuter et proposait<strong>de</strong> cantonner le montant alloué à titre <strong>de</strong> provision. Le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur a introduitune nouvelle action en exclusion du cantonnement. Saisi <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, le juge<strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur déci<strong>de</strong> que «à l’inverse d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’astreinte ou <strong>de</strong>termes et délais, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> fondée sur l’article 1406 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> ne doitpas satisfaire à la condition <strong>de</strong> simultanéité avec l’examen et le jugement <strong>de</strong> la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> originaire». Après avoir relevé que la condamnation, pour laquellel’exclusion du cantonnement était sollicitée, avait été prononcée par le mêmetribunal, le prési<strong>de</strong>nt ajoute «qu’il est <strong>de</strong> l’essence même <strong>de</strong> la provision allouéeen référé dans le cadre d’un litige […], d’être indispensable à la satisfactionimmédiate d’un <strong>be</strong>soin actuel ou urgent; qu’en déci<strong>de</strong>r autrement reviendrait àvi<strong>de</strong>r <strong>de</strong> toute son efficacité l’ordonnance dite <strong>de</strong> référé-provision […]». (Civ.Namur (réf.), 31 juillet 2001, J.L.M.B. 01/726).- c.- Deman<strong>de</strong> d’exécution d’un contrat en référé• Le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Bruxelles a eu à connaître d’un conflit opposant unpédiatre à un centre hospitalier, en raison <strong>de</strong> la modification unilatérale, par ce<strong>de</strong>rnier, <strong>de</strong>s conditions dans lesquelles le mé<strong>de</strong>cin travaillait. Le juge va analyserdans le détail la nature <strong>de</strong>s activités du pédiatre avant et après la modificationunilatérale <strong>de</strong> son statut, les conséquences financières qui en découlent, le processusdécisionnel qui a conduit à cette modification pour en déduire qu’une «tellemodification unilatérale <strong>de</strong>s conditions du contrat <strong>de</strong> prestation <strong>de</strong> services sansque ne soient respectées les modalités contractuelles prévues pour la résiliation,constitue une violation flagrante <strong>de</strong> celui-ci, s’apparentant à la voie <strong>de</strong> fait». Ceconstat permet au juge <strong>de</strong> justifier son intervention dans le cadre <strong>de</strong> relationscontractuelles liant les parties : la voie <strong>de</strong> fait présupposant l’existence d’un actemanifestement illégitime et donc un <strong>droit</strong> évi<strong>de</strong>nt et certain à en obtenir la suppression22 (Civ. Bruxelles (réf.), 6 juin 2002, J.L.M.B. 03/696, déjà citée).Il est également intéressant <strong>de</strong> noter qu’après <strong>de</strong> longs développements sur lecaractère certain <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s invoqués et sur l’existence d’une véritable voie <strong>de</strong> fait,autorisant le juge à intervenir en matière contractuelle, celui-ci va se «contenter»,après avoir ordonné la réintégration du mé<strong>de</strong>cin dans le service <strong>de</strong> pédiatrie <strong>de</strong>l’hôpital, <strong>de</strong> dire «qu’il appartient aux parties <strong>de</strong> se concilier à l’initiative duconseil médical, pour préciser les attributions et prestations qu’il y a lieu <strong>de</strong>confier [au <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur] au sein du service <strong>de</strong> pédiatrie» dès lors que, nonobstant lavoie <strong>de</strong> fait, il «n’apparaît pas d’emblée que [le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur] puisse […] revendi-___________22. Sur l’origine et le rôle <strong>de</strong> la «voie du fait» dans le pouvoir d’intervention du juge <strong>de</strong>s référés, voy. J.ENGLEBERT, "Référé <strong>judiciaire</strong> : principes et questions <strong>de</strong> procédure", op. cit., n° 30 à 34, p. 27 et 28.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 151quer, sur la base du contrat <strong>de</strong> prestation <strong>de</strong> services signé […], sa réintégration,comme [il] le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, dans toutes 23 les prestations [qu’il] effectuait jusqu’au»moment <strong>de</strong> la modification unilatérale <strong>de</strong> ses conditions <strong>de</strong> travail, «l’organisationd’un service [pouvant] nécessiter certaines évolutions dans la répartition <strong>de</strong>stâches».En d’autres termes, le juge <strong>de</strong>s référés s’autorise à intervenir dans les relationscontractuelles <strong>de</strong>s parties, mais pas trop. Conscient qu’un ordre strict nes’accommo<strong>de</strong>rait pas <strong>de</strong> la nécessaire souplesse qui <strong>de</strong>vrait régir lesdites relationscontractuelles, le juge renvoie en définitive les parties à la case départ <strong>de</strong> laconciliation, après, il est vrai, avoir mis au préalable fin «à la voie <strong>de</strong> fait», enordonnant la réintégration du mé<strong>de</strong>cin mis à l’écart. Une telle décision, surprenanteà première vue, mérite d’être soulignée tant il est vrai, à mon sens, que lesjuges n’apparaissent pas toujours conscients (ou soucieux) <strong>de</strong> l’effet (ou <strong>de</strong>l’absence d’effet) pratique que peuvent revêtir certaines <strong>de</strong> leurs décisions troptranchées.• Le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur en référé avait acquis en janvier 1996 un fonds <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong>bijouterie auprès du défen<strong>de</strong>ur. L’acte <strong>de</strong> cession comportait une clause <strong>de</strong> nonconcurrence,non limitée dans le temps, interdisant au cédant d’exercer à l’avenirle commerce <strong>de</strong> bijoutier dans l’agglomération namuroise. Après avoir exercé cemême commerce pendant près <strong>de</strong> quatre ans à Dinant, le cédant était revenus’installer à Namur, en septembre 1999. Le cessionnaire l’avait assigné en référéafin qu’il lui soit fait interdiction d’exploiter un tel commerce. Une action au fond,ayant le même objet était introduite simultanément. Débouté <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> enréféré, le cessionnaire a interjeté appel. Selon la cour d’appel <strong>de</strong> Liège (Liège (7 ech.), 14 janvier 2000, J.L.M.B. 00/123, déjà citée), il n’était pas certain que le jugedu fond fasse une application stricte <strong>de</strong> la clause <strong>de</strong> non-concurrence dès lors quecelle-ci n’était pas limitée dans le temps. Or, selon la cour, le juge <strong>de</strong>s référés «nepourra déclarer fondée la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tendant au respect d’une clause <strong>de</strong> nonconcurrences’il n’est pas démontré que la partie à laquelle incombait cette obligation<strong>de</strong> non-concurrence ne pourra en aucun cas être déchargée <strong>de</strong> cette obligationpar le juge du fond» 24 . En d’autres termes, il appartient à la partie qui sollicitel’exécution d’une obligation contractuelle, par anticipation sur la décision quepourra prendre le juge du fond, qu’elle établisse le caractère évi<strong>de</strong>nt et certain <strong>de</strong>son <strong>droit</strong>. Mais, en définitive, ce sera la balance <strong>de</strong>s intérêts en présence quidéci<strong>de</strong>ra la cour à rejeter la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : «le juge <strong>de</strong>s référés, mettant en balance lesintérêts respectifs et le préjudice susceptible d’être subi par chacune <strong>de</strong>s parties,doit choisir entre, d’une part, le maintien d’une interdiction contractuelle maissusceptible d’être éventuellement réduite et dont la violation peut être sanctionnéepar <strong>de</strong>s dommages et intérêts déjà partiellement fixés <strong>de</strong> manière forfaitaire [dansle contrat] et, d’autre part, l’autorisation provisoire <strong>de</strong> poursuivre une activitécertes en principe interdite mais précédée d’investissements qu’une fermetureprovisoire risque <strong>de</strong> réduire à néant». Faisant cette balance, la cour considère«qu’une interdiction même provisoire causerait [à l’intimé] un dommage plusimportant et plus difficile à apprécier en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> démarrage que celui dontl’appelante peut faire état et pour lequel elle dispose d’une estimation forfaitaire,le préjudice complémentaire éventuel pouvant se mesurer grâce à un examen <strong>de</strong>ses résultats financiers dans lesquels l’apparition subite [<strong>de</strong> l’intimé], si elle a uneinfluence, aura laissé <strong>de</strong>s traces».• La cour d’appel <strong>de</strong> Liège a été saisie par plus <strong>de</strong> cent trente ouvriers <strong>de</strong> l’usineContinental, à Herstal, au moment <strong>de</strong> la mise en œuvre <strong>de</strong> son plan <strong>de</strong> fermeture,___________23. Souligné dans le texte.24. L’arrêt cite L. DU CASTILLON, "Aspect actuels du référé en matière contractuelle", Formation permanenteC.U.P. – U.Lg., septembre 1998, p. 49.


152 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESen vue d’obtenir «une mesure d’expertise jumelée à la production <strong>de</strong> documents»ainsi qu’une «interdiction <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r au licenciement <strong>de</strong>s [<strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs] avant ledépôt du rapport d’expertise». Sur cette secon<strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> la cour constate que «ladécision paraît bien acquise que les quelque sept cent vingt travailleurs menacésseront incessamment licenciés; que la vente annoncée <strong>de</strong>s bâtiments confirme ladétermination <strong>de</strong> l’intimée d’en finir avec sa division «poids lourd» à Herstal;qu’il n’est en pareille circonstance pas du pouvoir du juge d’ordonner une poursuite<strong>de</strong>s contrats <strong>de</strong> travail et d’intimer l’ordre <strong>de</strong> ne pas licencier; quel’entrepreneur reste libre, sous la réserve <strong>de</strong> l’abus <strong>de</strong> <strong>droit</strong> et <strong>de</strong>s préalablesd’information et <strong>de</strong> loyauté, <strong>de</strong> donner préavis et <strong>de</strong> faire ou non prester ceux-ci;qu’une décision <strong>judiciaire</strong>, surtout en référé, et dans les circonstances <strong>de</strong> l’espèce,notamment eu égard à l’importance numérique du personnel, ne pourrait contraindrel’intimé à maintenir l’usine en vie et à poursuivre une relation contractuelle»(Liège (7 e ch.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685).Sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’expertise, par contre, la cour estime la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> fondée dès lors«que ne peut être exclue une sanction <strong>judiciaire</strong> <strong>de</strong> la décision <strong>de</strong> mettre fin auxcontrats dès lors que la rupture est fautive parce que décidée brutalement, sansnécessité financière et sans égard pour les propositions formulées par le personneldont la contribution passée à un précé<strong>de</strong>nt plan <strong>de</strong> redressement a permis àl’employeur <strong>de</strong>s économies substantielles dont les travailleurs ont fait quelquetemps les frais». La cour précise néanmoins que «les mesures provisoires etconservatoires que le juge <strong>de</strong>s référés peut décréter doivent rester mesurées;qu’elles doivent principalement ai<strong>de</strong>r les appelants à préparer, en pleine connaissance<strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> la cause, la procédure au fond que logiquement ils introduirontà défaut d’obtenir d’être entendus et récompensés pour <strong>de</strong>s efforts méritoiresqu’ils avaient fournis et qui ont fait […] le succès <strong>de</strong> l’intimée». La cour nommeen conséquence un expert qui pourra se faire remettre une série <strong>de</strong> documents etprécise, comme à contrecœur, «qu’aller au-<strong>de</strong>là n’est pas possible dans le cadre duréféré».• La cour d’appel <strong>de</strong> Liège a encore considéré, dans un arrêt du 12 octobre 1999«que dans la recherche d’une solution mettant les intérêts respectifs en balance, iln’est pas hérétique – au sta<strong>de</strong> du référé – d’admettre certains aménagements à laforce obligatoire <strong>de</strong>s contrats lorsque <strong>de</strong>s événements imprévisibles lors <strong>de</strong> saconclusion ou la nature <strong>de</strong>s choses, conçue comme un agencement <strong>de</strong> faits et <strong>de</strong>circonstances qui s’imposent au juriste dans l’ordre rationnel auquel il souscrit,modifient profondément l’économie <strong>de</strong> celui-ci» 25 (Liège (7 e ch.), 12 octobre1999, J.L.M.B. 99/1221, déjà citée).- d. Rejet d’une injonction <strong>de</strong> ne pas faire• Le litige qui oppose <strong>de</strong>puis longtemps les héritiers <strong>de</strong> GEORGES SIMENON à unhôtelier Liégeois qui avait dénommé son établissement «Simenon» donne unexemple très intéressant <strong>de</strong> justification du refus, par le juge <strong>de</strong>s référés,d’ordonner au provisoire, une injonction <strong>de</strong> ne pas faire.Une procédure <strong>de</strong> plusieurs années avait conduit à l’interdiction <strong>de</strong> l’usage dunom «Simenon» comme enseigne commerciale pour cet hôtel. Persévérant, etnon dépourvu d’imagination, l’hôtelier avait décidé à la suite <strong>de</strong> cette procédure<strong>de</strong> dénommer son hôtel «Si Mais Non». Les héritiers <strong>de</strong> GEORGES SIMENONassignèrent à nouveau l’hôtelier en référé en vue d’obtenir sa condamnation àcesser tout usage <strong>de</strong> ce nouveau nom ou <strong>de</strong> tout autre nom similaire au nompatronymique «Simenon».___________25. L’arrêt cite X. DIEUX, "Réflexions sur la force obligatoire <strong>de</strong>s contrats et sur la théorie <strong>de</strong>l’imprévision", R.C.J.B., 1983, p. 393 et 403.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 153Après avoir constaté que pour obtenir une telle mesure d’anticipation les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs<strong>de</strong>vaient justifier d’un <strong>droit</strong> évi<strong>de</strong>nt et d’une atteinte manifestementillicite à ce <strong>droit</strong>, ce qui selon le juge était loin d’être acquis en l’espèce, celui-ciprécise par ailleurs que «la balance <strong>de</strong>s intérêts n’est pas plus susceptible <strong>de</strong>justifier la voie choisie par les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs. A cet égard, il faut soulever – carc’est révélateur – que déjà lorsqu’il s’est agit pour le juge du fond <strong>de</strong> rencontrerla <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’exécution provisoire dans son jugement du 8 novembre 2000 26 ,celui-ci l’a rejetée au motif que «d’une part, les délais écoulés <strong>de</strong>puis le premiermanquement <strong>de</strong> la défen<strong>de</strong>resse sont tels que quelques mois <strong>de</strong> plus ou <strong>de</strong> moinsne sont pas <strong>de</strong> nature à nuire aux intérêts <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs et, d’autre part, parceque le préjudice que subirait la défen<strong>de</strong>resse en cas <strong>de</strong> réformation <strong>de</strong> la décision,si elle avait dû s’exécuter avant l’issue définitive du procès, serait sansaucune mesure avec <strong>de</strong>s avantages retirés par les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs d’une exécutionimmédiate». Cette appréciation du juge du fond 27 dans le contexte d’une utilisationdirecte et franche du nom Simenon justifie, a fortiori, la pru<strong>de</strong>nce que doits’imposer le juge <strong>de</strong>s référés 28 face à l’utilisation du nom «Si Mais Non» (Civ.Liège (réf.), 6 novembre 2003, J.L.M.B. 04/846, déjà citée).II.- L’urgence1. Conditions <strong>de</strong> compétence et <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment• «L’urgence en matière <strong>de</strong> référé est un élément constitutif <strong>de</strong> la compétencematérielle du juge» (Liège (1 ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042, déjà citée).Comme on le sait, la compétence doit s’apprécier en fonction non pas <strong>de</strong> l’objetréel <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, mais bien <strong>de</strong> l’objet tel que formulé dans l’acte introductifd’instance 29 . «Dès lors, vu la référence à l’urgence [dans la citation], c’est à justetitre que le tribunal s’est déclaré compétent» (C.trav. Liège (10 e ch.), 1 er avril2003, J.L.M.B. 03/673, déjà citée).• «C’est à bon <strong>droit</strong> que le premier juge s’est déclaré compétent dès lors quel’urgence était invoquée en citation» (Bruxelles (9 e ch.), 20 septembre 2002,J.L.M.B. 02/1039).• C’est ce que confirme encore la Cour <strong>de</strong> cassation dans un arrêt du 10 avril2003 : «que lorsqu’il est saisi d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> présentée comme urgente dansl’acte introductif d’instance, le juge <strong>de</strong>s référés est compétent pour en connaître;que s’il ne reconnaît pas l’urgence <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, il la déclare non fondée» (Cass.(1 ère ch.), 10 avril 2003, J.L.M.B. 03/581).2. Notion et balance <strong>de</strong>s intérêts• «Il est généralement admis qu’il y a urgence dès que la crainte d’un préjudiced’une certaine gravité, voire d’inconvénients sérieux, rend une décision immédiatesouhaitable» (Liège (7 e ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042 ,, déjà citée 30 ; Liège (7 ech.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685, déjà citée).• L’urgence est une question <strong>de</strong> fait, «ce qui laisse au juge <strong>de</strong>s référés un largepouvoir d’appréciation en fait et, dans une juste mesure, la plus gran<strong>de</strong> li<strong>be</strong>rté»(Liège (7 e ch.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685, déjà citée) 31 .___________26. Il s’agit du jugement par lequel le juge du fond enjoignait au défen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> cesser tout emploi dupatronyme Simenon comme enseigne.27. Souligné dans le texte.28. Souligné dans le texte.29. Voy., «<strong>Inédits</strong>… », cette revue, 1992, p. 509, 1993, p. 1121 et 2000, p. 359.30. L’arrêt cite J. VAN COMPERNOLLE, "Actualité du référé", Ann. dr. Louvain., 1989, p. 143 à 147.31. L’arrêt cite Cass., 21 mai 1987, Pas., 1987, I, 1160.


154 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES• Ainsi, le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Bruxelles, saisi d’une<strong>de</strong>man<strong>de</strong> visant à obtenir la restitution d’un véhicule enlevé par une société <strong>de</strong>dépannage sur réquisition <strong>de</strong> la police, estime qu’il y a urgence dès lors que «lefait pour la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse d’être privée <strong>de</strong> son véhicule dont elle a <strong>be</strong>soinnotamment dans l’exercice <strong>de</strong> sa profession, constitue dans son chef uninconvénient sérieux justifiant le recours à la procédure en référé» (Civ.Bruxelles (réf.), 4 juin 2004, J.L.M.B. 04/562).• Pour la cour d’appel <strong>de</strong> Liège, «la circonstance qu’en raison d’un changement <strong>de</strong>conseil, l’appelante ait <strong>de</strong>mandé remise à l’audience d’introduction afin <strong>de</strong> pouvoirétablir <strong>de</strong>s conclusions additionnelles n’entraîne pas une disparition <strong>de</strong>l’urgence» (Liège (ch. vac.), 28 juillet 2003, J.L.M.B. 03/1219, déjà citée).• Il y a urgence «lorsque la procédure ordinaire serait impuissante à résoudre ledifférend en temps voulu». La cour d’appel <strong>de</strong> Liège estime, dans son arrêt déjàcité du 22 mai 2001, qu’il «faut toutefois ne pas négliger les possibilités offertespar la combinaison <strong>de</strong>s articles 19, alinéa 2, 735 et 708 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> 32 lorsquel’action au fond est déjà introduite ou en voie <strong>de</strong> l’être, l’urgence ne pouvantrésulter <strong>de</strong> l’inertie du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur» (sous entendu que l’inertie en l’espèce consisteraità ne pas s’être prévalu <strong>de</strong> ces dispositions, au fond, à l’audienced’introduction). La cour constate toutefois qu’en l’espèce «les possibilités d’undébat succinct organisé rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>vant le juge du fond ne sont pas réalistes etque le choix <strong>de</strong> la juridiction prési<strong>de</strong>ntielle ne doit pas être condamné» (Liège (7 ech.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685, déjà citée).• Le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> Charleroi va plus loin en estimantque le tribunal <strong>de</strong>s référés «doit […] rejeter la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en référé-provision àdéfaut d’urgence, si le résultat recherché peut être obtenu <strong>de</strong>vant le juge du fonddans <strong>de</strong>s délais comparables en recourant à l’article 19 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>; […]en l’occurrence, le tribunal <strong>de</strong> commerce est en mesure <strong>de</strong> connaître au fonddans <strong>de</strong>s délais très rapprochés, <strong>de</strong> toute affaire dont la fixation lui serait <strong>de</strong>mandéepar les parties; la réclamation <strong>de</strong> la [<strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse] doit ainsi êtrerejetée, la mesure sollicitée pouvant être accordée en temps utile <strong>de</strong>vant le jugedu fond 33 » 34 (Comm. Charleroi (réf.), 11 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1234, déjàcitée).Si le juge apprécie souverainement la réalisation <strong>de</strong> la condition <strong>de</strong> l’urgence, ilappartient néanmoins au <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur d’apporter la preuve <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong>scraintes d’un préjudice d’une certaine gravité, voire d’inconvénients sérieux.• Dans l’affaire déjà citée d’une mère qui s’opposait à l’inscription d’office par lacommune <strong>de</strong> son fils insolvable à son domicile, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Mons relèvel’absence d’urgence au motif que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse «ne produit […] aux débatsaucun document, pas même une mise en <strong>de</strong>meure, qui nous permettraitd’apprécier la justesse <strong>de</strong> ces craintes» (qui résultaient du risque <strong>de</strong> mesuresd’exécution forcées sur le patrimoine <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse pour <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ttes <strong>de</strong> sonfils, insolvable) (Civ. Mons (réf.), 8 octobre 1999, J.L.M.B. 00/587, déjà citée) .Ce sera souvent par une balance <strong>de</strong>s intérêts en présence que le juge détermineras’il y a urgence ou non à ordonner la mesure sollicitée (Liège (7 e ch.), 14 janvier2000, J.L.M.B. 00/123, déjà citée).___________32. L’arrêt cite J.-F. VAN DROOGHENBROECK, "Aspect actuel du référé-provision", in Les procédures enréféré, Formation permanente C.U.P.- U.Lg., septembre 1998, vol. 25, p. 27.33. La décision cite J.-F. VAN DROOGENBROECK, "Aspect actuel du référé provision", op. cit. p. 29.34. Sur les réserves qui doivent être émises à l’égard <strong>de</strong> cette jurispru<strong>de</strong>nce, voy. J. ENGLEBERT, "Référé<strong>judiciaire</strong> : principes et questions <strong>de</strong> procédure", op. cit., p. 16 à 18.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 155• Dans l’appréciation <strong>de</strong> l’urgence «le juge recherche si l’absence <strong>de</strong> suite donnéeà la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aurait pour effet d’entraîner une perturbation plus gran<strong>de</strong> que lepréjudice éventuel créé par l’accueil <strong>de</strong> l’action, ce qui suppose la confrontation<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux préjudices éventuels et la prise en considération <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong>s partieset <strong>de</strong> leur comportement» (Liège (7 e ch.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685, déjàcitée).• Ainsi dans l’affaire déjà évoquée <strong>de</strong> l’abattage d’une vache ayant perdu sesmarques auriculaires, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Tournai déci<strong>de</strong> que «l’absenced’i<strong>de</strong>ntification certaine du bovin litigieux […] entraîne donc la nécessité urgente<strong>de</strong> sa <strong>de</strong>struction dans un but prophylactique rendu d’autant plus indispensable dufait <strong>de</strong>s actualités récentes en matière <strong>de</strong> risques pour la santé humaine liés à laconsommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> (mafia <strong>de</strong>s hormones, scandale <strong>de</strong> la dioxine, maladie <strong>de</strong>la vache folle…)», précisant que dans le cadre <strong>de</strong> l’appréciation <strong>de</strong> l’urgence «lejuge peut tenir compte <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong>s intérêts en balance; qu’en l’espècel’intérêt public doit l’emporter sans la moindre hésitation sur l’intérêt particulierque pourrait avoir le défen<strong>de</strong>ur à conserver son animal» (Civ. Tournai (réf.), 25octobre 2000, J.L.M.B. 01/515, déjà citée).• Il en va <strong>de</strong> même dans l’affaire déjà citée <strong>de</strong> l’hôtel «Si Mais Non» : le jugeconstate pour contester l’urgence <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que «en l’espèce, il ressort <strong>de</strong>sexplications apportées par les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs que le dommage dont il se prévalentest essentiellement financier; en effet même si l’aspect moral est évoqué succinctement(p. 8 in fine <strong>de</strong>s conclusions <strong>de</strong> synthèse), il est surtout question <strong>de</strong>dévalorisation, <strong>de</strong> retombée économique, d’investissement considérable, <strong>de</strong>privation d’un <strong>droit</strong> <strong>de</strong> monnayer les autorisations… ; or, un tel dommage estessentiellement réparable et, au vu <strong>de</strong> la situation pécuniaire <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs,son examen ne nécessite aucune précipitation» (Civ. Liège (réf.), 6 novembre2003, J.L.M.B. 04/846, déjà citée).3. Persistance <strong>de</strong> l’urgence jusqu’à l’issue <strong>de</strong> la procédure• L’urgence, condition du fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, «doit exister non seulementlors <strong>de</strong> l’introduction du procès mais jusqu’à la clôture <strong>de</strong>s débats, cette règles’appliquant en <strong>de</strong>gré d’appel» (Liège (1 ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042,déjà citée).• Dans un arrêt du 8 novembre 1999, la cour d’appel <strong>de</strong> Mons s’emmêle quelquepeu les pinceaux entre l’urgence, condition <strong>de</strong> compétence et l’urgence, condition<strong>de</strong> fond. La cour rappelle d’abord que l’urgence est «la condition nécessaire etsuffisante <strong>de</strong> la compétence du juge <strong>de</strong>s référés». Elle confirme ensuitel’enseignement bien établi selon lequel en tant que condition <strong>de</strong> compétence,l’urgence s’apprécie <strong>de</strong> façon purement formelle : «que, conformément auxarticles 9 et 584 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, l’urgence est une condition non point <strong>de</strong>recevabilité mais <strong>de</strong> compétence du juge <strong>de</strong>s référés […]; qu’elle s’apprécie enfonction <strong>de</strong> l’objet <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tel qu’il est formulé par le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur dans lacitation et non en fonction <strong>de</strong> l’objet réel <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>; qu’il s’ensuit que,lorsque le prési<strong>de</strong>nt du tribunal siégeant en référé est saisi par la citation d’un<strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur invoquant l’urgence, il est compétent pour connaître <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>35 », et ajoute «que si le juge <strong>de</strong>s référés reconnaît effectivement l’urgence<strong>de</strong> la cause, il déci<strong>de</strong> alors <strong>de</strong> faire <strong>droit</strong> à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et la déclare dans ce casfondée». Il ressort implicitement <strong>de</strong> la décision que le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur avait bieninvoqué, en l’espèce, l’urgence en citation. Par contre, la cour s’interroge «siactuellement [en appel] l’on peut encore estimer qu’il y aurait toujours urgence à___________35. L’arrêt cite Cass. 11 mai 1990 (<strong>de</strong>ux arrêts), Pas., I, 1990, n° 535, 1045 et n° 537, 1050; Cass., 6 mai1991, Pas. 1991, I, 788; Mons, 4 juin 1992, cette revue, 1992, p. 1165; Liège, 19 octobre 1995, J.T.,1996, p. 285.


156 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESstatuer compte tenu <strong>de</strong> ce que l’appelante n’est plus propriétaire <strong>de</strong> son commerce<strong>de</strong>puis le 17 novembre 1998 36 ». La cour estime, à juste titre, que l’urgence (condition<strong>de</strong> fond) «est à apprécier au jour <strong>de</strong> la clôture <strong>de</strong>s débats <strong>de</strong>vant la cour».Jusque là tout va bien. C’est dans la conclusion <strong>de</strong> son raisonnement que la cours’égare en estimant que la question <strong>de</strong> savoir si l’urgence subsiste, constitue «uneexception soulevée d’office par la cour tenant à sa compétence et qui concernel’ordre public, il y a lieu d’ordonner d’office la réouverture <strong>de</strong>s débats». Il nes’agissait évi<strong>de</strong>mment plus d’un problème <strong>de</strong> compétence – définitivement régléen fonction du li<strong>be</strong>llé <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> – mais bien d’une question <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>l’action à la suite <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> l’urgence en cours <strong>de</strong> procédure – enl’espèce par la vente, par la concluante, <strong>de</strong> son commerce (Mons (13 e ch.), 8novembre 1999, J.L.M.B. 99/1470).• La cour d’appel <strong>de</strong> Liège commet la même erreur dans un arrêt du 6 mars 2000.Après avoir relevé que le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur originaire avait bien invoqué l’urgence<strong>de</strong>vant le premier juge, mais estimant que celle-ci ne subsistait plus en appel, lacour «reçoit l’appel», mais «se déclare incompétente à défaut d’urgence».Conformément à l’enseignement <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong> cassation 37 , il appartenait à la courd’appel <strong>de</strong> Liège <strong>de</strong> constater, vu la disparition <strong>de</strong> l’urgence en cours <strong>de</strong> procédure,que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> n’avait plus d’objet et <strong>de</strong> la déclarer en conséquence nonfondée (Liège (1 ère ch.), 6 mars 2000, J.L.M.B. 04/986, déjà citée).4. Conséquence <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> l’urgence sur la procédured’appel 38La disparition <strong>de</strong> l’urgence en appel ne rend toutefois pas nécessairement laprocédure d’appel sans objet.• La cour du travail <strong>de</strong> Liège a très justement confirmé cet enseignement par unarrêt du 1 er avril 2003 : «La circonstance que la société B. a actuellement reçul’autorisation <strong>de</strong> laisser ses véhicules stationner sur le territoire <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Liègeet ainsi permettre l’exploitation commerciale <strong>de</strong>s taxis ne permet plus <strong>de</strong> constaterl’urgence 39 . Il n’y a donc plus lieu à référé et la cour est donc à cet égard incompétente40 : les conséquences du défaut <strong>de</strong> l’urgence au niveau <strong>de</strong> l’instance d’appelinterdisent que la cour soit encore compétente pour prendre <strong>de</strong>s mesures provisoires,qui ne sont d’ailleurs pas <strong>de</strong>mandées par les parties. Toutefois, l’absenceactuelle d’urgence n’a pas d’autre effet que celui qui vient d’être précisé, en sorteque la cour <strong>de</strong>meure compétente pour juger le différend qui oppose les parties surla réalité <strong>de</strong> l’urgence au jour où le premier juge a statué, et si ce <strong>de</strong>rnier a correctementapprécié les faits <strong>de</strong> la cause. Tout autre raisonnement ferait perdre àl’appelant le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> juridiction légalement organisé par le co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> 41 » (C.trav. Liège (10 e ch.) 1 er avril 2003, J.L.M.B. 03/673, déjà citée).___________36. Il faut savoir que l’appel date du 19 novembre 1998 et que l’action originaire, introduite parl’appelante, avait pour objet d’obtenir la condamnation du défen<strong>de</strong>ur à s’approvisionner auprès d’ellepour tout produit <strong>de</strong> boulangerie.37. Cass., 6 mai 1991, Pas., 1991, I, 788; voy. aussi J. ENGLEBERT, "<strong>Inédits</strong>… ", cette revue, 1992, p. 510.38. Sur l’ensemble <strong>de</strong>s questions liées à l’inci<strong>de</strong>nce du maintien ou <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> l’urgence en appel,voy. H. BOULARBAH, "Variations autour <strong>de</strong> l’appel <strong>de</strong>s ordonnances sur référé", Imperat Lex – Li<strong>be</strong>ramicorum Pierre Marchal, Larcier, 2003, p. 225 à 245.39. En l’espèce, l’action originaire <strong>de</strong> la société B., auquel le juge <strong>de</strong>s référés a fait <strong>droit</strong>, avait pour objetd’obtenir du juge <strong>de</strong>s référés qu’il se substitue à l’O.N.S.S. pour modifier, par son ordonnance, uneattestation <strong>de</strong> celle-ci considérée par le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur comme inexacte, attestation indispensable à lapoursuite <strong>de</strong> ses activités <strong>de</strong> taxi sur le territoire <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Liège. L’appel est interjeté par le procureurgénéral près les cours d’appel et du travail.40. L’arrêt cite Liège, 3 décembre 2002, cette revue, 2003, p. 37.41. L’arrêt cite Liège, 15 novembre 2000, cette revue, 2001, p. 338.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 157• De même, la cour d’appel <strong>de</strong> Bruxelles précise à juste titre dans son arrêt, déjàcité, du 20 septembre 2002, que « même si l’urgence, qui doit s’apprécier aumoment où le juge statue, n’existe plus à ce jour, puisque la mesure ordonnée parle premier juge a été exécutée, la question continue <strong>de</strong> se poser <strong>de</strong> savoir si au jouroù le premier juge a statué, soit le 19 juin 2000, il y avait urgence à ordonner lesmesures précisées au dispositif <strong>de</strong> son ordonnance» (Bruxelles (9 e ch.), 20 septembre2002, J.L.M.B. 02/1039, déjà citée).5. Urgence et inertie du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urLe retard mis par le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur originaire à introduire un appel contre une ordonnance<strong>de</strong> référé le déboutant <strong>de</strong> son action, n’est pas nécessairement la preuve <strong>de</strong>la disparition <strong>de</strong> l’urgence, spécialement lorsque les parties ont préalablementtenté <strong>de</strong> trouver une issue amiable au litige.• C’est ce que rappelle la cour d’appel <strong>de</strong> Liège dans son arrêt du 28 juin 2000 :«le délai <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mois et dix jours qui sépare la décision entreprise <strong>de</strong> la requêted’appel résulte <strong>de</strong>s pourparlers qui ont eu lieu entre les parties à l’initiative duministre chargé <strong>de</strong> l’environnement aux fins <strong>de</strong> trouver un terrain <strong>de</strong> compromisqui n’ont pas aboutis; que le délai écoulé entre le jugement et la requête d’appelest justifié» (Liège (1 ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042, déjà citée).• La cour d’appel <strong>de</strong> Liège a encore eu l’occasion <strong>de</strong> statuer sur cette questiondans la cadre d’un litige opposant un exploitant agricole français ayant acheté untracteur d’occasion à une société <strong>be</strong>lge. Le tracteur, un Case Magnum 7250 Promis en circulation en 2000, avait été vendu pour 40.000 euros 42 plus 5.500 eurospour quelques «travaux <strong>de</strong> mise en ordre». L’exploitant agricole qui en avait prislivraison le 10 juillet 2002 <strong>de</strong>vait déplorer, dès le 23 août, une panne immobilisantl’engin après seulement nonante-cinq heures d’utilisation. Il adresse une réclamationpar recommandé au ven<strong>de</strong>ur le 12 septembre qui y oppose une fin <strong>de</strong> nonrecevoir,le 25 septembre, en vertu d’une clause figurant sur la facture selonlaquelle le tracteur était vendu sans garantie et précisant que «l’acquéreur renonceà tous recours généralement quelconques du chef <strong>de</strong> tous vices apparents oucachés». Le 30 septembre, un expert désigné par l’assureur protection juridique <strong>de</strong>l’acheteur convoque le ven<strong>de</strong>ur à une réunion <strong>de</strong>stinée à dresser un constatcontradictoire <strong>de</strong> l’état du tracteur. A nouveau le ven<strong>de</strong>ur décline la proposition.Un rapport unilatéral est établi le 22 octobre. Citation en référé en vue d’obtenir ladésignation d’un expert afin que puisse être dressé un constat contradictoire<strong>de</strong>vant permettre ensuite à l’acheteur <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r, sous réserve, aux réparationsqui s’imposaient, a été signifiée au ven<strong>de</strong>ur le 20 décembre 2002 pour la premièredate d’introduction utile, soit le 8 janvier 2003. Par ordonnance du 22 janvier, lejuge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur rejette la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à défaut d’urgence. Le 10 janvierl’agriculteur assigne le ven<strong>de</strong>ur au fond. Le 1 er avril, il interjette appel <strong>de</strong>l’ordonnance <strong>de</strong> référé.A première vue, cette relation <strong>de</strong>s faits permet <strong>de</strong> conclure à une inertie certainedu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur qui n’assigne en référé qu’en décembre pour une panne intervenueen août et qui, <strong>de</strong> surcroît, n’interjette appel qu’en avril d’une ordonnance renduefin janvier. C’est évi<strong>de</strong>mment ce qu’a soulevé le ven<strong>de</strong>ur du tracteur en appel,invoquant en outre le fait qu’en toute hypothèse l’action au fond pour vice cachéétait elle-même manifestement tardive en sorte que toute mesure conservatoirefondée sur ce même motif doit être rejetée.La cour d’appel <strong>de</strong> Liège, dans un arrêt du 27 mai 2003 ne se laissera nullementconvaincre par cette argumentation, faisant une analyse pertinente <strong>de</strong>s faits <strong>de</strong> lacause. Sur la prétendue tardiveté <strong>de</strong> l’action au fond, la cour relève «que l’on ne___________42. Soit largement au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la cote SIMO !


158 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESpeut a priori retenir que l’appelante sera certainement déclarée forclose par lajuridiction <strong>de</strong> fond alors qu’avant d’assigner elle a voulu obtenir d’un expert uneconfirmation précise et documentée <strong>de</strong>s causes possibles <strong>de</strong> l’avarie; qu’ellepouvait redouter <strong>de</strong> voir sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> rejetée parce qu’insuffisamment étayée etqu’en dépit d’une fin <strong>de</strong> non-recevoir signifiée le 25 septembre 2002, il n’était pasdéraisonnable à première vue d’encore essayer <strong>de</strong> convaincre le ven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>l’utilité d’une solution amiable ni d’attendre qu’un spécialiste <strong>de</strong> la mécaniqueatteste <strong>de</strong> défectuosités justifiant la réclamation». Par ailleurs, la cour estime quel’acheteur n’a pas fait preuve d’inertie fautive avant d’assigner en référé : «que[l’appelant] n’a pas été négligeant; [qu’il] affirme avoir d’abord pris un contacttéléphonique avant d’envoyer un courrier recommandé; [qu’il] a dû s’ouvrir <strong>de</strong> sesdifficultés à un assureur qui a voulu à juste titre objectiver les réclamations par lerapport d’un conseiller technique et dû donner les instructions en vue <strong>de</strong> la signification[…], la recherche d’un avocat en Belgique étant susceptible d’expliquer lesquelques semaines séparant le rapport <strong>de</strong> l’expert […] <strong>de</strong> la citation [en référé]».La cour considère donc que c’est à tort que le premier juge a dénié l’urgence et ce,d’autant plus que «le préjudice <strong>de</strong> l’appelant, s’il est reconnu que l’intimée doitrépondre <strong>de</strong> l’immobilisation du tracteur, ne cesse d’augmenter avec le temps quipasse; que l’urgence, ni au moment <strong>de</strong> la citation, ni lors du prononcé <strong>de</strong>l’ordonnance entreprise, n’avait disparu» (Liège (7 e ch.), 27 mai 2003, J.L.M.B.03/690).Je ne peux qu’approuver ces considérations qui font clairement la part <strong>de</strong>s chosesentre la prompte diligence à agir et la précipitation. L’urgence comman<strong>de</strong> d’agirsans tar<strong>de</strong>r mais non pas avec précipitation. Il est normal <strong>de</strong> se constituer undossier avant d’agir.L’analyse que fait la cour <strong>de</strong> la suite <strong>de</strong> la procédure est tout autant pertinente etmérite d’être particulièrement soulignée : «Attendu que l’appelant n’a pas immédiatementdécidé l’introduction d’un recours; qu’il apporte une explication lorsqu’ilaffirme qu’il lui était assuré <strong>de</strong> pouvoir plai<strong>de</strong>r rapi<strong>de</strong>ment au fond, perspectivequi s’est fermée lorsqu’il a appris la fixation au 16 juin 2003 et l’impossibilitéd’anticiper le débat; que l’espoir d’une application <strong>de</strong> l’article 19, alinéa 2, duco<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> s’en trouve donc singulièrement amoindri alors quel’immobilisation du tracteur continue et ne saurait cesser avant un constat contradictoire»43 .• De même, il a été jugé que «le retard d’une partie qui se plaint d’un dommage àporter le différend en justice n’exclut pas nécessairement l’urgence, si la situationexistante est aggravée par <strong>de</strong>s faits nouveaux ou par l’effet <strong>de</strong> sa simple durée» 44 .En l’espèce, le juge constate que «si la présence d’infiltrations d’eau n’est pasnouvelle, l’absence <strong>de</strong> remè<strong>de</strong> durable est <strong>de</strong> nature à permettre une aggravationsérieuse <strong>de</strong>s dommages que ces infiltrations entraînent», ce qui justifie l’urgence àordonner une mesure d’expertise.L’inertie du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur peut, par contre, justifier que le juge refuse <strong>de</strong> faire <strong>droit</strong> àune <strong>de</strong>man<strong>de</strong> introduite sur requête unilatérale, estimant que le requérant avait eulargement le temps d’introduire utilement un référé contradictoire (Liège (7 e ch.),3 octobre 2002, J.L.M.B. 02/1181, déjà citée).• Ainsi, saisie en appel d’une tierce opposition contre une ordonnance ayant fait<strong>droit</strong> à une requête unilatérale (tierce opposition rejetée par le juge <strong>de</strong>s référés), lacour d’appel <strong>de</strong> liège va mettre à néant l’ordonnance dont appel, «et par voie <strong>de</strong>___________43. Pour un avis critique sur le renvoi à l’article 19, alinéa 2, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, voy. J. ENGLEBERT, "Leréféré <strong>judiciaire</strong> : principes et questions <strong>de</strong> procédure", op. cit., n° 16 et 17.44. L’arrêt cite G. DE LEVAL, "Le référé en <strong>droit</strong> <strong>judiciaire</strong> privé", Act. dr., 1992, p. 867, et Bruxelles (9 ech.), 4 février 1999, inédit, RG n° 98KR298.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 159conséquence» l’ordonnance rendue antérieurement sur requête unilatérale à défautd’extrême urgence «qui ne doit pas résulter <strong>de</strong> la passivité du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur quiattend la <strong>de</strong>rnière minute avant d’entreprendre la recherche d’une solution audifférend ou au problème auquel il est confronté.En l’espèce le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur qui disposait d’un matériel informatique (trieuse etcalibreuse <strong>de</strong> fruits par gestion informatisée), avec un co<strong>de</strong> d’accès temporaire,avait introduit la veille <strong>de</strong> l’expiration du co<strong>de</strong>, une requête unilatérale en vued’obtenir la condamnation <strong>de</strong>s sociétés ayant livré le matériel, à lui délivrer leco<strong>de</strong> définitif, arguant notamment du risque <strong>de</strong> dépérissement <strong>de</strong> près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux centcinquante tonnes <strong>de</strong> fruits. La cour considère que le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur originaire quin’ignorait pas ne disposer que d’un co<strong>de</strong> temporaire et qui, par ailleurs, avait étéinformé dix jours avant le blocage <strong>de</strong> l’arrivée <strong>de</strong> la date fatidique, avait eu «toutesoccasions d’entreprendre plus tôt et par la voie normale les démarches utiles pourque la jouissance <strong>de</strong> la trieuse lui soit acquise» (Liège (7 e ch.), 18 février 2003,J.L.M.B. 03/755).• L’inertie du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur peut encore résulter du fait qu’il ait laissé s’écouler sansagir le délai pour introduire un recours administratif contre l’acte incriminé enréféré : «que si [la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse] est aujourd’hui forclose <strong>de</strong> ces recours, c’est àraison <strong>de</strong> sa seule inaction, et non, comme elle le prétend dans le cadre <strong>de</strong> laprésente instance parce qu’elle n’apprit l’existence <strong>de</strong> l’acte incriminé qu’après laforclusion <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> recours administratives; […] qu’il n’y a pas lieu à référélorsque le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur […] a provoqué lui-même la situation d’urgence dont il seprévaut» (Civ. Mons (réf.), 8 octobre 1999, J.L.M.B. 00/587, déjà citée).• Par contre, il a été jugé que «l’urgence n’est pas contredite par la durée d’uneprocédure qui, au vu <strong>de</strong> l’argumentation âprement développée <strong>de</strong> part et d’autre,justifiait le temps qui lui fut consacrée» (Liège (7 e ch.), 2 mars 2000, J.L.M.B.00/354, déjà citée).6. Urgence et inertie du… défen<strong>de</strong>ur !Il est <strong>de</strong>s cas où l’attitu<strong>de</strong> du défen<strong>de</strong>ur peut être prise en compte par le juge pourapprécier <strong>de</strong> l’urgence.• Dans l’affaire, par ailleurs déjà longuement commentée 45 , du litige opposantcertains riverains aux exploitant du dancing «La ferme <strong>de</strong> l’abbaye <strong>de</strong> Géronsart»,le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur estime que les exploitants du dancing «justifientlargement l’urgence [qu’ils] invoquent en considération <strong>de</strong>s charges financièresqui se font <strong>de</strong> plus en plus pressantes; […]; que les risques <strong>de</strong> faillite se précisent».Mais, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette considération, le juge en profite pour stigmatiser l’attitu<strong>de</strong><strong>de</strong>s défen<strong>de</strong>urs (certains riverains dont, ceci expliquant peut-être cela, un avocatbien en vue au barreau <strong>de</strong> Namur) qui avaient soulevé l’absence d’urgence enraison <strong>de</strong> «l’incurie» <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs : «que cette <strong>de</strong>rnière affirmation est audacieusedans la mesure où les pièces produites révèlent que les riverains […],quoique pourtant <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs dans la procédure pendante <strong>de</strong>vant le juge <strong>de</strong> paix,n’ont jamais mis un empressement particulier à diligenter cette procédure, ce quesoulignait d’ailleurs le premier juge en rappelant la nécessité d’une collaborationloyale <strong>de</strong>s parties à l’instruction <strong>de</strong> la cause». Il apparaît ainsi manifestement quele juge <strong>de</strong>s référés n’accepte pas que les riverains, qui ont obtenu <strong>de</strong>vant le juge <strong>de</strong>paix une mesure provisoire (jusqu’au prononcé du jugement au fond)d’interdiction d’exploiter le dancing, ne fassent plus rien pour diligenter cetteprocédure (Civ. Namur (8 e ch.réf.), 20 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1254, déjàcitée).___________45. Voy. supra, p. 144 (I.3).


160 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES7. Urgence et existence d’une autre voie procédurale aussiefficaceL’existence d’une autre voie procédurale permettant d’obtenir un résultat aussirapi<strong>de</strong>ment qu’en référé (action comme en référé, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en débats succincts aufond, etc.) est parfois considérée comme exclusive <strong>de</strong> l’urgence à saisir le juge enréféré.• La S.C.R.L. Brutele avait introduit une action en référé contre la commune <strong>de</strong>Schaer<strong>be</strong>ek en vue d’obtenir la condamnation <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière à lever les scellésapposés sur un dépôt en plein air <strong>de</strong> matériel servant à l’entretien <strong>de</strong> son réseau <strong>de</strong>télédistribution, pour lequel Brutele ne disposait pas <strong>de</strong> permis d’urbanisme. Lacommune soulève le défaut d’urgence au motif que Brutele «n’a pas fait usage <strong>de</strong>la possibilité d’introduire un recours au fond <strong>de</strong>vant le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong>première instance siégeant comme en référé (article 587, 2°, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>)46 ». Faisant <strong>droit</strong> à cet argument, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Bruxelles relève que«l’urgence est habituellement déniée si une autre juridiction, normalement compétente,peut intervenir avec la même efficacité, ce qui est le cas en l’espèce 47 ».Or, «la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse a en l’espèce négligé d’introduire la procédure au fond dèsla mise <strong>de</strong>s scellés mais a uniquement saisi le juge <strong>de</strong>s référés». Dans ces conditions,le défaut d’urgence sera admis et l’action déclarée non fondée (Civ.Bruxelles (réf.), 13 mars 2003, J.L.M.B. 03/708).Les juges <strong>de</strong>s référés veilleront à être très pru<strong>de</strong>nts dans l’application <strong>de</strong> cettejurispru<strong>de</strong>nce en vérifiant notamment si, dans les faits, les autres procéduresoffertes aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs permettent réellement d’obtenir une solution aussirapi<strong>de</strong>ment qu’en référé.III. Le référé unilatéral 481. Conditions autorisant le recours à la requête unilatéraleLa procédure sur requête unilatérale présente <strong>de</strong> réels dangers dès lors qu’elle nerespecte pas le principe du contradictoire. Sa mise en œuvre exige le respect <strong>de</strong>conditions qui doivent être appréciées avec la plus gran<strong>de</strong> rigueur.• On ne peut recourir «à ce mo<strong>de</strong> d’introduction qu’à titre exceptionnel, lorsquel’introduction par voie <strong>de</strong> citation, même à délai abrégé, serait inefficace ouimpossible. […] ceci constitue la manifestation du principe général selon lequeltoute dérogation au principe du contradictoire doit s’entendre <strong>de</strong> manière restrictive»49 (Civ. Namur (8 e ch. réf.), 20 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1253, déjà citée).• «Ce n’est qu’en cas d’absolue nécessité lorsqu’il faut craindre un préjudiced’une certaine gravité ou <strong>de</strong>s inconvénients sérieux et qu’une citation introduisantun débat contradictoire rendrait [l’] intervention [du juge <strong>de</strong>s référés] inutile soitparce que la décision interviendrait trop tard, soit parce qu’il est nécessaire <strong>de</strong>déjouer par surprise les manœuvres d’échappatoires d’un adversaire retors qu’ilest permis <strong>de</strong> saisir [le juge <strong>de</strong>s référés] par requête» (Liège (7 e ch.), 18 février2003, J.L.M.B. 03/755, déjà citée).___________46. Selon cet article, «Le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance statue : […]; 2° sur les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>sprévues par l'article 68 <strong>de</strong> la loi du 29 mars 1962 organique <strong>de</strong> l'aménagement du territoire et <strong>de</strong> l'urbanisme;[…]; Sauf si la loi en dispose autrement, les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s prévues au premier alinéa sont introduiteset instruites selon les formes du référé».47. L’ordonnance cite J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, "Droit <strong>judiciaire</strong> privé – Examen<strong>de</strong> jurispru<strong>de</strong>nce 1985-1998", R.C.J.B., 1999, p. 153, n° 356.48. Voy. spéc. H. BOULARBAH, "L’intervention du juge <strong>de</strong>s référés par voie <strong>de</strong> requête unilatérale :conditions, procédure et voies <strong>de</strong> recours", in Le référé <strong>judiciaire</strong>, op. cit., p. 65 à 121.49. L’ordonnance cite P. MARCHAL, Les référés, Larcier, 1992, n° 53, p. 81.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 161C’est <strong>de</strong> façon très étonnante que la cour d’appel <strong>de</strong> Liège se réfère à la définitionclassique <strong>de</strong> l’urgence (condition du référé contradictoire), telle qu’arrêtée par laCour <strong>de</strong> cassation <strong>de</strong>puis son arrêt du 21 mars 1985 50 , pour définir «l’absoluenécessité» exigée par l’article 584, alinéa 3, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, autorisant lerecours à la procédure sur requête unilatérale. La cour précise toutefois immédiatement«que la notion d’absolue nécessité ne peut être interprétée <strong>de</strong> manièreextensive parce que dérogeant gravement au principe du contradictoire, cetteprocédure doit <strong>de</strong>meurer exceptionnelle et ne peut être utilisée que dans la mesureoù l’introduction par citation, même à délai abrégé (article 1036), serait <strong>de</strong> touteévi<strong>de</strong>nce inefficace, voire impossible, ou encore en cas d’extrême urgence découlantdu péril qui résulterait <strong>de</strong> l’emploi d’une autre voie» 51 .Comme l’a écrit récemment H. BOULARBAH avec <strong>be</strong>aucoup <strong>de</strong> pertinence 52 , lerecours à la procédure sur requête unilatérale exige, d’une part, la preuve <strong>de</strong>l’urgence, condition <strong>de</strong> compétence et <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pour toutréféré et, d’autre part, la preuve <strong>de</strong> l’absolue nécessité qui ne peut donc pas seconfondre avec l’urgence. L’«absolue nécessité» ne peut se déduire que <strong>de</strong>l’extrême urgence 53 , <strong>de</strong> l’efficacité <strong>de</strong> la mesure sollicitée 54 ou encore <strong>de</strong> l’absence<strong>de</strong> partie adverse ou <strong>de</strong> l’impossibilité <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntifier 55 .• Sur ce <strong>de</strong>rnier point, relevons l’ordonnance du prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> premièreinstance <strong>de</strong> Bruxelles du 9 novembre 2000 (J.L.M.B. 04/1004), qui rappelle que«une abondante jurispru<strong>de</strong>nce admet le recours à la requête unilatérale lorsqu’iln’est pas possible d’i<strong>de</strong>ntifier, <strong>de</strong> façon précise, certaine et exhaustive, les personnesà charge <strong>de</strong>squelles les mesures obtenues doivent être exécutées». Le magistraten déduit que la requête unilatérale se justifie en cas <strong>de</strong> piquet <strong>de</strong> grève 56 : «lespersonnes constituant le piquet […] pouvaient à tout moment être remplacées pard’autres et il était impossible <strong>de</strong> prévoir l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s acteurs du mouvement enévolution constante, d’ailleurs dispersé sur plusieurs lieux. Les voies <strong>de</strong> fait quipeuvent être commises à l’occasion <strong>de</strong> protestations sociales sont généralement<strong>de</strong>s mouvements <strong>de</strong> foule et non pas <strong>de</strong>s actes d’individus isolés».• «La vérification <strong>de</strong>s conditions d’urgence et d’absolue nécessité exigées par laprocédure initialement mue par l’actuelle intimée, implique <strong>de</strong> se replacer au jour<strong>de</strong> l’introduction <strong>de</strong> la requête unilatérale». La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sur requête unilatéraleavait pour objet d’enjoindre Electra<strong>be</strong>l à rétablir dans les douze heures les fournitures<strong>de</strong> gaz, électricité et télédistribution à l’immeuble <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse. Lacour constate «que l’absolue nécessité était vérifiée en l’espèce dès lors qu’enprocédant à la coupure <strong>de</strong>s fournitures litigieuses sans avertissement préalablerécent et pour <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ttes dont certaines étaient contestées, [Electra<strong>be</strong>l] ne pouvaitignorer qu’elle plaçait l’intimée dans une situation particulièrement précaire». Lacour ajoute «que la célébration prévue au domicile <strong>de</strong> l’intimé, <strong>de</strong>ux jours après lacoupure, <strong>de</strong> la communion <strong>de</strong> son fils conférait à l’action intentée sur requêteunilatéral le caractère d’efficacité que seule pareille procédure pouvait apporter»(Mons (12 e ch.), 13 novembre 2000, J.L.M.B. 04/1005).On relèvera encore, dans cette affaire, que la cour d’appel <strong>de</strong> Mons estime que«c’est à juste titre que [Electra<strong>be</strong>l] soulève l’absence d’urgence et d’absoluenécessité pour ce qui concerne le rétablissement <strong>de</strong>s signaux <strong>de</strong> télédistribution».___________50. Pas., 1985, I, 908.51. L’arrêt cite J. VAN COMPERNOLLE, "Actualité du référé", Ann. dr. Louvain, 1989, p. 146, et J. VANCOMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, R.C.J.B., 1999, p. 155 à 157, n° 358.52. H. BOULARBAH, op. cit., p. 100, n° 32 et 33.53. H. BOULARBAH, op. cit., p. 86 et suivantes.54. H. BOULARBAH, op. cit., p. 89 et suivantes.55. H. BOULARBAH, op. cit., p. 95 et suivantes.56. Sur l’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dans les conflits sociaux, voy. infra, p. … (III.4).


162 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESIl est heureux <strong>de</strong> constater que nonobstant la dictature du tout TV, il se trouveencore <strong>de</strong>s hommes qui considèrent que la suspension <strong>de</strong> la télédistribution n’est«pas <strong>de</strong> nature à engendrer un préjudice grave et difficilement réparable ni à créerdans le chef <strong>de</strong> l’intimée un état <strong>de</strong> précarité comparable à celui résultant <strong>de</strong> laprivation <strong>de</strong>s fournitures <strong>de</strong> gaz et d’électricité».• Saisi d’une tierce opposition introduite à l’encontre d’une ordonnance renduesur requête unilatérale, le juge <strong>de</strong>s référés du tribunal du travail <strong>de</strong> Verviersrappelle que pour apprécier s’il y avait ou non absolue nécessité à rendre uneordonnance sur requête unilatérale «il faut se replacer dans les circonstances <strong>de</strong>fait et <strong>de</strong> <strong>droit</strong> telles qu’elles existaient le 9 janvier 2004, jour du dépôt <strong>de</strong> larequête unilatérale».En l’espèce, le juge considère que «les conditions <strong>de</strong> l’absolue nécessité étaientréunies parce qu’à raison <strong>de</strong> la nature même <strong>de</strong> la mesure sollicitée, seule sonapplication immédiate et soudaine était propre à en garantir la pleine efficacité;que la seule affirmation <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse suivant laquelle il n’était pas dansson intention <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r au démantèlement <strong>de</strong>s machines, produits ou stocks <strong>de</strong>l’usinage / tôlerie est insuffisante pour déci<strong>de</strong>r, a posteriori, <strong>de</strong> l’absenced’absolue nécessité» (Trib. trav. Verviers (réf.), 28 mai 2004, J.L.M.B.04/1006).2.- Défaut d’extrême urgence et effet dévolutif <strong>de</strong> la tierceoppositionLe juge <strong>de</strong>s référés, saisi d’une tierce opposition contre une ordonnance rendue surrequête unilatérale doit-il se contenter <strong>de</strong> confirmer ou rétracter sa premièreordonnance ou peut-il considérer que par l’effet dévolutif du recours ainsi exercé,il se trouve en toute hypothèse ressaisi <strong>de</strong> l’ensemble du litige ? 57 Dans ce <strong>de</strong>rniercas, même s’il constate que les conditions <strong>de</strong> la procédure sur requête unilatéralen’étaient pas réunies lors du prononcé <strong>de</strong> la première ordonnance, il peut néanmoinsconnaître du litige mais cette fois-ci sous le bénéfice d’une procédurecontradictoire.• Une ordonnance du 17 février 2004 <strong>de</strong> la prési<strong>de</strong>nte du tribunal <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong>Bruxelles, admet <strong>de</strong> façon implicite mais certaine l’effet dévolutif <strong>de</strong> la tierceopposition (Comm. Bruxelles (réf.), 17 février 2004, J.L.M.B. 04/1007).Sur requête unilatérale <strong>de</strong> l’épouse <strong>de</strong> l’administrateur <strong>de</strong> fait (et par ailleursactionnaire) <strong>de</strong> cinq sociétés liées à l’exploitation <strong>de</strong> maisons <strong>de</strong> repos, et alorsqu’une procédure en divorce est en cours entre les parties, la prési<strong>de</strong>nte du tribunal<strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> Bruxelles a, par ordonnance du 19 novembre 2003, nommé unadministrateur provisoire chargé entre autres <strong>de</strong> gérer toutes ces sociétés et d’enfaire l’analyse financière et comptable. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse se fondait notamment surl’existence <strong>de</strong> plaintes pénales à l’encontre <strong>de</strong> son mari pour malversation, détournement<strong>de</strong> pensions, «falsifications d’héritage au préjudice <strong>de</strong>s pensionnaires»,etc.Les sociétés mises sous administration provisoire ont introduit une tierce oppositionen vue d’obtenir la rétractation <strong>de</strong>s mesures ordonnées sur requête unilatérale,notamment en raison <strong>de</strong> l’absence d’extrême urgence. L’époux <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resseoriginaire est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir la tierceopposition <strong>de</strong>s sociétés.Le juge, dans son ordonnance du 17 février 2004 rappelle d’abord «qu’il estgénéralement admis que l’introduction d’une procédure en référé par requêteunilatérale n’est autorisée, qu’à titre exceptionnel, en cas d’absolue nécessité, dans___________57. En faveur <strong>de</strong> l’effet dévolutif <strong>de</strong> la tierce opposition, H. BOULARBAH, "L’intervention du juge <strong>de</strong>sréférés par voie <strong>de</strong> requête unilatérale : conditions, procédure et voies <strong>de</strong> recours", op. cit., p.118.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 163<strong>de</strong>s situations d’extrême urgence, lorsque même l’abrègement du délai <strong>de</strong> citationpermis par l’article 1036 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, ne saurait suffire ou lorsque la mesuresollicitée impose l’utilisation d’une procédure unilatérale, la substitution <strong>de</strong> larequête à la citation, qui présente une garantie essentielle du débat contradictoire,étant prohibée chaque fois que la procédure bilatérale peut être utilisée efficacement»58 . Il constate ensuite qu’il n’y avait pas extrême urgence en l’espèce dèslors qu’il ressort <strong>de</strong>s pièces déposées par les tiers opposants à l’appui <strong>de</strong> leurrecours qu’une première version <strong>de</strong> la requête unilatérale avait été rédigée le 22octobre 2003, soit vingt-sept jours avant le dépôt <strong>de</strong> la requête. Le magistrat endéduit que la requérante aurait manifestement eu le temps <strong>de</strong> recourir, pendantcette pério<strong>de</strong>, à la procédure contradictoire, sur citation.La prési<strong>de</strong>nte du tribunal <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> Bruxelles ne se contente toutefois pas<strong>de</strong> ce constat pour déclarer la tierce opposition fondée et rétracter son ordonnance.Au contraire, relevant «qu’il s’agit en l’occurrence <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong> maisons <strong>de</strong>repos, il y a lieu pour le tribunal d’être très vigilant». Ainsi, après avoir constatéque le mari <strong>de</strong> la requérante originaire avait été acquitté <strong>de</strong> toutes les plaintesévoquées par son épouse dans la requête unilatérale, le magistrat relève toutefoisqu’il «n’a pas ses apaisements quant aux capacités <strong>de</strong> gestion du jeune [administrateurdélégué]» <strong>de</strong> toutes les sociétés (officiellement le fils <strong>de</strong>s parties en instance<strong>de</strong> divorce avait été nommé administrateur délégué). «Dans ces circonstances– estime la prési<strong>de</strong>nte – il incom<strong>be</strong> d’urgence au juge <strong>de</strong>s référés, dansl’intérêt <strong>de</strong> la sécurité <strong>de</strong>s différentes sociétés, <strong>de</strong> désigner un mandataire ad hocavec la mission […] - <strong>de</strong> mettre en place dans les différentes sociétés un organe <strong>de</strong>gestion régulier et donnant toutes les garanties nécessaires; - <strong>de</strong> contrôler lessituations comptables <strong>de</strong>s différentes sociétés; - <strong>de</strong> déterminer quels sont lesactionnaires réels <strong>de</strong>s différentes sociétés […]; - <strong>de</strong> prendre toutes les mesuresnécessaires pour assurer qu’aucune action ni aucun bien appartenant aux différentessociétés ne seront donnés, aliénés ou mis en gage». A cette fin, la prési<strong>de</strong>nterenomme le même administrateur provisoire que celui initialement désigné parl’ordonnance rendue sur requête unilatérale et fixe d’autorité la cause à un moisplus tard pour que l’administrateur provisoire fasse rapport, non sans avoir aupréalable mis à néant l’ordonnance rendue sur requête unilatérale en raison <strong>de</strong>l’irrecevabilité <strong>de</strong> celle-ci à défaut d’extrême urgence.L’analyse <strong>de</strong> cette ordonnance n’est pas aisée car sa lecture ne permet pas <strong>de</strong>déterminer avec certitu<strong>de</strong> si la défen<strong>de</strong>resse sur tierce opposition s’était contentée<strong>de</strong> solliciter la confirmation pure et simple <strong>de</strong> l’ordonnance attaquée ou si, à titresubsidiaire, elle avait <strong>de</strong>mandé au juge saisi <strong>de</strong> la tierce opposition <strong>de</strong> constater,par l’effet dévolutif qu’aurait la tierce opposition, à tout le moins l’existence <strong>de</strong>l’urgence à prononcer à nouveau la même mesure, au moment où il était amené àstatuer sur la tierce opposition.Il reste évi<strong>de</strong>mment à régler, ce que la prési<strong>de</strong>nte ne fait pas (en aurait-elle eu lacompétence, cela ne lui était en toute hypothèse pas <strong>de</strong>mandé), le sort <strong>de</strong>s acteséventuellement posés par l’administrateur ad hoc dans le cadre <strong>de</strong> sa premièremission, invalidée par la secon<strong>de</strong> ordonnance par l’effet même <strong>de</strong> la mise à néant<strong>de</strong> la décision ordonnant sur requête unilatérale cette mesure provisoire. En effet,la <strong>de</strong>uxième nomination du même administrateur provisoire n’a évi<strong>de</strong>mmentaucun effet rétroactif antérieur à la date du prononcé <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> ordonnance 59 .• Après avoir constaté l’absence d’extrême urgence, le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong>première instance <strong>de</strong> Namur, saisi d’une tierce opposition relève qu’«il y a lieu <strong>de</strong>s’interroger sur le point <strong>de</strong> savoir si, dans le cadre <strong>de</strong> la présente procédure aujourd’huicontradictoire, le bien-fondé <strong>de</strong> la décision auquel a conduit la procédure___________58. La décision cite Comm. Bruxelles (réf.), 14 septembre 1995, J.T., 1995, p. 830.59. H. BOULARBAH, ibi<strong>de</strong>m, p. 118.


164 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESinitiale se trouve aujourd’hui infirmé» (Civ. Namur (réf.), 20 décembre 2002,J.L.M.B. 02/1253, déjà citée).3.- Recours contre une ordonnance rendue sur requête unilatérale– tierce oppositionUne controverse subsiste sur le point <strong>de</strong> savoir si le délai <strong>de</strong> citation pour la tierceopposition est le délai <strong>de</strong> <strong>droit</strong> commun <strong>de</strong> huit jours ou s’il convient d’appliquerl’article 1035, alinéa 2, qui prévoit un délai <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux jours en référé. On sait que lacontroverse vient <strong>de</strong> ce que l’article 1035 ne parle que <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en référé. Orla tierce opposition est une voie <strong>de</strong> recours et non une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sensu stricto 60 .• Suivant les conseils <strong>de</strong> la doctrine 61 , un plai<strong>de</strong>ur pru<strong>de</strong>nt dépose une requête enabréviation du délai <strong>de</strong> citer <strong>de</strong>vant le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance<strong>de</strong> Tournai, en vue d’obtenir l’abréviation du délai <strong>de</strong> citer <strong>de</strong> huit jours à <strong>de</strong>uxjours pour introduire une tierce opposition contre une ordonnance rendue, surrequête unilatérale, par le même prési<strong>de</strong>nt. Le magistrat déclare la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> nonfondée au simple motif «qu’en matière <strong>de</strong> référé, le délai normal <strong>de</strong> citation est <strong>de</strong><strong>de</strong>ux jours». Il est vrai que le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur s’était contenté dans sa requête <strong>de</strong>préciser que sa «citation [en tierce opposition] ne peut être introduite selon lesformes ordinaires et, notamment en respectant le délai <strong>de</strong> citation <strong>de</strong> dix jours(sic)» sans autre commentaire sur la controverse précitée. Ce qui conduit le juge àconclure que par cette argumentation le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur «ne justifie pas la nécessitéd’augmenter (re-sic) ce délai 62 » (Civ. Tournai (prés.), 11 juin 2004, J.L.M.B.04/1008).4.- Référé unilatéral et conflit collectif <strong>de</strong> travailLe recours à la requête unilatérale trouve <strong>de</strong> longue date un champ d’actionprivilégié en matière <strong>de</strong> conflit collectif du travail, essentiellement comme armeentre les mains <strong>de</strong>s employeurs pour combattre les piquets <strong>de</strong> grève. Ce délicatcontentieux donne lieu à une jurispru<strong>de</strong>nce contrastée.• Le fabriquant <strong>de</strong> pralines Léonidas, engagé dans un conflit collectif avec unepartie <strong>de</strong> son personnel, avait saisi le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong>Bruxelles, sur requête unilatérale, en vue d’obtenir la levée <strong>de</strong>s piquets <strong>de</strong> grèvequi, constat d’huissier à l’appui, entravaient <strong>de</strong> façon violente le libre accès <strong>de</strong>sclients, <strong>de</strong>s fournisseurs et <strong>de</strong>s employés non grévistes à l’entreprise. L’actionvisait plus précisément à faire interdiction à quiconque d’entraver le libre accès àl’ensemble <strong>de</strong>s locaux <strong>de</strong> l’entreprise. La liste complète <strong>de</strong>s différents sièges(vingt-six répartis dans toute la Belgique) était reprise dans le dispositif <strong>de</strong> larequête.Suivant une jurispru<strong>de</strong>nce aujourd’hui généralement admise (même si elle continueà faire l’objet <strong>de</strong> pertinentes critiques 63 ), le prési<strong>de</strong>nt a fait <strong>droit</strong> à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>au motif que «ces entraves constituent non seulement une atteinte au <strong>droit</strong> <strong>de</strong>propriété <strong>de</strong> l’employeur, au <strong>droit</strong> du travail <strong>de</strong>s non-grévistes et au <strong>droit</strong> d’accès<strong>de</strong>s tiers, clients <strong>de</strong> l’entreprise mais risquent aussi d’entraîner la dégradation <strong>de</strong>s<strong>de</strong>nrées périssables produites par la requérante» 64 (Civ. Bruxelles (prés.), 13janvier 2000, J.L.M.B. 00/82).___________60. Voy., sur cette controverse, H. BOULARBAH, op. cit., p. 115 à 117; J. ENGLEBERT, "<strong>Inédits</strong>… ", cetterevue, 2000, p. 357.61. H. BOULARBAH, ibi<strong>de</strong>m.62. L’ordonnance renvoie à l’article 1035, in fine , qui prévoit l’augmentation du délai <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux jours enapplication <strong>de</strong> l’article 55 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>., lorsque la partie adverse rési<strong>de</strong> à l’étranger, ce qui n’étaitnullement le cas en l’espèce.63. Voy. notamment les références citées par H. BOULARBAH, op. cit., p. 97, n° 29, spéc. notes 168 et 169.64. On peut évi<strong>de</strong>mment s’interroger sur l’intérêt que pourrait encore avoir une grève dans le cadre d’unconflit collectif, si cette action n’occasionne aucun <strong>de</strong>s effets ici dénoncés par le juge…


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 165Ce qui surprend, par contre, c’est que le prési<strong>de</strong>nt déclare la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> «recevableuniquement en ce qui concerne les locaux <strong>de</strong> l’entreprise situés dans les communesbilingues <strong>de</strong> l’arrondissement <strong>judiciaire</strong> <strong>de</strong> Bruxelles». Le magistrat nes’explique nullement sur les raisons <strong>de</strong> cette restriction territoriale <strong>de</strong> la mesurequ’il ordonne. Elle laisse penser que le juge ne s’estime pas compétent pourprendre une mesure qui sortirait ses effets au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> l’arrondissement<strong>judiciaire</strong> qui détermine la compétence territoriale du tribunal. Rien ne justifielégalement une telle restriction. Dès lors que le juge est territorialement compétent(et ce, quel que soit le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> cette compétence), les mesures qu’il estamené à prendre ne sont évi<strong>de</strong>mment nullement limitées au territoire <strong>de</strong> sonarrondissement.On notera que, sur tierce opposition, cette ordonnance a été réformée par ordonnancedu 8 mars 2000 65 .• La même juridiction a encore eu l’occasion <strong>de</strong> se prononcer <strong>de</strong> façon circonstanciéedans cette matière, lors d’un conflit opposant l’Agence régionale pour lapropreté publique à une partie <strong>de</strong> son personnel. Le 5 octobre 2000, un piquet <strong>de</strong>grève entrave, entre environ huit heures et dix heures trente, la voie d’accès àl’incinérateur où les camions collecteurs doivent déverser leur contenu. Surrequête unilatérale <strong>de</strong> l’agence, le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong>Bruxelles rend le même jour une ordonnance faisant notamment interdiction àquiconque «d’entraver l’accès paisible <strong>de</strong>s locaux exploités par [l’agence] ainsiqu’à l’incinérateur». L’ordonnance est signifiée le len<strong>de</strong>main à plusieurs grévistesformant un piquet <strong>de</strong> grève <strong>de</strong>vant un dépôt <strong>de</strong> l’agence. Une tierce opposition estintroduite par une dizaine d’ouvriers <strong>de</strong> l’agence, par ailleurs tous représentants<strong>de</strong>s travailleurs au sein <strong>de</strong>s organes <strong>de</strong> concertations existant au sein <strong>de</strong> l’agenceainsi que par le secrétaire régional <strong>de</strong> la C.G.S.P. et par le secrétaire national duSyndicat libre <strong>de</strong> la fonction publique (S.L.F.P.).Sur l’intérêt à agir <strong>de</strong>s tiers opposants, l’ordonnance déci<strong>de</strong> que la qualitéd’ouvriers <strong>de</strong>s premiers opposants «leur donne en tout état <strong>de</strong> cause un intérêtpersonnel à voir réformer l’ordonnance querellée puisqu’ils font valoir qu’elleporte atteinte à leur <strong>droit</strong> <strong>de</strong> grève». En ce qui concerne l’intérêt à agir du secrétairerégional <strong>de</strong> la C.G.S.P., le tribunal relève que celui-ci prétend agir en sonnom personnel et que l’un <strong>de</strong>s véhicules décrits par l’huissier comme bloquantl’accès à l’incinérateur était le sien. Le tribunal en déduit que «si l’agence avaitchoisi d’agir <strong>de</strong> façon contradictoire, ce qui doit rester la règle, elle aurait nécessairementassigné» cette partie puisque son véhicule entravait l’accès àl’incinérateur, or, «il paraît inconcevable, en terme <strong>de</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> la défense,d’imaginer qu’une personne qui serait directement visée par une mesure <strong>judiciaire</strong>,serait susceptible d’être assignée dans l’hypothèse d’une mesure contradictoiremais ne serait pas recevable à agir en tierce opposition dans l’hypothèse où lamesure est obtenue par une procédure unilatérale». En ce qui concerne, par contre,le secrétaire national du S.L.F.P., le juge relève que «n’étant pas employé par[l’agence] il ne peut valablement faire valoir un <strong>droit</strong> <strong>de</strong> grève personnel». Parailleurs, «n’ayant pas d’intérêt personnel, il ne peut pas non plus agir en justice aunom <strong>de</strong> son organisation syndicale, dès lors que celle-ci est dépourvue <strong>de</strong> personnalitéjuridique et n’a qualité pour agir en justice que dans les limites expressémentdéfinies par la loi et qui ne se rencontrent pas en l’espèce» 66 .Sur le bien-fondé <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> initiale, le juge après avoir admis l’intérêt à agir<strong>de</strong> l’agence «garante <strong>de</strong> la mission publique qui lui est confiée et […] responsable___________65. J.T.T., 2000, p. 208.66. L’ordonnance cite Bruxelles, 4 février 1994, cette revue, 1994, p. 657.


166 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESd’en assurer la continuité», va considérer qu’eu égard aux circonstances <strong>de</strong> fait, lerecours à la procédure unilatérale ne se justifiait pas. Pour le juge, dès lors que «lasolution <strong>de</strong>s conflits collectifs du travail n’est pas du ressort <strong>de</strong>s tribunaux maisbien <strong>de</strong>s instances <strong>de</strong> concertation», son intervention n’est envisageable que pourfaire cesser la «violation avérée» d’un <strong>droit</strong> subjectif (ou son «risque imminent»),à l’occasion <strong>de</strong> l’exercice du <strong>droit</strong> <strong>de</strong> grève : «pour apprécier l’existence d’unemenace pour <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s subjectifs, le juge doit tenir compte du contexte social et<strong>de</strong>s armes disponibles pour chacune <strong>de</strong>s parties dans ce genre <strong>de</strong> conflit. Laquestion posée […] est donc d’apprécier si les faits décrits sont à considérercomme l’exercice normal <strong>de</strong> l’arme <strong>de</strong> la grève. Il n’y a voie <strong>de</strong> fait que si lesévénements dépassent <strong>de</strong> façon manifeste les limites <strong>de</strong> l’exercice socialementaccepté du <strong>droit</strong> <strong>de</strong> grève.Le juge, se prévalant <strong>de</strong> l’ordonnance précitée du 8 mars 2003 <strong>de</strong> sa proprejuridiction 67 , relève que «l’existence d’un piquet <strong>de</strong> grève (s’il se limite à être ungroupe <strong>de</strong> personnes se tenant à l’entrée <strong>de</strong> l’entreprise pour manifester publiquementl’existence <strong>de</strong> la grève) et l’entrave psychologique que celui-ci peut représenterpour toute personne désirant se rendre dans les locaux <strong>de</strong> l’entreprise, nepeut en soi être considéré comme une réelle atteinte aux <strong>droit</strong>s [<strong>de</strong> l’employeur].Cela n’autorise cependant pas le piquet à se transformer en une entrave physique,voire à se rendre coupable <strong>de</strong> violence ou d’injures». Revenant aux faits dont il estsaisi, le juge estime que «lorsque l’on remet les faits dans un contexte <strong>de</strong> conflitsocial, il ne faut pourtant pas oublier que l’intimidation fait partie <strong>de</strong>s armessocialement acceptables. Pour fon<strong>de</strong>r l’ordonnance unilatérale, il ne suffisait doncpas que la menace soit apparente ou possible, mais son existence <strong>de</strong>vait êtreprouvée et réelle». Or le juge constate que l’agence n’apporte pas la preuve que lepiquet qui entravait l’accès à l’incinérateur (par le biais <strong>de</strong> véhicule privés) «auraitvéritablement empêché le passage d’un camion dont le chauffeur aurait émis lesouhait <strong>de</strong> passer. Le constat d’huissier ne fait pas état d’éventuelles tentatives <strong>de</strong>la direction <strong>de</strong> laisser passer <strong>de</strong>s camions. […] si les grévistes avaient malgré cesdémarches maintenu une entrave physique à ce que le service soit assuré, il yaurait eu matière à recourir au pouvoir <strong>judiciaire</strong>» 68 (Civ. Bruxelles (réf.), 9novembre 2000, J.L.M.B. 04/1004, déjà citée).L’effort du juge à circonscrire <strong>de</strong> la façon la plus stricte son intervention possibledans le cadre d’un conflit collectif doit être salué. Toutefois, il pourrait être àdouble tranchant, puisqu’en définitive, pratiquement, ce qui est reproché àl’employeur, c’est <strong>de</strong> n’avoir pas tenté <strong>de</strong> passer outre le piquet <strong>de</strong> grève (<strong>de</strong> leforcer), au risque d’aller à l’affrontement. Une telle attitu<strong>de</strong> pouvant être comprisepar les travailleurs comme une provocation. Comme pour justifier son audace, lemagistrat conclu en estimant que «le défaut <strong>de</strong> tentative (autre que <strong>judiciaire</strong>) <strong>de</strong> lapart <strong>de</strong> la direction pour éviter la violation <strong>de</strong> ses <strong>droit</strong>s, laisse croire que lerecours au juge dans le cadre <strong>de</strong>s conflits collectifs <strong>de</strong> travail est davantage unearme pour briser un mouvement <strong>de</strong> protestation qu’un <strong>be</strong>soin <strong>de</strong> protection <strong>de</strong><strong>droit</strong>s subjectifs légitimes». Sur ce point, on ne peut pas, je pense, lui donner tout àfait tort 69 .___________67. Civ. Bruxelles (réf.), 8 mars 2000, J.T.T., 2000, p. 208.68. Dans l’affaire Léonidas, précitée ( supra, p. 164 (III.4)), le requérant unilatéral avait joint à son dossier<strong>de</strong>s témoignages <strong>de</strong> clients faisant état d’actes <strong>de</strong> menaces précises ou <strong>de</strong> violences physiques à leurencontre, pour justifier la voie <strong>de</strong> fait. Sur requête unilatérale, le juge s’en était manifestement satisfait.Sur tierce opposition, le juge avait au contraire estimé que ces attestations <strong>de</strong>vaient «eu égard à leurstyle, leur forme et leur contenu, être considérées avec une extrême pru<strong>de</strong>nce et ne [pouvaient] avoirune force probante déterminante pour en déduire en apparence l’existence d’une voie <strong>de</strong> fait» (J.T.T.,2000, p. 209).69. Sur l’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dans le cadre <strong>de</strong> conflits sociaux, voy. encore notamment : Cass.,31 janvier 1997, Pas., 1997, I, n° 56 et Civ. Liège (réf.), 10 mars 2003, cette revue, 2003, p. 751.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 1675.- Référé d’hôtel• Le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Namur a été saisi par requêteunilatérale déposée «en son hôtel» le 23 novembre 2002 (un samedi), en vued’obtenir la désignation d’un mé<strong>de</strong>cin légiste appelé à faire <strong>de</strong>s prélèvementssur le cadavre du fils <strong>de</strong> la requérante avant son incinération dans la mesure oùcette mesure était <strong>de</strong>stinée à préserver tout élément <strong>de</strong> preuve relativement à lapaternité du défunt à l’égard d’un enfant à naître.Par ordonnance rendue le dimanche 24 novembre 2002, le prési<strong>de</strong>nt du tribunalfit <strong>droit</strong> à la requête par une ordonnance rédigée manuscritement sur le mêmedocument que la requête à la suite directe <strong>de</strong> celle-ci.On relèvera que le dispositif <strong>de</strong> l’ordonnance précise in fine que «la requête et laprésente seront enrôlées au greffe du tribunal ce lundi 25 novembre 2002 à onzeheures au plus tard à la diligence <strong>de</strong> la requérante; déclarons, pour autant que <strong>de</strong><strong>be</strong>soin, la présente exécutoire sur cette minute qui <strong>de</strong>vra être déposée au greffeaprès exécution». Par ailleurs, conformément à l’enseignement <strong>de</strong> la doctrine 70 ,le magistrat qui déci<strong>de</strong> que l’original <strong>de</strong> sa décision possè<strong>de</strong> la force exécutoiredoit la revêtir <strong>de</strong> la formule exécutoire. C’est ainsi qu’après avoir apposé sasignature à l’issue du dispositif <strong>de</strong> son ordonnance, le prési<strong>de</strong>nt du tribunal aajouté <strong>de</strong> façon manuscrite la formule exécutoire, qu’il a également signée 71(Civ. Namur (prés.), 24 novembre 2002, J.L.M.B. 04/845).IV.- Intervention du juge <strong>de</strong>s référés en <strong>droit</strong> administratifL’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dans le cadre <strong>de</strong> contentieux normalementdévolus à la compétence du Conseil d’Etat et toutes les situations <strong>de</strong> compétencesconcomitantes qui en découlent, continue à susciter encore une jurispru<strong>de</strong>nceabondante 72 . Il est admis que si l’action vise la protection d’un <strong>droit</strong>subjectif, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>judiciaire</strong> reste compétent.• «Attendu que le juge <strong>de</strong>s référés est compétent pour ordonner <strong>de</strong>s mesuresurgentes et provisoires lorsqu’un acte <strong>de</strong> l’administration implique une atteinteparaissant portée fautivement à un <strong>droit</strong> subjectif 73 » (Mons (2 e ch.), 27 septembre1999, J.L.M.B. 99/1586).• «Il y a lieu d’entendre par <strong>droit</strong> subjectif, l’existence d’une règle légaleaccordant à l’administré le pouvoir d’exiger <strong>de</strong> l’autorité administrative uncomportement déterminé» (Civ. Namur (réf.), 12 juillet 2004, J.L.M.B.04/1010).Toutefois, il ne suffit pas d’invoquer un hypothétique <strong>droit</strong> subjectif pouréchapper à la compétence du Conseil d’Etat. Il est actuellement bien admis quesi l’objet réel du recours vise l’acte administratif, seul le Conseil d’Etat estcompétent pour en connaître.• «Il convient […] d’examiner si l’objet véritable et direct du litige est <strong>de</strong>consacrer l’existence d’un <strong>droit</strong> civil ou politique et d’en assurer le respect ous’il s’agit d’attaquer l’acte administratif <strong>de</strong> façon objective sur sa légalité (Civ.Bruxelles (réf.), 2 novembre 2001, J.L.M.B. 01/1052) 74 .___________70. Voy., sur cette question, G. DE LEVAL, Traité <strong>de</strong> saisie, n° 258, p. 530 à 532.71. Pour la petite histoire, on relèvera juste qu’en l’espèce le prési<strong>de</strong>nt a remplacé le nom du Roi par lesien dans la formule exécutoire !72. Sur cette question, voy. P. LEVERT, "L’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dans le <strong>droit</strong> administratif", Leréféré <strong>judiciaire</strong>, p. 363 et suivantes.73. L’arrêt cite notamment Cass. 14 janvier 1994, Pas., 1994, I, 41.74. Cette revue, 2002, p. 1543 (Som.).


168 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES1.- Rappel du principe <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong>s pouvoirs• Dans un arrêt du 28 juin 2000, la cour d’appel <strong>de</strong> Liège rappelle que «la loi du19 juillet 1991 ayant institué un référé administratif attribuant compétence auConseil d’Etat pour ordonner la suspension d’un acte ou d’un règlement d’uneautorité administrative, il s’ensuit que la compétence <strong>de</strong>s tribunaux <strong>de</strong> l’ordre<strong>judiciaire</strong> est limitée aux contestations relatives à <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s subjectifs». La courprécise à cet égard «qu’un administré n’est titulaire d’un <strong>droit</strong> subjectif à l’égard<strong>de</strong> l’autorité que si <strong>de</strong>ux conditions sont remplies : d’une part, il faut que larègle <strong>de</strong> <strong>droit</strong> attribue directement à cet administré le pouvoir d’exiger <strong>de</strong>l’autorité un comportement déterminé, ou, si l’on préfère, que l’autorité setrouve dans une situation <strong>de</strong> compétence liée, caractérisée par l’absence <strong>de</strong> toutpouvoir discrétionnaire, et, d’autre part, que celui qui prétend avoir le pouvoird’exiger l’exécution d’une obligation déterminée découlant d’une règle <strong>de</strong> <strong>droit</strong>objectif ait personnellement intérêt à cette exécution» 75 .En l’espèce, l’action était introduite par une scierie qui sollicitait que soit levéela mesure <strong>de</strong> mise sous scellés et <strong>de</strong> fermeture provisoire <strong>de</strong> son exploitation.Les intimés (la Région wallonne ainsi que certains riverains <strong>de</strong> la scierie)déniaient à l’appelante tout <strong>droit</strong> subjectif. Pour la cour d’appel, les intimés«mettant en cause le <strong>droit</strong> à l’exercice d’une activité professionnelle, il y a lieu<strong>de</strong> considérer que la contestation porte sur un <strong>droit</strong> civil et que, par application<strong>de</strong> l’article 1044 <strong>de</strong> la Constitution coordonnée, l’appelant pouvait saisir lajuridiction ordinaire». La Cour précise que «le <strong>droit</strong> d’exercer une activitéprofessionnelle, dès lors que les conditions légales et réglementaires sont réunies,doit être accordé à celui qui le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>; qu’ainsi, dans le cas d’espèce,l’intimé n’a aucun pouvoir discrétionnaire pour interdire à l’appelante, si elleréunit lesdites conditions pour ce faire, d’exploiter son entreprise; que, dès lors,les tribunaux <strong>de</strong> l’ordre <strong>judiciaire</strong> sont compétents pour statuer sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong> levée <strong>de</strong>s scellés». La cour d’appel relève enfin «qu’en toute hypothèse toutlitige concernant le rétablissement dans un <strong>droit</strong> lésé d’une manière illicite qu’ilsoit civil ou politique ressortit uniquement à la compétence <strong>de</strong>s tribunaux <strong>de</strong>l’ordre <strong>judiciaire</strong>» 76 .En conséquence, la cour d’appel <strong>de</strong> Liège, réformant l’ordonnance rendue par lejuge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Verviers, ordonne la levée <strong>de</strong>s scellés apposés par le directeur<strong>de</strong> la police <strong>de</strong> l’environnement et autorise la poursuite <strong>de</strong> l’exploitation «jusqu’àl’aboutissement <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong> régularisation», alors même que le Conseild’Etat, par un arrêt du 20 octobre 1999, avait annulé le permis d’exploiter et alorsque le tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Verviers, saisi au fond d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>dommages et intérêts par les riverains, avait ordonné à titre provisoire la suspension<strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> la scierie, par un jugement avant dire <strong>droit</strong> du 5 juin 2000,rendu sur la base <strong>de</strong> l’article 19, alinéa 2, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> 77 et se référant àl’arrêt précité du Conseil d’Etat. Il était, par ailleurs, admis que la scierie setrouvait en zone agricole (à la suite d’un déménagement), ce qui rendait toutpermis d’exploiter illicite à défaut d’une modification ou d’un aménagementpréalable du plan <strong>de</strong> secteur en vue <strong>de</strong> requalifier les parcelles occupées par lascierie en zone forestière. Ces éléments <strong>de</strong> fait pouvaient donner à penser quel’action <strong>de</strong> la scierie, en référé, avait peu <strong>de</strong> chance d’aboutir, à défaut <strong>de</strong> <strong>droit</strong>évi<strong>de</strong>nt et alors même que toutes les apparences démontraient qu’elle était sans___________75. L’arrêt cite les conclusions <strong>de</strong> l’avocat général VELU, précédant Cass., 10 avril 1987, A.P.T., 1987,p. 306.76. L’arrêt cite Cass., 23 mars 1984, Pas., 1984, I, 863.77. Voy. supra, p. 146 (note 15).


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 169<strong>droit</strong> pour exploiter son industrie. La cour d’appel, <strong>de</strong> façon très pragmatique 78 ,déci<strong>de</strong> néanmoins que l’appelante établit «avoir toutes les apparences d’être dansles conditions légales pour obtenir la régularisation <strong>de</strong> sa situation et démontre quela procédure administrative pour y parvenir est en cours». La cour autorise doncl’exploitation d’une scierie alors que celle-ci est en l’état <strong>de</strong>s choses manifestementillégale, sur la base d’une apparence <strong>de</strong> <strong>droit</strong>s futurs, estimant que la balance<strong>de</strong>s intérêts «penche indubitablement en faveur <strong>de</strong> l’appelante dont la survieéconomique dépend <strong>de</strong> la levée <strong>de</strong>s scellés et <strong>de</strong> la poursuite <strong>de</strong> l’activité qui […]ne génère aucune nuisance importante pour l’environnement ou le voisinage»(Liège (1 ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042, déjà citée).Cet arrêt illustre, à mon sens, parfaitement ce que j’écrivais ailleurs il y a quelquesmois : «le juge <strong>de</strong>s référés peut tout déci<strong>de</strong>r. Il ne connaît quasi aucune limite, saufcelles qu’il veut bien s’appliquer à lui-même» 79 .C’était toutefois sans compter sur la vigilance <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong> cassation 80 qui arécemment réformé cet arrêt en rappelant les principes fondamentaux applicablesen cette matière : «Attendu que le pouvoir <strong>judiciaire</strong> est compétent tantpour prévenir les atteintes paraissant portées fautivement à un <strong>droit</strong> subjectif parl’administration, lors <strong>de</strong> l’exercice <strong>de</strong> son pouvoir discrétionnaire, que pour ymettre fin; qu’il ne peut toutefois priver l’administration <strong>de</strong> sa li<strong>be</strong>rtéd’appréciation et se substituer à elle; que cette même limite s’impose au juge<strong>de</strong>s référés».La Cour <strong>de</strong> cassation déci<strong>de</strong> ensuite : «Attendu qu’après avoir constaté que lepermis d’exploiter délivré à la défen<strong>de</strong>resse par la députation permanentecompétente avait été annulé par le Conseil d’Etat, que la défen<strong>de</strong>resse n’étaitdonc titulaire d’aucune autorisation d’exploiter et que la [Région wallonne] afait apposer <strong>de</strong>s scellés sur les établissements <strong>de</strong> la défen<strong>de</strong>resse, l’arrêt relèveque le fonctionnaire <strong>de</strong> la [Région wallonne] avait la possibilité et nonl’obligation <strong>de</strong> prendre une telle mesure et disposait, à cet égard, d’un pouvoirdiscrétionnaire; Qu’il déci<strong>de</strong> toutefois, eu égard aux particularités <strong>de</strong> l’espèce,d’ordonner la levée <strong>de</strong>s scellés et d’autoriser la défen<strong>de</strong>resse à poursuivre sesactivités; Attendu que l’arrêt ne relève par aucun <strong>de</strong> ses motifs que, dansl’exercice <strong>de</strong> son pouvoir discrétionnaire, l’autorité administrative a commis ouparu commettre une faute ou un excès <strong>de</strong> pouvoir, mais substitue son appréciationen opportunité à celle <strong>de</strong> cette autorité; Qu’ainsi, l’arrêt viole l’article 584,alinéa premier, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> et méconnaît le principe général du <strong>droit</strong>relatif à la séparation <strong>de</strong>s pouvoirs» (Cass. (1 ère ch.), 12 décembre 2003,J.L.M.B. 04/844, déjà citée).• Dans le cadre d’un marché public, une <strong>de</strong>s sociétés ayant répondu à l’appeld’offre <strong>de</strong> la Région wallonne introduit une action en référé ayant pour objetd’ordonner à la Région wallonne <strong>de</strong> ne pas prendre en considération l’offred’une autre société au motif que celle-ci ne serait pas conforme au cahier <strong>de</strong>scharges. Le juge <strong>de</strong>s référés Namur rappelle que la limite fixée au contrôle <strong>de</strong>l’action <strong>de</strong> l’administration par le pouvoir <strong>judiciaire</strong> «se trouve dans le pouvoird’appréciation <strong>de</strong> l’administration : le juge <strong>de</strong>s référés ne peut substituer son___________78. Après avoir estimé, pour diverses raison, que l’interdiction d’exploiter ne résultait que <strong>de</strong> problèmesadministratifs indépendants <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> l’appelante et que, toujours selon la cour, l’exploitationillicite, qui avait néanmoins perduré <strong>de</strong> 1994 à 1998, ne causait en réalité aucun dommage àl’environnement et que peu <strong>de</strong> nuisances au voisinage.79. "Le référé <strong>judiciaire</strong> : principes et questions <strong>de</strong> procédure", op. cit., p. 64.80. L’efficacité <strong>de</strong> cette vigilance, pour les parties à la cause, se trouve néanmoins fortement amoindrie parles délais <strong>de</strong> procédure en cassation. En effet, il faudra attendre plus <strong>de</strong> trois ans et <strong>de</strong>mi avant que laCour <strong>de</strong> cassation casse l’arrêt <strong>de</strong> la cour d’appel <strong>de</strong> Liège.


170 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESappréciation à celle <strong>de</strong> l’autorité administrative; il se cantonnera au contrôlemarginal <strong>de</strong> l’appréciation émise par l’administration et ne pourra la censurerqu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation 81 ». Le juge <strong>de</strong>s référés constateensuite que «dans la mesure où, en l’espèce, la Région wallonne n’a pas encorepris position quant à la validité <strong>de</strong> l’offre déposée par la société […], iln’appartient pas au juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> se substituer à son appréciation, quel’autorité administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire ou non, au risque<strong>de</strong> violer nos principes constitutionnels <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong>s pouvoirs». Enconséquence, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> est irrecevable (Civ. Namur (réf.), 12 juillet 2004,J.L.M.B. 04/1010, déjà citée).• Le même juge, <strong>de</strong>ux jours plus tard déci<strong>de</strong>, par contre, que «le pouvoir<strong>judiciaire</strong> peut, sans attenter à la séparation constitutionnelle <strong>de</strong>s pouvoirs, faireinjonction à l’administration, lorsque celle-ci semble porter fautivement atteinteà un <strong>droit</strong> subjectif, c’est-à-dire lorsqu’elle reste en défaut <strong>de</strong> mettreconcrètement en œuvre une compétence que lui attribue la loi, sans qu’ellepuisse exercer un quelconque pouvoir d’appréciation en opportunité». C’est surcette base que le juge <strong>de</strong>s référés condamne l’Etat <strong>be</strong>lge à faire admettre le<strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur au sein <strong>de</strong> l’établissement <strong>de</strong> défense sociale désigné par lacommission <strong>de</strong> dispense sociale alors que le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur était laissé parl’administration en détention en milieu carcéral ordinaire (Civ. Namur (8 e ch.réf.), 14 juillet 2004, J.L.M.B. 04/719).• Saisi d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> introduite par l’agence locale pour l’emploi <strong>de</strong> Namur àl’encontre <strong>de</strong> l’Office national <strong>de</strong> l’emploi, visant à obtenir à titre principal lacondamnation <strong>de</strong> l’O.N.Em. à détacher les agents près <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse afind’obtenir sept équivalents temps plein, le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> travail <strong>de</strong>Namur, après avoir estimé «que l’on ne peut raisonnablement prétendre que la<strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse se trouve actuellement dans une situation telle que seule unedécision immédiate doive intervenir pour la prémunir d’un préjudice d’unecertaine gravité, voire d’inconvénients sérieux», a décidé «qu’il n’appartient pasau juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> se substituer aux autorités administratives pour juger <strong>de</strong> lafaçon dont celles-ci organisent un service public, particulièrement lorsque rienn’établit que les mesures qu’elles prennent pour faire face aux difficultésqu’elles rencontrent seraient inefficaces ou inappropriées 82 » (Trib. trav. Namur(réf.), 6 octobre 2003, J.L.M.B. 03/955).2.- Analyse <strong>de</strong> l’objet réel du recours• Un ressortissant étranger, qui s’était vu refuser sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’autorisation <strong>de</strong>séjour provisoire en Belgique en qualité d’étudiant, a introduit un recours enrévision contre cette décision <strong>de</strong>vant l’autorité administrative compétente.Souhaitant pouvoir suivre les cours <strong>de</strong> l’Ecole supérieure <strong>de</strong> gestion et <strong>de</strong>communication débutant en janvier 2004 et restant sans nouvelles <strong>de</strong> son recoursen révision, il introduit en novembre 2003 une action en référé visant à cequ’il soit fait injonction à l’Etat <strong>be</strong>lge <strong>de</strong> réunir la commission consultative <strong>de</strong>sétrangers, <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à un nouvel examen <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’autorisation <strong>de</strong>séjour et <strong>de</strong> statuer sur celle-ci pour le 16 janvier 2004 au plus tard.Devant le juge <strong>de</strong>s référés, l’Etat <strong>be</strong>lge soulève l’inexistence d’un <strong>droit</strong> subjectifdans le chef du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur.___________81. La décision cite PH. LEVERT, "L’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dans le <strong>droit</strong> administratif", op. cit., p.307.82. La décision cite Civ. Liège (réf.), 20 juin 2002, cette revue, 2002, p. 1197.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 171Le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Bruxelles rappelle que «la répartition <strong>de</strong>s compétencesrespectives du Conseil d’Etat et du juge <strong>de</strong>s référés doit s’opérer à la lueur ducritère <strong>de</strong> l’objet véritable du recours. Que le juge <strong>de</strong>s référés reste ainsi compétentpour connaître la légalité d’un acte administratif quand il apparaît quel’objet réel 83 <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> met en cause un <strong>droit</strong> subjectif civil dont le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urserait titulaire et non pas la seule légalité <strong>de</strong> l’acte» 84 .Faisant application <strong>de</strong> ces critères, le juge déci<strong>de</strong> «qu’en l’espèce, l’Etat <strong>be</strong>lgeestime à juste titre que l’éventuel <strong>droit</strong> subjectif du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur ne serait pas le<strong>droit</strong> à l’enseignement – en tant que tel non contesté – mais le <strong>droit</strong> au séjourcomme étudiant, qui constituerait l’objet réel du recours; que le <strong>droit</strong> àl’enseignement en Belgique ne peut en effet être concrétisé que par le biaisd’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’autorisation <strong>de</strong> séjour; que cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> a été instruite sur labase <strong>de</strong>s articles 9 et 13 <strong>de</strong> la loi du 15 décembre 1980 qui consacre la mise enœuvre du pouvoir discrétionnaire <strong>de</strong> l’autorité compétente; que le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur nedispose pas, en outre, d’un <strong>droit</strong> subjectif au séjour dès lors qu’aucune règle <strong>de</strong><strong>droit</strong> ne lui attribue le pouvoir d’exiger <strong>de</strong> l’autorité un comportement déterminé»(Civ. Bruxelles (réf.), 23 janvier 2004, J.L.M.B. 04/1018).• Plusieurs quincailleries <strong>de</strong> la région namuroise avaient introduit une action<strong>de</strong>vant le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur dans le but qu’il soit fait interdiction à lasociété Leroy-Merlin <strong>de</strong> poursuivre l’exécution <strong>de</strong> travaux entrepris en exécutiond’un permis d’urbanisme et d’un permis d’implantation commerciale et ce,jusqu’à ce qu’il soit statué par le Conseil d’Etat sur la requête en annulationintroduite contre lesdits permis. La ville <strong>de</strong> Namur et l’Etat <strong>be</strong>lge contestaientle pouvoir <strong>de</strong> juridiction du juge <strong>de</strong>s référés, estimant que cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> relevait<strong>de</strong>s juridictions administratives. Dans son ordonnance du 6 décembre 2002, leprési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Namur précise «qu’en créant leréféré administratif, le législateur a voulu conférer au Conseil d’Etat une compétence<strong>de</strong> suspension sans concurrence dans le cadre du recours pour excès <strong>de</strong>pouvoir dès lors qu’il s’entend que le recours en annulation prévu à l’article 14,alinéa premier, <strong>de</strong>s lois coordonnées sur le Conseil d’Etat, ne tend pas au rétablissementd’un particulier dans ses <strong>droit</strong>s mais au rétablissement <strong>de</strong> la légalité,autrement dit du <strong>droit</strong> objectif; que pour que le juge <strong>judiciaire</strong> <strong>de</strong>s référés puisseintervenir en matière administrative et qu’il puisse se déclarer compétent, il fautque la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> porte sur une contestation qui a pour objet véritable et direct un<strong>droit</strong> civil ou un <strong>droit</strong> politique qui n’a pas été soustrait par la loi au pouvoir<strong>judiciaire</strong> […]; qu’ainsi, le juge <strong>de</strong>s référés, qu’il soit <strong>judiciaire</strong> ou administratif,doit se poser la question <strong>de</strong> savoir s'il est saisi d’un contentieux objectif ou d’uncontentieux subjectif et rechercher l’objet réel <strong>de</strong> l’action portée <strong>de</strong>vant lui pourdéterminer si elle tom<strong>be</strong> ou non dans les limites <strong>de</strong> sa compétence».Après avoir rappelé ces principes, le juge <strong>de</strong>s référés relève que les parties<strong>de</strong>man<strong>de</strong>resses préten<strong>de</strong>nt «que les travaux réalisés sont <strong>de</strong> nature à leur causerun préjudice important puisqu’ils sont liés à la réalisation d’une importantesurface commerciale qui entrera en concurrence directe avec leurs activitéspropre». Le juge <strong>de</strong>s référés relève toutefois que «toute l’argumentation <strong>de</strong>sparties <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resses s’articule en fait mais également en <strong>droit</strong> autour <strong>de</strong> [la]prétendue illégalité qui entacherait le permis d’implantation commercialedélivré par le comité interministériel pour la distribution […]; que la citationintroductive d’instance laisse clairement apparaître qu’en réalité les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ressescritiquent les actes administratifs prétendument entachés d’illégalité; […]que l’objet principal du litige est d’obtenir la suspension <strong>de</strong> l’exécution du___________83. Souligné dans la décision.84. La décision cite PH. LEVERT, "L’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dans le <strong>droit</strong> administratif", op. cit., p.377.


172 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESpermis d’urbanisme du 13 novembre 2001 et du permis d’exploitation du 4 juin2002 en critiquant les travaux préalables à l’exercice <strong>de</strong> l’activité commercialelitigieuse; qu’en conséquence, il est patent qu’il ne s’agit pas pour les parties<strong>de</strong>man<strong>de</strong>resses <strong>de</strong> faire cesser la violation d’un quelconque <strong>droit</strong> subjectifpuisqu’elles se bornent à prétendre sans aucune justification que les travauxréalisés sont <strong>de</strong> nature à leur causer un préjudice important en ce qu’ils sont liésà la réalisation d’une importante surface commerciale qui ne manquera pasd’entrer en concurrence directe avec les activités qu’elles exercent; attendu queles parties <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resses doivent, pour que leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> puisse s’inscrire dansla sphère <strong>de</strong> juridiction du juge <strong>judiciaire</strong> <strong>de</strong>s référés, justifier <strong>de</strong> manièrecrédible <strong>de</strong> l’existence dans leur chef d’une raisonnable prétention à la protectiond’un <strong>droit</strong> subjectif qui serait lésé par le fait même <strong>de</strong> l’illégalité <strong>de</strong> l’acteadministratif qu’elles invoquent». Le juge <strong>de</strong>s référés en conclut que «l’enjeuvéritable <strong>de</strong> la présente action est la critique d’illégalité <strong>de</strong> l’acte administratifque constitue la décision du 4 juin 2002 du comité interministériel <strong>de</strong> distributionaccordant le permis d’exploitation à la société Leroy-Merlin; qu’il s’agitd’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui relève essentiellement et même exclusivement du contentieuxobjectif et non <strong>de</strong> celui <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s subjectifs» (Civ. Namur (8 e ch. réf.), 6décembre 2002, J.L.M.B. 03/297).• Par une ordonnance du 31 juillet 2001, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur est appeléà préciser l’objet réel <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> introduite <strong>de</strong>vant lui. Celle-ci visait à cequ’il soit «interdit à la partie défen<strong>de</strong>resse [la Région wallonne] <strong>de</strong> maintenir ladécision <strong>de</strong> suspension d’agrément <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> repos «Le tchaurniaseniories», décidé le 17 avril 2001, en attendant que le gouvernement (<strong>de</strong> laRégion wallonne) ait statué sur le recours porté <strong>de</strong>vant lui par la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resseet que le Conseil d’Etat se soit prononcé sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en suspension qui serapportait <strong>de</strong>vant lui contre la décision du gouvernement, si celui-ci n’accueillaitpas le recours porté <strong>de</strong>vant lui». Face à cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, le juge <strong>de</strong>s référésconstate que «au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> son li<strong>be</strong>llé complet, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui, à première vue,semble pouvoir être assimilée à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> relevant d’un contentieux objectifpour lequel seul le Conseil d’Etat aurait juridiction, s’analyse en réalité en unréféré-provision, puisqu'aussi bien ce qui est l’objet véritable <strong>de</strong> la présenteaction est le paiement d’une somme représentant <strong>de</strong>s subsi<strong>de</strong>s dont ladéfen<strong>de</strong>resse a interrompu le versement du 17 avril au 30 juin 2001, suite à unedécision <strong>de</strong> suspension <strong>de</strong> l’agrément accordé à la partie <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse, laditedécision étant arguée d’illégalité par la même <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse» (Civ. Namur(réf.), 31 juillet 2001, J.L.M.B. 01/745, déjà citée).• Le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Bruxelles a été saisi d’une action introduite par unesociété exploitant un établissement <strong>de</strong> jeux <strong>de</strong> hasard. La Commission <strong>de</strong>s jeux<strong>de</strong> hasard avait, par décision du 27 juin 2001, refusé <strong>de</strong> délivrer à la<strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse la licence <strong>de</strong> classe B nécessaire à l’exploitation d’unétablissement <strong>de</strong> jeux <strong>de</strong> hasard en raison <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> convention conclueavec la commune du lieu d’exploitation <strong>de</strong> l’établissement. Cette décision avaitété notifiée à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse en référé le 10 juillet 2001 et celle-ci, par courrierdu 25 juillet 2001, avait sollicité auprès <strong>de</strong> la Commission le retrait <strong>de</strong> sadécision. Restant sans réponse <strong>de</strong> la Commission, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse avait saisi leConseil d’Etat, le 22 août 2001, d’un recours en suspension et en annulation <strong>de</strong>la décision <strong>de</strong> la Commission <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> hasard du 27 juin 2001. La<strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse était décidée à introduire une action en référé au motif que ladécision <strong>de</strong> la Commission <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> hasard avait pour effet que la<strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse avait trois mois pour mettre fin à l’exploitation <strong>de</strong> sonétablissement à dater <strong>de</strong> la notification <strong>de</strong> la décision et que le Conseil d’Etatn’avait toujours pas pris <strong>de</strong> décision sur le recours en suspension malgrél’imminence <strong>de</strong> l’expiration <strong>de</strong> ce délai.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 173En référé, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse invoquait «son <strong>droit</strong> subjectif <strong>de</strong> poursuivre sonunique activité commerciale, <strong>droit</strong> qui serait protégé par la li<strong>be</strong>rté du commerceet <strong>de</strong> l’industrie». Le juge <strong>de</strong>s référés va rejeter la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au motif que «c’est àtort que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse croit pouvoir invoquer, pour justifier sa saisie du juge<strong>de</strong>s référés, l’atteinte portée à <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s subjectifs tels la li<strong>be</strong>rté <strong>de</strong> commerce etd’industrie et le préjudice grave et difficilement réparable qu’elle subirait en cas<strong>de</strong> fermeture. D’une part, l’existence d’un préjudice n’entraîne pasnécessairement l’existence d’un <strong>droit</strong> subjectif. D’autre part, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse nepeut invoquer la li<strong>be</strong>rté <strong>de</strong> commerce et d’industrie alors que l’activité qu’elleexerce est justement réglementée <strong>de</strong> façon très stricte et n’est absolument pascaractérisée par le principe <strong>de</strong> la li<strong>be</strong>rté. Le principe <strong>de</strong> la loi sur le jeu <strong>de</strong> hasard[…] est, en effet, l’interdiction d’exploiter sauf licence écrite préalablementoctroyée par la Commission <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> hasard. L’octroi d’une telle licencerelève du pouvoir discrétionnaire <strong>de</strong> la Commission. En attaquant la décision <strong>de</strong>refus <strong>de</strong> licence <strong>de</strong>vant le Conseil d’Etat, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse ne poursuitaucunement le rétablissement ou la reconnaissance d’un <strong>droit</strong> subjectif, maisuniquement le rétablissement <strong>de</strong> la légalité, en faisant valoir un intérêt (pas un<strong>droit</strong>) légitime puisque l’acte attaqué lui porte préjudice. L’objet véritable <strong>de</strong> laprésente action est exactement le même, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse n’ayant pas davantagele <strong>droit</strong> subjectif à faire valoir <strong>de</strong>vant le juge <strong>de</strong>s référés qu’elle n’en a <strong>de</strong>vant leConseil d’Etat. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ne relève dès lors pas <strong>de</strong> la juridiction du juge <strong>de</strong>sréférés».Outre ces considérations quant à l’objet réel du recours, le juge <strong>de</strong>s référésconstate, par ailleurs, que «la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse a assigné en référé après avoir saisile Conseil d’Etat <strong>de</strong> son recours en annulation et en suspension contre ladécision <strong>de</strong> la Commission <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> hasard, uniquement <strong>de</strong>vant le constat quela procédure <strong>de</strong>vant le Conseil d’Etat n’allait pas assez vite. Elle souhaite àl’évi<strong>de</strong>nce obtenir par un référé <strong>judiciaire</strong>, une mesure provisoire à la mesureprovisoire <strong>de</strong> suspension sollicitée <strong>de</strong>vant le Conseil d’Etat. Elle entendd’ailleurs voir limiter les effets <strong>de</strong> l’ordonnance à intervenir à l’issue <strong>de</strong> laprocédure <strong>de</strong> suspension <strong>de</strong>vant le Conseil d’Etat». Face à cette situation, lejuge <strong>de</strong>s référés relève à juste titre que «nonobstant l’existence dans certains cas<strong>de</strong> compétence parallèle, la procédure <strong>de</strong> référé <strong>judiciaire</strong> ne peut, en aucun cas,se transformer en une sorte <strong>de</strong> «super-référé» du Conseil d’Etat. Le législateur ad’ailleurs prévu, en cas d’extrême urgence, un recours spécifique en suspensiond’extrême urgence <strong>de</strong>vant le Conseil d’Etat, que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse n’a pas crubon d’utiliser, alors que cette procédure aurait parfaitement pu lui apporter leremè<strong>de</strong> poursuivi actuellement» (Civ. Bruxelles (réf.), 2 novembre 2001,J.L.M.B. 01/1052, déjà citée).• Dans un litige opposant <strong>de</strong>ux adjudicataires à un bail <strong>de</strong> chasse, l’adjudicataireévincé avait introduit une action en référé en vue d’obtenir notamment qu’il soitfait «défense à l’adjudicataire sortant 85 <strong>de</strong> pénétrer sur le territoire <strong>de</strong> […] et d’ypratiquer la chasse». La partie défen<strong>de</strong>resse contestait la «compétence <strong>de</strong>sjuridictions <strong>judiciaire</strong>s à connaître d’un contentieux dont le juge naturel serait leConseil d’Etat». Le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur constate «qu’en l’espèce [le<strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur] invoque la violation <strong>de</strong> son <strong>droit</strong> subjectif et être déclaré adjudicatairedu bail <strong>de</strong> chasse, conformément aux dispositions du cahier <strong>de</strong>s charges <strong>de</strong>la Région wallonne». Le juge estime toutefois «que l’article 3 du cahier général<strong>de</strong>s charges ne confère aucun pouvoir discrétionnaire au pouvoir adjudicatairelorsqu’il s’agit <strong>de</strong> constater qui a émis l’offre la plus élevée; qu’il n’est discutépar personne que l’offre [du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur] était la plus élevée; attendu qu’enconséquence [le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur] justifie à suffisance l’existence d’un <strong>droit</strong> subjectif___________85. Qui avait obtenu le renouvellement <strong>de</strong> son bail.


174 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESqui fon<strong>de</strong> la compétence <strong>de</strong>s juridictions <strong>judiciaire</strong>s […]» (Civ. Namur (8 e ch.réf.), 19 septembre 2003, J.L.M.B. 03/956).3. Absence <strong>de</strong> juridiction du juge <strong>de</strong>s référés etdétermination <strong>de</strong> la compétence du juge <strong>judiciaire</strong> enfonction <strong>de</strong> l’objet <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tel que li<strong>be</strong>llé dans l’acteintroductif d’instanceLa théorie <strong>de</strong> la détermination <strong>de</strong> l’objet réel <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> permet <strong>de</strong> régler lesconflits d’attribution entre les juridictions administratives et <strong>judiciaire</strong>s. Il nes’agit donc pas d’un problème <strong>de</strong> compétence stricto sensu (détermination dutribunal compétent au sein <strong>de</strong>s juridictions <strong>de</strong> l’ordre <strong>judiciaire</strong>) mais bien d’unproblème <strong>de</strong> juridiction. Les règles propres aux conflits <strong>de</strong> compétence (articles639 et 640 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>) ne sont donc pas d’application en cette matière.• «Il convient <strong>de</strong> souligner que si l’objet réel ne vise pas la protection d’un <strong>droit</strong>du subjectif, il ne convient pas <strong>de</strong> soulever une exception d’incompétence dujuge <strong>de</strong>s référés mais bien d’invoquer l’absence <strong>de</strong> juridiction du juge saisi»(Civ. Bruxelles (réf.), 2 novembre 2001, J.L.M.B. 01/1052, déjà citée).Ce principe étant rappelé, il me semble néanmoins qu’on ne peut pas exclured’autorité en ce domaine l’application d’une règle propre à la compétence <strong>de</strong>sjuridictions <strong>de</strong> l’ordre <strong>judiciaire</strong> selon laquelle la compétence du juge estdéterminée en fonction <strong>de</strong> l’objet <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tel qu’il est li<strong>be</strong>llé dans l’acteintroductif d’instance. Cette règle, unanimement admise lorsqu’il s’agit <strong>de</strong>l’urgence, trouve à s’appliquer en toute matière. Ainsi, à mon sens, si une partieinvoque expressément en citation, <strong>de</strong>vant le juge <strong>de</strong>s référés, la violation d’un<strong>de</strong> ses <strong>droit</strong>s subjectifs par l’administration, il me semble que le juge <strong>de</strong>s référésest définitivement compétent pour connaître <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et ne pourra doncplus se déclarer sans juridiction. Dans ce cas, à mon sens, s’il constate à la suite<strong>de</strong> l’instruction <strong>de</strong> la cause que contrairement à ce que le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur affirmaiten citation l’objet réel et principal <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> est la contestation d’un acte oud’un règlement relevant du contentieux objectif, le juge <strong>de</strong>s référés, quoiquecompétent pour connaître <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, ne pourra que déclarer celle-ci nonfondée.• Le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Namur défend une positiondifférente dans une ordonnance du 12 juillet 2004. En l’espèce, les partiesdéfen<strong>de</strong>resses contestaient la compétence <strong>de</strong>s juridictions <strong>judiciaire</strong>s pourconnaître du litige «dans la mesure où les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resses n’ont pas indiqué dansleur acte introductif d’instance en quoi consistait le <strong>droit</strong> subjectif dont ellesentendaient se prévaloir afin <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r la compétence <strong>de</strong> la juridiction <strong>de</strong>sréférés». A cette argumentation le juge <strong>de</strong>s référés répond que «la compétenced’une juridiction <strong>judiciaire</strong> s’apprécie, <strong>de</strong> manière générale, au moment <strong>de</strong>l’introduction <strong>de</strong> l’instance, au regard <strong>de</strong> l’objet <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tel que li<strong>be</strong>llédans l’acte introductif, aucune disposition du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> ne règle l’épineusequestion <strong>de</strong> la procédure à appliquer en ce qui concerne les conflits d’attributionentre les juridictions administratives et <strong>judiciaire</strong>s. L’article 639, alinéa 5, duco<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> interdit simplement au tribunal d’arrondissement <strong>de</strong> connaîtred’un conflit relatif au pouvoir <strong>de</strong> juridiction <strong>de</strong>s cours et tribunaux. Face à cevi<strong>de</strong> législatif, la doctrine et la jurispru<strong>de</strong>nce ont considéré qu’il convenait <strong>de</strong>résoudre un conflit d’attribution en qualifiant l’objet réel <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> parrapport aux règles fondamentales <strong>de</strong> compétence fixées par la Constitution 86 . Ilest, dès lors, indifférent que l’acte introductif contienne ou non <strong>de</strong>s___________86. L’ordonnance cite les conclusions du procureur général VELU précédant Cass., 10 avril 1987, A.P.T.,1987, p. 280 et suivantes.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 175développements quant au caractère avéré d’une contestation relative à un <strong>droit</strong>subjectif à partir du moment où une telle contestation peut se déduire <strong>de</strong> l’objetréel du litige» (Civ. Namur (réf.), 12 juillet 2004, J.L.M.B. 04/1010, déjà citée).4. Effets d’un arrêt du Conseil d’Etat rendu au contentieux<strong>de</strong> la suspension sur le juge <strong>de</strong>s référés• Le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur a eu à connaître d’un litige opposant <strong>de</strong>sparticuliers à la Région wallonne concernant le rachat par cette <strong>de</strong>rnière <strong>de</strong>l’immeuble appartenant au <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur situé dans «la zone A étendue établie àproximité <strong>de</strong> l’aéroport <strong>de</strong> Bierset». Les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs produisaient aux débatsune promesse unilatérale d’achat <strong>de</strong> leur immeuble intervenue entre eux et laRégion wallonne ainsi que les actes <strong>de</strong> levées d’options <strong>de</strong> l’achat promis,signés par les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs le 22 juin 2001.L’action en référé visait à obtenir la condamnation <strong>de</strong> la Région wallonne àpayer à titre <strong>de</strong> provision la somme <strong>de</strong> 9.900.000 francs, somme représentant leprix auquel la Région wallonne s’était engagée à leur racheter leur immeuble.Les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs avaient introduit leur action en référé-provision dès lors que laRégion wallonne refusait <strong>de</strong> s’exécuter alors même que les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs étaient<strong>de</strong> leur côté engagés à racheter à <strong>de</strong>s tiers un autre immeuble à un prixéquivalent. La Région wallonne refusait <strong>de</strong> passer l’acte <strong>de</strong> rachat <strong>de</strong>l’immeuble à la suite d’un arrêt rendu par le Conseil d’Etat, le 10 août 2001,suspendant l’exécution <strong>de</strong> l’arrêté du gouvernement wallon du 19 octobre 2000délimitant la première zone du plan d’exposition au bruit <strong>de</strong> l’aéroport <strong>de</strong>Bierset (zone A), arrêté qui disposait en son article 3 : «Il est interdit augouvernement <strong>de</strong> la Région wallonne <strong>de</strong> poursuivre les procédures <strong>de</strong> promesses<strong>de</strong> ventes et d’achats, par lui-même ou par l’entremise d’une toute autrepersonne et ce, sous peine d’une astreinte <strong>de</strong> 3.000.000 francs par acte translatif<strong>de</strong> propriété ayant entraîné la perception en tout ou en partie du prixd’acquisition, que ledit acte soit établi sous seing privé ou en formeauthentique».Le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur relève dans un premier temps «qu’il n’est contestépar aucune <strong>de</strong>s parties aux débats que dès [le 22 juin 2001] les obligations <strong>de</strong>caractère civil entre, d’une part, la Région wallonne […] et, d’autre part, [les<strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs] se sont consolidées en manière telle que la vente est, dès alors,parfaite et en mesure <strong>de</strong> sortir tous ses effets, sous réserve <strong>de</strong>s modalitéspratiques qui ont pu être convenues, tant en ce qui concerne la passation <strong>de</strong>l’acte authentique que relativement au transfert effectif <strong>de</strong> propriété». Ce constatétant fait, le juge <strong>de</strong>s référés estime que «l’arrêt <strong>de</strong> suspension prononcé enréféré par le Conseil d’Etat le 10 août 2001, à le supposer opposable ergaomnes, ne produit, en tout état <strong>de</strong> cause, ses effets que «ex nunc», c’est-à-direpostérieurement à sa prononciation et non rétroactivement; qu’il s’ensuit que leseffets <strong>de</strong> <strong>droit</strong> civil nés <strong>de</strong> conventions souscrites le 22 juin 2001 ont commencéà se produire entre parties antérieurement à la prononciation <strong>de</strong> l’arrêt <strong>de</strong>suspension du Conseil d’Etat; que l’on voit mal dans quelle mesure cet arrêt, nepouvant par définition se prononcer que dans le contexte et la perspective d’uncontentieux <strong>de</strong> type objectif, pourrait venir pertur<strong>be</strong>r le cours normal <strong>de</strong>s effetsobligationnels d’une convention purement civile, entièrement parfaite et, aureste non contestée ni dans son existence ni dans sa légalité et ce, d’autant que,en l’espèce, les [<strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs] n’ont été, en aucune façon, impliqués dans laprocédure <strong>de</strong>vant le Conseil d’Etat» (Civ. Namur (8 e ch. réf.), 18 septembre2001, J.L.M.B. 01/830).


176 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESV. Mesures diverses1. Référé et expertise• Le maître <strong>de</strong> l’ouvrage assigne en référé l’entrepreneur en vue d’obtenir lanomination d’un expert pour donner son avis sur l’origine <strong>de</strong> malfaçons.L’entrepreneur cite en intervention l’architecte, qui conteste la recevabilité <strong>de</strong> samise à la cause au motif qu’il n’a pas <strong>de</strong> lien contractuel avec l’entrepreneur. Lacour d’appel <strong>de</strong> Liège, dans un arrêt déjà cité du 3 octobre 2002 estime «qu’il estrecommandé, pour éviter d’aboutir à <strong>de</strong>s résultats incertains, voire choquants, <strong>de</strong>mettre toutes les parties concernées à la cause et <strong>de</strong> mettre les actions en interventionen état d’être jugées en même temps que l’action principale; qu’il n’est pasexclu que, même en l’absence <strong>de</strong> lien contractuel entre eux, l’entrepreneurcondamné puisse dans certains cas se retourner contre l’architecte si ce <strong>de</strong>rnier acommis une faute à son égard, la qualification à donner à semblable recours étant<strong>de</strong> la compétence du juge du fond». Et la cour ajoute : «que s’il faut éviter <strong>de</strong>contraindre une partie à suivre une mesure d’expertise lorsqu’elle est totalementétrangère à la question discutée et ne pourra certainement pas être inquiétée, iln’en va pas <strong>de</strong> même pour l’architecte dont le rôle est critiqué par un intervenantet à l’égard duquel l’expertise qui révélerait <strong>de</strong>s défaillances pourrait être uninstrument utile pour le maître d’œuvre soucieux d’être complètement in<strong>de</strong>mnisé»(Liège (7 e ch.), 3 octobre 2002, J.L.M.B. 02/1181, déjà citée).2. Référé et garanties à première <strong>de</strong>man<strong>de</strong>Le juge <strong>de</strong>s référés est fréquemment saisi <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s visant à empêcher ledéroulement normal du mécanisme <strong>de</strong> la garantie à première <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, lorsquele bénéficiaire <strong>de</strong> cette garantie entend faire valoir ses <strong>droit</strong>s auprès du garant.Le juge <strong>de</strong>s référés doit se montrer extrêmement pru<strong>de</strong>nt dans ses interventionssous peine d’enlever au mécanisme <strong>de</strong> la garantie à première <strong>de</strong>man<strong>de</strong> touteefficacité.• Le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Bruxelles a été amené à sepencher sur cette question par une ordonnance du 3 décembre 2001. En l’espècele litige opposait directement le donneur d’ordre <strong>de</strong> la garantie (lesétablissements Van Rymenant) et le bénéficiaire <strong>de</strong> la garantie (le C.H.U. Saint-Pierre), le garant (la B.B.L.) étant appelé à la cause en déclaration <strong>de</strong> jugementcommun.L’action introduite par le donneur d’ordre avait pour but d’obtenir qu’il soit faitinterdiction au bénéficiaire <strong>de</strong> la garantie <strong>de</strong> faire appel à celle-ci auprès dugarant. Le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur estimait que le juge <strong>de</strong>s référés pouvait, en l’espèce, avoirégard à l’exécution du contrat <strong>de</strong> base, nonobstant l’abstraction <strong>de</strong> la garantiedès lors que le litige opposait directement le donneur d’ordre au bénéficiaire.Pour le prési<strong>de</strong>nt du tribunal «la présence à la cause du bénéficiaire permet undébat contradictoire relativement au contrat <strong>de</strong> base (auquel la banque estétrangère et dans lequel elle n’a pas à s’immiscer), ce qui autorise le juge <strong>de</strong>sréférés à examiner les arguments développés par le donneur d’ordre 87 , sous lacondition que celui-ci démontre que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du bénéficiaire excè<strong>de</strong>manifestement l’équilibre <strong>de</strong>s intérêts mis en place par la convention 88 ; qu’iln’en <strong>de</strong>meure pas moins que l’intervention du juge dans l’exécution normaled’une garantie à première <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ne peut être admise que dans les limitesstrictes <strong>de</strong> la frau<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> l’abus manifeste, sous peine <strong>de</strong> mettre en échec___________87. En ce qui concerne le non-respect du contrat <strong>de</strong> base88. La décision cite MARTIN et D ELIERNEUX, "Les garanties bancaires autonomes", R.P.D.B., compl. VII,1990, p. 597, n° 149 et SIMON et BRUYNEEL, "Chronique <strong>de</strong> <strong>droit</strong> bancaire privé : les opérations <strong>de</strong>banque -Les garanties indépendantes (1979, 1988)", Rev. Banque, 1989, p. 528.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 177l’abstraction qui s’attache à cette forme <strong>de</strong> garantie, laquelle a été acceptée parle donneur d’ordre en connaissance <strong>de</strong> cause au moment <strong>de</strong> son émission 89 ».Dans le cas d’espèce, après une analyse minutieuse <strong>de</strong>s rapports contractuelsliant les parties, le tribunal estime que «l’appel à la garantie effectué par leC.H.U. Saint-Pierre apparaît sans aucun fon<strong>de</strong>ment au regard <strong>de</strong>s clauses ducontrat et est, par conséquent, manifestement abusif; on ne pourrait, en effet,qualifier autrement un appel à la garantie qui s’appuie sur une créancemanifestement inexistante, au regard <strong>de</strong>s termes mêmes du contrat ainsi qu’ilapparaît d’un examen sommaire puisqu’il n’est pas contesté, en fait, qu’il n’y eujamais <strong>de</strong> planning d’exécution […]» (Civ. Bruxelles (réf.), 3 décembre 2001,J.L.M.B. 03/954).• Une société <strong>de</strong> <strong>droit</strong> <strong>be</strong>lge avait conclu un contrat avec la société «Ciment duSahel» <strong>de</strong> <strong>droit</strong> sénégalais, concernant le montage d’une cimenterie au Sénégal.La société <strong>be</strong>lge avait accordé à la société sénégalaise une garantie à première<strong>de</strong>man<strong>de</strong> par l’intermédiaire <strong>de</strong> la Belgolaise. La société sénégalaise entendaitfaire appel à cette garantie dans <strong>de</strong>s conditions formellement contestées par lasociété <strong>be</strong>lge. Celle-ci a, en conséquence, introduit une action en référé, surrequête unilatérale, dont le double objet ne manque pas d’originalité.En effet, par une seule et même requête, la société <strong>be</strong>lge sollicite, d’une part,une abréviation du délai <strong>de</strong> citer afin <strong>de</strong> pouvoir introduire une procédure enréféré sans subir la prolongation du délai <strong>de</strong> citation prévue à l’article 55 duco<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> <strong>de</strong> quatre-vingt jours pour une partie adverse ayant son siègesocial au Sénégal (le délai abrégé sollicité étant <strong>de</strong> trente jours). D’autre part, larequête avait pour objet d’obtenir qu’il soit fait interdiction à la banque garante<strong>de</strong> donner une suite à l’appel à la garantie qui lui serait ou lui aurait déjà étéadressé par la société sénégalaise et ce, aussi longtemps qu’une décision rendueen référé n’aurait pas validé cet appel à la garantie.Manifestement séduit par cette façon d’agir, cumulant la mesure provisoire surrequête unilatérale avec l’introduction d’une procédure contradictoire sous lebénéfice d’une abréviation du délai <strong>de</strong> citer, le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> commerce<strong>de</strong> Liège fait <strong>droit</strong> à cette double <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. En ce qui concernel’abréviation du délai <strong>de</strong> citer, le juge considère que «l’urgence particulière <strong>de</strong> lacause et <strong>de</strong>s facilités <strong>de</strong> communication actuelles, tant <strong>de</strong>s personnes que <strong>de</strong>sécrits, imposent <strong>de</strong> réduire le délai global <strong>de</strong> quatre-vingt-<strong>de</strong>ux jours à trentejours». Le juge a toutefois invité, dans son dispositif, la requérante «à transmettrel’acte introductif d’instance par télécopieur à la S.A. Ciment du Sahel et laS.A. Banque Belgolaise, dans les trois jours <strong>de</strong> la signification <strong>de</strong> cet acte». Ence qui concerne la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> mesure provisoire jusqu’à ce qu’il soit statuédans le cadre du référé contradictoire, le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong>Liège estime que «les garanties bancaires sont vitales à l’exercice du commerceinternational. Elles ne sont toutefois pas exemptes <strong>de</strong> risques d’abus dont uneentreprise peut légitimement vouloir se prémunir en recourant à justice. Lesgaranties bancaires sont toujours susceptibles d’être exécutées dans <strong>de</strong>s délaisextrêmement brefs, ce qui, dans le cas d’espèce où le délai <strong>de</strong> la citation <strong>de</strong>trente jours restera fort long, autorise le recours à la requête unilatérale et à lamesure qui sera prise ci-après sans préjudice non seulement quant à la décisionau fond – ce qui va <strong>de</strong> soi – mais aussi quant à la décision que prendra le juge<strong>de</strong>s référés». En conséquence, le juge fait interdiction à la banque garante <strong>de</strong>___________89. La décision cite encore C. HOUSSA, "Intervention du juge et <strong>de</strong>s arbitres dans l’exécution <strong>de</strong>sgaranties", L’actualité <strong>de</strong>s garanties à première <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, Bruylant, 1998, p. 220 à 227 qui — précisel’ordonnance —, «souligne à quel point il est délicat <strong>de</strong> concilier le principe <strong>de</strong> l’abstraction <strong>de</strong> lagarantie à première <strong>de</strong>man<strong>de</strong> avec un examen, aussi sommaire soit-il, du bien-fondé <strong>de</strong> l’appel à lagarantie au regard <strong>de</strong> l’équilibre contractuel, tout en indiquant qu’il appartient au juge d’éviter quel’exécution <strong>de</strong> la garantie soit un instrument <strong>de</strong> spoliation au détriment du donneur d’ordre».


178 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESdonner suite à l’appel à la garantie «et ce, aussi longtemps qu’une ordonnanceprési<strong>de</strong>ntielle n’aura pas admis la validité dudit appel à garantie» (Comm. Liège(prés.), 6 mars 2003, J.L.M.B. 03/654).VI.- Questions <strong>de</strong> compétence1.- Plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> juridiction du prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong>première instance siégeant en référé• Je dois signaler ici une ordonnance rendue par la chambre <strong>de</strong>s référés néerlandophonedu tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Bruxelles, le 17 février 2003 (J.L.M.B.04/1019) 90 , qui écarte la notion <strong>de</strong> plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> juridiction du prési<strong>de</strong>nt du tribunal<strong>de</strong> première instance et déci<strong>de</strong> qu’un déclinatoire <strong>de</strong> compétence matérielle, enfaveur d’une compétence spéciale (mais non exclusive) du prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong>commerce est parfaitement valable et qu’il convient, en conséquence, <strong>de</strong> renvoyerla cause audit prési<strong>de</strong>nt.Cette décision, à ma connaissance isolée, doit être catégoriquement rejetée, étantmanifestement contraire au texte <strong>de</strong> l’article 584 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> qui prévoitexpressément en son premier alinéa que «le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> premièreinstance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence, en toutesmatières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir <strong>judiciaire</strong>». Alors que le<strong>de</strong>uxième alinéa précise que «le prési<strong>de</strong>nt du tribunal du travail et le prési<strong>de</strong>ntdu tribunal <strong>de</strong> commerce peuvent statuer au provisoire dans les cas dont ilsreconnaissent l'urgence, dans les matières qui sont respectivement <strong>de</strong> la compétence<strong>de</strong> ces tribunaux» 91 .• Dans un arrêt du 22 mai 2001, la septième chambre cour d’appel <strong>de</strong> Liège(J.L.M.B. 01/685, déjà citée) estime quant à elle «que bien que les contestationsrelatives aux contrats <strong>de</strong> louage <strong>de</strong> travail et à l’application <strong>de</strong>s conventionscollectives <strong>de</strong> travail soient <strong>de</strong> la compétence naturelle du tribunal du travail(article 578, 1° et 3°, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>), le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s référés civils profite <strong>de</strong>la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> juridiction reconnue au tribunal <strong>de</strong> première instance».L’affirmation est inexacte. Le tribunal <strong>de</strong> première instance bénéficie, en vertu <strong>de</strong>l’article 568 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, du principe <strong>de</strong> la prorogation <strong>de</strong> compétence. Cequi signifie qu’il est compétent en toutes matières 92 , mais que cette compétence nesubsiste que si la partie défen<strong>de</strong>resse ne soulève pas un déclinatoire <strong>de</strong> compétenceen faveur d’une juridiction d’exception qui serait spécialement compétentepour connaître du litige. Au contraire, la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> juridiction n’est reconnue,en vertu <strong>de</strong> l’article 584 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, qu’au prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> premièreinstance, siégeant en référé, qui statue «en toutes matières, sauf celles quela loi soustrait au pouvoir <strong>judiciaire</strong>». En d’autres termes, aucun déclinatoire <strong>de</strong>compétence 93 ne peut valablement être soulevé <strong>de</strong>vant le juge <strong>de</strong>s référés dutribunal <strong>de</strong> première instance.2.- Compétence résiduaire du juge <strong>de</strong>s référésFaisant l’objet d’un mandat d’arrêt international délivré par un juge d’instructionallemand, C.P., <strong>de</strong> nationalité grecque, est placé sous mandat d’arrêt provisoire envue <strong>de</strong> son extradition par un juge d’instruction bruxellois. Par arrêté ministérieldu 14 octobre 1999, son extradition vers l’Allemagne fut accordée. L’extradition___________90. Décision rédigée en néerlandais.91. J. ENGLEBERT, "Le référé <strong>judiciaire</strong> : principes et questions <strong>de</strong> procédure", op. cit., p. 51 à 53.92. Relevant <strong>de</strong> la compétence du pouvoir <strong>judiciaire</strong> et hormis celles qui relèvent directement <strong>de</strong> lacompétence <strong>de</strong>s cours d’appel ou <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong> cassation.93. Mais bien un déclinatoire <strong>de</strong> juridiction.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 179ne fut pas exécutée au motif que C.P. faisait par ailleurs l’objet d’une instruction,poursuivie à sa charge par un juge <strong>be</strong>lge et pour laquelle sa présence en Belgiqueétait considérée comme nécessaire, mais dans le cadre <strong>de</strong> laquelle aucun mandatd’arrêt n’avait été décerné. En mai 2000, C.P. assigna l’Etat <strong>be</strong>lge en référé afind’obtenir sa condamnation soit à exécuter l’arrêté ministériel d’extradition, soit àle libérer. Le premier juge fit <strong>droit</strong> à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. En appel, l’Etat <strong>be</strong>lge soulèvel’absence <strong>de</strong> pouvoir <strong>de</strong> juridiction <strong>de</strong>s cours et tribunaux <strong>de</strong> l’ordre <strong>judiciaire</strong>pour ordonner l’exécution <strong>de</strong> l’extradition ou la libération provisoire <strong>de</strong> C.P., dèslors qu’il se trouve sous écrou extraditionnel à la disposition du pouvoir exécutif.La neuvième chambre <strong>de</strong> la cour d’appel <strong>de</strong> Bruxelles, par un arrêt du 20 septembre2002 (J.L.M.B. 02/1039, déjà citée), estime que l’article 5.4 <strong>de</strong> la Conventioneuropéenne <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s <strong>de</strong> l'homme, selon lequel «toute personne privée <strong>de</strong> sali<strong>be</strong>rté par arrestation ou détention a le <strong>droit</strong> d’introduire un recours <strong>de</strong>vant lestribunaux, afin qu’il soit statué à bref délai sur la légalité <strong>de</strong> sa détention etordonne sa libération si la détention est illégale». Elle déci<strong>de</strong>, en conséquence,qu’«à défaut pour le législateur d’avoir organisé un recours spécifique ou d’avoirdésigné une juridiction spécifique pour pareil recours, le juge <strong>de</strong>s référés estcompétent pour en connaître, pour autant que les autres conditions du référé soientégalement réunies» 94 .3.- Référé et arbitrageRappelant un enseignement constant, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Bruxelles déci<strong>de</strong> que,conformément à l’article 1679, alinéa 2, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, en cas d’urgence, «<strong>de</strong>smesures conservatoires ou provisoires peuvent être <strong>de</strong>mandées au tribunal <strong>de</strong>sréférés malgré la clause d’arbitrage».En l’espèce le conflit opposait un pédiatre à un centre hospitalier qui l’employait.Le contrat <strong>de</strong> prestation <strong>de</strong> services, signé par les parties, prévoyait qu’en cas <strong>de</strong>conflit, elles s’efforceraient <strong>de</strong> se concilier à l’initiative du conseil médical et àdéfaut, le litige serait tranché par un arbitre. De façon intéressante, le juge <strong>de</strong>sréférés précise que «même si la présente <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tend à une mesured’anticipation sur le fond du litige, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> mesure provisoire, laquelle ne portera pas préjudice à la reconnaissancedéfinitive <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s <strong>de</strong>s parties au fond» (Civ. Bruxelles (réf.), 6 juin 2002,J.L.M.B. 03/696, déjà citée).4.- Référé et exécution 95L’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dans le cadre <strong>de</strong> l’exécution d’une décision<strong>judiciaire</strong> soit exécutoire par provision, soit définitive, soulève d’importantescontroverses.• La société <strong>de</strong> logements sociaux La cité mo<strong>de</strong>rne avait obtenu par jugement dutribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Bruxelles, statuant en appel et en application <strong>de</strong>l’article 751 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, un jugement d’expulsion d’une <strong>de</strong> ses locataireset <strong>de</strong> sa famille. La locataire, contestant la validité <strong>de</strong> la procédure ayantconduit au prononcé du jugement réputé contradictoire à son égard, avait introduitune opposition contre ce jugement. Parallèlement, elle a saisi le prési<strong>de</strong>ntdu tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Bruxelles en référé en vue d’obtenir lasuspension <strong>de</strong> la procédure d’expulsion, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sonopposition au fond. Le juge <strong>de</strong>s référés va rejeter cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au motif que«il n’appartient pas au juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> revenir au provisoire sur les termes___________94. En ce sens, Civ. Bruxelles (réf.) (néerl.), 15 février 2002, J.L.M.B. 02/1108.95. Voy. sur cette question S. BRIJS, "L’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dans l’exécution", Le référé<strong>judiciaire</strong>, p. 309 et suivantes.


180 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESd’un jugement ayant été rendu au fond. Par ailleurs, c’est au juge <strong>de</strong>vant lequell’affaire est plaidée qu’il incom<strong>be</strong> <strong>de</strong> vérifier la régularité <strong>de</strong> la procédure et nonau juge <strong>de</strong>s référés dans le cadre d’une autre procédure». On peut s’interrogersur la pertinence <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier attendu. Je ne vois pas ce qui empêcherait un juge<strong>de</strong>s référés d’anticiper sur la décision que prendrait le juge du fond s’il apparaîtdu dossier qu’apparemment la procédure antérieure (au fond) est entachéed’irrégularités.Poursuivant sa motivation le juge <strong>de</strong>s référés précise encore qu’il «ne peutdavantage interdire l’exécution d’un jugement ou y surseoir». Le caractèreabsolu et sans nuance <strong>de</strong> cet attendu me paraît également critiquable. Le juge<strong>de</strong>s référés doit pouvoir intervenir dans les cas, certes extrêmement limités, oùl’exécution fait apparaître un abus <strong>de</strong> <strong>droit</strong> manifeste 96 .Enfin, le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance relève que «l’article 1042 duco<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> stipule à cet égard que les juges d’appel ne peuvent, en aucuncas, sous peine <strong>de</strong> nullité, interdire l’exécution <strong>de</strong>s jugements ou y faire surseoir.Ce qui est interdit par l’article 1042 au juge d’appel l’est a fortiori au juge <strong>de</strong>sréférés». La justification par référence à l’article 1042 est en l’espèce contestabledès lors que la décision dont la suspension <strong>de</strong> l’exécution était <strong>de</strong>mandéeavait précisément été rendue en appel (Civ. Bruxelles (réf.), 25 novembre 2003,J.L.M.B. 04/1020).• Dans cette même affaire, la partie défen<strong>de</strong>resse contestait la compétence duprési<strong>de</strong>nt du tribunal statuant en référé pour connaître <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et estimaitque le juge compétent en matière d’exécution était le juge <strong>de</strong>s saisies, il sollicitaiten conséquence que la cause soit renvoyée <strong>de</strong>vant ce <strong>de</strong>rnier. Le tribunalrépond à juste titre que «les seules matières soustraites au prési<strong>de</strong>nt siégeant enréféré sont […] celles où le pouvoir <strong>de</strong> statuer n’appartient pas au pouvoir<strong>judiciaire</strong>» et il relève que «en vertu <strong>de</strong> l’article 569, 5°, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, letribunal <strong>de</strong> première instance connaît <strong>de</strong>s contestations élevées sur l’exécution<strong>de</strong>s jugements».Le juge saisit cette occasion pour rappeler, par ailleurs, que «l’article 1395 duco<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> invoqué par la partie défen<strong>de</strong>resse a une portée plus limitéepuisqu’il précise que toutes les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s qui ont trait aux saisies conservatoires,aux voies d’exécution et au règlement collectif <strong>de</strong> <strong>de</strong>ttes sont portées <strong>de</strong>vantle juge <strong>de</strong>s saisies. Concernant les contestations portant sur l’exécution <strong>de</strong>sjugements et arrêts autres que celles visées à l’article 1395 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, lejuge <strong>de</strong>s référés est bien le juge compétent pour les mesures provisoires en casd’urgence» 97 (Civ. Bruxelles (réf.), 25 novembre 2003, J.L.M.B. 04/1020, déjàcitée).VII.- Questions <strong>de</strong> procédure1.- Abréviation du délai <strong>de</strong> citerLe cirque Bouglione avait obtenu une abréviation du délai <strong>de</strong> citer en référé afin<strong>de</strong> pouvoir introduire une action en référé moyennant un délai <strong>de</strong> citation d’unjour contre l’association Gaia en vue qu’il soit fait interdiction à cette <strong>de</strong>rnière<strong>de</strong> poursuivre sa campagne <strong>de</strong> dénigrement qu’elle menait contre le cirqueBouglione. L’intérêt <strong>de</strong> l’abréviation du délai <strong>de</strong> citer était qu’elle permettait àBouglione <strong>de</strong> citer Gaia pour l’audience <strong>de</strong>s référés du vendredi (à défautd’abréviation la cause n’aurait pu être introduite qu’après le week-end). Tant en___________96. Voy. notamment à ce sujet les développements <strong>de</strong> S. BRIJS, « L’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dansl’exécution », op. cit., p. 318.97. La décision cite S. BRIJS, "L’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dans l’exécution", op. cit., p. 318.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 181première instance qu’en appel, Gaia considérait que l’abréviation du délai <strong>de</strong>citer ne se justifiait pas et qu’en conséquence la citation originaire était entachée<strong>de</strong> nullité. Dans un arrêt du 20 novembre 2003, la cour d’appel <strong>de</strong> Bruxellesrejette cette argumentation estimant que «à défaut d’abréviation du délai <strong>de</strong>citer, l’affaire n’aurait pu être introduite qu’après le week-end, augmentant ainsiles effets <strong>de</strong> la contre-publicité organisé par Gaia». La cour relève en outre que«la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse en tierce opposition [contre l’ordonnance abréviatrice du délai<strong>de</strong> citer] ne démontre pas qu’elle avait intérêt à contester cette abréviation <strong>de</strong>délai, qui ne pourrait résulter que dans le préjudice éventuel qu’elle aurait puavoir subi dans l’organisation <strong>de</strong> sa défense». Or, la Cour relève que «Gaia acomparu à l’audience d’introduction du 26 septembre 2003, obtenu la remise au29 septembre 2003 et a pu déposer <strong>de</strong>s conclusions et <strong>de</strong>s conclusions additionnelles».Elle a donc pu organiser correctement sa défense. A défaut d’intérêt lacour considère que «la tierce opposition n’était donc pas recevable» (Bruxelles(9 e ch.), 20 novembre 2003, J.L.M.B. 04/295, déjà citée).2.- Mise en étatC’est manifestement à tort que le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Bruxelles, déci<strong>de</strong> quel’article 747, paragraphe 2, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> «n’est pas applicable dans la procédureen référé». Rien, en effet, ne permet d’exclure l’application <strong>de</strong>s règles misesen place par la loi du 3 août 1992 à la procédure en référé 98 . Même s’il est certain,qu’en raison <strong>de</strong>s exigences <strong>de</strong> rapidité et d’efficacité propres à cette procédure, lesmodalités <strong>de</strong> son application peuvent être adaptées (notamment par la généralisation<strong>de</strong> la fixation d’un calendrier contraignant d’échange <strong>de</strong> conclusions dèsl’audience d’introduction 99 .Refusant <strong>de</strong> sanctionner le non-respect d’un délai <strong>de</strong> conclusions convenu dans lecadre d’un accord arrêté entre les parties, le juge <strong>de</strong>s référés justifie sa positioncomme suit : «Dans le cadre du référé, la mise en état <strong>de</strong>vant être menée dans <strong>de</strong>sdélais très courts, il convient <strong>de</strong> faire application <strong>de</strong> ces accords avec discernement,l’exécution <strong>de</strong> ceux-ci <strong>de</strong>vant être dominée par le seul souci <strong>de</strong> réaliser unebonne justice, et non <strong>de</strong> priver le tribunal d’éléments indispensables pour apprécierla nécessité <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> mesures urgentes et provisoires, qui, il ne faut pasl’oublier, peuvent avoir <strong>de</strong>s conséquences <strong>de</strong> fait définitives». Cette justificationne convainc pas. Certes, la mise en état <strong>de</strong> la cause poursuit le but ultimed’informer au mieux le juge amené à trancher la contestation. Mais le respect ducontradictoire cumulé au souci <strong>de</strong> garantir une mise en état rapi<strong>de</strong> exige que lesdélais contraignants pour l’échange <strong>de</strong>s conclusions soient strictement observés etsanctionnés, comme la loi le prévoit expressément, par l’écartement d’office <strong>de</strong>sconclusions tardives 100 . Le fait qu’il s’agisse <strong>de</strong> prendre en référé <strong>de</strong>s mesures quipeuvent, dans les faits, avoir <strong>de</strong>s conséquences définitives n’y change évi<strong>de</strong>mmentrien. La même sanction est applicable <strong>de</strong>vant le juge du fond qui, lui, est pourtantamené à prendre une mesure aux conséquences définitives tant en fait qu’en <strong>droit</strong>(Civ. Bruxelles (réf.), 6 juin 2002, J.L.M.B. 03/696, déjà citée).3.- Condamnation aux dépens en référéLe juge <strong>de</strong>s référés doit-il se prononcer sur les dépens ou doit-il réserver à statuersur ce point et laisser au juge du fond le soin <strong>de</strong> vi<strong>de</strong>r cette question ?___________98. En ce sens, G. DE LEVAL, "La mise en état <strong>de</strong>s causes", in Le nouveau <strong>droit</strong> <strong>judiciaire</strong> privé –commentaires, Dossier du J.T., n° 5, Larcier, 1994, p. 59 à 123, ici n° 15, p. 88.99. On notera que c’est d’ailleurs dans ce sens que va l’évolution législative. Un avant-projet <strong>de</strong> loi viseen effet à généraliser l’application <strong>de</strong> l’article 747, paragraphe 2, dès l’audience d’introduction.100. Sur ces questions, voy. notamment J. ENGLEBERT, "La mise en état <strong>de</strong>s causes", Actualités etdéveloppements récents en <strong>droit</strong> <strong>judiciaire</strong>, Larcier, Formation permanente C.U.P., vol. 70,mars 2004, p. 111 et suivantes.


182 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES• Selon la cour du travail <strong>de</strong> Liège, «il doit être admis que le juge <strong>de</strong>s référés estcompétent pour condamner aux dépens lorsqu’il épuise sa juridiction. Et ce, parceque les dépens sont afférents au <strong>droit</strong> d’action et non au <strong>droit</strong> subjectif» 101 (C. trav.Liège (10 e ch.), 1 er avril 2003, J.L.M.B. 03/673, déjà citée).• Au contraire, selon la cour d’appel <strong>de</strong> Liège, «les dépens d’une instance enréféré doivent être réservés par le juge pour être mis à charge <strong>de</strong> la partie succombanteau principal» 102 (Liège (7 e ch.), 14 janvier 2000, J.L.M.B. 00/123, déjàcitée).• Quant au juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Verviers, après avoir fait entièrement <strong>droit</strong> à la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> provisoire qui lui était adressée, il déci<strong>de</strong> sans autre explication <strong>de</strong>délaisser «à chacune <strong>de</strong>s parties ses propres dépens» (Civ. Verviers (réf.), 17 avril2003, J.L.M.B. 03/652).4.- AstreintesL’astreinte n’est évi<strong>de</strong>mment pas propre au référé. Toutefois, l’efficacité <strong>de</strong>l’exécution <strong>de</strong> décisions rendues sous le bénéfice <strong>de</strong> l’urgence et exécutoires parprovision en vertu <strong>de</strong> la loi, dépendra souvent <strong>de</strong> l’astreinte pouvant assortir lacondamnation principale. A ce titre, elle mérite que l’on y consacre quelquesdéveloppements dans ces inédits consacrés au référé.• Dans un arrêt du 8 mars 2001, la cour d’appel <strong>de</strong> Liège rappelle que «l’astreinteest un moyen <strong>de</strong> pression permettant <strong>de</strong> contraindre le débiteur d’une obligation<strong>de</strong> faire à l’exécuter promptement». La cour ajoute «qu’elle ne doit pas être uninstrument d’in<strong>de</strong>mnisation pour une inexécution qui, au moment où l’ordre estdonné, serait difficile, voire impossible, à rattraper». En l’espèce, la cour rejette la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’astreinte en précisant que la partie qui n’aura pas pu faire exécuterl’ordre <strong>de</strong> référé reste «libre <strong>de</strong> plai<strong>de</strong>r <strong>de</strong>vant la juridiction <strong>de</strong> fond <strong>de</strong> la bonneexécution <strong>de</strong>s décisions <strong>judiciaire</strong>s». Cette décision laisse perplexe. La coursemble implicitement admettre qu’il n’y a pas lieu d’assortir la condamnationprononcée par le premier juge (et confirmée en appel) d’une astreinte dès lorsqu’il n’est pratiquement quasi plus exécutable et que cela aurait pour effet <strong>de</strong>transformer l’astreinte en une in<strong>de</strong>mnité compensatoire. Ce n’est pas faux, maisl’on peut s’interroger sur le sens qu’il y a à ordonner (et pour le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur, àobtenir) en référé <strong>de</strong>s mesures inexécutables (Liège (7 e ch.), 8 mars 2001, J.L.M.B.01/596, déjà citée).• Un arrêt <strong>de</strong> la cour d’appel <strong>de</strong> Bruxelles doit retenir l’attention. En premièreinstance, le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur sollicitait du juge <strong>de</strong>s référés qu’il fasse interdiction àl’Etat <strong>be</strong>lge et à la Commission permanente <strong>de</strong> recours <strong>de</strong>s réfugiés <strong>de</strong> traiter enlangue néerlandaise le recours qu’il avait introduit <strong>de</strong>vant cette Commission, souspeine d’une astreinte d’un million <strong>de</strong> francs. Le premier juge fit <strong>droit</strong> à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.L’Etat <strong>be</strong>lge a interjeté appel tout en passant outre la décision. L’intiméconteste la recevabilité <strong>de</strong> l’appel à défaut d’intérêt dans le chef <strong>de</strong> l’Etat dès lorsqu’il n’avait pas respecté l’injonction du premier juge et qu’en conséquence laCommission avait rejeté la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> reconnaissance du statut <strong>de</strong> réfugié. Lacour d’appel considère que l’Etat conservait un intérêt à interjeter appel dès lorsqu’à cette date la Commission n’avait pas encore rendu sa décision et qu’enconséquence, pour autant que l’ordonnance du premier juge lui soit signifiée,l’Etat s’exposait au paiement d’une importante astreinte. Toutefois, poursuit lacour, «il apparaît que l’ordonnance attaquée n’a pas été signifiée à ce jour; […]qu’il paraît, dès lors, acquis à présent que l’Etat <strong>be</strong>lge ne peut encourir aucuneastreinte en l’espèce; qu’il faut admettre que, dans ces circonstances, l’Etat <strong>be</strong>lge___________101. L’arrêt cite G. DE LEVAL, "Le référé en <strong>droit</strong> <strong>judiciaire</strong> privé", Act. dr., 1992, p. 882.102. L’arrêt cite E. GUTT et A.-M. STRANART, R.C.J.B., 1974, p. 178.


JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 183n’a plus aucun intérêt à invoquer le grief que la décision attaquée lui aurait infligéeen lui adressant – fût-ce à titre précaire – ladite injonction […]; que la question<strong>de</strong> savoir si les moyens développés en ce sens par l’Etat <strong>be</strong>lge sont recevableset fondés présente actuellement un caractère purement théorique, d’autant quel’ordonnance attaquée réserve les dépens; Qu’il y a lieu <strong>de</strong> rappeler à cet égardque, dès lors qu’elles ne règlent pas les <strong>droit</strong>s <strong>de</strong>s parties, mais se bornent à réglerau provisoire une situation urgente, en ordonnant ou en interdisant, les ordonnances<strong>de</strong> référé sont dépourvues <strong>de</strong> la présomption <strong>de</strong> vérité qui constitue l’effetpositif <strong>de</strong> la chose jugée 103 ; qu’au surplus, le non-respect par l’Etat <strong>be</strong>lge <strong>de</strong>l’injonction contenue dans l’ordonnance attaquée est acquis; que la confirmationou la réformation en <strong>de</strong>gré d’appel <strong>de</strong> ladite ordonnance serait dès lors sansinci<strong>de</strong>nce sur les conséquences juridiques susceptibles d’être tirées le cas échéantpar [l’intimé], en particulier sur le plan <strong>de</strong> la responsabilité civile, <strong>de</strong> cette inexécution<strong>de</strong> l’ordonnance attaquée par l’Etat <strong>be</strong>lge; que l’appel est, en conséquence,<strong>de</strong>venu sans objet» (Bruxelles (3 e ch.), 9 mars 1999, J.L.M.B. 04/1021).• Notons encore, quoique ceci n’est pas propre au référé, que dans l’ordonnancedéjà citée du prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Bruxelles du 3décembre 2001, le juge rejette la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’astreinte pour les motifs suivants :«qu’il n’y a, toutefois, pas lieu d’accueillir la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’astreinte, n’ayant paslieu <strong>de</strong> présumer que le C.H.U. Saint-Pierre ne se conformera pas à la présentedécision». Cet attendu sous-entend implicitement qu’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’astreinte neserait valablement introduite que s'il y a <strong>de</strong>s éléments permettant <strong>de</strong> «présumer»que la partie défen<strong>de</strong>resse ne se conformera pas à l’ordre du juge (Civ. Bruxelles(réf.), 3 décembre 2001, J.L.M.B. 03/954, déjà citée).JACQUES ENGLEBERTAvocat aux barreaux <strong>de</strong> Bruxelles et <strong>de</strong> ParisNouvelle <strong>de</strong>s PalaisFaculté <strong>de</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l'U.Lg.La prescription <strong>de</strong> l'action publique en pratique18 février 2005 – <strong>de</strong> 16 h. à 19h.16.00 : Accueil et introduction, MICHEL PÂQUES, doyen <strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l'U.Lg.16.15 : Succession <strong>de</strong> lois : mo<strong>de</strong> d'emploi, FRÉDÉRIC CLOSE, conseiller à la Cour <strong>de</strong> cassation16.45 : L'article 24 du T.P.C.P.P. : l'ancien et le nouveau, OLIVIER MICHIELS, U.Lg., juge autribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Liège.17.45 : L'arrêt <strong>de</strong> la Cour d'arbitrage <strong>de</strong> janvier 2005 relatif à l'article 24 T.P.C.P.P., PIERREMONVILLE, U.Lg., avocat.18.15 : L'arrêt <strong>de</strong> la Cour d'arbitrage <strong>de</strong> janvier 2005 relatif à l'article 24 T.P.C.P.P. : etaprès ?, ANN JACOBS, U.Lg.18.40 : Prescription et délai raisonnable, ADRIEN MASSET, U.Lg., avocat.Formation permanente : 3 points.Lieu : Faculté <strong>de</strong> <strong>droit</strong> <strong>de</strong> l'U.Lg. (bâtiment B-31).Participation : 30— compte 340-0904596-12 — mention «Colloque prescription ULg».Les frais d'inscription <strong>de</strong>s magistrats sont pris en charge par le SPF Justice.Renseignements : Julie Debroux (tél. : 04.366.31.59 – fax : 04.366.45.37 – courriel :J.Debroux@ulg.ac.<strong>be</strong>).___________103. L’arrêt cite P. MARCHAL, Les référés, Larcier, 1992, n° 35, p. 68.

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